Chereads / You'll forever be The One / Chapter 6 - Chapitre 6

Chapter 6 - Chapitre 6

Cela faisait maintenant plus de cinq heures que j'avais rejoint les cachots. J'avais d'ailleurs passé plus de quatre heures dans un silence parfait durant lesquelles je n'avais fait que fixer le sol. Un silence de mort qui convenait, finalement, particulièrement au lieu mais qui fut enfin brisé par mon collègue.— Je suis crevé. Je remonte dormir.Ah. Oui. Il était vrai qu'il en avait le droit là où mon ordre avait été tout autre.— Vas y. Je resterais jusqu'à la relève.Je n'en avais de toutes les manières pas le choix. Alors, j'étais resté seul. Plongé, à nouveau, dans le silence.— Merci d'avoir tenté de l'arrêter, entendis-je au bout de longues minutes.Baissant la tête, je ne répondis pas. A quoi bon ? Je n'avais pas réussi, c'était cela qui comptait. Je n'avais rien fait pour les aider.— Et... Merci d'avoir voulu négocier en notre nom.Fronçant les sourcils, je me retournai cette fois vers Seth, assis au sol contre les barreaux, les avants bras sur les genoux et la tête basse.— Pourquoi ne m'avez-vous pas laissé plus de temps ? soufflai-je sérieusement.— Ca n'aurait rien changé. Et vous le savez tout autant que nous tous ici.— Alors, vous...— Nous n'avons fait que ce qui était prévu depuis le début. Votre venue a seulement retardé les choses.J'avais donc été inutile, à tous les niveaux.— Mais c'était sympa de m'occuper de vos chevaux, me héla un homme au fond. De braves bêtes, on en voit rarement des aussi belles à Headleigh.— Arrêtez... soufflai-je en fronçant les sourcils. Ce n'est pas comme si vous alliez mourir.Le silence s'était fait alors que quelques regards s'étaient rapidement posés sur moi. Ils savaient ? Ils savaient quel était le risque dans ce genre de situation ? Alors... Pourquoi avaient-ils agis de la sorte ? Pensaient-ils vraiment s'en sortir en martyr du roi ?— Épargnez-nous votre réconfort, Prince Elian, rit doucement Seth. Nous ne sommes pas idiots. Et je ne sais peut être pas lire mais je sais comment fonctionne la politique.— Alors... Pourquoi m'avoir parlé de renverser le Roi quand...— J'admet m'être un peu emporté, souffla-t-il en relevant la tête, plus souriant. Mais vous m'aviez agacé à boire l'eau des vaches sans sourciller.J'eus un haut le coeur. Il avait osé ?— Faites pas cette tête ! ricana Travis. Le pire était sûrement les croutons. On les réservait pour les cochons !Si les rires fusèrent dans la cellule, j'étais, moi, devenu blême à cette idée. Ils avaient voulu m'empoisonner... J'aurais pu mourir d'intoxication alimentaire ! Et ils en riaient et j'avais fini par avoir un léger rire, nerveux, malgré tout.— Vous êtes des monstres...— Ouaip ! approuva le chef de résistance. La preuve, on est enfermés !A nouveau j'avais baissé la tête, conscient de ma maladresse.— Vraiment, arrêtez avec cette tête d'enterrement, me souffla Seth. On se doute tous que s'il y a quelqu'un qui a voulu nous aider ici, c'était bien vous. Alors... Ca va. D'accord ? Vraiment. Tout va bien.— Mais vous allez...— On sait. Je suppose qu'on espère tous un peu de clémence mais on savait. Et c'est ce qu'on voulait.— Mais pourquoi ?! m'exclamai-je en opposition totale à son flegme.— J'espère que vous le comprendrez quand ce sera arrivé.Il n'allait me donner aucune réponse alors que je l'observai, presqu'en colère face à une décision qui ne me regardait pourtant pas. Mais Oui... Oui c'était cela. J'étais en colère contre ces hommes pour qui la vie importait bien trop peu à mon avis.— Mais...Je tournai le regard vers la voix, tout au fond de la cellule.— Je sais pas pour combien de temps on va être ici mais... Vous croyez que... Qu'on pourra manger à un moment ?— Hé ! Qu'est-ce que tu t'en fous si de toutes façons on finit pendu ?— Ou brûlé ! Il paraît qu'ils brûlent les gens ici aussi !— Ou...— Je vais vous chercher quelque chose ! coupai-je immédiatement, refusant d'en écouter davantage alors qu'aucun ne semblait réellement réaliser que pendu ou brûlé vif ils allaient mourir, que leur vie allait s'arrêter.Je fis ainsi volte-face, me précipitant vers l'entrée des cachots avant de m'arrêter net, la main sur la porte. Je n'avais pas le droit de les laisser seuls. Je devais rester à mon poste. Si quelqu'un la haut me voyait...

