Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 86 - C'était la première fois que j'écoutais volontairement.

Chapter 86 - C'était la première fois que j'écoutais volontairement.

Mari, Hana et Ren revenaient juste devant le bâtiment de Marline quand un visage familier apparut devant eux.

À quelques dizaines de mètres de là, se tenait le jeune Directeur Utagawa. Il devait sûrement les attendre, car à peine eut-il vu le trio arriver, qu'il se dirigea prestement vers eux.

« Ah ! Shinohara-san ! Hasami-san ! Ito-san ! » Les appela-t-il en venant se positionner devant eux.

Ren le salua d'un hochement de tête silencieux, et Mari comme Hana firent de même juste après lui.

Hana ne pensait pas recroiser le jeune homme de si tôt après leur dernière discussion, et se demandait donc s'il était venu pour la voir elle, ou pour une autre raison.

« Excusez-moi de vous attraper dès votre retour de pause, mais j'aurais eu quelque chose à discuter avec l'un d'entre vous, » se justifia Takao.

Il voulait discuter ? De quoi ?

La jeune interne se demandait s'il allait encore tenter de la convaincre de parler avec Nana, jusqu'au moment où Takao tourna le regard vers Ren.

« Ito-san, si ça ne vous dérange pas, j'aurais aimé m'entretenir avec vous, » dit-il prestement.

« Vous voulez… Me parler ? » Demanda Ren, perplexe.

« Oui. Je sais que ça risque d'empiéter sur votre temps de travail, mais j'apprécierais vraiment que vous m'accordiez un peu de votre temps, » tenta de le convaincre Takao.

Ren comprit que, même si cela ne ressemblait pas à un ordre, c'en était probablement un. Il se doutait cependant que le jeune homme ne voulait pas abuser de son autorité de Directeur, et encore moins devant des gens qui ignoraient pour l'instant quel poste il occupait dans l'entreprise.

Certes, il semblait à Ren que Mari avait compris, vu les regards insistants qu'elle lançait au jeune homme en face d'eux ; mais ce n'était pas le cas d'Hana, et l'homme élégant comprit que c'était avant tout pour elle que Utagawa Takao refusait de s'exposer comme membre de l'administration de l'entreprise.

Prenant en compte cela, il acquiesça d'un signe de tête, avant de se tourner vers ses deux collègues.

« Je vous retrouverai un peu plus tard dans l'après midi, » s'excusa-t-il auprès d'elles.

« T'inquiètes pas, c'est pas comme si ta présence était capitale, » se moqua Mari.

Ren releva un sourcil face à cette réponse inadéquate, mais ne répondit rien. Il savait que la femme en face de lui répondrait sûrement par une autre moquerie ou par une déclaration corrosive.

Mari lui fit alors signe de la main pour lui dire au-revoir, avant de prendre par le bras Hana et de l'entraîner avec elle vers les portes d'entrée de l'immeuble de Marline. Ren, quant à lui, reporta son attention sur le jeune Directeur.

« Que voulez-vous me demander ? » Dit-il sans aucun détour.

« Hum, ça risque de prendre du temps, » réfléchit à voix haute Takao. « Vous avez déjà pris un café ? »

Ren répondit par la négative, et Takao lui proposa alors d'aller dans un magasin de crèmes glacées qui faisait aussi office de salon de thé et servait tous types de boissons.

Les deux hommes marchèrent pendant quelques minutes, et Ren reconnut immédiatement la devanture aux couleurs pastel : Sweet Lavender.

Ça faisait un moment qu'il ne s'y était pas arrêté, donc cela lui convenait ; et rapidement, il emboîta le pas à Takao, déjà en train d'en pousser la porte vitrée.

La décoration intérieure n'avait pas changé depuis la dernière fois où il était venu, et malgré lui, il était encore une fois beaucoup plus focalisé sur les couleurs et l'aménagement intérieur que la personne avec laquelle il était venu. Il s'y rendait d'habitude seul, excepté pour ce jour, il y a deux ans en arrière.

