_ Monsieur ? Fit la voix synthétique du majordome.
_ Pune… ?
_ Un autre cauchemar ?
_ Non… Je… J'ai… Qu'est ce que… Hum… Quelle heure il est ?
Kumail soupire de frustration. Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?
_ Il est huit heures, monsieur.
_ Ok… J'ai… J'ai dormi toute la nuit ? A quelle heure je suis rentré hier soir ?
_ Je ne sais pas sur monsieur. En me rendant dans votre chambre à dix-neuf heures pour vous avertir du service du souper, je vous ai trouvé endormi, je vous ai donc laissé tranquille. Vous n'êtes pas sorti depuis.
Dix-neuf heures… Kumail a découvert l'entrée de l'autre monde à cette heure précise. Génial, il est devenu dingue à force de dénigrer sa propre vie. Ça avait pourtant l'air tellement réel.
Depuis quand des bonnes choses lui arrivaient ? Qu'on reconnaissait son talent ? Depuis quand les gens normaux reconnaissaient le fait de bien savoir jouer comme un talent ? Comme quelque chose de spécial ? Existait-il vraiment un autre monde où il se sentirait libre et à sa place ?
La réponse était évidente. Il soupira.
_ Quelque chose ne va pas, monsieur ?
_ Si si, t'inquiètes pas, Pune. Je suis juste encore dans le brouillard. Le petit déjeuner est prêt ?
_ C'est en cours, il sera prêt dès votre sortie de la salle de bain.
_ Bien.
Perdu dans ses pensées, Kumail laisse l'eau couler sur lui et cherche désespérément à comprendre ce qu'il lui arrive. Il avait toujours assumé le gris plat de sa vie. Bien sûr il avait rêvé à mieux mais ça. Il n'était pas fou, c'était bien plus qu'un rêve ! Toutes ses émotions s'emmêlent et il n'arrive pas à reprendre le contrôle. Il sent sa respiration accélérer, son coeur se met à battre plus vite… Il ne comprend pas, et son cerveau refuse l'évidence. Il respire trop vite dans la vapeur chaude de la douche, et commence à perdre conscience. Il se sent partir…
_ Le petit déjeuner est prêt, monsieur.
Pune le ramène soudainement à la réalité. Il accroche le mur et reprend ses esprits. Ça va aller. Il faut que ça aille.
…
Le même chemin, la même école, les mêmes personnes, les mêmes… Problèmes. Le souvenir de la scène à la cafétéria lui revient. Une boule au ventre se fait sentir quand il repense à Maare, Charle, Tetsu et Asaria… Asaria ? Un flash lui revient, il se rappelle la conversion entre les trois imbéciles, la veille.
Seulement, s'il a vraiment entendu cette conversion et qu'il était présent, il n'aurait pas pu être au lit à dix-neuf heures… non ? En réalisant cela, Kumail aperçoit Asaria au loin. Il se dirige vers elle, souhaitant confirmer la fête organisée par Maare et les autres la veille. Mais il entend la sonnerie, les cours commencent.
L'heure du déjeuner. Il a passé son temps à rêver, à s'interroger. Jusqu'à présent ses seules réflexions ont été sur les compétitions, les batailles et leurs stratégies. Aujourd'hui c'est différent, il s'intéresse et se préoccupe de sa vie, celle qu'il essaye à tout prix de fuir, qu'il méprise : la réalité. Ses yeux suivent un nuage, allongé sur le toit de l'école avec le ciel pour seul compagnon. Peut-être que tout n'est pas si noir en fin de compte, peut-être qu'il a trop vite laissé tomber ce monde. C'est juste confus. Si tant était que de telles choses aient vraiment eu lieu. C'était pas faute d'avoir cherché des changements physiques un peu partout sur son corps ce matin sous la douche… Enfin, fini de rêvasser, la pause est terminée.
…
Les cours se finissent, il marche vers la sortie.
_ Je te savais pas du genre à sécher Ku, petit bandit ! Lui dit Massa en lui donnant une tape amicale dans le dos.
Douleur. Brûlure. Mal. Au contact dans son dos, Kumail s'effondre soudainement au sol, brisé, comme si la main ne venait pas taper son dos mais plutôt lui enfoncer quelque chose à l'intérieur.
Il se retrouve au sol, devant ses camarades confus.