Il me fallut à vrai dire quelques minutes de réflexion pour, enfin, oser traverser l'entrée des cachots dans un jeu de cache cache aux détours de chaque couloir et cela jusqu'aux cuisines où je me figeai soudain.

— Par tous les saints Aleah, merci... soupirai-je de soulagement sous son regard surpris.— Monsieur ? Que faites vous ici ? Vous ne devriez pas...Les nouvelles allaient très vite, visiblement.— J'y retourne, acquiesçai-je. Auriez-vous quelque chose à manger ?— Oh. Heu... Oui. Il nous reste du pain et du fromage. Vous en voulez une t...— Pour six personnes, s'il vous plait.La vieille femme resta quelque peu pantoise, m'observant sans réellement savoir quoi faire.— Je n'ai pas le droit de...— C'est un ordre de votre Prince ? tentai-je, peu convaincu par mon argument... Qui la convainquit fort heureusement.Hochant la tête, elle n'avait alors pas demandé son reste, reculant dans la cuisine pour me ramener plusieurs vivres. Des fruits, du fromage, du pain et même un peu de restes de viandes qu'ils avaient fait cuir pour le repas royal du soir. Rien que cela. La remerciant mille fois, je pris bien rapidement le chemin inverse, évitant chaque recoin peuplé du chateau pour retrouver les couloirs sombres des cachots avec un soulagement que je ne feignis pas.— Votre repas, annonçai-je une fois revenu auprès des prisonniers, leur glissant les mets à travers les barreaux.— Ouvrir la porte n'aurait-il pas été plus facile ? souffla Seth avec une pointe d'amusement.— Et si vous vouliez vous enfuir ?Un silence se fit entendre avant les rires alors que je les observais, tous, surpris de cette réaction. Qu'y avait-il de drôle à ma réponse légitime ?— Et vous imaginez six gaillards comme nous sortir du chateau indemne après une évasion ? Votre imagination est sans conteste bien plus grande que la nôtre, s'amusa Travis en attrapant un morceau de pain. Mais merci ! Vous nous sauvez la vie !— Ouais, pour l'instant !Seigneur. Comment pouvaient-ils réellement rire de leur situation ? Je tentai pour autant d'esquisser un léger sourire, hochant la tête pour toute réponse avant de reprendre ma place. J'étais déjà bien suffisamment contrevenu aux lois, mieux valait que je continue à jouer mon rôle de gardien sérieusement.Au moins, tous purent manger à leur faim. Aleah avait été particulièrement généreuse dans ses portions.— Vous n'aviez rien mangé ? me permis-je même de demander face à leur voracité.— Mis à part le bout de pain en arrivant ici ? Non, répondit Seth. Nous n'avions rien emporté du village. Ca faisait toujours moins de bouche à nourrir quand nous sommes partis. C'était pas pour leur enlever la nourriture en l'emportant avec nous.— Mais sur la route, vous...— Nous avons voyagé au plus rapide, me coupa-t-il. On a préféré arriver vite plutôt que dormir, sachant pertinemment que nous aurions, ensuite, le temps de dormir.Qui étaient ces hommes si décidés ?— La vie chez vous est-elle si difficile pour vouloir vous sacrifier de la sorte ? soufflai-je, perplexe.— C'est pas vraiment un sacrifice. Une logique plus qu'un sacrifice. Nous donnons le coup de pouce dont les autres ont besoin pour se révolter, reprit-il en haussant les épaules, bien trop nonchalant face à sa situation. Mais nous n'exagérons rien quand on dit que la situation est difficile. Les dernières récoltes ont été catastrophiques et votre père grand père ou je sais plus quoi a fait qu'augmenter les impôts chaque année, réclamant toujours plus de blé, de sous, d'hommes pour ses armées. Certains ont voulu partir à la ville pour s'essayer commerçant mais ça a été pire pour eux. Alors... On a pris le relais. Pour essayer de les aider, au moins, à défaut de nous aider nous.Je restai silencieux. Que pouvais-je dire face à ce qui était leur réalité alors qu'ici nous ne connaissions rien de tout cela. Que pouvais-je trouver à redire à cette vérité dont j'ignorais la proportion ?