Les deux aventuriers marchèrent vers le lieu d'hébergement. L'extérieur était resplendissant. Le jardin était magnifiquement agencé et en disait long sur la personnalité du propriétaire.
Les plantes étaient parfaitement alignées. Les roses fleurissaient à l'extrémité gauche de la cour tandis que les eucalyptus bourgeonnaient dans le coin droit de la concession.
À leur opposé poussaient des fleurs d'Aloé Vera. Elles s'étalaient sur une longueur de vingt mètres. Au milieu du jardin étaient enracinés des oliviers dont les fruits avaient la même clarté que l'eau de la fontaine d'Ébuka, le dieu de la pureté.
Oncle Bibi et sa nièce Suzie entrèrent dans le bâtiment et furent accueillis par une mélodie harmonieuse. Une jeune dame à la fleur de l'âge était affaissée derrière le comptoir en bois d'ébène.
Elle avait le visage pouponné avec du mascara Fulani. Ses longs cheveux noirs tombaient sur ses épaules et son cou était paré avec de jolies perles. Elle avait suspendu à ses oreilles une paire de pierres précieuses bleues-violettes. Elle portait une robe en soie d'un blanc pur.
À la vue des visiteurs, elle leur sourit radieusement puis leur parla en ces mots : "Que la paix soit avec vous, chers convives ! Soyez les bienvenus dans le royaume de Iyô!"
"Merci Madame !" lui répondit oncle Bibi vigoureusement.
Suzie prit également la parole mais elle n'était point intelligible. Elle affichait des signes d'extrême fatigue accumulée depuis leur départ de la cité impériale, Ékulé.
"Comment puis-je vous aider?" L'hôte interrogea les visiteurs.
"Une chambre à coucher avec deux lits, s'il vous plaît ! Un pour moi et un autre pour la belle demoiselle à mes côtés," commanda oncle Bibi.
"Cela vous fera quatre Batangi pour un lit. Huit Batangi pour deux," lui dit la réceptionniste.
L'oncle de Suzie inséra sa main droite dans la poche de son boubou et en extrait une pièce de dix Batangi. Il la remit à la femme à l'accueil et lui souffla : "Gardez la monnaie !"
L'hôte encaissa l'argent et exprima sa gratitude envers le généreux client. Elle décrocha ensuite deux clés de l'armoire murale derrière elle. Ce que Oncle Bibi trouva bizarre mais choisit de se taire.
Enfin, la jeune réceptionniste demanda aux convives de venir avec elle et ils obtempérèrent.
Le trio arriva dans un couloir abondamment lumineux et s'arrêta à son commencement. L'hôte donna une clé à chaque visiteur et leur dit de cheminer jusqu'au bout de l'allée et d'occuper soit la chambre de gauche, soit celle de droite.
Cependant, elle martela que l'une des pièces procurait un sommeil doux alors que l'autre était un antre de cauchemars.
Avant d'abandonner les deux voyageurs face à leur sort, elle mentionna que la bonne chambre réalisait tous les souhaits de ses locataires.
"Et la mauvaise chambre?" cria Suzie mais en vain. La jolie réceptionniste s'était métamorphosée en un essaim d'étoiles qui s'évaporèrent par la suite.
Suzie fut frappée de stupeur. Elle saisit la main de son oncle et la serra fort. Il essaya de la réconforter mais elle ne cessait de s'agiter.
Elle balança une série de questions dans l'objectif de convaincre son acolyte de laisser tomber leur projet de sauvetage du bûcheron et de retourner à Ékulé.
"Oncle Bibi, mettons fin à notre aventure ici et rebroussons chemin! Et si nous ouvrons par malheur la maudite chambre au lieu de la sainte? Et si nous nous endormons pour ne plus jamais nous réveiller ? Et si nous sommes envoûtés ? Et si nous…" Elle accula son oncle mais celui-ci l'interrompit.
"Suzie, nous sommes ici à cause de toi. Rappelle-toi ! Un grand danger rôde autour de l'empire et l'un des hommes qui peut nous aider à en venir à bout, est actuellement dans les geôles. Le bûcheron compte sur nous pour l'en sortir et nous avons besoin de sa force au combat inégalée," rétorqua oncle Bibi.
"Par ailleurs, pourquoi te focalises-tu sur la malchance ? Et si nous avons le bonheur d'ouvrir la bonne chambre ? L'as-tu envisagé un seul instant ?" Ajouta-t-il.
Suzie se pencha sur cet d'angle d'analyse puis regarda son oncle d'une façon qui montrait qu'elle lui donnait raison.
"Tu vois? C'est bien de ça dont je parlais. Tu reviens à de meilleurs sentiments, petite futée," lui dit-il, ravi.
"À présent, le futur de l'empire Batang est entre tes mains. C'est à toi qu'incombe la charge de choisir là où nous dormons ce soir," lui confia-t-il.
"Avance, ma petite chérie ! Je suis derrière toi." Il la rassura.