La porte de la chambre s'ouvre, et une jeune femme brune en sort, soucieuse.
_ Madame ? La gouvernante la regarde, inquiète.
_ Prévenez-moi quand il se réveillera, Liza. Continuez les soins et vérifiez ses constantes toutes les demies-heures jusqu'à mon retour.
_ Vous sortez ? Le soleil va bientôt se coucher, je devrais vous accompagner…
_ T'as déjà une raison de rester. Je ne serais pas longue, je vais faire un tour.
_ Très bien… Madame ?
_ Oui, Liza ?
_ Soyez prudente…
Asaria lui sourit en guise de réponse et tourne les talons. Liza sait que sa maîtresse ne sera pas de retour avant le lendemain et soupire. Elle a pratiquement élevé cette enfant, prenant soin d'elle avec sa propre mère depuis ses cinq ans, mais elle n'est jamais parvenue à lui imposer quoi que ce soit. Il faut garder le garçon en vie, en attendant. Elle est domestique, pas médecin… Mais Madame a insisté, alors…
La porte de la douche entrouverte laisse échapper la vapeur d'eau qu'elle retenait. Le bras d'Asaria s'allonge jusqu'à la serviette sans parvenir à l'atteindre, quand la porte s'ouvre, et Liza la lui tend. Le soleil baigne la pièce de lumière, mais la domestique n'a pas envie de s'en réjouir.
_ Bonjour, Lisa, dit Asaria en prenant la serviette.
_ Madame, vous avez passé la nuit dehors, pourriez-vous s'il vous plaît vous montrer plus prudente ?
_ Je vais bien, dit Asaria d'un ton qui ne souffre pas de réplique. J'avais juste besoin de me promener, d'accord ?
La vapeur disparaît, Lisa observe malgré elle à travers la porte entrouverte et note que l'eau s'échappant par le siphon a une couleur sanguine.
Asaria lui couvre brusquement la vue, un air coupable sur le visage… Inutile de parler, Liza sait que ce sang n'avait rien à faire ici. Deux regards se croisent, bien plus parlant que tous les mots du monde. Mais finalement, la domestique s'en va.
_ Liza. Où est-ce que tu vas ?
_ Madame a l'air de se débrouiller très bien toute seule, dit la femme d'une voix brisée. Je vous laisse vos vêtements sur le meuble, je vais préparer le petit déjeuner.
_ Attends, Liza ! Je voulais pas... S'il te plait Liza…
La femme ne dit rien, et ne se retourne pas, tirant sur les manches de son habit strict. Asaria n'est pas sa fille, ou sa sœur par le sang, mais elle tient cette place dans son cœur. Elle se sent sans défense quand elle sait dans quels dangers son bébé est parti s'empêtrer, et blessée lorsqu'Asaria lui rappelle qu'elle n'est que son employée.
La voix d'Asaria se fait alors plus douce encore, presque suppliante.
_ Je suis désolée… Te fâche pas… S'il te plait…
Un silence de quelques secondes s'installe avant que Liza ne demande.
_ Une salade de fruit et des crêpes poire-pomme-chocolat pour le petit déjeuner conviendrait à madame ?
Asaria esquisse un sourire d'enfant et répond avec excitation…
_ Oui ! Merci Lisa ! Je t'aime !
Cette joie enfantine suffit à Lisa pour tout lui pardonner. Sa réjouissance se lit malgré elle sur son visage, mais elle réussit à conserver son attitude…
_ Bien ! Ne soyez pas en retard sinon vous n'aurez rien !
_ Oui ! Promis !
_ Ah et, madame ?
_ Oui ? Les yeux mauves d'Asaria ont retrouvé tout leur pétillant tandis qu'elle se sèche.
_ Il est réveillé.
Asaria se sent à la fois exaltée et effrayée. Soulagée du rétablissement de Kumail, elle est aussi excitée de pouvoir lui parler. Mais d'un autre côté, c'est à cause d'elle qu'il est blessé.
La dernière fois qu'ils se sont parlé, les choses ont assez mal tourné, bien plus que ce que Kumail en a vu, et surtout… C'est le premier garçon qu'elle invite chez elle.
Bon, techniquement elle ne l'a pas invité mais, le résultat est le même : il est là.
Elle reste face à son miroir recouvert d'une serviette, et commence un monologue auto motivant.
…
_ Tu sais qui c'est ? Chuchote une première voix près du lit.
_ Non. On ne t'a vraiment rien dit ? Non, dit une deuxième, tout aussi féminine.
_ Rien du tout… Reprend la première.
