ALEXEÏ
Ces derniers jours ont été vraiment compliqués. Je n'ai rien dans l'estomac depuis trois jours et je sens bien que je m'affaiblis de plus en plus. Je suis épuisé et du coup, incapable de sortir faire la manche à ma place habituelle. Encore moins, depuis mon altercation avec ce mec plein aux as qui s'est bien foutu de ma gueule en me ridiculisant devant tout le monde. Et moi qui croyais qu'il avait une once d'humanité, qu'un être humain pouvait encore s'intéresser à moi. Je le reconnais que ce type m'a fait un effet incroyable lorsque je l'ai regardé dans les yeux, provoquant en moi un sentiment bizarre. J'en avais même des frissons dans tout le corps. Mais bien sûr, c'était pour se foutre de moi avec son petit manège d'homme bien-pensant. Qu'il aille se faire voir lui et sa pitié à deux balles !
L'abattement moral et physique a eu raison de moi. Qui aurait cru que j'en arriverais à me retrouver dans la rue comme clodo. Tout le monde m'a tourné le dos quand mon père m'a foutu dehors. Il faut dire que surprendre son fils dans la chambre en train d'embrasser un autre mec l'avait mis dans une rage folle. Je me souviens encore de sa rage, de ses paroles et de la façon dont il m'a traité en nous découvrant enlacés sur mon lit.
— Putain ! Mais qu'est-ce que tu me fais Alexeï ! Tu n'es qu'un putain de pédé ? J'ai du mal à croire ce que je vois ! Mes fils ne sont pas des tafioles et ne se font pas baiser, merde ! Tu me dégoûtes, espèce de petite merde dégueulasse ! Tu vas dégager de chez moi, je ne veux plus jamais te voir ni entendre parler de toi.
Et s'adressant à mon petit ami du moment, le fusillant de son regard sombre, il 'l'a invité' à sortir immédiatement de chez lui.
Mon père s'est ensuite approché de moi, et sans rien ajouter de plus, il m'a collé un coup de poing en plein visage, m'envoyant directement m'étaler au sol. Il faut dire que je ne suis pas comme lui, grand, musclé et vraiment costaud. Je suis nettement plus petit avec mes 1,75 m alors que lui mesure dans les 1,90 m. Ma stature est athlétique depuis mon adolescence du fait que j'ai beaucoup pratiqué le footing et la natation, mais pas doté de muscles saillants comme les siens. J'ai tenté de me justifier, mais il m'a agrippé par le bras, m'a sorti de ma chambre et poussé dans les escaliers que j'ai dévalés jusqu'en bas. Il m'a jeté dehors en me disant de ne jamais revenir et qu'il n'avait plus de fils. Il aurait pu me tuer, je le connais. Alors, je suis parti sans un regard en arrière.
Ma mère était absente de la maison à ce moment-là, mais je ne l'ai jamais revue non plus.
La pluie tombe sans discontinuer et semble ne jamais vouloir s'arrêter. Je suis trempé jusqu'aux os depuis deux jours, mon carton est fichu et je n'ai pas la force de chercher un autre abri. Je tousse de plus en plus et j'ai mal à la gorge. Le simple fait d'avaler me brûle, et pour couronner le tout, je suis pris d'un accès de fièvre. Je suis mal barré. Même allongé sur le sol gelé, je suis tellement fatigué, que mes paupières se ferment toutes seules.
Je me redresse tant bien que mal et m'adosse contre le pilier du pont et m'assoupis aussitôt, malgré la douleur et le froid qui me glace les os. Je me réveille une heure plus tard, un peu perdu. Ma tête tourne et je ne sens plus mes pieds congestionnés par le froid. Je tente de me mettre debout, mais une douleur violente comprime mon thorax. Ma tête semble vouloir exploser et je m'écroule sur le sol gelé et perdan connaissance.
Andrew
— Patrick, aide-moi à le monter à l'étage, on va l'installer dans la chambre d'amis. Eh bien, il n'est pas très lourd, ça doit faire longtemps qu'il ne mange pas à sa faim le pauvre garçon.
— Oui, tu as raison, mais crois-tu que cela soit une bonne idée de l'installer chez toi ? Tu ne le connais pas ce type après tout.
