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Chapter 46 - Arc 3 - Épisode 3 – Forçage

Trois jours après le départ de Shipé et de Tencubo, le Négociant quitte son lieu de prédilection pour passer ses affaires, accompagné de deux de ses associés. Il semble dépité, comme s'il n'avait reçu aucun client. Aucun de ses subordonnées ne souhaite croiser son regard. Alors que la tranquillité régnait depuis, une patrouille arrive au village. Shiki s'étonne de leur présence. Après tout ce qu'il a pu ressentir de la bataille contre le Kirioku, pourquoi continuent-ils leurs activités classiques ?

« Nous sommes bien arrivés à destination. Il doit être ici. » déclare un des soldats.

Il leur faut peu de temps pour repérer leur cible. Aussitôt, ils dégainent leurs armes. En guise de réponse, les éclaireurs sortent des dagues.

« Ex-recrue Shiki, nous vous arrêtons pour marché frauduleux et vente illégale de documents appartenant au Conseil. Veuillez nous suivre. déclare un autre.

- Pas de mercenaire ? Voyons ! Soyez sérieux ! Il faut au moins ça pour espérer m'attraper ! Je peux vous prendre à un contre trois ! ose-t-il en dévoilant sa propre dague, sertie de quatre saphirs.

- Ne te moque pas de nous !

- On va t'apprendre les bonnes manières ! »

Soudain, un quatrième Shirenai débarque et vient auprès de la patrouille.

« Stop ! crie-t-il.

- Qu'y a-t-il ? Nous allons arrêter Le Négociant !

- Communiqué urgent. » répond-il avant de tendre un parchemin que s'empresse de prendre un des soldats.

En découvrant ce qui est inscrit dessus, l'expression sur son visage change du tout au tout. Intrigué par ça, un de ses collègues vient le lire à son tour.

« Oh merde ! Ordre à toutes les patrouilles encore en activité. Retour à la base. Protocole A. Signé Tetsuo, conseiller provisoire. déclare-t-il.

- Le protocole A ? C'est quoi cette histoire ?

- Les ordres sont les ordres. » souligne le quatrième Shirenai.

Sans perdre un seul instant, malgré le dégoût qui l'habite, la patrouille s'en va.

« Quelque chose s'est produite à Kigen. Suivez-les et transmettez-moi toute information. »

Ses associés acquiescent d'un mouvement de tête et disparaissent dans de la brume, partie suivre le corps armé. L'absence de toute activité issue des deux énergies interdites inquiète le Négociant. Qu'est-ce que a bien pu se produire là-bas pour qu'ils soient contraints de rentrer ? Deux individus, vêtus de larges capes marron foncé à capuche, ont tout entendu de leur échange.

« Tu as entendu ça sœurette ?

- Oui. Si il y en a plus, comment va-t-on faire pour augmenter notre puissance ?

- C'est chiant... Sinon ou pourrait s'incruster chez eux pour savoir ce qui les gêne ? propose le frère.

- Tu veux vraiment aller dans leur planque ?

- Pourquoi pas. Après tout, on est équipé pour. Non ?

- C'est vrai. Allons-y. »

Ils partent dans la même direction prise par les patrouilleurs. Pendant ce temps, Yoru arrive en haut d'une colline. En face de lui, se dresse une montagne enneigée. Tout de suite, il ouvre son grimoire et s'arrête sur une double page. Désormais, plus aucun doute possible. Il est au bon endroit. Le glacier d'Irn évoqué en compagnie de Kenshiro s'y trouve. Le froid y est si intense que toute personne cherchant à en explorer les entrailles s'en retrouve congelée en très peu de temps. Aucun autre endroit sur Faironne ne pourra lui conférer de tels paramètres pour renforcer sa glace. Sans perdre plus de temps, il se remet en route. Entre temps, Kenshiro et Rajik s'affrontent poing contre poing, coup contre coup, tout en enchaînant les esquives.

