Le duel entre le plus illustre des Zigriks et la Kozana se poursuit sous une avalanche de projectiles noirs enflammés. Grâce au peu d'énergie neutre qu'elle peut employer, Fraya essaie tant bien que mal de les éviter en courant. Bien qu'elle manque à plusieurs reprises d'être atteinte, vient le moment idéal pour tenter une percée pendant lequel elle concentre plus de forces dans ses jambes.
« Zéréyon ! »
Sa vitesse de déplacement s'en retrouve accrue. Insuffisant pour sa cible qui réplique avec un tir plus puissant que les précédents, repoussant violemment la Kiyuza. Une pause. Fraya, clairement en infériorité face à lui, se tord de douleur.
« Peu importe ce que tu as pu apprendre sur ce monde, le rêve de Sa Majesté est inéluctable. Tous tes efforts sont vains. Abandonne. »
Aucun mot ne sort de sa bouche. Elle se relève, le regard perçant, les poings serrés, prête pour une nouvelle manche. Sa stature rappellerait presque celle de Rajik sous certains aspects. Il en faut beaucoup plus pour impressionner son adversaire du moment. Trois autres flammes noires viennent briser cette insensée rébellion.Le genou droit à terre, Fraya essaie de contenir ses souffrances.
« Tu ne peux rivaliser avec moi. Tu as certes pardonné aux Shirenais mais ta faiblesse principale persiste. Tout ceci te perturbe. Jamais une énergie aussi banale que celle qui coule dans tes veines ne surpassera un élément ou un don de Sa Majesté. Abandonne ta vie. Laisse-moi exister. Les éléments ne domineront plus. Ta vengeance sera accomplie dans la foulée. Si tu me laisses accomplir mon objectif, toute autre chose viendra. Tous les êtres vivants seront unis. »
La raison qui l'avait poussé à mettre la main sur cette foutue bague lui revient à l'esprit. Pourquoi devait-elle prendre la relève ? Perpétuer un stupide héritage basé sur le sacrifice d'un homme qui n'a pas eu le cran de rayer de la surface de Faironne tout Shirenai et tout Zigrik ? Après tout, c'est aussi de sa faute si le monde tourne ainsi, n'est-ce pas ? Sa vie n'a aucune importance. Que pourrait-elle accomplir pour barrer la route à cet être dévoré par le pouvoir ? Le sentiment de puissance qui s'ancre en elle la dissuade de poursuivre. En témoigne l'effacement de son aura.
« En voilà une décision sage. Si je pouvais conserver ton âme, je t'aurais présenté à Sa Majesté. Il aurait sans doute été clément envers toi. Mais, voilà, ici comme dans ce monde, c'est la loi du plus fort qui gagne et non celle de celui possédant la plus forte détermination. Adieu, Kozana Fraya. Ravi de t'avoir rencontré. »
Une immense vague de feu noir vient l'avaler. Le changement provoqué par cet événement se fait immédiatement ressentir par Denki dans la Chambre élémentaire. Des frissons le parcourent. Ses collègues, préoccupés par tout le temps qu'il a accordé à ce corps inanimé, se tournent vers lui.
« Mais qu'est-ce qu'il fait à rester près de l'autre énergie ? insiste Hotto.
- Je l'ignore. Mieux vaut ne rien lui dire. Déjà qu'il est sous-tension depuis que Rai est là, si on ose lui dire quoique ce soit, il risque encore de nous menacer. répond Suisei
- Mais nous avons Rai, il peut le calmer. »
A peine les mots de l'ancien fondateur de Kigen prononcés que les alliés du porteur du Kirioku remarquent l'expression glaciale de son visage. Tout de suite, ils comprennent qu'il vient de percevoir quelque chose d'inaccessible pour eux. Le signal perçu par la foudre devient d'un seul coup plus net. Un son difforme. Soudain, une aura noire surgit du corps de Fraya, prenant par surprise les éléments les plus éloignés. Denki n'a point le temps de s'extirper de la masse de feu noir produite qu'il se fait entièrement avaler. Rai active immédiatement son aura et court à toute vitesse vers lui avant de lui balancer une sphère d'énergie blanche. Son intervention permet d'éloigner celui qui fut à l'origine de sa première énergie du corps de la Kozana.
