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Après avoir laissé cette étrange fille humaine avec Leeora, Draven retourna dans son bureau. À l'intérieur, il trouva son serviteur Erlos, semblant attendre son arrivée avec un sourire idiot sur le visage. Cependant, l'instant où il vit l'expression de son maître, ce sourire disparut.
Sans dire un mot, Draven s'assit sur la chaise derrière son bureau car il devait terminer de lire quelques rapports supplémentaires avant de partir assister à la réunion du conseil.
Cependant, le silence était très, très inconfortable.
L'elfe se trémoussait sur place. "Sire, avez-vous des instructions pour moi… ?"
L'homme aux yeux rouges l'ignora délibérément, continuant de parcourir les parchemins sur son bureau. Ce n'est qu'après les avoir finis que Draven regarda son serviteur d'un air mécontent, provoquant chez l'elfe une déglutition nerveuse.
"N'ai-je pas dit de jeter cette créature parmi les siens ?"
C'était une question simple, mais la voix lente et digne de Draven rendait le serviteur ordinairement insouciant nerveux.
"O-Oui, Sire," répondit Erlos.
Il pensait que le Roi allait le réprimander, mais Draven ne fit que le regarder durement, sans dire un autre mot.
Pour Erlos, c'était correct si son maître le réprimandait, mais s'il ne recevait qu'un regard sans mots, c'était un signe d'avertissement pour lui qu'il avait vraiment mis en colère son roi.
Erlos afficha un sourire gêné pour dissimuler son anxiété, mais le frémissement de ses longues oreilles trahissait ses véritables émotions.
"Sire, avant que vous ne me punissiez pour désobéissance, puis-je être autorisé à expliquer mes actions ?"
Il battit des yeux vers le Roi, essayant d'agir de manière mignonne pour plaire à son maître, mais l'homme aux yeux rouges ne montra aucune modification de son expression sombre.
Le serviteur prit son silence comme une permission de parler. "Sire, croyez-moi, je veux aussi chasser cette fille humaine autant que vous le souhaitez. Après tout, le palais n'est pas un lieu pour ces créatures faibles et trompeuses mais…" Il s'interrompit en plein milieu de sa phrase, essayant d'obtenir une réaction de Draven, mais son maître gardait simplement son regard froid braqué sur son corps.
Il continua, "M-Mais Sire, nous ne pouvons oublier qu'elle est une femme, rien qu'une fragile et blessée fille humaine. Jeter une petite si sans défense parmi des inconnus n'est pas une bonne idée. Vous savez aussi que nous ne pouvons pas faire confiance à ces humains. Bien que nous ayons permis à ces réfugiés humains de trouver refuge dans notre royaume et qu'ils vivent dans ces villages à la lisière d'Agartha, nous n'avons généralement rien à voir avec eux. Puisque c'était votre ordre, j'ai quand même pensé à emmener cette fille humaine dans l'un de ces villages, mais en voyant son corps maigre couvert de bandages, j'ai pensé qu'il valait peut-être mieux attendre et au moins laisser retrouver sa conscience d'abord. Nous ne pouvons pas dire ce qui lui serait arrivé si nous…"
Après ce long discours, Erlos attendit une réaction de son roi, mais tout au long de son monologue, il sembla qu'aucun mot ne l'avait affecté.
Le serviteur elfe soupira d'impuissance, "L'humaine sera jetée dehors à cet instant même. Je vais m'excuser, Sire—"
"Pas besoin," l'interrrompit la voix froide de ce roi aux yeux rouges.
'Hein ? Ai-je mal entendu ?' Ses longues oreilles se mirent à frémir de nouveau, mais cette fois d'excitation, et non de nervosité. "Je le savais, Sire ! Vous pouvez avoir un cœur de pierre, mais vous avez quand même un tout petit peu de conscience pour cette frêle—mmf ! Hmf ? Hmmphf !"
Comme si sa bouche avait été scellée d'elle-même, il ne pouvait plus créer que d'étranges bruits étouffés. Bien sûr, c'était l'œuvre de son maître et ce n'était pas la première fois qu'il utilisait son pouvoir pour fermer la bouche bavarde de son serviteur.
Draven se leva de sa chaise et sortit de son bureau. Juste au moment où il franchissait la porte, sa voix digne atteignit les oreilles de son serviteur.
"Nous allons quelque part."
Erlos, qui ne pouvait dire un mot, suivit derrière lui en pleurant silencieusement dans son cœur. 'J'ai dû être le pire des méchants dans ma vie précédente pour renaître dans cette vie comme son serviteur et être contraint de le suivre partout.'