Tandis qu'ils attendaient au guichet pour passer leur commande, l'esprit de Ren se perdit à se remémorer les événements d'il y a deux ans.

Au départ, il n'avait pas du tout prévu de se rendre dans cette boutique aux couleurs très… Violettes. La décoration mignonne n'était pas du tout son style, et sachant qu'il était très occupé au travail, il n'avait pas vraiment eu l'opportunité ni le temps de pouvoir se rendre dans les boutiques entourant l'entreprise.

Cependant, ce qui était arrivé ce jour-là l'avait totalement chamboulé.

Tandis qu'il occupait déjà le même bureau au Département Catastrophes Naturelles, et que Hasami Mari venait d'y être mutée depuis le Département Véhicules, il ne s'était pas vraiment intéressé aux gens autour de lui. Ce qui était très paradoxal, car bien qu'il chercha à en savoir le moins possible sur les autres, il se retrouvait toujours à portée d'oreille pour les derniers ragots et dernières rumeurs circulant dans l'entreprise. Involontairement, il entendait clairement les discussion de ses collègues, que ce soit à son poste de travail ou en salle de pause, et sans savoir comment, s'était tout naturellement retrouvé entraîné au cœur du réseau d'information des employés.

Par conséquent, il avait toujours l'appréhension d'entendre des choses qu'il ne devrait pas entendre en temps normal.

Il essayait donc tant bien que mal d'ignorer les discussions que pouvaient avoir ses collègues, et notamment ceux et celles qui se trouvaient à proximité immédiate de lui. Même s'il entendait des fragments de conversation, il s'efforçait de se concentrer sur son travail pour totalement mettre en sourdine les sons environnants. C'était une technique qu'il maîtrisait assez bien, et qui lui permettait de ne pas avoir à se mêler des problèmes d'autrui.

Toutefois, la voix paniquée qui lui parvint de l'autre côté de l'écran de séparation, en face de lui, mit par terre toutes ses résolutions.

« Q-Quoi ?! » S'exclama la voix féminine avant de baisser d'un ton.

La voix semblait appartenir à une femme menant une conversation téléphonique, et bien que son attitude ait momentanément attiré les regards indiscrets de ses collègues, le fait de parler à voix basse pour la suite de la discussion ne donna plus envie à personne de s'intéresser à elle.

En revanche, Ren était suffisamment près pour entendre la moitié de conversation.

« O-Oui, j'arrive tout de suite ! Le plus vite possible ! » Dit avec panique la voix.

La femme semblait essayer de maintenir un niveau sonore bas pour éviter que des oreilles indiscrètes n'écoutent ses paroles, vu comment elle se forçait à murmurer.

« V-vous pouvez me redonner l'adresse ? » Demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Il se passa quelques secondes, pendant lesquelles elle devait probablement écouter son interlocuteur à l'autre bout du fil et noter des informations à la main, car certains de ses collègues à proximité lui lancèrent des regards curieux. De ses yeux perçants surplombant à présent la scène depuis le dessus de la cloison en plastic, Ren dévisagea les personnes aux yeux scrutateurs pour leur faire détourner le regard et se remettre au travail.

Puis, la femme en face de lui termina son appel, et avec une précipitation désordonnée, commença à réunir ses affaires et à ranger comme elle le pouvait son bureau. Il ne connaissait pas assez cette femme pour savoir de quoi exactement il retournait, et s'il se fiait à sa mémoire parfaite, cela ne faisait pas assez longtemps qu'elle était là – trois mois, tout au plus – pour qu'il en sache assez sur elle. Cependant, il savait reconnaître un état de panique et de malaise quand il en voyait un : des mains tremblantes, un regard qui avait du mal à se fixer quelque part, et un visage livide.