« Denki ? Tout va bien ? » demande Suisei.
Pas de réponse. Les autres représentants de l'autorité suprême retiennent leur souffle. Que vient-il de se passer ? L'Hoshaku avait réussi à la neutraliser pourtant ? Leur collègue avait-il ressenti des prémices de ça ? Point le temps de tenter de trouver des explications que, tout à coup, une aura noire émerge de lui. L'élément se relève, la silhouette un peu tordue, et vise Rai.
« Qu'est-ce qu'il lui prend ?
- Ikolamar Taï ! »
Densetsu invoque deux colonnes de sable qui s'élèvent sur les flancs de son collègue manieur de foudre, le prennent alors en tenaille. Cependant, le feu noir les désintègre aussitôt. Denki charge le protégé. Hotto s'interpose.
« Hé ! On avait dit quoi par rapport à lui ? Reprends-toi tout de suite ! »
Alors que Rai venait à peine de comprendre ce qui est en train de se produire et qu'il allait en alerter les autres, le corps de Fraya se relève.
« Énergie blanche ! » crie Fumiaki avec sa vraie voix, surprenant plus particulièrement Densetsu.
C'est au tour d'Hotto d'être englobé par la masse de feu noir, malgré sa tentative pour s'en échapper. Les deux éléments encore à l'abri commencent à paniquer.
« Arrête ça ! » ordonne Rai.
Face à l'ambiance qu'il vient d'installer, le Zigrik rit aux éclats. Une explosion de jouissance qui pourrait en glacer le sang de plus d'un s'il était rester de l'autre côté de la porte cardinale. Pour Suisei, c'est comme si c'était l'Interdit en personne qui éclatait de bonheur.
« Aujourd'hui, je vais te faire payer l'humiliation aux ruines... Je vais te vaincre ! avance-t-il, la confiance au maximum.
- Pourquoi tu t'en prends à eux ? Ils n'ont rien à voir la-dedans !
- En position ! »
Sous l'ordre donné par Fumiaki, comme hypnotisés, la foudre et le feu s'alignent sagement.
« Je tiens à ne pas être gêné dans notre combat. Cette fois-ci, j'ai les ressources nécessaires. Si tu veux que je les relâche, affronte-moi. Sinon, je m'emparerai des deux derniers. Je les pousserai à détruire Faironne ainsi que tous ses habitants. L'équilibre du monde sera entre mes mains.
- Tu comptes mettre les vies d'innocents en danger juste pour une histoire de revanche ? »
A peine sa question posée que la voix qui l'a toujours harcelé revient. Gêné, il se tient la tête. Bien décidé à ne plus jamais lui obéir aveuglément.
« Je... Je refuse !
- Cette fois-ci, c'est moi qui impose les règles. »
Denki et Hotto se tournent vers leurs collègues, prêts à les attaquer à tout moment. Vu que c'est la première fois qu'une telle configuration se présente à eux, les cibles ne savent pas quoi faire. Leur situation amène une certaine tristesse chez celui qu'ils étaient en train de former.
« Occupez-vous d'eux. » leur adresse-t-il après un moment d'hésitation.
Sa phrase étonne tout le monde. Pourquoi ? C'est comme s'il les offrait en pâtures ! Qu'est- ce qu'il vient de lui passer par la tête ? Pour Rai, c'est simple. S'il ne fait rien, le Kirioku les possédera. Faironne basculera dans le chaos. Il n'a pas le choix.
« J'accepte le duel ! »
Densetsu, par déduction, comprend à l'instant où son poulain veut en venir. Ainsi, il matérialise une épée sculptée dans un marbre aussi coupant qu'un rasoir. Ses collègues possédés créent à leur tour une arme composée des énergies qu'ils incarnent.
« Suisei, je prends Denki, tu prends Hotto. Comme ça aucun désavantage élémentaire. Nous devons gagner du temps. Fais en sorte de ne pas être prise à ton tour.
- Compris. répond-elle en donnant naissance à une lame de glace.
- A l'attaque ! » ordonne Fumiaki.
Les éléments qu'il contrôle chargent. Leurs cibles, tout en prenant soin de ne pas être affectés à leur tour par l'énergie noire, dévient chaque attaque. Tâche loin d'être facile car à tout moment ce qu'ils craignent le plus peut trouver une ouverture. Il ne faut absolument pas qu'ils rejoignent les rangs du Kirioku.