Il reprend son souffle et ses esprits après quelques secondes, réalise que la douleur n'est plus, et qu'il est affalé au sol au milieu de tous…
_ Hum… Ça va aller ? Demande Massa d'un ton inquiet.
Kumail entend le monde autour de lui, ricaner, murmurer sur son compte. Il se reprend alors en main.
_ Oui, t'inquiètes, j'ai rien. Excuse-moi, je dois aller aux toilettes.
Il s'empresse de partir sous les bruits moqueurs du groupe qui s'est formé. Il se précipite dans une cabine, ferme à clé et se déshabille. Il a beau chercher encore et encore mais il ne trouve rien. Il essaye d'atteindre l'endroit ou Massa l'a touché, mais il n'y arrive pas. Il décide alors de sortir torse nu et de regarder son dos dans le miroir au-dessus des lavabos. Rien.
Le temps passe, et Kumail ne peut penser à rien d'autre. Pourquoi il s'est effondré ? D'où venait cette douleur qui a disparu si soudainement ? Il serait vraiment devenu dingue, en fait.
Il a tellement besoin de savoir. Il a attendu Asaria pour enfin savoir ce qu'il s'est passé la veille, si ses amis se sont vraiment réunis dans ce bar où elle était censée aller, mais elle n'était pas là. Il a dû se décider à rentrer, il a pris un bain, un repas et est parti se coucher.
Ni le lendemain, ni le jour suivant, Asaria n'était là. Il y croyait, pourtant. Mais tout ce qui l'accompagnait dans ses pensées était le regard qu'Asaria lui a fait avant qu'il ne soit douché d'ordure. Ses yeux mauves qui disaient… « Je suis désolée. ».
Les gens c'est tellement nul.
Il a choisi d'évoluer contre sa nature et de vivre sans aucun lien. Il n'a que Pune. C'est à se demander pourquoi il était allé à ce rendez-vous…
Kumail se rend à la cafétéria, en dépit de ce qu'il s'est passé la dernière fois qu'il y est allé. C'est la première fois depuis un moment qu'il s'y rend pour vraiment manger. Devant tout ce choix il hésite, chaque carte comporte plusieurs menus, qui comportent plusieurs plats, qui eux comportent plusieurs saveurs. Évidemment, c'est toujours comme ça dans un établissement aussi côté. Les prix vont avec. Il remarque alors l'affiche d'un burger en édition limitée. C'est le coup de coeur, le prix est indécent, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Il prend son repas, et va s'asseoir.
Soudain le brouhaha qui règne dans la cafétéria se tait.
Kumail fait comme si de rien n'était et garde la tête dans son plateau pour déguster du vrai pain contenant de la vraie viande. Il ne veut absolument rien avoir à faire avec les autres et compte bien profiter du repas qui lui a coûté un loyer complet. Mais après un moment, il se sent mal à l'aise, comme si tout le monde le regardait.
Il lève finalement la tête. Ouah… Un rêve ? Une elfe ? Kumail a devant lui une fille qu'il ne reconnaît pas mais qui est… Éblouissante…
_ Est-ce que je peux m'asseoir ici ? … Hmm ?
Kumail acquiesce en réponse. Elle a une jolie voix nasillarde. Il en a carrément oublié de respirer…
_ Merci ! Lâche-t-elle en souriant.
Kumail réessaye d'apprécier son repas mais… Elle reste en face de lui à le fixer et sans rien à manger. Au bout de longues secondes de silence gêné, il ose.
_ Hm… On se connait ?
_ Non.
_ Ok… Tu… Tu veux bien arrêter de me fixer... s'il te plait ?
_ Oh, je te mets mal à l'aise ? Demande-t-elle sincère.
_ N… Non pas vraiment. Un peu. Une inconnue qui vient s'asseoir en face de toi pour te regarder manger sans te parler c'est pas vraiment la plus confortable des situations. Hum… T'en veux ? lui dit Kumail en poussant son plateau vers elle. Elle n'a pris que deux barres protéinées goût vanille.
_ Oh… T'es sur ?
Kumail la fixe sans donner de réponse l'air de dire « je ne te le proposerai pas une seconde fois ».
_ Merci !
La plupart des gens n'auraient pris qu'une bouchée. Là, elle a englouti tout le repas de Kumail. Bye bye le burger en édition limitée…
_ Délicieux ! Merci beaucoup ! Vous avez de la chance de manger ça tous les jours !