_ Il a l'air bien abîmé en tout cas, le pauvre… dit la seconde. Peut-être qu'elle l'a juste secouru. Peut-être qu'elle ne le connaît pas non plus ! Ça lui ressemblerait bien, non ?
_ Une histoire d'amour qui commence par un sauvetage, fait la première voix faussement dramatique, Oh, c'est… pas du tout son genre. Elle l'aurait ramené à la clinique si c'était un inconnu.
_ Toujours à casser les délires, t'es nulle ! reprend la seconde.
_ Je sais pas toi, mais si "Elle" n'en veut pas, moi je ne dis pas non, dit la seconde en gloussant, suivie par l'autre.
Kumail distingue clairement la conversation mais l'intègre à son subconscient, à son rêve. Il commence tout doucement à émerger de son sommeil et distingue deux silhouettes, deux jeunes femmes aux cheveux longs, une rousse et une brune.
_ ...de toute façon elle peut pas....
_ Lili...
_ Quoi c'est vrai ! En plus elle a jamais...
_ Lili !
_ Quoi !
_ Ses yeux...
Lili se retourne et constate que Kumail est conscient et les yeux grand ouverts. Prise par surprise, elle est déstabilisée mais retombe vite sur ses pieds. Elle se rapproche dangereusement de Kumail...
_ Et en plus t'as des yeux magnifiques...
Elle s'assoit près de lui, sans gêne, un sourire de prédateur sur son visage parfaitement maquillé. Kumail n'en mène pas large. Il a toujours mal, il s'est passé pas mal de choses étranges, mais pour le moment, il ne voit que ce joli grain de beauté sous l'œil droit et… ce chemisier pourtant sobre qui ne met que trop bien en valeur sa poitrine. A peine sorti du réveil, il se laisse envoûter par Lili et son épaisse chevelure de feu tandis qu'elle se penche vers ses lèvres.
_ Lili !
Le cri de l'autre servante fait sursauter Lili.
_ Ok, ok… c'était pas la peine de crier Maddy.
_ Moi je crois que si !
Lili se retire du lit mais avant de partir, elle se penche et chuchote à l'oreille de Kumail « ce n'est que partie remise ».
Kumail commence à réaliser dans quelle situation il se trouve.
_ Attendez… Qui êtes-vous ?
_ Je suis Maddy, dit la brunette, et elle c'est Lili, enchantée. Nous faisons partie du personnel de maison. Je m'excuse pour le comportement inapproprié de Lili !
_ « Inapproprié». T'as pas bien vu comme il a apprécié, je crois, dit la rousse en envoyant un clin d'œil à Kumail.
_ Chut ! Continue et je le dis à Liza !
Lili boude un peu, mais Kumail revient vite au sujet principal.
_ Mais qu'est ce qui c'est passé ?
_ Qu'est ce qu'on en sait ? Rétorque Lili, désinvolte. On a juste été prévenues de ton arrivée, et qu'on devait s'assurer de ton rétablissement.
_ Comment ça, "mon rétablissement"... ?
Kumail ouvre des yeux ronds et observe son corps sous la couverture. Il remarque alors les bandages et commence à se souvenir… La douleur, le sang, le noir… Asaria. Il se met à paniquer et essaye de retirer frénétiquement ses bandages.
_ Arrête, s'écrit Maddy. Tu n'es pas encore rétabli !
Rien à faire, malgré l'intervention des deux femmes, Kumail finit par retirer les bandages de son torse pour y trouver… Rien du tout.
_ Rien…
_ Bah ouais tu espérais trouver quoi ? Demande Lili. Un tatouage ? Pff…
_ Mais ! Il y avait un trou énorme ! J'étais en train de mourir !
Maddy lui remet les bandages, tandis qu'il reste sans bouger, complètement perdu, et le rassure.
_ Ecoute, je sais que tu dois avoir des questions qui te rongent, que tout ça doit être très étrange. Notre maîtresse est au courant, mais nous, nous n'avons pas les réponses… Alors rien ne sert de te préoccuper de choses que tu ne peux pas encore résoudre. Le plus important est que tu restes ici et que tu te concentres sur ta guérison, d'accord ?
_ Et votre maîtresse, c'est qui ?
_ Madame Vasilissa, Asaria Vasilissa.
_ Asaria...
Le prénom a l'effet d'un défibrillateur sur Kumail.
_ C'est elle qui m'a trouvé ? Elle n'est pas blessée ? Et l'autre type qui était là, il est dangereux ! Où est ce qu'elle est allée ? Pourquoi est ce que... !