« Depuis le temps que j'attendais ça... Enfin nous y sommes.
- Pourquoi t'acharnes-tu à ce point ? » demande Rai.
Le plus illustre des Zigriks se permet à un éclat de rire assez dérangeant.
« Il me semble déjà te l'avoir expliqué, non ? Nous devons nous battre. Nous sommes faits pour. Tu as accepté de porter l'un des dons de Sa Majesté. Tu dois en payer les conséquences. »
A peine sa phrase terminée, Fumiaki disparaît sous les yeux de sa proie. Étonné par cette brusque amélioration de sa vitesse de déplacement, le porteur de l'Hoshaku le cherche avec frénésie. Ses anciens réflexes de Shirenai lui permettent de stopper in extremis un direct du droit. Sur le moment, il ne comprend rien sur l'origine de ce changement brutal. Le Zigrik s'efface de nouveau. Nouvelle recherche effrénée. Soudain, un projectile de feu noir surgit derrière lui. Il l'évite au dernier moment. Occasion parfaite pour son adversaire de s'incruster dans son dos et de le menacer de le tirer en pleine tête.
« Alors ? Toujours aussi sur de soi ? J'ai cru t'avoir entendu dire que tu étais le plus fort pourtant, non ? »
Un doute immense s'incruste dans son esprit. En plus de la vitesse, sa puissance vient également de connaître une nette augmentation. Était-elle en train de bluffer à son arrivée ? Non. Elle n'était pas aussi forte. Elle doit sans doute se nourrir des éléments par ses possessions. Voilà la déduction la plus probable à la portée de Rai.
« Affronte-moi pour de vrai ! Ou sinon, les opposants à Sa Majesté en paieront les conséquences ! »
L'ancien manieur de foudre, en guise de réponse à sa provocation, disparaît à son tour. Cependant, cette manœuvre ne surprend pas son opposant qui se contente juste de sourit avant une autre téléportation de sa part et la réapparition du poulain des éléments, le poing gauche décoché. L'énergie noire peut lire ses mouvements ? Pensant que son état actuel perturbe ses sens, il reprend une posture droite. Bien souffler. Bien inspirer. Reprendre son calme. La solution se trouve forcément quelque part. Fumiaki redevient visible.
« Convaincu ? Ça te surprend, n'est-ce pas ? Nous nous affrontons à armes égales cette fois-ci. N'as-tu rien remarqué ?
- Quoi donc ?
- Vraiment rien ?! »
Frustré de sa réponse, le Zigrik amplifie son aura. Le Shirenai reste bien sur ses gardes, les pieds bien ancrés au sol, prêt à l'accueillir comme il se doit. Soudain, suite à une nouvelle téléportation de sa part à moins d'un mètre de lui, Fumiaki décoche son poing gauche, enveloppé dans un feu noir. Rai réplique en miroir en chargeant le sien avec l'énergie qui l'habite. Le contact crée une onde de choc qui bouscule les auras de tous les autres combattants.
« Quelle puissance ! » s'étonne Densetsu.
Les poings des deux êtres abritant les produits issus de l'Interdit continuent à se toucher, sans aucune répercussion malgré la tension énergétique présente.
« Alors... As-tu trouvé ? »
De quoi, par Faironne, parle-t-il ? Comprenant que son adversaire ne capte absolument rien, déçu, le Zigrik se retire un peu. Une énième augmentation de sa manifestation concrète de feu noir, plus explosive et importante que toutes celles qu'il a pu déclenché depuis la première possession sur Fraya, suffit à convaincre les éléments encore non affectés que, désormais, le Kirioku représente une réelle menace. Les portes cardinales commencent à subir quelques secousses. Seulement, pas le temps de s'attarder plus que ça dessus, Suisei et Densetsu persévèrent dans leur résistance.
« Tu t'en sors ? demande la terre à sa collègue.
- Pas tellement.
- Notre priorité est de les contenir et faire gagner du temps à Rai pour qu'ils puissent les ramener à eux-mêmes. A ce stade, nous n'avons pas le choix que d'y aller à fond.
