Le trajet en voiture de retour au manoir n'était rien de moins que suppliciant. Le parfum de sa compagne continuait de tourmenter les sens de Raphaël. C'était comme si elle était là dans la voiture avec eux, mais c'était impossible.
L'autre chose qui commençait à le déranger était que tous les autres hommes dans le véhicule avaient les mêmes réactions que lui. Même Damien, aussi entiché qu'il était de la serveuse, se remuait sur le siège du conducteur.
« Quelles sont les chances que tu sois entré en contact avec quatre femmes différentes aujourd'hui, toutes nos compagnes ? » demanda Dominik depuis le siège avant. Il ne se retourna pas pour regarder Raphaël, choisissant plutôt de fixer le trafic devant eux.
« Que suggères-tu ? » demanda Raphaël, haussant un sourcil, refusant de céder à ses propres inquiétudes.
« Et si nous finissions par partager une compagne... tous autant que nous sommes ? » intervint Damien, ses mains serrant le volant plus fort jusqu'à ce que le métal émette un son de protestation.
« Ce n'est pas comme si cela n'arrivait pas ces derniers temps, » admit Raphaël. « Il semble que toutes les jeunes générations soient dans des meutes familiales plus petites. »
« Ça doit avoir un rapport avec leurs compagnes étant de putains de boules de poils, » grogna Lucien. La dernière chose qu'il voulait était de partager sa compagne. Depuis qu'il était né, il avait dû partager tout avec ces types. Ils allaient partout collés les uns aux autres, ce qui était à lui était à Raphaël, et c'était simplement ainsi.
Il avait toujours voulu quelque chose... ou quelqu'un... qui n'était fait que pour lui. Quelqu'un qui ne regarderait pas son meilleur ami et ne le choisirait pas à sa place.
La climatisation dans la voiture choisit ce moment pour s'allumer, diffusant de nouveau le parfum de sa compagne.
Serait-il capable de partager la seule chose au monde que les dieux avaient déterminé être la sienne ? Et même s'il le pouvait... combien de temps faudrait-il avant que la jalousie et la colère ne prennent le dessus, gâchant sa relation avec sa compagne ?
« Ouais, je ne comprends toujours pas pourquoi les destins ont décidé d'emmerder avec ça. Les louves sont de plus en plus énervées de voir que leurs potentiels compagnons sont pris par rien de plus qu'une entrée, » soupira Damien alors qu'il s'éloignait du feu rouge devant lequel ils avaient été à l'arrêt.
« Peut-être c'est pour ça qu'elles avaient plusieurs mâles ; c'était le seul moyen de s'assurer qu'elles étaient constamment protégées, » suggéra Raphaël.
« Alors notre compagne est une espèce de proies ? » demanda Dominik, croisant le regard de Raphaël dans le rétroviseur.
« Ça change complètement la donne, » grogna l'alpha, ne ni approuvant ni désapprouvant son bêta. S'il avait peur d'avoir un humain comme compagne, cela n'était rien comparé à la terreur qu'il ressentait à l'idée d'avoir un membre d'une espèce de proies comme compagne.
« Si c'est ce que tu penses, » haussa les épaules Lucien, ses yeux fixant l'appuie-tête de Dominik.
« Et qu'est-ce que cela est censé signifier ? » grogna Raphaël, clairement mécontent de cette suggestion.
« Tu as parlé de renier ta compagne avant. Si tu ne peux pas faire face à avoir une espèce de proies comme compagne, alors peut-être devrais-tu la renier. Nous serions plus qu'heureux de lui suffire. »
« Tu la soumettrais à ce type de douleur ? Les livres disent que rejeter un lien est insupportable, comme si ton corps était déchiré pour être ensuite recollé avec quelque chose manquant, » grogna Dominik tandis que Raphaël restait silencieux.
« Peu importe, » intervint Damien alors qu'il s'arrêtait devant un ensemble de portails de sécurité argentés. « Jusqu'à ce que nous la rencontrions en personne, rien de tout cela n'a d'importance. »
Un membre de la meute sortit de la maison du gardien et s'approcha de la fenêtre de Damien. « Bienvenue à la maison, Monsieur, » grogna le gardien, se mettant au garde-à-vous et inclinant légèrement la tête pour montrer son cou en soumission au mâle plus fort.
« Merci. Y a-t-il quelque chose que nous devrions savoir ? » demanda Damien.
« Rien, Monsieur. Tout est comme vous l'avez laissé. Il n'y a pas eu de visiteurs, et aucun colis n'a été déposé. »
« Excellent, bon travail, » loua Damien alors que le gardien inclina la tête et retourna à la maison du gardien et que les portails s'ouvraient.
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Raphaël se tenait devant la grande baie vitrée de sa chambre, regardant le paysage devant lui. Le soleil avait disparu, et la forêt autour de son manoir était presque noire. Les seules sources de lumière étaient les lumières le long de l'allée et le croissant de lune au-dessus de sa tête.
« Compagne, » grogna son loup, faisant les cent pas dans sa tête. « Compagne est proche. »
« Nous sommes déjà passés par là. Notre compagne ne peut pas être proche, et il n'y a que la meute dans la maison, » soupira Raphaël en se frottant l'arête du nez, contrarié. Son loup se comportait comme s'il ne voulait pas la trouver, mais ce n'était pas la vérité.
Cependant, il n'avait aucune idée par où même commencer la recherche. Il n'avait pas de description à part son parfum ; il n'avait ni prénom ni nom de famille ; il n'avait même pas un âge approximatif.
Il savait seulement avec certitude qu'elle n'était pas une des changeurs de forme qu'il avait déjà rencontrés.
Il ne pouvait même pas déterminer son animal.
Bref, il n'avait aucune piste.
Il fourra ses mains dans les poches de sa veste et poussa un profond soupir.
Soudain, il se figea.
Il y avait quelque chose de doux dans sa poche gauche… et de poilu ?
Raphaël cligna rapidement des yeux et retira lentement sa main. La portant à son nez, il prit une profonde inspiration.
Putain, mais qu'est-ce que c'est ?
« COMPAGNE ! » hurla son loup si fort que Raphaël craignait que tout le monde puisse l'entendre.
Tremblant, essayant de supprimer sa panique initiale à l'idée qu'il aurait pu la blesser lorsqu'il l'avait touchée pour la première fois, il remit sa main dans sa poche. Poussant sa main contre le tissu contre son corps, il déplaça doucement sa main jusqu'à ce qu'il puisse sentir quelque chose rouler dedans.
Retenant son souffle, il ferma lentement ses doigts autour de la créature incroyablement petite et retira sa main.
La créature n'avait pas bougé un muscle depuis qu'il l'avait saisie, renforçant sa peur qu'il lui avait peut-être fait mal la première fois.
Mais les fates ne seraient pas si cruels, n'est-ce pas ? Il n'y avait aucun moyen qu'il ait accidentellement tué sa compagne avant même de la rencontrer… n'est-ce pas ?