Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 87 - Il avait l'air d'être quelqu'un d'aimable mais distant.

Chapter 87 - Il avait l'air d'être quelqu'un d'aimable mais distant.

Sur le moment, Ito Ren ne demanda pas la raison de l'affolement de Hasami Mari. Il s'était contenté de l'accompagner en silence jusque dans le parking situé en sous-sol, et après l'avoir suivie jusqu'à sa voiture – une petite citadine blanche – il s'était mis derrière le volant en attendant que la femme monte à ses côtés.

Cela avait dû perturber un peu cette dernière, car elle avait hésité avant de s'asseoir à l'intérieur du véhicule ; et Ren se demande si elle n'avait jamais laissé personne d'autre qu'elle-même conduire son véhicule avant aujourd'hui. À moins, bien sûr, qu'il ne s'agisse de sa réaction face à un collègue de travail qu'elle connaissait à peine ; et qui s'était décidé à l'amener sans demander trop de détails.

Toutefois, si Ren voulait savoir où aller, il devait bien demander leur destination à sa collègue, et après avoir démarré le véhicule, dit :

« Où est-ce que vous devez aller ? »

« À…. L'hôpital... » Répondit-elle avec anxiété.

Elle lui précisa qu'il s'agissait de l'hôpital général situé à l'ouest de la ville, et après avoir rentré l'adresse dans l'ordinateur de bord de la voiture, la voix du GPS commença à les guider.

Ren passa la première, et après avoir lentement remonté à la surface, s'engouffra dans la circulation fluide du milieu de journée.

N'étant pas dans sa propre voiture, il avait décidé de ne toucher qu'au strict minimum. Il n'avait pas mis de musique ou la radio, ni de clim, et même s'il devait se tourner vers Mari pour regarder dans le rétroviseur de son côté, il faisait toujours en sorte de ne pas la regarder elle directement.

Peut-être trouva-t-elle le silence de la voiture un peu trop pesant, ou peut-être se sentit-elle gênée d'être en compagnie de quelqu'un qu'elle connaissait à peine ; car Mari décida de lancer un sujet de conversation.

« Dites… Vous… Vous connaissiez mon nom, pas vrai ? » Demanda-t-elle avec hésitation.

« Je connais le nom de tous les employés, » répondit Ren sans quitter la route des yeux.

« Même si on ne s'est jamais parlé ? »

« Même dans ce cas de figure, oui, » dit-il. « Cela vous met mal à l'aise ? ».

« Non, enfin, je trouve juste ça étonnant de se donner la peine d'apprendre le nom de gens avec qui vous ne parlez pas... » Avoua-t-elle.

« Ce n'est pas comme si j'avais voulu les apprendre de plein gré... » Dit-il sans plus élaborer.

« Pardon ? »

« J'ai tendance à retenir des informations même si je ne veux pas m'en souvenir, » expliqua-t-il. « Donc, que nous nous parlions ou non, cela n'aurait rien changé pour moi. »

« Ah, je vois... » Dit-elle avec ce qui semblait être une pointe de déception dans la voix.

Il s'écoula quelques minutes silencieuses, pendant lesquelles la voix robotique du GPS piailla plusieurs fois, puis Mari reprit la parole.

« Merci à vous de m'accompagner, et vraiment désolée de vous avoir entraîné là-dedans, » s'excusa-t-elle.

« C'est moi qui vous ai proposé de conduire, alors vous n'avez pas à vous excuser, » dit-il. « Je suis celui qui a imposé cette décision, pas vous. »

Mari n'était pas vraiment sûre, mais elle avait l'impression en observant cet homme et en écoutant sa voix, que ce dernier restait très distant dans sa façon de faire. Peut-être était-ce un excès de politesse ? Ou peut-être était-il lui-même un peu gêné par la situation.

S'il était un peu mis mal à l'aise par la situation, il n'en montrait rien.

« Tout de même, ça ne vous dérange pas de devoir m'attendre, ou de devoir repartir par vos propres moyens ? » Demanda-t-elle.

« Pas vraiment. J'avais déjà prévu de vous déposer et de repartir en bus, » dit-il sur un ton calme.

« Même si je vous avais demandé de me déposer au milieu de nulle part ? »

« Si cela avait été le cas, j'aurais appelé un taxi, » répondit-il sans hésiter.

Il avait probablement pensé à tout, même dans un si court laps de temps, et Mari ne put que se blâmer pour avoir fait preuve d'impulsivité et être partie sans même savoir ce qu'elle allait faire.

Pire encore, maintenant qu'elle était moins nerveuse au sujet de l'homme qui conduisait sa voiture, elle sentait l'angoisse à nouveau la gagner. Ce n'était pas un appel de courtoisie qu'elle avait reçu de la part de l'hôpital, loin de là. Elle ne savait même pas ce qu'elle allait trouver en arrivant.

Tout ce qu'elle savait de la part de la personne qu'elle avait eue au téléphone, était que sa sœur et son mari avaient été victimes d'un accident de la route, et qu'elle devait venir au plus vite.

Heureusement, leur fille devait sûrement encore être en cours, et Mari se demanda si l'école avait déjà été prévenue de ce qui était arrivé ou non.

Avec anxiété, elle serra le tissu de sa veste, et regarda droit devant elle.

Elle savait qu'elle devait potentiellement se préparer au pire, et pour cela, l'incertitude était encore pire que savoir exactement ce qui s'était passé.