- Tu as raison. Mais nous devons faire attention, chaque coup peut avoir un effet sur Faironne. »
Amplification de leurs auras respectives. Grâce à elle, ils repoussent temporairement leurs assaillants.
« Et là ? C'est pourtant évident, non ?! » enchérit Fumiaki.
En scrutant très attentivement l'opacité du feu produit par le Zigrik, Rai constate aucune irrégularité. De là, il en déduit l'existence d'une seule et unique énergie.
« A voir ta tête, tu as compris. Cette chère Kiyuza va disparaître définitivement. Le ki restant en elle, je le dévore de plus en plus.
- Non ! »
Face à l'expression explicite du désespoir de sa némésis, l'ancien chef Zigrik rit à pleins poumons.
« Tu ne seras plus en mesure de me battre ! Je serai capable de tout dévorer ! Faironne sera définitivement renversée ! »
Cette femme qu'il devait tuer sous les ordres de Daigaku et Aritsune. Cette femme qui, sous le coup du désespoir, d'après ce que lui a raconté Kenshiro, a tout donné pour mettre la main sur cette bague maudite. Cette femme qui l'a finalement pardonné va mourir. Non, il ne peut l'accepter. La colère qui l'anime rentre en écho avec l'énergie blanche. En résulte une intense lumière.
« Désolé de t'avoir fait attendre. déclare-t-il avec un calme coupant totalement avec ce qui bouillonne dans ses entrailles.
- Je préfère ça. Ceci est notre dernier combat. Fais en sorte qu'il soit divertissant. »
Un bref coup d'œil rivé vers Densetsu et Suisei pour leur adresser un pardon vu le choix imposé par le Kirioku. Il faut en finir rapidement. Les deux sommets de puissance se placent.
« Allons-y ! »
Ils se foncent dessus. Leurs poings s'entrechoquent à de multiples reprises, créant d'énormes ondes de choc. Chacune d'elles perturbe graduellement les auras des quatre éléments et affecte les portes cardinales de la même manière. Les coups et esquives s'enchaînent à un rythme qui s'accélère peu à peu. Par effet écho, l'opacité du feu noir qui a envahi Hotto et Denki progresse. Leurs yeux noircissent.
« Hotto ! crie l'eau.
- Denki ! crie l'autre.
- Comment peut-on les contenir maintenant ?
- Nous devons tenir ! C'est l'ordre de Rai ! »
Malgré le danger qu'ils encourent consciemment, l'ancien fondateur de Kigen et celle qui forma Yoru et Shipé chargent. Fumiaki, lorsqu'il s'aperçoit du spectacle qui se joue chez ceux qu'ils considèrent comme les derniers remparts à l'avènement de l'être dont il est le porte-paroles, ne peut s'empêcher de sourire. Pour Rai, il s'agit d'un signe évident que Fraya va être intégralement engloutie s'il n'agit pas.
« Je la sauverai ! »
Il lance un assaut si brutal, loin de ses habitudes martiales et de ses coups calculés et précis, qu'il parvient à surprendre son ennemi. Coup de tête, de coude et de genou suffisent à le forcer à reculer. Une distance idéale pour le Zigrik qui réplique cette étrange réponse de la part du sauveur de Faironne avec une sphère d'énergie noire. Rai l'intercepte avec les mains et la bloque avant de la lui renvoyer.L'occupant du Kirioku esquive juste à temps. Profitant d'un moment d'inattention de la part de son adversaire, il balance plusieurs projectiles. Soudain, la voix qui lui répétait sans cesse le même mot prend brièvement le contrôle de l'homme lumineux et prononce :
« Oposam ! »
Une impulsion de lumière les désintègre presque instantanément.Pour n'importe quel combattant ordinaire, une telle contre-attaque stupéfierait, non ? Il n'en est rien pour l'homme dont on parle. Il en ressent une profonde satisfaction, presque ému. Rai récupère ses esprits pile au moment où un rayon noir flamboyant fonce sur lui. Avec les forces à sa disposition, il répond avec une sorte de copie de celui-ci à la seule différence où il est purement blanc et scintillant.En se rencontrant, une nouvelle onde, plus importante encore, crée des fissures partout dans la Chambre. Encore un peu et les portes cardinales imploseront, laissant ainsi le champ libre au chaos de se répandre.