_ Oh oh oh, doucement on se calme beau gosse, on t'a déjà dit qu'on n'était au courant de rien, dit Lili. On ne savait même pas qu'elle te connaissait, mais si ça peut te rassurer, elle va bien, ok ?
_ Tu devrais peut-être te calmer et te reposer. Tu dois encore avoir l'esprit confus par tout ça, mais tu sauras bientôt toute l'histoire. conseille gentiment Maddy.
_ Merci... Je me sens plutôt bien. Est ce que je peux me doucher ?
_ Oui bien sûr, la salle de bain est derrière cette porte. Il y a de quoi te laver et des serviettes. Madame Asaria pense à tout, termine la brune avec un sourire doux.
En levant la tête, Kumail réalise que la chambre fait aisément le double de la taille de son appartement. C'est légèrement intimidant. Mais ça colle avec le cadre extérieur.
_ Ça c'est... Juste une chambre ?
_ Oui, une des chambres d'amis.
_ On habite ici, dit Lili, mais t'en fais pas, on a conscience que c'est suffisamment grand pour qu'on se demande ce que ça compense.
_ Lili !
_ Quoi ?
_ Ok... Je vais… Je vais prendre une douche, dit Kumail en souriant.
Habitué à vivre seulement avec Pune, et, autant le dire, à ne respecter aucune règle de bienséance, Kumail sort du lit en sous-vêtements et traverse la pièce comme si de rien n'était.
_ Oh et euh... Les filles ? Ce serait possible de visiter un peu après ? Demande-t-il avec un sourire innocent.
Lili ne cache bien évidemment pas son scanner dévorant du corps de Kumail.
_ Oui oui pas de problème, répond Maddy un peu surprise.
Il se retourne, et Maddy est obligée de prendre sa collègue par le bras pour tourner son attention vers des activités plus professionnelles.
Le bruit de l'eau se fait entendre tandis qu'elles refont le lit et donnent un coup de frais. Mais une fois terminé, Maddy regarde vers la salle de bains.
_ On devrait peut-être partir... Non ? Chuchote la plus jeune.
_ Euh... Non, dit Lili sur le même ton avec un sourire amusé, repliant pour la cinquième fois la même serviette (qui était déjà pliée et rangée au départ)
_ Me dis pas que tu penses à aller le rejoindre ! S'indigne Maddy.
_ Quoi ? non… Pas du tout, répond la rousse en regardant rêveusement vers la salle de bains. Mais tu sais qu'avec la maîtresse on attend toujours devant la douche pour lui tendre sa serviette et ses vêtements. C'est son invité donc il est de notre devoir d'être à… Sa disposition.
_ Ça suffit ! Rougit Maddy. Je vais vraiment prévenir Liza ! Obsédée !
Le petit rire de Lili rassérène sa collègue qui lui envoie un oreiller au visage. Mais soudain, Maddy se fige.
L'une comprenant le regard de l'autre le message est transmis : il n'y a pas de vêtements de rechange. Asaria ne leur en a pas donné et elles n'ont pas pensé à mettre ne serait-ce qu'un peignoir. Dans une maison de cette stature, c'est une faute impensable et…
_ Les filles ?
Au son de la voix de Kumail, Lili et Maddy restent figées devant le lit, avant de se retourner lentement. La porte s'ouvre et Kumail sort, une serviette à la taille, le corps trempé et ses longs cheveux argentés détachés.
_ Je ne retrouve pas mes habits... Vous savez où ils sont ?
Lili et Maddy restent de marbre, sans expression. Kumail ne sait pas s'il a dit quelque chose qui n'allait pas, ou bien si elles n'ont pas entendu. Elles semblent bizarres.
_ Vous savez ? Je veux dire, sinon je remets mon caleçon, mais ça reste un peu léger, non ?
Après une très longue seconde de silence gêné, Maddy pousse Lili du coude, sans aucune discrétion. S'ensuit ensuite un curieux échange chuchoté, pas suffisamment fort pour que Kumail puisse tout entendre.
_ Lili ? Lili ! Va lui chercher des habits !
_ Pourquoi moi ?
_ Je suis ta supérieure par l'ancienneté !
_ Tu as été engagée trois jours avant moi ! S'indigne Lili.
_ C'est un ordre !
_ Tu me le revaudras, Clarks, répond Lili en maugréant, mais en acceptant quand même.
_ Monsieur, veuillez vous asseoir, je vous prie, dit alors Maddy en désignant un fauteuil confortable près du lit. Avez-vous des préférences pour vos vêtements monsieur ?
_ Arrêtez, s'il vous plaît. Pas de "Monsieur". Appelez-moi Kumail. S'il vous plaît, insiste le jeune homme en voyant son expression surprise.