— Et si ce que vous voulez faire ne fonctionne pas ?— On espère que d'autres prendront le relais et ne se laisseront pas faire. Quitte à ce que quelqu'un capable de diriger un pays renverse le Roi, souffla-t-il dans un rire. Au moins, vous pouvez vous rassurer, ça sera pas moi.Son rire entraîna au moins le mien quoique plus réservé alors que je secouai la tête, doucement. — Avec des plans comme le vôtre, le pays finirait effectivement en faillite et en guerre, ajoutai-je même à mi-voix.— Au moins, on en aurait profité jusque-là et on aurait même soudoyé nos Gardes pour qu'ils nous offrent des trucs en plus.J'en avais ri à nouveau, légèrement.— Vous devriez essayer de dormir, répondis-je pour autant, soucieux.— Et c'est vous qui dites ça avec vos cernes de six pieds de long ? s'amusa-t-il.— Ce n'est pas moi qui ai fait des nuits blanches pour venir ici...— Mais c'est vous qui finissez aux cachots pour garder une bande de gueux comme nous. Ca vaut toutes les nuits blanches du monde.Il avait réponse à tout, m'arrachant tant un soupir qu'un rire.— Ne contrariez justement pas plus votre gardien, Seth Parsons. Et dormez. De toutes façons je n'ai pas le droit de parler aux détenus.— Mais leur apporter de la nourriture, ça...— L'exception qui confirme la règle, rétorquai-je rapidement en plissant les yeux.— Soit. Je ne voudrais donc pas créer davantage d'exception, se moqua le jeune homme en se couchant au sol. Mais... Merci encore. Prince Elian.Pour la première fois, il n'avait pas usé de sarcasme ou du moindre ton ironique pour m'appeler, me faisant sourire à ces mots alors que je me retournai définitivement. Et ce fut long. Très long. Bercé par les ronflements de certains hommes, je m'assoupis même deux ou trois fois durant la nuit jusqu'à ce que le bruit de la porte des cachots ne me réveille en sursaut. Me relevant immédiatement, le dos aussi droit que je le pouvais après ce réveil en fanfare, je fis rapidement face à mon frère qui m'observait de bas en haut, l'air presqu'exaspéré.— On dira que je n'ai rien vu et que tu es resté éveillé toute la nuit, soupira-t-il.— Je suis resté éveillé presque toute la nuit. C'est tout comme, me défendis-je faussement alors qu'il me faisait signe de remonter.— Je prend ta place. Va dormir. J'ai entendu dire que le Conseil se réunissait dès demain. Le Roi veut un exemple.Fronçant les sourcils, je ne fis néanmoins aucune remarque, hochant la tête non sans jeter un regard à Seth, encore endormi. Au moins se reposaient-ils tous sans avoir entendu que la fin était bien plus proches qu'ils ne pouvaient l'imaginer.Remontant, je ne m'arrêtai pas avant mes appartements dans lesquels je m'étais écroulé, sonnant pour que l'on m'aide à me déshabiller et à me laver avant de glisser dans mes draps bien trop confortables pour que je les renie à cet instant. Et pourtant, le dos contre le matelas et les yeux tournés vers ce plafond, j'avais soupiré, longuement. 

C'était injuste. Toute cette histoire était injuste. La vie l'était tout autant. Pourquoi Hayes voulait-il régler le problème de son Royaume de la sorte ? Pourquoi n'entendait-il tout simplement pas les doléances de ses citoyens ? Était-ce réellement si compliqué que cela d'écouter les autres, que de les aider ou étais-je seulement naïf face à la réalité ?

J'aurais voulu trouver les réponses à ces questions, celles qui me permettraient des les aider, tous, mais je n'en avais aucune. J'eus bien du mal à trouver le sommeil ce soir-là. Comme perturbé par la situation des campagnes, touché par les mots qu'avait tenu Seth, mon cerveau ne cessa de fonctionner jusqu'à ce qu'enfin il ne tombe d'épuisement à une heure bien trop avancée de la journée. Le Conseil allait se réunir. Il ne fallait pourtant pas que je dorme. Mais... Trop tard.