« C'est bien Rajik. Tes gestes sont plus précis. Continue comme ça. » félicite son mentor, manquant de se faire toucher à la joue.

Soudain, après quelques échanges qui pouvaient démontrer un certain engouement chez l'apprenti, malgré ce compliment, Rajik s'arrête, le visage grave. Une attitude très inhabituelle pour quelqu'un comme lui. Cela n'échappe pas à l'affilié à la foudre.

« Quelque chose ne va pas ?

- Laissez tomber votre ki. »

Son affirmation étonne celui qui le forme. Pourquoi faire ça ? Après tout, c'est avec cette énergie qu'il doit s'améliorer. Utiliser autre chose rendrait l'entraînement déséquilibré. Dans un premier temps, Kenshiro souhaite ne pas céder à ce qui pourrait s'apparenter à un caprice ou un excès de zèle.

« Affrontez-moi comme un vrai Shirenai ! Comme Rai ! »

Cependant, la détermination, flamboyante comme jamais, que dégage son disciple parvient à le convaincre.

« Bon. Puisque, à en juger cette flamme que tu exprimes dans tes yeux, tu sembles être loin de changer d'avis, j'accepte Ne te plains pas si j'y vais trop fort. » concède-t-il en délivrant son katana de ses bandeaux.

« Vous ne me faîtes pas peur !

- Si tu parviens à éviter toutes mes attaques et à me toucher une seule fois, tu auras gagné ce duel. 

- Vous ne pouvez pas vous battre à mains nues ?

- C'est compliqué à t'expliquer. Si tu m'atteins, ça signifiera qu'il sera temps pour moi d'abandonner provisoirement l'utilisation du ki. Je serai contraint de compléter ma formation à l'étape supérieure de la maîtrise élémentaire. Tu vois Tetsuo, le Shirenai de Terre ?

- Euh... Oui. » répond son disciple après un effort intense de concentration.

- Il s'est retenu.

- Ah oui ? Est-ce qu'il est plus fort que vous ?

- C'est possible. »

Cette affirmation choque encore plus Rajik. Si maître Kenshi assure qu'il a une force cachée, pourquoi cet homme est resté aussi passif lorsque le Kirioku faisait rage ? Encore plus intriguant, pourquoi sa seule intervention consistait en une simple assistance de la part des conseillers ?

« Tu sais, si j'ai choisi de prendre la voie du ki, c'était pour trouver un autre moyen d'être plus fort, sans être obligé de passer par l'élévation élémentaire. Son utilisation répétée peut avoir de graves conséquences sur celui qui y a recours. Rajik, sais-tu pourquoi nous portons des armes ?

- Non.

- Après la guerre élémentaire, à cause des puissances trop élevées de l'époque, il a été décidé d'incruster dans nos armes comme une sorte de catalyseur qui ne s'activerait qu'à partir d'un certain seuil de puissance. Tout ça pour nous empêcher d'avoir recours à l'élévation élémentaire car trop dangereuse pour tout le monde.

- Mais c'est avec vos trucs que vous arrivez à faire vos attaques.

- D'où le seuil cher Rajik. Et je me dois, par principe, de respecter les éléments qui circulent dans notre monde, pour le bien de toute chose et de tout être. Mais avec les récents événements... »

Revient douloureusement dans sa mémoire le moment où le corps de Fraya fut aspiré dans la faille.

« J'ai un très mauvais pressentiment. L'intervention des conseillers me semble trop calculée. Rajik, prouve-moi que mon sentiment est faux. » lui exige-t-il en activant son aura provenant uniquement de son élément.

Toute l'énergie qu'il dégage donne des sueurs à son apprenti. Aussitôt, Kenshiro comprend immédiatement le sentiment qui l'habite : la peur. Pourtant, c'est la seule et unique manière pour lui de se dépasser réellement.