— Non, mais t'as vu son état ! Je ne vais quand même pas le laisser dehors avec ce froid et cette pluie et vu son état, je ne lui donne pas deux jours.
J'en ai les larmes aux yeux de voir l'état lamentable de ce jeune homme, comment peut-on en arriver là. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver pour se retrouver dans cet état, transit de froid, malade et inconscient dans la rue ? Je n'aime pas la manière dont il respire, c'est rauque et j'ai l'impression qu'il a du mal à inspirer.
— Grant, appelez le docteur Liran, qu'il vienne de toute urgence.
— Merci de ton aide Patrick, maintenant je m'en occupe, je te téléphonerai bientôt pour te tenir au courant.
— Comme tu voudras, mais je t'aurais prévenu, dit-il en levant les bras en l'air.
Je décide de lui retirer ses vêtements complètement trempés et lui passe un de mes pyjamas avant de le recouvrir avec la couette pour le maintenir au chaud. Puis, je m'assois sur le bord du lit en lui tenant la main.
Le pauvre, il est gelé de la tête aux pieds.
Quinze minutes plus tard, la sonnette se fît entendre et le médecin apparut à l'entrée de la chambre accompagné par le majordome.
— Bonjour doc, je vous attendais.
— Que ce passe-t-il, Andrew ? Grant m'a dit que c'était très urgent au téléphone, j'ai cru qu'il t'était arrivé un accident.
— Non, je vais bien, mais ce jeune homme lui va très mal, je l'ai recueilli dans la rue sans connaissance, transi de froid et en plus il respire vraiment bizarrement.
— Je vois, attend, je vais l'ausculter pour voir ce qu'il a. Je vous demanderai à tous les deux de sortir pendant que je m'occupe de lui.
Avec Grant nous descendons au salon où je m'installe dans mon fauteuil habituel.
— Monsieur Andrew, désirez-vous un café ou autre chose ?
— Non merci Grant, mais par contre, pourriez-vous jeter les vêtements de ce jeune homme, vu l'état déplorables de ses affaires, c'est totalement irrécupérable.
L'attente parue éternelle à Andrew, pas moyen de se concentrer sur quelque chose tant la situation de ce jeune inconnu le préoccupait. Des tas de questions se bousculaient dans sa tête, comment quelqu'un de si jeune pouvait se retrouver dans la rue à faire la manche ? Pourquoi n'était-il pas chez ses parents ? A-t-il de la famille ?
D'autres questions venaient encore à son esprit lorsqu'il fut sorti de ses pensées par le docteur qui fît son apparition dans le salon.
-Alors doc, comment va-t-il ? Est-ce grave ? Il a repris connaissance ?
— Oh là Andrew ! Doucement, assieds-toi et calme-toi d'abord.
— Pardon doc, répondit-il en s'asseyant, mais je suis très inquiet pour lui.
— Oui, je vois ça, mais tranquillise-toi un peu, ton petit protégé ira mieux dans quelques jours. Son problème est qu'il est déshydraté et qu'il n'a pas mangé depuis plusieurs jours. Pour couronner le tout, il a dû supporter la pluie et le froid, ce qu'il l'a complètement congelé et a provoqué sa perte de conscience vu son état de faiblesse.
— Mon Dieu ! Il a repris connaissance ?
— Non pas encore, mais c'est normal vu l'état d'épuisement dans lequel il se trouve. Je lui ai poser une perfusion de chlorure de sodium pour la déshydratation puis une injection pour ses difficultés à respirer. Je vais te donner une prescription, il faudra commencer le traitement dès ce soir et surtout il ne doit pas quitter le lit pendant les trois premiers jours comme minimum. Je reviendrais un peu plus tard pour verifier son état et voir si je lui quitte la poche de chlorure.
— Très bien doc, je le surveillerai.
Une fois le médecin parti, je remonte les escaliers et me dirige vers la chambre ou mon inconnu se trouve inconscient. Je ne le connais pas, je ne sais même pas son nom, mais je l'ai quand même recueilli chez moi.
