Chereads / Le bûcheron et la belle Suzie / Chapter 18 - Partie 3 (4)

Chapter 18 - Partie 3 (4)

Toc, toc, toc! Toc, toc, toc!

"Qui est-ce ?" Une voix demanda de l'intérieur.

"Oncle Bibi, c'est moi Suzie. S'il te plaît, ouvre la porte !" répondit la jeune femme.

Oncle Bibi déverrouilla la porte et sa nièce accéda à la maison jumelle.

"Oncle Bibi, je sais que tu es déjà au courant de la nouvelle. Ta radio est toujours branchée sur la fréquence locale. Tu ne rates jamais une seule édition du journal," dit Suzie à l'entame de sa visite.

"Je suis venue pour te demander de me prêter assistance aux fins de délivrer de prison le bûcheron," plaida-t-elle auprès de son oncle.

Ahuri par ce qui venait de transpercer ses oreilles, oncle Bibi gueula : "Quoi? As-tu perdu tous tes sens, Suzie ? Veux-tu que le gouverneur Kola 2 nous envoie à la potence ? C'est un demi-dieu. Il a droit de vie et de mort sur nous."

La réaction inespérée de l'oncle Bibi fit un froid dans le dos de Suzie. Elle resta calme et pensive pendant un moment, puis elle contrecarra les propos de l'homme mi-âgé.

"Mais imagine que le monstre attaque le village et que personne n'ait connaissance de l'endroit où est retenu captif le bûcheron qui est néanmoins un valeureux soldat dont la force extraordinaire nous serait utile pour nous défaire de cet oiseau de malheur," lui opposa-t-elle.

Oncle Bibi fut grandement interpellé par l'interrogation de sa nièce. Dérangé par la pertinence de la question, il posa sa main gauche sur le visage et se mit à rêvasser. Le pouce soutenait le bas du menton tandis que le reste des doigts caressaient la joue.

Il visualisa comment une bête féroce détruisait la porte orientale d'Okundé et soufflait un vent violent qui ravageait les habitants et leurs biens.

Il fut davantage abattu lorsqu'il vit dans son imagination le monstre pénétrer dans la cité impériale Ékulé, se diriger vers leurs chalets, puis s'en prendre à lui, à grande mamie et à sa nièce adorée Suzie.

Cette image en particulier agit comme un poignard que l'on remuait dans une plaie et le poussa à agréer la requête de la jeune demoiselle.

"Eh bien ! Tu as été très convaincante. Attends-moi ici ! Je reviens tout de suite," lui répondit oncle Bibi.

Il se rendit dans sa chambre et quelques instants plus tard, il se remontra avec un accoutrement différent. Il était vêtu d'un large boubou marron fait à base de coton et d'un chapeau Fedora de la même couleur et du même tissu que la gandoura et qui empêchait que l'on discernât son regard. Il avait mis à ses pieds des sandales noires en cuir.

Il avança vers sa nièce et la charria d'une petite voix en ces mots : "Viens! Allons sauver ton amoureux !"

Désaxée par l'insinuation de son oncle, Suzie chercha à en avoir une explication.

"Amoureux ? Comment ça, oncle Bibi?" questionna-t-elle.

Il se retourna, la dévisagea, expira puis en rajouta une couche.

"Tourtereaux !" lui lança-t-il à la figure avant de sortir de sa maison.

Suzie fut dépossédée de son assurance. Elle resta figée et se mit à bouder durant une poignée de secondes avant d'éructer tout en courant : "Oncle Bibi, pas si vite !"

L'empereur Batang V était dans la chambre lunaire avec l'emperesse Serena. Ils n'en revenaient pas que le gouverneur de la région d'Okundé, Kola 2, ne les eût pas consultés avant d'emprisonner le bûcheron.

Ils étaient gênés que l'arrestation eût été ébruitée et qu'il était trop tard pour qu'ils annulassent la décision de leur délégué. Ils ne voulaient pas mettre à mal son autorité sur la région.

"Par tous les saints, pourquoi a-t-il pris une mesure aussi drastique ? Il aurait dû tout au moins nous informer de la situation," déplora l'empereur qui était sur les nerfs.

"Mon cœur, pardonne-moi mais tu as laissé un peu trop de liberté à tes gouverneurs. Ils sont devenus de petits empereurs dans leurs zones de commandement. Aujourd'hui c'est Kola 2 qui fragilise ton pouvoir. Je suis certaine que bientôt il y aura des noises avec le gouverneur du village d'Okala, de même qu'avec celui de notre cité impériale, Ékulé. Si j'étais à ta place, je changerais la constitution actuelle et promulguerais une nouvelle qui me conférait un pouvoir sans partage," suggéra l'emperesse Serena à Sa Majesté Batang V.

"Tu m'avais bien prévenu à ce sujet. Mais comme tu le sais si bien, c'est mon feu père, le Grand Batang IV, qui avait réformé les institutions un an avant son décès. Il voulait me préserver de l'ivresse du pouvoir absolu," argumenta l'empereur Batang V face aux propos de son épouse.

"Eh ben, nous voyons maintenant les conséquences de la sobriété d'un pouvoir décentralisé," s'attrista-t-elle.

Pendant ce temps, Suzie et son oncle parvinrent à la porte orientale d'Ékulé. Un garde impérial les fixa du regard et trouva leur habillement un peu décalé. Il se demandait pourquoi leurs visages étaient complètement couverts.

S'il était vrai que leurs vêtements n'étaient pas tant le problème mais la sentinelle impériale tiquait sur le fait que leurs tenues empêchaient de les identifier avec aise.

"Excusez-moi monsieur, pouvez-vous ôter votre chapeau ?" Le garde interrogea oncle Bibi qui avait la tête orientée vers le sol, corsant ainsi la difficulté pour la troupe des frontières de voir ses yeux.

Suzie observa la scène en silence. Oncle Bibi était long à la détente. La sentinelle impériale commença à perdre patience et reformula sa requête.

"Monsieur, pour traverser la frontière, vous devez d'abord être identifié," dit le garde d'un ton sérieux.

Suzie sentit que la situation était sur le point de déraper. À ce titre, elle décida d'intervenir.

"Excusez-moi, vaillant soldat! Cet homme est mon père et il est malheureusement sourd et muet depuis la naissance. Il peut uniquement communiquer par le langage des signes," inventa-t-elle pour adoucir les esprits qui s'échauffaient.

"Oh, je suis vraiment désolé, madame. Maintenant je comprends mieux son attitude ô combien étrange. Je vous en prie, continuez votre voyage que je vous souhaite par ailleurs sans embûches," déclara le garde impérial avant d'ordonner d'un signe de la tête à son jeune camarade d'ouvrir la porte orientale.

Suzie et oncle Bibi passèrent à l'autre côté des bornes et se mirent à cheminer vers la porte occidentale d'Okundé.

"Ma petite chérie, alors comme ça, je suis sourd et muet depuis ma tendre enfance." Oncle Bibi chambra sa nièce et elle éclata de rire.

"Haha, oncle Bibi ! C'est la meilleure idée qui a jailli de mon cerveau à ce moment-là. Bien sûr que tu entends bien et parles couramment. Que les ancêtres soient loués !" réagit Suzie.

"Cependant, pour la prochaine porte, il serait sage de nous séparer et de nous y présenter l'un après l'autre," proposa-t-elle à son oncle.

"Tu ne cesseras jamais de me surprendre, notamment dans les moments critiques. Quelle excellente idée !" Oncle Bibi s'émerveilla devant l'ingéniosité de sa nièce.