Le temps s'écoula, j'avais réussi plus ou moins à m'acclimater à cette île et à y pouvoir survivre.
Cette île était un endroit où la survie n'était pas aussi simple que je le pensais, sans une certaine force, la nature hostile de ces lieux te dévorerai.
Les natifs de cette île devaient vraiment être fort pour pouvoir y résider.
Un jour, le semblant de paix que je m'étais construit durant des années fut brisé… Elle m'avait retrouvée.
Elle se tenait à l'entrée de ma grotte portant avec elle une enfant d'environ cinq ans.
Je n'avais pas besoin de comprendre les mots qu'elle m'adressait pour comprendre leurs sens.
La couleur noire des cheveux et les iris violet clair sur cette petite fille indiquait clairement que j'étais son père.
Le passé, il refusait obstinément de me lâcher et ceux peu importe les efforts que je fournissais pour ne plus jamais avoir à y faire face.
Cette fois encore, j'allais prendre une décision que j'allais regretter, à croire que faire les mauvais choix étaient ce qui me définissait.
J'avais refusé de reconnaître cet enfant, j'avais refusé de lui donner l'amour qu'elle était en droit de recevoir de son père.
Je m'en voulais pour mon égoïsme et ma stupidité, mais je ne voulais pas l'accepter, je cherchais juste à ne pas avoir d'attache avec cette île que je haïssais.
J'espérais que par ce rejet, elle et son enfant m'oublieraient et iraient vivre leurs vies loin du déchet que j'étais.
Dès le lendemain, mes espoirs tombèrent dans le néant…
Elles revinrent, et cette fois-ci avec de la nourriture, je n'avais plus vu de repas de cette qualité depuis longtemps, toutefois, je me refusais de leur adresser la parole et d'accepter quoi que ce soit venant d'eux.
Ainsi, les jours passèrent, et les années firent de même, et durant toute cette période, elles n'arrêtèrent jamais de venir me rendre visite malgré le fait que je m'obstinais à les ignorer.
La fille avait grandi et était devenue une magnifique jeune femme, comme sa mère.
Compte à moi, je vieillissais beaucoup plus rapidement que la normale. les blessures cachées dans mon corps y étaient pour beaucoup, m'affaiblissant énormément au fil du temps.
J'avais fini par m'habituer à leur présence, surtout celle de la petite, que j'avais inconsciemment pris plaisir à regarder grandir.
Elle venait tous les jours, même sans sa mère dès qu'elle fut en âge de le faire.
Elle était curieuse, joyeuse et très énergique, cherchant constamment à saccager mon havre de paix.
Elle passait énormément de temps à parler de diverses choses que je ne comprenais pas au début mais qu'à force de monologues sur monologues de sa part, je finis par comprendre même si je continuais à faire semblant du contraire.
Bien que je continuais à faire comme si elle n'existait pas, cela ne semblait pas la déranger, ni mettre de frein à son entrain.
Elle avait toujours sur son visage un sourire brillant comme le soleil, ce sourire était la chose qui la caractérisait le plus.
Sa joie de vivre était presque devenue contagieuse…
Puis un jour, elle cessa de venir, j'en connaissais la raison, elle était enceinte…
Sans que je ne m'en aperçoive, elle était devenue une femme capable de porté un enfant…
Elle parlait de son état avec joie, elle avait vraiment l'air d'être heureuse de pouvoir devenir une mère.
Je remarquais amèrement que même si j'avais cessé d'avancer, le temps lui continuait sa course.
Allais-je finir aussi tristement ? J'allais bientôt devenir grand-père, est ce que je voulais continuer à être aussi distant avec eux ?
Je ne voulais plus ça, je voulais au moins m'adresser à eux avant ma fin, leur dire que je connaissais leurs noms, dire à 'ma fille' que tous ses monologues n'ont pas servis à rien, je voulais implorer leur pardon.
Mais alors que je prenais ma décision, des bruits de pas s'arrêtèrent devant ma grotte.
C'était Maha, cette femme dont même le temps n'avait pas réussi à dérober la beauté.
Mais pourquoi était elle venue à moi sous cette violente pluie ?
