Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 88 - Il y avait le goût de la lavande.

Chapter 88 - Il y avait le goût de la lavande.

Après avoir emmené Hasami Mari à l'hôpital, Ito Ren ne la revit plus pendant un mois.

Il avait appris au détour d'une conversation avec les Ressources Humaines que sa collègue avait pris un congé exceptionnel pour cause d'affaires familiales à régler, et qu'il n'était même pas sûr qu'elle revienne au bout de cette période.

Sans s'en préoccuper, Ren avait donc continué à travailler avec calme et efficacité ; bien que le fait d'avoir pas moins de quatre bureaux vides en face de lui était un petit peu déprimant.

Il avait fallut attendre la dernière semaine pour qu'un jeune type aux allures de voyou n'arrive et ne se mette à occuper une place en diagonale de celle de Ren. Il avait un peu cet air tête en l'air, comme s'il n'était concerné par rien, et étant arrivé avec des lunettes de soleil sur le nez et une démarche assez bourrue, il avait rapidement attiré l'attention sur lui.

Au départ, il avait tenté de parler avec Ren pour se présenter, mais l'homme à la tenue impeccable avait refusé toute discussion avec le nouvel arrivant. Pour lui, ce nouvel employé semblait plus être un élément perturbateur qu'un véritable atout à leur équipe.

Cependant, il n'avait fallut que quelques jours pour que Ren se rende compte qu'il avait peut-être mal jugé cet homme au tempérament immature et dissipé. La quantité de travail qu'il abattait chaque jour forçait le respect, et même s'il ne comptait plus pour l'instant adresser la parole à Ren, Yamamoto Yuuto continuait de lancer quelques regards indiscrets à son homologue. C'était peut-être pour lui une façon de montrer sa présence, et qu'il espérait que quelqu'un finirait bien par lui adresser la parole.

Ce qu'il fallait préciser, après tout, était que ce type était trop dissipé pour entretenir plus de cinq minutes une conversation cohérente avec qui que ce soit.

Il se contentait de parler de jeux vidéos et de ses voyages à l'étranger, ce qui ne manquait pas d'agacer et de plonger dans la confusion ses collègues les plus superficiels. Même Ren, dans tout son sérieux, ne savait pas vraiment comment le gérer ; et c'est avec soulagement qu'il avait reçu un message de la part d'Hasami Mari sur la messagerie instantanée de l'entreprise.

Pour être plus exact, elle lui avait envoyé un message à lui seul, sans passer par les groupes de discussion où plusieurs employés pouvaient poster comme lire ce qui se passait.

Cela faisait déjà bientôt un mois qu'il ne l'avait pas vue, et recevoir aussi brusquement un message de sa part avait de quoi surprendre ; d'autant plus que l'objet de son message l'intriguait.

'Bonjour Ito-san, je me doute que vous êtes encore au travail, mais si cela ne vous dérange pas, pourriez-vous me rejoindre ici quand vous aurez un instant ?'

Le message était accompagné d'un lien internet conduisant à une fiche de restaurant et salon de boisson sur Goople, avec l'adresse et l'itinéraire pour s'y rendre, ainsi que les divers avis clients.

Au départ perplexe, Ren s'était demandé si elle avait choisi un magasin de glaces et de boissons spécifiquement pour le rencontrer, ou si c'était juste un endroit qu'elle aimait bien et qu'elle avait choisi au hasards.

N'étant sûr de rien, il avait décidé de finir plus tôt sa journée de travail ; notamment pour se tenir éloigné le plus possible de Yamamoto Yuuto. Le jeune homme était trop bruyant, et vêtu d'un costume bleu ciel tapageur, il n'était jamais loin quand une discussion commençait à se faire entendre dans les rangées de bureaux. Du moins, il en était physiquement près. Pour ce qui était du plan mental, c'était une toute autre histoire.

Quittant son poste et quelques minutes plus tard l'immeuble de Marline, Ren s'était aidé de son téléphone portable pour tenter de trouver son chemin jusqu'à la petite boutique.

Grâce à son attention aux détails et à sa patience, il eut tôt fait d'apercevoir une enseigne de couleur violet pastel, sur laquelle le nom de la boutique était inscrit en violet : Sweet Lavender.

Il ne s'y était encore jamais rendu, et si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait probablement une nouvelle fois passé son chemin devant l'enseigne aux couleurs un peu trop féminines à son goût. Ce n'était pas du tout dans ses goûts, qu'il s'agisse de la devanture, ou, en entrant à l'intérieur, de la décoration intérieure parée de fleurs et de tableaux représentant de lointains paysages.

Toutefois, ce que ses yeux scrutèrent avec attention ne furent ni les tableaux aux techniques de peintures toutes les plus différentes que les autres, ni le comptoir en pierre blanche polie, et encore moins les voilages blancs et crème qui abritaient les clients des regards indiscrets provenant de la rue. À une table située dans un coin, il put apercevoir Hasami Mari, qui ne l'avait pas vu arriver, et qui continuait de boire avec précaution une tasse de boisson fumante.

Se dirigeant vers elle, il attira son attention en l'appelant par son nom, ce qui fit tourner un regard terne vers lui.

« Hasami-san ? »

« Ah, Ito-san, asseyez-vous je vous prie, » dit-elle en désignant la chaise située en face d'elle.

Son regard était fatigué, et il semblait même à Ren que la femme avait perdu un peu de poids ; car les rondeurs habituellement présentes à ses joues avaient disparu.

« Commandez ce que vous voulez, c'est moi qui vous l'offre, » dit-elle en lui tendant un dépliant de menu.