« Je me suis promis de devenir plus fort si Rai revenait un jour parmi nous. Maître, vous acceptez de vous dévoiler pour moi... C'est dur à expliquer... Je tremble face à vous alors que j'ai vu pire. Alors... Je me dois d'être fort ! Je vous prouverai que vous avez tort ! » s'exclame-t-il en prenant une posture offensive.

Ils se regardent. Quelques larmes dans les yeux de Rajik. L'ancien mercenaire ferme un instant les siens et ne les ouvre qu'après avoir tendu son arme et l'avoir pointée vers son disciple. Un courant électrique parcourt ces derniers. Rajik active alors son aura neutre. Le ciel au-dessus d'eux s'assombrit et le vent se lève.

« C'est quand tu veux. lui affirme son mentor.

- Rush Bestial ! »

Il bondit vers son adversaire du jour.

« Firaizer ! »

Un éclair s'abat juste devant lui, parvenant à s'arrêter à temps pour ne pas se le prendre. Grâce à plusieurs mouvements de lame, Kenshiro invoque plusieurs éclairs vers lui. Le Kiyuza les évite tous. Puis Kenshiro charge une attaque horizontale.

« Gibaraï ! »

En exécutant le mouvement, une onde électrique fonce à vive allure vers Rajik.

« Bond Bestial ! »

Évitée grâce à une impulsion de ki qui lui permet de sauter.

« Firaizer ! »

Mais un nouvel éclair s'abat sur lui. Il tombe violemment au sol. Son aura neutre est alors désactivée sur le coup.

« Mauvais choix. La foudre, tout comme l'eau, permet d'attaquer par le ciel. Tu dois changer de stratégie pour me battre.

- Arrêtez de m'aider ! »

Son interjection surprend l'exilé. Est-ce ça que Fraya a ressenti aussi ? Après tout, ils sont tous les deux des Kiyuzas. Peut-être qu'il y a un lien. Rajik se relève, essoufflé. Pour la première fois de sa vie, au lieu de foncer tête baissée comme d'habitude, poussé par ses échecs répétés et un profond regret qui le ronge, il établit une stratégie en se basant sur les capacités de son adversaire. Quelle que soit la tentative engagée, le Shirenai le forcera à quitter le sol pour mieux l'attaquer. Ignorant s'il veut poursuivre le combat, Kenshiro en rajoute une couche. Trois éclairs viennent frapper sa lame, l'imbibant ainsi d'énergie. Puis, en une seconde, il arrive à sa hauteur et dégaine un coup descendant. C'est alors que Rajik, guidé par son ouïe accrue, attrape la lame d'une main. Cette manœuvre étonne fortement l'assaillant, encore plus impressionné par l'absence d'électrisation sur sa cible.

« Gibaraï ! »

Rien ne se passe. Comment est-ce possible ? Seule une affiliation à l'élément de la terre explique un tel exploit mais il n'en est rien. Son apprenti est un Kiyuza pur et dur. Voulant absolument percer le mystère autour de son incongrue résistance, il réactive alors son aura afin de le forcer à lâcher mais ce dernier tient toujours et sourit. Toujours dans l'analyse, le sabreur ne détecte aucun signal distinctif de l'énergie neutre dans sa main. C'est alors qu'il observe une interruption nette dans la circulation de son élément sur sa lame, pile au niveau où la main de Rajik se trouve. Il a coupé le courant ? Pendant qu'il cherche la raison de tout ça, Rajik concentre du ki dans son autre main qu'il serre pour former un poing. Kenshiro regarde plus attentivement la main qui tient la lame et voit de la terre dessus.

« Poing Bestial ! »

Malheureusement, la vivacité d'esprit de l'ancien mercenaire est telle que le poing qu'il décoche est arrêté par de l'électricité. Kenshiro lâche son arme à la grande surprise de Rajik.