Étais ce des larmes ou alors des gouttes de pluie qui se dessinaient sur son visage ? Je ne savais pas, mais un profond malaise m'envahit à sa vue paniquée. Et avant qu'elle s'adresse à moi, je m'étais lancé à toute vitesse en direction du village.
Il n'y avait personne dehors sous cette pluie orageuse et je m'étais directement dirigé vers l'endroit où j'avais été soigné durant mon séjour, espérant qu'elle y était.
La pièce était très peu éclairée, et dans un coin, elle était là !
Assise sur un lit de pailles qui était encore taché de son sang, elle était seule en train de bercée l'enfant dormant dans ses bras, portant un sourire de joie et d'affection envers le bébé.
Quand elle me remarqua, ses larmes commencèrent à couler et tout comme elle, je m'étais mis à pleurer pour l'accompagner.
À ce moment précis, la seule chose qui me rangeait était le regret, je regrettais de l'avoir ignoré, je regrettais de ne pas avoir fait la conversation avec elle quand elle s'adressait à moi pleine d'enthousiasme.
Désormais, je n'avais plus le temps pour ça, car la magnifique fleur qu'elle était, fanait juste sous mes yeux.
Elle mourrait... Car elle avait donnée la vie.
Je ne pouvais pas laisser les choses se finir comme ça, je me devais de lui présenter des excuses, je devais lui dire que je pouvais comprendre ses histoires, qu'elle ne parlait pas dans le vide, que je pouvais avoir une discussion avec elle…
''J-je suis désolé… Je suis désolé… Pardonne-moi, Mirha''.
C'étaient mes premiers mots adressés à une personne en plus de vingt ans, je ne pouvais rien faire d'autres que d'implorer le pardon de ma fille.
Je n'espérais pas qu'elle le fasse, c'étaient juste les mots qui me paraissaient les plus naturels de lui adresser.
< Elle se mit à pleurer encore plus fort tout en me serrant dans ses bras avec le bébé entre nous, et une autre personne s'était joint à notre accolade, c'était Maha. << Les 3 personnes que j'aime le plus au monde sont avec moi, je ne pouvais pas être plus heureuse. ''C-comment peux tu m'aimer ? Je n'ai jamais rien fait pour toi… J'ai été un père horrible''. Je ne comprenais pas comment c'était possible… Pourquoi avait-elle de l'affection pour moi ? J'étais plein d'incrédulité et d'incompréhension alors qu'elle me regardait avec son sourire habituel. < … Comment ? << Aucun enfant sur cette île ne peut dire avoir passé plus de temps avec leurs akas que moi… Depuis un certain temps déjà, j'avais remarqué que tu pouvais me comprendre et malgré ça, tu écoutais toujours mes histoires et prêtais attention à mes plaintes, tu es le seul à qui je pouvais me confier librement quand j'en ressentais le besoin. Je ne méritais pas d'être vu ainsi par elle, je l'avais ignoré et je ne voulais même pas la voir au départ… Mon cœur saignait et mes larmes ne s'arrêtaient plus de coulées, face à ses mots remplis de bienveillance à mon égard, ma culpabilité envers elle ne faisait que s'accentuer. Je sentais la prise de Mirha s'affaiblir et avec l'aide de sa mère, nous la reposions sur la natte avec le bébé toujours dans ses bras qui s'apprêtait à se réveiller. << Koma*… Ce n'est pas de ta faute ce qui m'arrive, c'est moi qui n'était pas assez forte… S'il te plaît cesse de pleurer… Je n'ai que deux regrets dans cette… Vie, ne pas avoir pu plus te connaître Aka et aussi ne pas pouvoir… Être là pour Habel, mais je suis heureuse de vous le laisser. Le souffle de vie de Mihra était devenu si faible, Maha tremblait et pleurait fortement alors qu'elle voyait sa fille s'éteindre. Mon cœur était lourd, ma respiration devenait de plus en plus chaotique, je n'arrivais plus à émettre un seul son, c'était donc cela que l'on ressentais à la mort d'un proche ? Aujourd'hui, si j'avais le choix entre sauver Mihra et quitter cette île, je choisirais