Toujours avec une certaine maladresse, la femme aux longs cheveux prit en main un trousseau de clés et se leva de son siège pour aller se diriger vers les ascenseurs. Avec nervosité, elle appuya rapidement à plusieurs reprises sur le bouton d'appel.

Il semblait qu'elle ne voulait pas perdre un seul instant, et que si l'ascenseur mettait trop de temps à arriver, elle finirait par emprunter les escaliers de secours pour éviter d'avoir à attendre en restant immobile. Heureusement, le « ding » signifiant l'arrivée de l'appareil de transport retentit bien assez tôt, et à peine les portes étaient-elles ouvertes qu'elle s'y engouffra avant d'appuyer avec force sur le bouton désignant le parking sous-terrain de l'entreprise.

Stressée, elle regarda les portes métalliques de l'ascenseur coulisser avec lenteur pour se refermer, quand, tout d'un coup, une main s'interposa dans l'espace encore ouvert au centre.

À sa plus grande surprise, les portes de l'ascenseur, presque fermées, se rouvrirent, et un homme de grande taille et au costume impeccable s'avança vers elle.

« Excusez-moi, » dit Ren en entrant à son tour dans l'ascenseur.

Les portes se refermèrent lentement, et avec calme, il se tourna vers la femme déjà présente qu'il avait suivie depuis qu'elle s'était levée.

« Hasami-san, c'est ça ? » Dit-il en la regardant.

Sa collègue de travail fut surprise de voir qu'il connaissait son nom, d'autant plus que lui et elle ne s'étaient jamais réellement adressé la parole depuis son transfert dans leur Département.

« Comment... ?» Balbutia-t-elle.

« À quel étage descendez-vous ? » Demanda-t-il en l'empêchant de parler davantage.

Il pouvait parfaitement savoir qu'elle se rendait au parking sous-terrain, rien qu'en voyant le bouton d'étage allumé sur le mur de l'ascenseur. Son but était plutôt de la forcer à réfléchir à quelque chose, afin de la calmer un peu en l'empêchant de trop penser à ce qui la mettait dans un tel état de panique.

« Le-Le sous-sol... » Dit-elle après quelques secondes.

« Et ça, ce sont vos clés de voiture ? » Demanda-t-il en pointant du doigt le trousseau de clés qu'elle tenait plus fort que nécessaire dans sa main.

« O-Oui... »

« Je ne sais pas ce qui vous affole autant, mais je ne peux pas vous laisser prendre le volant ainsi, » s'imposa-t-il.

Cela sembla contrarier la femme à ses côtés, car elle fronça les sourcils.

« Non, j'ai besoin de partir le plus vite possible, alors j'ai pas à- »

Il tendit alors la main vers elle, lui coupant à nouveau la parole avec ce geste impromptu.

« Je vais vous conduire. » Dit-il d'une voix ferme.

« Pardon ? »

« Je vais vous conduire, alors donnez-moi vos clés. » Répéta-t-il. « Je ne sais pas où vous allez, mais c'est inutile de vous laisser conduire si vous n'arrivez jamais à destination. »

Un peu choquée par l'attitude de ce collègue de travail qu'elle ne connaissait que de visu, Mari resta un instant silencieuse. Il était vrai qu'elle ne devait plus avoir toute sa tête, étant donné ce qu'on venait de lui annoncer au téléphone, et peut-être était-il plus sage de ne pas conduire pour l'instant, au risque de terminer dans un accident de la circulation.

À contrecœur, elle tendit d'une main hésitante le trousseau de clés vers l'homme bien plus grand qu'elle, et ce dernier s'en empara sans avoir à le redemander une troisième fois.

Il essayait toujours de ne pas écouter les conversations des gans aux alentours. C'était une sorte de règle qu'il s'était imposée parce qu'il n'aimait pas être mêlé à des choses qui ne le regardaient pas.

Pourtant, il n'avait pas pu ignorer la voix paniquée d'Hasami Mari, et sans le vouloir, s'était intéressé à elle.

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