_ Ah, ouais… Trop de la chance ohlala c'est affolant comme on est chanceux… Sinon, je t'ai jamais vu ici et vu comme on te regarde, en fait personne.
_ Hm…*mâche* Moi je suis personne, juste Alia, une amie.
_ Une amie ? De qui ?
_ Une amie. La question c'est qui es tu, Kumail ?
_ Qui je suis ? T'es assez chelou toi, je suis le mec qui s'est fait bouffer son super repas par une anonyme…. Attends… D'où tu connais mon n...
_ Haha ! Désolée je te revaudrais ça coupe-t-elle en lui faisant un clin d'œil. Alors ! Parles-moi de toi ! Qui es-tu…
Malgré une présence et un charme intimidant, elle réussit à mettre Kumail à l'aise. Il n'insiste pas en voyant qu'elle évite certaines questions. C'est une des rares fois où il a une interaction sympa avec un autre être humain réel. Ils finissent par se mettre à parler de tout et de rien, comme s'ils se connaissaient déjà, sans rien aborder de sérieux. Kumail mâchouille finalement les barres protéinées d'Alia, quand une voix malvenue les interrompt.
_ Regardez-moi qui s'invite à la cafétéria ! Aah… Toi t'es vraiment obstiné hein… Dis moi, l'odeur, ça va ?
Kumail, les traits soudainement tendus, fait mine de ne pas écouter et Alia regarde la scène sans intervenir.
_ Si tu veux on peut t'en remettre, parait que c'est bon pour la peau…
Charles remarque la présence d'Alia et hausse un sourcil, visiblement intéressé.
_ Salut toi… Tu t'es pas trompée de table par hasard ?
_ Non, merci. Je suis exactement où je veux être. Est ce que tu pourrais partir, s'il te plait? Nous sommes en pleine discussion.
Alia ne lui a pas porté un seul regard. Elle est focalisée sur Kumail, lui-même surpris par la scène qui se déroule sous ses yeux. Charles dans toute la splendeur qui le caractérise, insiste forcément. Prévisible, se dit Kumail, agacé.
_ Eh. Tu m'as l'air de péter beaucoup plus haut que ton cul toi. C'est pas parce que t'es un peu mignonne que…
_ Je vois que les formalités n'y sont plus, dit Alia en soupirant. Très bien. Je pense que t'as pas bien compris, "beau gosse de mes deux 333". On est sur un groupe privé et t'es pas invité, ok ?
_ Haha… Alors toi…
Le ton de Charles se fait menaçant. Pas bon, se dit Kumail.
_ Frapper une femme, ça c'est un homme un vrai, rétorque le basané.
_ La ferme ! s'emporte Charles
_ J'ai dit… Dégage.
Le ton d'Alia est sans appel. Elle n'a fait aucun cas de l'intervention de Kumail. Elle qui n'a pas calculé Charles de toute la confrontation le regarde enfin. D'un regard comme… Vide. Vide mais en même temps, tellement clair… Kumail le sent, bien qu'il n'est pas celui visé, il comprend parfaitement le message passé. Si Charles continue, il risque sa vie. La situation est surréaliste, et la cantine entière retient son souffle.
La tension s'évapore quand Charles s'en va en lâchant quelques insultes en s'éloignant pour faire le malin. Et la cafétéria reprend son rythme habituel, au moins en surface.
_ Mais d'où est-ce que tu sors ? Demande le jeune homme presque en chuchotant, scrutant Alia.
_ T'as réagi.
_ Quoi ? C'est pas… c'est pas le sujet ! C'était quoi, ça ?!
_ Quand il allait me frapper, t'as réagi, dit encore Alia, imperturbable.
Kumail soupire. Bon.
_ Et alors ?
_ Mais pas quand il t'a insulté, pourquoi ?
_ Sérieusement, c'est ça qui te choque ? Comme ça. J'ai l'habitude.
_ Tu veux te battre pour quelqu'un que tu ne connais pas, mais pas pour toi-même… T'es con ou quoi ?
_ Je t'ai pas demandé ton avis, alors la ferme. Je veux juste éviter les problèmes c'est tout.
_ Mais pas pour une inconnue…
_ Le fait que tu sois une inconnue ou non n'a aucune importance, s'emporte Kumail. T'es une fille, on frappe pas les filles.