'Cœur de pierre ? Pour moi, il semble qu'il n'en ait carrément pas !'
Le roi sans cœur et son pauvre serviteur sortirent d'un long couloir et débouchèrent sur la pelouse à découvert d'un côté du palais. Erlos, encore à bout de souffle en essayant de rattraper son roi qui marchait rapidement, réalisait qu'il pouvait enfin utiliser sa voix lorsque il n'était qu'à quelques pas. Ses yeux se mirent à briller de bonheur.
"Sire—"
Mais ses mots furent coupés alors que les deux disparurent soudainement de la pelouse. Les serviteurs elfes qui travaillaient alentour furent témoins de l'étonnante démonstration de magie mais ne s'en étonnèrent pas car ce n'était pas la première fois que leur roi disparaissait devant eux.
Draven Aramis était le détenteur de diverses sortes d'habilités et pouvoirs. Le fait que chacun le craignait, n'était pas pour rien.
Il ne fallut que quelques instants à Draven et Erlos pour traverser presque la moitié du continent, et ils atteignirent une forêt brûlée particulière.
C'était exactement la montagne hantée où Draven avait été invoqué la nuit précédente, le même endroit où il avait trouvé le corps inconscient de la créature humaine qu'il avait sauvée.
Alors que les yeux de Draven étaient occupés à regarder autour de lui, s'assurant que c'était bien le même endroit, son compagnon se retrouva à terre, étourdi par les effets secondaires de la magie de téléportation. Le jeune elfe n'eut même pas la chance de reprendre son souffle avant d'apparaître dans un endroit inconnu.
"Oh, mon corps—eugh ! S-Sire… Je sais que je l'ai dit maintes fois auparavant, mais cela m'aiderait si vous pouviez m'informer avant de téléporter. J'ai presque eu l'impression de mourir," se plaignit-il en reprenant son souffle.
En tant que créature de la nature, le corps des elfes était bien plus résistant que celui d'un humain, mais néanmoins, ils devraient au moins se couvrir de leurs pouvoirs pour protéger leur corps contre les lois de l'espace lors de la téléportation. Sinon, bien qu'ils ne subiraient pas de blessures, cela leur donnerait l'impression que chaque muscle de leur corps se vidait de son énergie.
Cependant, fidèle à son surnom, le roi sans cœur semblait n'en avoir cure et il avança pour inspecter la zone.
"Quel est cet endroit, Sire ?" demanda Erlos dès qu'il fut capable de se tenir debout, regardant autour de lui les souches d'arbres et le sol rocheux couvert de cendres. "Quelle cruauté. Qui oserait détruire des arbres de cette manière ? On dirait que cela a été brûlé récemment. Mais à quel point faut-il être méchant pour incendier toute une montagne ? Quelle folie ou quel ressentiment cela représente-t-il—"
Bien que ce fût le jour, la montagne semblait désolée alors que la fumée grise continuait de monter du sol, le vent soulevant les cendres qui ne s'étaient pas encore tout à fait déposées. En tant qu'elfe, Erlos frissonna de douleur, ne pouvant imaginer le genre de feu qui avait brûlé cette montagne.
Draven ne commenta toujours pas et s'arrêta à l'endroit où il se souvenait d'avoir trouvé cette fille humaine. Bien qu'il n'y eût été que brièvement cette nuit-là, sa mémoire aiguisée et ses yeux capables de voir dans le noir lui permirent facilement de retrouver cet endroit.
Il se souvenait à quoi ressemblait cette créature à ce moment-là—elle ressemblait à un gros morceau de charbon, et il ne réalisa pas du premier coup d'œil qu'il s'agissait d'un être humain vivant. Bien qu'il ait vu des scènes pires, il ne put s'empêcher de ressentir quelque chose à ce sujet. C'était étrange, mais peut-être que son royaume avait connu une paix ennuyeuse depuis un certain temps, et qu'un événement mineur comme celui-ci éveillait désormais d'étranges sentiments en lui.
Il ne se doutait pas que ce cœur gelé qu'il avait semblait avoir une minuscule fissure.
Draven secoua la tête pour l'oublier puis regarda autour de lui, perçant au loin comme un faucon pour voir le village ou la ville le plus proche afin de comprendre ce qui s'était passé en cet endroit. La raison pour laquelle il était venu ici était d'enquêter sur ce qui s'était passé cette nuit-là. La créature qu'il avait sauvée était insignifiante. Cette fille ne l'intéressait pas, mais cela avait piqué sa curiosité que pourquoi il avait été convoqué sur cette montagne.
Quel était son lien avec cet endroit ?
Était-ce la montagne ou la créature qu'il avait sauvée ?
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