« Faut qu'il fasse vite ! Si elles cèdent, la puissance qu'ils génèrent affectera tout être vivant sur Faironne ! alerte Densetsu.
- Nous devons aider Rai ! crie Suisei dans l'urgence.
- Hors de question ! » répond vigoureusement Fumiaki.
Le feu dévoreur manipulant Hotto et Denki grossit d'un seul coup, submergeant dans son sillon les deux pauvres éléments sans défense.
« Non ! Tu avais promis que tu ne leur ferais rien !
- Rien ne devait nous gêner ! »
Et voilà. Les quatre représentants de l'autorité suprême de Faironne appartiennent au Kirioku. Tous envahis sous cette même enveloppe abyssale d'obscurité. Tous s'alignent. Ce qu'il en tire permet à Fumiaki de prendre l'ascendant sur Rai qui se prend sa déferlante avant de tomber. Un petit moment de silence.
« Le sens de l'honneur... Quel concept stupide lorsque le monde que vous êtes sensés diriger repose sur un geste ne traduisant qu'un orgueil exacerbé. Un sacrifice... Quelle connerie ! Un acte si primitif ! Si insensé ! Si futile ! Un retardement simpliste pour le modèle ultime ! »
Le poulain des possédés semble inconscient. Le plus grand ferveur défenseur de l'évolution et de l'épanouissement du savoir arrive à sa hauteur.
« Je vais t'avouer quelque chose... Te souviens-tu de ce que tu as vu dans la faille ? Là-bas, y vit une entité plus puissante que nous... Tu l'as senti, n'est-ce pas ?... Sache qu'elle m'a donné, il y a longtemps, l'énergie que je suis. Elle avait également donné l'énergie que tu portes à mon grand ennemi de l'époque... Sais-tu pourquoi ? »
Toujours aucune réponse chez son interlocuteur.
« Évidemment que non... Tout ça pour te dire que, tant que tu possèdes ce don et que je suis là, Faironne sera toujours à sa merci. Me neutraliser ? Ça n'a fait que retarder l'inévitable. M'enfermer ? Pareil. Cet homme à l'allure bizarre avec ses piètres grigris était persuadé que ça suffirait. Quelle connerie ! Les Shirenais ne sont pas les premiers à être passés experts dans l'art de la désinformation. Ce peuple-là vous a imbriqué dans le crâne toutes ces foutaises à base d'équilibre et compagnie... Ce monde est voué à évoluer, que tu le veuilles ou non. Et sais-tu ce qui est le plus ironique dans toute cette histoire ? Ça arrivera grâce à toi. »
Choqué par cette dernière affirmation, Rai ne réagit pas, laissant ainsi son ennemi naturel le viser avec une sphère d'énergie noire qu'il crée depuis sa main droite.
« Il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur. »
Dans l'espace spirituel de la femme qui était sensée devenir la prochaine vénérable des Kiyuzas, il ne lui reste plus que son œil droit. Tout son corps a été dévoré. Tout semble inévitable. Malgré l'état dans lequel elle se trouve, Fraya peut encore penser. Tout d'abord, elle se focalise sur le porteur de l'Hoshaku. Après tout, lui aussi est une victime de la machinerie minutieusement fabriquée et appliquée par ce Yamos. Si seulement ce talent interdit ne lui avait pas été confié, jamais tout ça ne se serait produit. Seuls les siens étaient au courant de son existence. Lui revient ainsi un autre souvenir d'un moment qu'elle partagea avec son paternel. Tous les deux observent une mosaïque, la même que Kenshiro avait aperçu mais intacte. Dessus est dessiné un symbole d'œil unique violet inversé.
« C'est quoi ça ? demande-t-elle, intriguée.
- L'Interdit. La catastrophe qu'écarta Faironne il y a de ça très longtemps. Pour que tu me succèdes, tu dois posséder cette connaissance. Notre peuple passa un contrat avec les êtres aptes à utiliser les forces issues de son sacrifice. Lorsque leurs deux plus puissants représentants décèdent, nous envoyons deux des nôtres pour piloter leur cité. Sois rassurée, tu n'y iras pas. En tant que vénérable, comme le fut le grand Ki-Ramen, si les produits de l'Interdit devaient, pour je ne sais quelle raison, revenir, il faudra que tu agisses. »
Avec le parallèle évident établi entre ce qu'il se passe actuellement et sa parole, voulant du plus profond de son cœur protéger Kenshiro à son tour, l'œil qui lui reste brille de gris. En même temps, dans la Chambre des éléments, Fumiaki s'apprête à abattre Rai, espérant tout de même un dernier élan de sa part afin d'accélérer l'arrivée de l'être qu'il représente.