« Gibaraï ! »

Grâce à cette même électricité, il repousse son disciple sur plusieurs mètres après avoir lâché entre temps le katana. Le manieur de foudre comprend que, malgré sa nature non- Shirenai, il a su parfaitement contrer son élément. Cela lui prouve que, quand il le veut vraiment, il sait se servir de sa tête, dans le bon sens du terme. Ainsi, il est obligé d'admettre que, si plusieurs personnes comme lui arrivaient, par malheur, à exploiter leurs faiblesses à l'avenir, il ne donnerait pas grande espérance de vie à sa communauté. Il désactive son aura et récupère son arme en y jetant un très léger éclair d'une main qui l'attire jusqu'à lui. Il continue à regarder Rajik. Ce dernier bouge légèrement une main. Au bout de quelques secondes, il se relève, en tremblant un peu. Tout à coup, le dessin vu sur Fraya apparaît pour la première fois sur lui. Kenshiro le reconnaît immédiatement. Le ki des environs vient se focaliser sur lui, ce qui a pour conséquence la mort de certains végétaux et un asséchement soudain du sol. L'aura de Rajik refait surface. En réponse, l'ancien mercenaire fait de même. Son aura grossit une fois et de manière brève. Son poing s'électrise très rapidement. Les vents sont déchaînés. Ils se mettent en position. Les deux auras sont concentrées dans leurs poings. Une fois la quantité désirée rassemblée, ils se foncent dessus grâce à une propulsion de leurs énergies respectives dans leurs jambes.

« Péopar Ki !

- Poing Bestial ! »

Tout en se ruant dessus, ils décochent leurs poings. Alors qu'ils allaient entrer en contact, leurs auras créent une immense onde de choc qui souffle le décor et éclaircit le ciel en un instant. Une lumière intense remplace et englobe les deux combattants très rapidement. Lorsque cette dernière disparaît, chaque adversaire a son poing quasi planté dans le visage de l'autre. Quelques éclairs légers subsistent sur celui de Kenshiro. Rajik sourit légèrement puis ferme les yeux avant de s'écrouler à peine quelques secondes plus tard. L'exilé est un peu groggy. Une fois débarrassé de cette gêne, le regard posé sur son disciple, il se rend compte de sa vraie valeur. Comment un corps ne possédant qu'une seule énergie en lui peut- il déployer une puissance supérieure à un autre qui en abrite deux ? Cette question, à elle seule, suffit à lui implanter un doute. Rajik a gagné son pari. C'est alors qu'un souvenir rejaillit dans ses pensées : à bout de forces, devant une silhouette uniquement constituée d'électricité, à l'allure identique à la sienne lorsqu'il était mercenaire, lui tournant le dos, entouré d'étranges sphères jaunes luminescentes, dans un décor entièrement noir.

« Pardonnez-moi. Je n'irai pas plus loin. » affirme-t-il.

Quelques secondes d'inaction, pendant lesquelles l'ancien mercenaire guette la moindre réaction de la part de son interlocuteur. Supposant qu'il ne répliquera jamais, il se décide à quitter les lieux en se concentrant quand, soudain, un éclair s'abattant brutalement derrière lui l'en sort. Il bouge à peine que l'entité place ce qui ressemble à une lame sous sa gorge.

« Je comprends parfaitement votre frustration. Mais, par pitié, je ne peux, pas respect envers vous, aller jusqu'au bout. Si, par quelconque miracle, ils parviennent à savoir que nous nous sommes rencontrés, je risque ma place ô combien importante pour la sûreté de notre monde. Il y a sans doute des choses hors de votre compréhension. Là-dessus aussi, je vous comprends. Si vous aussi, vu votre rôle, vous éprouvez une attache réelle à l'héritage de Faironne, je vous implore de me faire confiance. »

Quelques secondes se passent. Kenshiro sait qu'il a tout donné mais, malgré ça, une angoisse énorme lui serres la trachée. Finalement, l'entité accepte de se retirer et récupère ces étranges sphères lumineuses. Dès l'instant où il met la main sur la dernière, elle disparaît, mettant fin à ce souvenir par la même occasion. Exténué, il s'assoie par terre, ²toujours les yeux rivés sur son disciple, ignorant s'il est conscient ou non.