J'entre dans la chambre et m'approche du lit où il est étendu puis remonte la couette jusqu'en dessous de son menton. Je pose ma main sur son front que je sens très chaud et décide de lui poser une petite serviette humide dessus pour le rafraîchir. Au moment où je pose la serviette, il se met à gémir vraiment faiblement, certainement dut au contact froid du tissu. Je décide de m'assoir dans le fauteuil que j'approche du lit afin de le surveiller un peu.
Un coup à la porte de la chambre me fait sursauter et je m'aperçois que je me suis endormi. La chambre est dans le noir avec juste un clair de lune qui couvre le visage de mon inconnu.
Dieu qu'il est beau !
Je me ressaisis et allume la lampe de chevet puis autorise l'entrée.
-Monsieur va-t-il diner ?
-Oui Grant, mais apportez-moi le ici, je ne souhaite pas laisser notre invité seul pour le moment.
Après avoir dîné, je pris un livre afin de ne pas m'endormir à nouveau pour surveiller mon bel inconnu. Lorsque je me réveillai à nouveau, et bien sûr je me suis encore assoupi, je vis qu'il était déjà deux heures du matin.
— Bordel, je me suis encore endormi.
Alors que je commençais à me lever pour rejoindre ma chambre, le jeune homme commença à bouger un peu et sembla être sur le point de se réveiller.
-Hmm... où suis-je ?
La voix rauque du jeune homme me fit sursauter.
-Tout va bien, ne vous inquiétez pas, vous êtes en sécurité ici.
Le jeune homme tourna son visage vers moi et ouvrit grand ses yeux et me jeta un regard noir.
-Vous ? Dit-il à la fois surpris et en colère. Qu'est-ce que je fais ici ?
-Vous vous êtes évanoui et un ami vous a trouvé dans un triste état. Vous avez attrapé vraiment froid et perdue connaissance, donc je vous ai emmené chez moi.
Le jeune homme essaya de se lever, mais un vertige le fit retomber dans le lit.
-Ne remuez pas, vous êtes trop faible pour vous lever maintenant.
— Je dois partir, je n'ai rien à faire ici, dit-il en colère, mais sa voix trahissait son état d'épuisement. Vous pouvez garder votre bonne conscience, je ne serai pas votre B.A une fois de plus, je n'ai pas besoin de votre pitié.
Je le repoussais dans le lit, la main appuyée contre son torse, ce qui me provoqua comme une décharge électrique dans tout le bras et fît envoler des millions de papillons dans mon ventre.
-Et bien pour l'instant, vous n'irez nulle part, vous ne tenez pas sur vos jambes et vous êtes bien trop faible.
Quand vous aurez retrouvé des forces, vous pourrez partir, lui dis-je en sortant. Ah... et en passant vous n'êtes pas ma B.A du jour. Reposez-vous et dormez. Et je sortis.
Bon sang quel caractère de chien ! Plus têtu, c'est impossible.
Je descendis au rez-de-chaussée et m'installai dans mon fauteuil préféré en attendant que Grant m'apporte un dernier café. Je repensais à cette journée, qui décidément fut très riche en évènements. Lorsque Patrick m'avait appelé quelques heures plus tôt, j'étais prêt à laisser tomber les recherches même si cela me faisait un mal de chien au ventre.
Depuis le premier jour où j'avais croisé le regard de ce jeune homme, il n'arrivait pas une journée où je ne pensais pas à lui. Toute cette tristesse, l'état d'épuisement dans ce regard si bleu m'avaient retourné l'estomac. Ne croyez pas que cela soit de la pitié, non vous n'y êtes pas du tout, mais lorsque nos regards se sont croisés, j'ai ressenti un frisson qui s'est propagé tout le long de ma colonne vertébrale. Des millions de papillons dansaient dans mon ventre et j'ai su à ce moment-là que c'était lui. Lui, celui qui m'était destiné et que j'attendais depuis si longtemps. Oui, je sais, vous allez me dire que ça fait fleur bleue, peut-être bien, mais c'est comme ça que je le ressens.
Alors quand Patrick m'a dit qu'il l'avait retrouvé et qu'il était dans un état lamentable, mon sang n'a fait qu'un tour. La nouvelle m'a tellement frappé de plein fouet que j'ai faillis en perdre l'équilibre, je fus absolument obligé de m'assoir.