_ Oh donc si j'avais eu un pénis… ?
_ Quoi ? Non. Je veux dire… Merde, ok ? rougit-il sous le sourire narquois de la jeune fille.
_ Hmm… Et donc, tu continueras à subir sans agir ? Pour éviter les problèmes ? demande encore Alia.
_ Ouais. Et alors ?
_ Tu sais Kumail… Il y a très longtemps il y avait des gens qui pensaient comme toi : « si je ne réagis pas, si je ne me bats pas, si je ne leur donne pas de raison, tout ira bien. Je ferais ma vie tranquillement dans mon coin. ». C'est comme ça que tu penses hein ? Tu sais ce qu'elles sont devenues, ces personnes ?
_ Ils ont fini par céder ? suppose Kumail, fatigué par les leçons de vie à deux ronds.
_ Non, ils ont disparu sans explication. Sans laisser de trace. Évaporés… Et tout le monde s'en fout. Encore mieux, leur enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants sont traités comme de la merde. Peut-être parce qu'on leur a donné une raison ? Non, simplement parce que c'était ok de pouvoir le faire, ok de leur donner ce rôle. Et encore aujourd'hui ces abrutis n'ont toujours pas retenu la leçon. En fin de compte, peut-être qu'ils le méritent vraiment. Qu'est ce t'en penses ?
_ Donc selon toi, quand quelqu'un se fait frapper, c'est de sa faute ? Bravo la mentalité…
_ Ce n'est pas ce que j'ai dit. On vit pas dans un monde de bisounours. Tu devrais peut-être te demander pourquoi les garvets sont si rares aujourd'hui... C'est quoi ton projet ? A ce stade c'est plus être pacifiste. C'est un suicide pour lequel tu responsabilises tes bourreaux parce que t'as pas les couilles d'assumer.
Les nerfs qui vont pourtant exploser, Kumail ne répond pas.
Alia s'approche et lui chuchote à l'oreille…
_ Voilà ce qui arrive à ceux qui pensent comme toi.
Elle le prend alors par les joues, colle son front au sien et lui lâche…
_ Tu sais, un jour tu tomberas amoureux, tu te marieras et tu fonderas une famille. Une grande famille… Le rôle des parents, c'est de protéger leurs enfants, et leur avenir. Tes enfants finiront comme toi, peut-être pire. Alors bouge-toi le cul, porte ta fierté et arrête de toujours marcher la queue entre les jambes. Tu veux bien faire ça ? Demande-t-elle, les yeux larmoyants en le fixant.
Kumail la regarde, les yeux ronds, et reste silencieux quelques secondes. Il hoche lentement de la tête, ses joues toujours relevées par les mains d'Alia.
_ Super… Oh et au passage, ça te donne un air mignon, mais les filles savent très bien se défendre toutes seules, tu sais? Les sexes ne définissent pas la force, tout comme l'origine ne définit pas le destin… Ne l'oublie jamais...
Alia lui sourit et s'en va comme elle est arrivée. Étrange est un mot bien faible pour la définir. C'était qui, cette fille ?
Sur le chemin du retour, Kumail à encore du mal à réaliser ce qui lui est arrivé à la cafétéria.
Il avait été sociable. Avec une étrangère. Une fille.
Une fille qu'il n'arrive pas à se retirer de la tête.
Une fille.
Asaria !
Il l'avait complètement oubliée. Mais quel abruti ! Bon c'est trop tard pour aujourd'hui. Demain, promis, promis, demain !
Le lendemain, Asaria est toujours absente. Les gens de sa classe commencent à regarder Kumail d'un drôle d'air. Il décide d'attendre la fin des cours pour se renseigner de manière plus concrète. La journée passe avec une lenteur presque insoutenable avant qu'il ne puisse aller dans la salle des profs, pourtant, arrivé devant la porte il hésite avant de frapper.
Trois coups.
_ Oui ?
Il ouvre la porte sur une enseignante qu'il connait bien, blonde et encore jeune, pétillante dans ses habits verts hors norme.
_ Bonjour Madame Suri... je suis venu pour vous demander quelque chose...
_ Kukichou !
Une prof se précipite et l'embrasse sans retenue. Il n'y a pas que ses habits qui soient hors norme.