Non, ce n'était pas qu'une impression. Elle avait réellement perdu du poids, et même sans rien demander, Ren se doutait de ce qui avait pu se produire : être absent pour un mois sous prétexte de « problèmes familiaux » et avec une mine aussi affreuse ne pouvait signifier qu'une chose. Ce qui avait dû se passer un mois auparavant avait été suffisamment grave pour chambouler complètement la vie de sa collègue et la pousser dans une tristesse quasi-quotidienne qui mettait ses nerfs à rude épreuve. Il eut la délicatesse de ne pas pointer son apparence déplorable, et préféra reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée.

« C'est la première fois que je viens ici, alors si ça ne vous dérange pas, pourriez-vous commander à ma place ? » S'excusa-t-il en évitant de laisser sin regard errer à nouveau.

« Non, je comprends tout à fait, » dit la femme avant de se lever de sa chaise. « Je vais passer commande au comptoir, et je reviens. »

Elle s'éloigna alors vers la zone d'accueil composée de vitrines ; exposant pour l'une de multiples petits desserts et pâtisseries tous plus colorés les uns que les autres, et pour l'autre de grands bacs de crème glacée réfrigérée, eux aussi multicolores.

Elle parla un instant avec une employée tenant la caisse, et Ren ne put s'empêcher de détailler à nouveau son apparence ; comme s'il sentait le besoin de comparer la Hasami Mari de maintenant, et celle qu'il avait accompagnée un mois en arrière à l'hôpital.

Elle avait le dos et les épaules légèrement voûtés, et contrairement aux jours où elle travaillait, elle n'avait pas mis de tailleur coloré ou de jupe au design compliqué. Elle s'était contentée d'un pantalon de sport, et d'un sweat à capuche ; ce qui contrastait grandement avec l'apparence glamour et impeccable que Ren lui connaissait. Était-il possible de changer autant de style vestimentaire en un seul mois ? Où s'était-il fait des idées sur elle, ne réalisant que maintenant que son apparence dans la vie privée était on ne peut plus différente ?

Entre-temps, Mari revint s'asseoir devant lui, et après s'être un peu éclairci la gorge, reprit la parole.

« Je suis vraiment désolée de vous déranger en pleine après midi, mais comme vous aviez dit que je pouvais vous contacter au besoin... » S'expliqua-t-elle avec gêne.

« Je vous l'avais proposé, donc vous n'avez pas à vous sentir désolée pour moi, » dit-il. « Vous vouliez me parler de quelque chose ? »

Sa collègue de travail prit entre ses deux mains sa tasse de thé, et après un regard songeur bloqué sur la fumée tiède qui s'en échappait toujours, dit :

« Ito-san, pensez-vous que je devrais démissionner ? »

La question surprit Ren à plus d'une raison : non seulement Mari avait posé cette question avec sérieux et résignation, mais en plus, c'était à lui qu'elle s'adressait pour ce genre de problème.

Toutefois, c'était peut-être parce qu'il s'agissait d'une décision difficile à prendre qu'il s'était laissé prendre au piège par sa demande ; et qu'elle même avait demandé son assistance.

« Pourquoi voulez-vous démissionner ? D'un coup comme ça ? » Demanda-t-il avec calme.

« Vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'est passé quelque chose dans ma famille, un mois en arrière... » Dit-elle avec une expression peinée. « C'est pourquoi je ne suis pas sûre de pouvoir encore travailler à Marline dans ces conditions... »

« Quelles conditions ? » La pressa-t-il.

Ce n'était pas comme si c'était la fin du monde, non ?

« Je me retrouve soudainement à devoir gérer plus de choses, et ce n'est pas évident de m'y retrouver... »

« Dans ce cas, prenez le temps qu'il vous fait, » trancha Ren.

« Pardon ? »

« Si vous avez besoin de plus d'un mois, prenez un, voire deux autres mois. Ce n'est pas difficile à faire, » expliqua Ren.

Mari semblait hébétée par cette réponse sortie de nulle part, et Ren se sentit contraint d'élaborer sa réponse.

« Votre situation compliquée n'est que passagère, et ça finira par s'améliorer, » dit-il. « Mais si vous quittez votre travail maintenant, ça ne fera qu'ajouter un ennui supplémentaire à encore devoir régler après tout cela. »

Mari semblait à présent comprendre ce qu'il voulait dire par là, ce qui l'incita à continuer de parler.

« Vous êtes quelqu'un de compétent, Hasami-san, et je suis persuadé que vous êtes aussi quelqu'un de sérieux pour ce qui est de votre vie personnelle. Encore une fois, je ne suis peut-être pas la personne la mieux placée pour vous donner des conseils sur des problèmes qui ne relèvent pas de l'entreprise, mais si je sais une chose, c'est que démissionner maintenant ne ferait que vous desservir. »

Peut-être avait-elle senti qu'il cherchait à l'encourager, ou du moins à ne pas perdre une collègue qui faisait bien son travail, car elle eut un petit sourire fatigué.

« Je… Je vois… Merci de m'avoir donné votre avis, Ito-san... »

Une serveuse arriva avec un petit plateau sur lequel était posé une tasse blanche qui dégageait un doux parfum floral, et quand la boisson fut posée devant Ren, il remarqua que l'eau était légèrement rosée.

Avec précaution, il prit la tasse en main, et la portant à ses lèvres, sentit un goût délicat qui lui était jusqu'alors inconnu. Surpris, il éloigna le rebord de la tasse de ses lèvres, et demanda :

« Qu'est-ce que c'est ? »

Mari, un peu amusée de le voir réagir ainsi, sourit chaleureusement en lui répondant.

« Une infusion à la rose et à la lavande, » dit-elle.

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