« Dès qu'on aura retrouvé nos forces, je serai forcé de t'emmener avec moi dans la zone des tempêtes. » déclare-t-il à haute voix.

Pendant ce temps, Tencubo est sur une barque dirigée par un vieil homme, coiffé d'un chapeau de paille, une brindille à la bouche.

« C'est encore loin ?

- Non, on peut voir la fumée d'ici. »

En effet, au-delà l'horizon, une fumée épaisse s'échappe en continu, crachée par un volcan actif : l'endroit sensé aider le Shirenai dans sa quête de puissance.

« Pourquoi vous voulez aller là-bas ? Il n'y a aucune vie. S'y rendre est du suicide.

- Mon devoir de Shirenai est de préserver l'équilibre de toute menace.

- Quoiqu'on fasse, il y a toujours source de conflit.

- Vous ne voulez rien protéger ? Même si votre vie ou celles de vos proches se trouvaient en jeu ? »

Il ne répond pas. Quelques instants plus tard, ils arrivent sur une côte.

« Vous allez vous diriger vers un enfer.

- Je dois impérativement maîtriser le feu. D'ailleurs... »

Il détache son arme et son fourreau de sa ceinture.

« Gardez ceci jusqu'à mon retour.

- A vouloir tout maîtriser, nous devenons les maîtrisés. Je vous attendrais jusqu'à ce soir, mercenaire. Soyez là, sinon je repartirai sans vous.

- Je vous remercie. »

Il commence à partir, après être descendu de la barque. Les propos du vieil homme tournent dans sa tête. Qui a-t-il désigné par le terme ' les maîtrisés ' ? En tout cas, il se persuade que, s'il parvient à survivre et à utiliser le feu sans son épée, il sera apte à devenir maître conseiller. Il doit y arriver, pour Faironne, pour ses camarade et, surtout, pour ses amis. Il se jure par dessus tout que le geste de Rai n'aura pas été vain. Il sera le meilleur Shirenai de feu de Kigen ! Pendant ce temps, dans la capitule Kiyuza située sur le Continent de l'Ouest, au crépuscule. Le paternel de Fraya est assis en tailleur, de dos, dans son bureau. Daigaku et Aritsune entrent dans la pièce.

« Salutations, vénérable Ki-Igno, nous avons une nouvelle de la plus haute importance à vous annoncer. engage le premier conseiller.

- Nous sommes au regret de vous avouer la disparition de notre chère Kozana. complète son homologue.

- Vous l'avez voulu, n'est-ce pas ? leur demande-t-il, sous un ton un peu agressif, après un petit silence.

- Que voulez-vous dire ? répond Daigaku.

- N'essayez pas de me duper. Je sais la raison de sa traîtrise. Elle a dérobé le seul écrit relatant l'existence de l'Interdit. Je m'en suis rendu compte peu après la découverte de sa fugue. Le problème pour moi n'est pas là actuellement. Quelle ait osé emprunter cette voie me déchire déjà assez le cœur comme ça, mais, qu'en plus, vous vous permettez de l'enfermer là-bas, c'en est trop ! Vous n'avez pas honte ?!

- Elles étaient endormies. Nous avions tout simplement attendu qu'un être dangereux les trouve et les libère. Nous les avons renvoyées d'où elles venaient. avoue Aritsune.

- Vous savez aussi qu'elles sont apparues à cause de la curiosité de ces profanes blasphémant et salissant l'héritage de notre mère chaque jour de leur existence.