« Et ce vainqueur n'est d'autre que [...] »
Soudain, le Zigrik se fige inexplicablement. Sa sphère s'efface instantanément. Les éléments s'évanouissent. Rai, ne comprenant pas ce qu'il se passe, en profite pour se relever difficilement. En y regardant de plus près, il se rend compte que son énergie vient de brutalement diminuer.
« Non... » parvient à murmurer Fumiaki.
Malgré ce qui l'affecte, ilréactive son aura et le vise avec beaucoup de difficultés. A travers le feu noir d'une opacité sans équivalent, son adversaire distingue quelques irrégularités. Signe évident d'un relâchement de possession. Hypothèse confirmée par l'inactivité des quatre éléments, tous inconscients. Serait-ce une dernière tentative de résistance de la part de la femme qu'il devait retrouver avant son amnésie ? Avec cette situation-ci, il le sait. Il doit en tirer profit vite avant que cette chance ne lui échappe définitivement.Tout de suite, il produit une nouvelle lumière, concentre ses forces dans ses mains, prend une posture et s'apprête à tirer.
« Ne... Fais pas... Ça. Tu vas... La tuer. » lance le Zigrik, la gorge serrée.
Cette tentative de dissuasion échoue pitoyablement. Rai sait, grâce à ce qu'il a pu réaliser avec l'aide de ses amis aux ruines, une telle chose ne peut se produire. Un pur mensonge. Sans hésiter, il envoie un puissant rayon d'énergie blanche.Incapable de l'esquiver ou de le dévier, Fumiaki se le prend de plein fouet et s'écroule. Toute marque témoignant de la présence de la prise de contrôle de ce dernier s'efface. Un nouveau silence. Dernier être encore actif dans ce lieu hautement symbolique, épuisé, le sauveur de Faironne cesse d'émettre sa fameuse lumière. Ses bras lâchent. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? A bout de souffle, il s'assoie, commençant ainsi un repos bien mérité et nécessaire au cas où. Le regard adressé de manière un peu vacillante envers les trois éléments qui le soutenaient le plus, il espère de tout cœur qu'ils n'ont rien. Quand c'est au tour de Denki de devenir le sujet de ses pensées, avec son comportement exécrable et son étrange curiosité sur le corps de Fraya, il ne sait pas quoi penser ou ressentir. Les portes ne présentent plus quelconque perturbation. Tout paraît sain et sauf. Pendant ce temps, le ki actif sur son œil permet à Fraya de reconstituer son corps. Toute la noirceur se concentre en une sphère incandescente de taille plutôt modeste.
« Sale peste... » amorce Fumiaki.
La Kozana, dans une certaine attitude un peu insolente, se permet quelques étirements.
« Qu'est-ce que tu as fait ?!
- Mon devoir. »
Sa réponse enclenche un rire nerveux chez son interlocuteur. La silhouette avec une circonférence pourtant parfaite commence à se muer en toute autre chose.
« Que me vaut une telle volonté venue de nulle part ?... Décidément, tu respectes bien ce que tu es sensé incarner. Vous, les pratiquants d'une énergie désuète, n'êtes que de simples gêneurs ! Toute chose a une fin ! Tout comme votre entêtement !... Tu l'auras voulu... Je vais te frapper en plein cœur ! »
Afin de respecter ses paroles, au lieu de s'afficher avec l'apparence qu'il possédait lorsqu'il vivait dans le monde de Faironne, il ne prend pas n'importe quelle forme : celle d'Alnor. Tout de suite, toute la manipulation dont elle en a été victime à cause de cet homme lui revient en mémoire. Fumiaki, afin de s'adapter à cette dernière, se laisse aller à quelques mouvements un peu brouillons. L'expression présente sur le visage de la Kozana le remplit de joie. Il a tapé dans le mille. Désormais certain qu'il l'emportera, l'aspect incandescent qui le complète commence à grandir. Il est temps d'en finir.