sans hésiter de la sauver. … Qui aurait cru qu'un jour, je penserais ainsi, L'amour que je ressentais pour ma fille avait pris le pas sur mes rêves. << Aka… Est-ce que… je peux connaître… Ton nom… ? Alors que je m'en ivraie d'un profond parfum de tristesse, sa faible voix me parvint me demandant mon nom, c'était sa dernière demande à mon égard, un nom que je n'avais jamais dit à personne sur cette île. Je m'étais empressé de lui répondre : << V-Vald, mon nom est Vald. …Elle avait cessé de respirer. Avait-elle entendu mon nom ? Je préférais croire que oui, je l'espérais du plus profond de mon cœur. Elle reposait là, avec ce sourire accroché à ses lèvres, qui jusqu'à la fin restait resplendissant. Cette nuit-là, le ciel avait grondé, la pluie n'avait jamais été aussi forte, comme un requiem, le ciel accompagnait les cris et les pleures du bébé. Les lamentations du ciel étaient le bienvenu pour ce moment… En-dehors de nous présent, personne ne pouvait nous entendre succomber au chagrin. Le temps avança vite depuis ce jour, moi qui avais tant voulu mourir auparavant, me voici espérant que le temps passe lentement, souhaitant que ma mort vienne le plus tard possible. Malheureusement, les blessures que je traînais depuis mon naufrage sur cette île me tuaient un peu plus chaque jour, je n'avais pas réussi à soigner mes blessures malgré l'aide reçue de Maha. Ces nombreuses années de non-traitement effectué allaient avoir raison de moi… Je trouvais tout de même étrange le rythme anormal auquel je viellissais, mais je n'avais aucune raison logique autre que mes blessures pour le justifier. Il ne me restait plus longtemps à vivre, je voulais consacrer l'entièreté du temps qui me restait à Maha et à Habel. Ce que j'avais fait à Maha était impardonnable, lui demander des excuses ne servirait à rien alors je l'ai prise comme ma femme selon les coutumes de cette île et j'ai fait de mon mieux pour lui offrir tout l'amour que je pouvais avec le peu de temps qu'il me restait, même si j'imagine que la cicatrice n'allait jamais disparaître. Quant à Habel, je lui ai appris tout ce que je savais sans en dire trop sur d'où je venais, je ne répondais pas à ses questions pleines de curiosité qui impliquaient le monde extérieur. Je voulais éviter que comme moi, cette île brise ses rêves en néant. C'était dommage qu'un tel enfant soit né en ces lieux, il était trop exceptionnel, même pour moi qui avais été souvent décrit comme un génie quand j'étais enfant. Je n'avais pas ce qu'il fallait avec moi, pour pleinement exploiter son potentiel. ….. Malheureusement, je n'ai pas pu lui inculquer tout ce que je voulais faute de temps. ''Seulement 10 ans et me voici déjà qui arrive te rejoindre, Mirha''. 'Vivre moins de 60 ans, c'est triste, eh bien, il fallait s'y attendre avec ce handicap'. …. Haaa, voici la ligne d'arrivée, est ce que mes parents seront de l'autre côté ? … Non, ils doivent tous les deux êtres encore en pleine forme, j'espère que cela durera encore longtemps pour eux. J'ai été un mauvais fils, je suis triste de ne pas pouvoir leur dire adieu, ils m'aimaient tellement maintenant que j'y pense. Toutes ces restrictions, elles servaient juste pour m'aider à grandir comme il fallait, quel dommage… … Au moins, il y a une chose pour laquelle je ne suis pas différent de mes héros d'enfance, comme eux, moi aussi, j'allais mourir heureux. À mes côtés, il y avait ma femme, Maha et mon petit-fils, Habel. Ils étaient avec moi quand j'observais pour la dernière fois, le magnifique coucher du Soleil. …C'était un beau voyage. Quelque part dans le monde, un saphir de lune se brisa et des profondes lamentations s'en suivirent jours et nuits pendant longtemps… ============================== Aka : ce mot signifie père. Koma : ce mot signifie mère.