_ Ça fait longtemps que tu n'es pas passé me voir ! Tu t'es enfin décidé ? Si c'est trop intimidant pour toi, on peut d'abord commencer par laisser un vêtement de rechange ici… Ou une brosse à dents ! C'est bien une brosse à dent ça montre l'engagement, non ?
Kumail à du mal à ne pas sourire. Elle est sans filtres, et ne réalise pas toujours ce qu'elle dit.
_ Madame…
_ Sophia ! Pour toi c'est Sophia combien de fois je dois te le répéter !
_ Mad… Sophia… Je suis venue pour avoir des nouvelles sur une élève absente.
_ Une élève ? Qui ? Demande-t-elle, concernée, sa tasse de café à la main.
_ Asaria Vassilia. En première année aussi… Mais en section C.
_ Aah… Pourquoi ? Tu sors avec elle ?
_ Je… Quoi ? Non, c'est pas la question ! Elle n'est pas venue depuis presque une semaine, dit Kumail en rougissant.
_ Hmm… Je vois. Techniquement, s'il y avait une raison, j'ai pas spécialement le droit de le dire mais il n'y en a aucune. Ses parents sont influents, donc l'école n'a pas son mot à dire, tu sais.
_ Tu as son adresse, je pourrais l'avoir ?
_ Tu es adorable, mais je n'ai pas le droit. Je risque mon poste pour ça.
_ Sophia, si tu me donnes l'adresse, je promets de réfléchir à ta proposition d'emménager…
Elle le regarde, suspicieuse mais amusée. Ce gamin avait touché son coeur, et il la menait par le bout du nez. Elle chercha rapidement sur son ordinateur, nota quelque chose sur un bout de papier et lui tendit, avec un regard d'avertissement.
_ C'est jamais venu de moi, ok ?
Si Kumail avait eu une mère, il aurait adoré qu'elle soit comme Sophia, se dit-il en partant.
En fin de compte, c'est peut-être son genre de parler aux filles. Depuis qu'il est arrivé ici, Sophia est la seule personne avec qui il a des discussions et avec qui il se sente détendu. Elle a un faible pour les « peau d'or » comme elle les appelle, et elle est un peu étrange et hyper-tactile sur les bords, mais… C'est la première personne, la seule, avec qui il a l'impression que c'est une bonne chose d'être comme il est…
…
Parents influents. Ah oui, effectivement, se dit le jeune homme en arrivant. La baraque doit faire le double de la résidence scolaire. Il n'est jamais venu dans ce quartier.
Il s'apprête à sonner quand il a des vertiges. Il voit flou, se sent nauséeux. Quant il reprend ses esprits il constate que le ciel a changé de couleur et est devenu mauve. Mauve ? C'est quoi ce délire ?
_ T'es qui toi ? Une voix masculine se fait entendre.
Kumail cherche sa provenance des yeux et remarque qu'il y a quelqu'un sur le toit d'un immeuble un peu plus loin. Personne d'autre. Mais si c'est lui, comment peut-il seulement arriver à l'entendre ?
_ Oh, je t'ai demandé qui t'étais bouffon.
En un instant, le gars qui était sur le toit se retrouve derrière Kumail. Celui-ci tente désespérément de trouver une explication rationnelle à tout ce qui passe mais n'y parvient pas.
_ Aah… Encore un trouduc'… C'est plus du tout marrant sérieux.
Pris de panique, son corps ne répond plus, il n'autorise qu'une chose, la fuite. Mais à peine entame-t-il un mouvement que son ennemi lui enfonce sa main dans son abdomen. Sa main. Dans son abdomen. Kumail ne peut qu'ouvrir les yeux de surprise. Qu'est-ce que…?
_ T'as rien à faire ici, déclare l'inconnu.
Kumail, incrédule, voit son sang couler à flot de son ventre ouvert et s'écroule au sol. Il va mourir. Il va mourir, transpercé par la main d'un inconnu au milieu de la rue. Ce n'est pas un rêve, c'est un cauchemar, un vrai cauchemar. Il va mourir.
Il n'arrive déjà plus à respirer. Le sang emplit sa bouche. Il entend… des chocs. Sourds. Puissants. Un combat ? Peu importe. Sa vie prend fin. La douleur a pris possession de son corps, mais bientôt, il ne ressent plus que du froid. Il suffoque, il ne voit plus rien.
Sa conscience reste avec lui quelques secondes de plus.
Un visage se détache dans le noir de son esprit.
Asaria ?