- Vous devriez plutôt être apaisé que nous avons réussi à les restituer à leur envoyeur au lieu de nous placarder l'échec cuisant de l'éducation que vous lui avez apporté. »

Aussitôt, cette pique réveille en lui une frustration démentielle, se rappelant toutes les fois où elle ne satisfaisait pas toutes ses exigences. Le ki stimulé par cette haine et cette colère commence à agir. Sur les murs, des petites fissures sont en train de naître et de s'étendre au fur et à mesure qu'il laisse ses émotions prendre le dessus sur sa raison. C'est le moment où jamais pour les anciens conseillers d'avancer leurs pions.

« Qui sait quel autre illuminé dans leurs rangs répliquera ce que ce fou de Fumiaki a réalisé il y a plus de deux cents ans ? A tout moment, elles peuvent revenir. Si vous ne voulez pas qu'une autre tragédie telle que celle de votre fille ne voit le jour, le moment est venu d'aller plus loin que le grand Ki-Ramen n'ait pu aller. engage Aritsune.

- Nous, les Kiyuzas, sommes les seuls garants et les seuls gardiens de la mémoire de Faironne. Nous seuls sommes dignes de piloter la préservation de son héritage. Pour ça, il n'y a qu'une seule option possible : neutraliser toute maîtrise des éléments et leur permettre de récupérer leur état primitif.

- Ainsi, aucune création de l'Interdit ne pourra poser un pied sur notre sol.

- Appelez tous nos meilleurs éléments. Et achevons-les avant qu'il ne soit trop tard. 

- C'est tout ce que vous avez à dire ? »

Sa réaction étonne l'ancienne hiérarchie de Kigen.

« Je viens de perdre à jamais l'assurance de ma descendance et tout ce que vous trouvez à me dire c'est de déclarer la guerre ? Depuis quand sommes-nous aussi belliqueux ? Qui était aux commandes ? Vous, il me semble. C'était votre tache. Vous me critiquez sur la façon dont j'ai élevé ma fille mais, à voir comment vous avez gouverné, on ne peut pas dire que vous avez fait mieux que moi !

- Vous mentez ! s'insurge Aritsune.

- Vous remettez en question le jugement de votre ancien vénérable maintenant ?! Vous voulez une preuve de ce que j'avance ?! Allez donc parler à ce Shirenai exploitant la foudre que j'ai accueilli pendant plusieurs cycles lunaires ! »

Tout de suite, ils font le rapprochement avec Kenshiro.

« Et, en parlant d'eux, lorsqu'ils comprendront d'eux-mêmes que la vie est précieuse, ils vivront comme nous. Chercher à tout rationaliser et tout exploiter n'amène rien d'autre que décadence, effondrement et douleur. Laissons-les.

- Vous êtes beaucoup trop laxiste ! se plaint ardemment Aritsune.

- Votre fierté vous aveugle !

- Vous n'êtes plus digne de notre communauté ! Dégagez d'ici pour toujours ! » leur ordonne une dernière fois Ki-Igno, tout en dévoilant la myriade de sceaux tatoués sur son corps.

Dévoués à leur idéal, les deux anciens conseillers ne veulent pas se laisser dominer et s'apprêtent à se lancer dans la bataille. Alors qu'ils s'avançaient prudemment vers lui, ces derniers ignoraient qu'ils s'approchaient d'un immense sceau gravé au sol. Une fois arrivés à l'endroit désiré, Ki-Igno pose rapidement une main au sol et ses tatouages brillent dans la seconde même.

« Téliponyon ! »

Ainsi, ils sont téléportés instantanément, loin de la cité Kiyuza, mis en échec par leur manque de discernement, appuyé par leur volonté de défendre leurs idées à tout prix. Voilà ce qui arrive quand on ne prend pas assez de précautions. Le vénérable le sait. Il l'a appris à ses dépens le jour où Fraya quitta définitivement les siens. Le pauvre paternel, reparti dans ses remords, se remet en tailleur, se convainquant au mieux que rien ne s'est passé.