Ivre des les senteurs des étalages, une petite fille, ou peut-être déjà une jeune femme, tentait tant bien que mal de se frayer un chemin à travers la foule colorée. Entourée de bras et bustes en armures ou bien couverts de tissus délicats sentant encore l'eau parfumée, elle pressait le pas afin d'avoir traversé le district de la Crête-aux-Hayes avant midi. Il fallait faire vite.
Les visiteurs, fort occupés, ne remarquaient pas le spectacle insolite de la voyageuse, que l'on pouvait deviner sous une cape grise qui semblait l'engloutir bien plus que son habitante s'y cachait, remontant régulièrement d'une main hâtive le col jusqu'en haut de son nez, laissant seulement deux iris transparaître sous une capuche rêche et élimée. De temps à autre, la cape s'arrêtait. Personne cependant n'aurait pu penser que sa propriétaire, navigant au milieu des senteurs et mets les plus colorés, qui n'avait pas mangé depuis quelques jours, peinait à rester consciente au milieu du tumulte.
Oui, du tumulte.
La jeune fille entendait tout, et même bien plus que ce que "tout" peut signifier pour le commun des civils. Elle entendait les chuchotements des gardes attablés au restaurant sur le toit de la maison d'en face, les cris de la marchande de poissons, les vibrations des murs... et se sentait submergée par la cacophonie qu'elle ne parvenait pas à démêler dans sa tête.