Dans ce genre de situation, se raccrocher à un espoir s'avérant par la suite futile était bien plus terrible que d'être mis devant les faits.

« Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, » dit Ren, « et je sais que peu importe mes paroles, ça n'effaceras pas votre inquiétude. Je ne peux pas non plus vous rassurer, en sachant pertinemment que ça n'aura aucune influence sur la situation actuelle... »

Son collègue se montrait très terre à terre et réaliste avec de telles paroles pleins de logique ; mais ce point de vue posé et insensible rassura quelque peu Mari. Elle n'avait pas besoin de belles paroles comme « tout va bien se passer », « il ne faut pas vous inquiéter » et encore « ce n'est peut-être pas si grave que ça ». Ce genre de paroles semblait beaucoup trop artificiel et déconnecté de la réalité.

« … Mais en revanche, je peux vous offrir mon soutien, si vous en avez besoin. » Continua Ren. « Donc si vous avez besoin de parler à quelqu'un, n'hésitez surtout pas. »

Étrangement, ces paroles rassurèrent autant Mari qu'elles l'intriguèrent.

Ce type ne lui avait jamais adressé la parole depuis qu'elle avait commencé à occuper un des bureaux en face de lui, et elle-même ne lui avait jamais lancé le moindre regard.

Pourtant, le voilà qui se montrait à l'écoute, et se proposait même pour être disponible pour elle.

Peut-être était-ce un élan de politesse extrême qui le poussait à agir comme cela. Ou peut-être était-ce juste des paroles pour la rassurer, sans intention de suivre derrière les engagements qu'il avait pris.

Mari ne le connaissait pas assez pour pouvoir les cerner, lui et son comportement.

Toutefois, la même chose pouvait également être constatée à son sujet : Ito Ren ne la connaissait sûrement pas assez pour pouvoir correctement la comprendre. C'était normal, quand vous échangiez pour la première fois des mots avec une personne. Il y avait toujours une certaine zone d'ombre ; un flou ou un brouillard, qui planait en plein milieu de la conversation. Un espace où chacun devait avancer à tâtons pour essayer de découvrir quelles étaient les limites de l'un comme de l'autre, et où il était important de « tâtonner » pour essayer de découvrir les contours d'un individu et de sa personnalité.

Aux yeux de Mari, il semblait qu'Ito Ren avait déjà entrepris de dissiper une partie de la brume avant même qu'il ne propose de la conduire là où elle devait se rendre ; et elle se demanda alors si cet homme avait déjà commencé à l'estimer et à la jauger depuis son premier jour au Département Catastrophes Naturelles.

Il était temps qu'elle en fasse de même, et reprenant un peu courage, elle dit :

« Vous en avez déjà fait assez en m'amenant jusqu'ici, mais si j'ai tout de même besoin de vous parler, je peux vous contacter par la messagerie interne ? »

Il répondit que oui, et qu'il lui répondrait alors dans les meilleurs délais ; ce qui fit comprendre à Mari que ce type n'était pas particulièrement réfractaire à tout type de conversation, mais plutôt qu'il n'était pas très bavard en premier lieu et faisait preuve de beaucoup trop de manières envers les autres.

Malgré cette attitude qui pouvait être assez dure à appréhender, Mari se fit la note mentale de remercier plus tard cet homme qui avait su faire preuve de gentillesse envers elle. Du moins, quand elle aurait de nouveau l'esprit se prêtant à réfléchir à ce genre d'exercice. Pour le moment, elle était encore beaucoup trop angoissée pour pouvoir se montrer rationnelle et en pleine capacité de ses moyens. Elle était également assaillie par une peur viscérale d'un résultat incertain et tragique ; ce qui lui fit serrer la mâchoire.

L'employée de l'hôpital avait parlé d'état critique, et Mari n'avait pas la moindre idée de ce à quoi ce mot pouvait correspondre.

Ren aperçut du coin de l'œil les traits de sa collègue se tendre, mais décida de ne rien dire et de faire comme s'il n'avait rien vu. Il se doutait bien que malgré ses paroles, Hasami Mari allait continuer de sombrer de plus en plus profondément dans l'angoisse et la peur. Quand ces émotions négatives s'emparaient aussi violemment que cela de vous, elles tournoyaient comme un typhon dans votre corps jusqu'à tout chambouler à l'intérieur. Ce n'était alors qu'une question de temps, avant que le désespoir et la tristesse ne vous envahisse.

Il ne savait pas ce qui avait pu se passer, mais il n'avait aucun doute quant à la gravité de la situation à laquelle Mari faisait face.

Tournant à un feu vert, la voiture s'aventura enfin dans la grande avenue passant devant l'hôpital, et Ren amena le véhicule jusqu'à l'entrée pour les visiteurs. Il se doutait que sa collègue voulait descendre le plus vite possible du véhicule pour directement entrer dans le bâtiment ; mais il insista tout de même pour amener la voiture dans le parking pour pouvoir en remettre les clés à son propriétaire légitime.

De plus, même s'il avait pris sur son temps pour conduire jusque-là, il ne pouvait pas non plus s'absenter éternellement de son poste, et saluant Mari d'un hochement de tête, il la laissa prendre l'ascenseur vers les étages supérieurs avant de lui-même se diriger vers une porte menant à l'extérieur.