_ Bien. Veuillez vous asseoir...
_ Sans le vouvoiement. S'il vous plaît, répète-t-il encore, un sourire innocent collé au visage.
_ Alors… Assis-toi s'il te plaît, dit Maddy en souriant.
_ Lili pour les vêtements je te fais confiance je te laisse choisir. Dit Kumail en souriant.
_ Comptes sur moi j'y vais de suite ! Lâche Lili, bien plus à l'aise avec les familiarités.
Lili disparaît à la vitesse du vent en laissant Maddy seule avec Kumail... Toujours nu sous sa serviette et trempé.
Comprenant que la servante est gênée, il se couvre un maximum et attend les vêtements que Lili lui donne pour aller s'habiller dans la salle de bains. Il se présente ensuite à elles dans les règles de l'art, habillé d'habits qu'il n'aurait jamais pu s'offrir en temps normal, se trouvant vraiment mis en valeur.
_ Je suis convenable pour une visite, maintenant ?
Après un léger rire de Maddy, il suit les deux servantes pour découvrir la maison d'Asaria, en attendant de pouvoir la voir.
La pression, le rang, la solitude... Kumail comprend qu'il n'est pas le seul à traverser des épreuves et avoir la vie dure. Mais bon, elle les traverse en habitant dans cette résidence luxueuse et entourée de domestiques, quand même.
La visite les amène sur la troisième terrasse. Lili et Maddy avaient prévu leur coup, car Asaria l'y attend, assise à une table bien garnie pour le petit déjeuner.
_ Assieds-toi.
Il obéit sans répondre. Il s'installe et regarde la table qui lui paraît immense et surréaliste avec tout ce qu'elle contient. De la vraie nourriture.
_ Tu dois avoir faim, manges. Ne t'inquiète pas pour tes absences, Liza a averti le doyen, donc ils ne te poseront pas de problèmes.
Kumail répond d'un geste de la tête, intrigué, essayant de déterminer ce que sont les choses qui sont devant lui. Cette Asaria n'a rien à voir avec la jeune fille timide qui se tenait devant lui à la cafétéria.
_ Aurais-tu perdu ta langue ? Si tu n'aimes pas tu n'as qu'à le dire.
_ Je viens de me réveiller, chez toi, avec des bandages et… Un petit déjeuner ?
_ On aura tout le temps de parler. Mais tu as besoin de manger, Kumail.
_ Je suppose que je n'ai pas le choix, mais ce serait mentir que dire que je n'ai pas faim. Et ça a l'air délicieux. Merci.
Asaria lui sourit avec douceur et l'observe. Kumail déguste et savoure chaque bouchée. Cependant, le fait qu'il soit affamé et qu'il goûte à une nourriture à laquelle il n'aura sûrement plus jamais accès ne l'empêche pas de manger normalement, calmement. Comme s'il était habitué. Ce qui surprend agréablement la jeune femme.
Lorsqu'il finit sa dernière bouchée, elle prend la parole, plus sérieuse.
_ Bien. Que faisais-tu devant chez moi ?
_ Je venais prendre des nouvelles sur ton absence, dit-il, comme une évidence.
_ Pourquoi ?
_ Pourquoi ? Pourquoi quoi ? Répète Kumail, incrédule.
_ Pourquoi venir ? On ne se connait pas vraiment et vu ce que je t'ai fait la dernière fois...
_ Tu n'y étais pour rien, dit Kumail en haussant les épaules. Je le sais. Je suis venu aussi parce que j'avais une question à te poser. Enfin, maintenant j'en ai pleins, mais j'ai besoin de savoir ça avant tout. Il continue en voyant qu'elle l'enjoignait à le faire. Ce jour là, est ce qu'une fête a eu lieu, une fête à laquelle tu étais invitée mais où tu n'étais pas présente ?
_ Hmmm...
Asaria réfléchit et regarde Liza qui lui confirme. Kumail reste silencieux en entendant la réponse, alors Asaria continue.
_ A mon tour. En venant chez moi, tu as été agressé, gravement blessé. Il t'a fallu quatre jours pour récupérer… Est ce que "le Serment des Horaces" te dit quelque chose ?
En entendant ces mots sortir de la bouche d'Asaria, il a comme un déclic. Comme si toutes les pièces dans son esprit s'assemblaient. Et il comprend à ce moment-là, que sa vie prend un tournant décisif. Il hoche lentement la tête. Il a besoin de respirer, reprendre son air. Il savait que c'était vrai. Il savait qu'il n'était pas dingue. Mais maintenant il en a pleinement conscience. Quelqu'un d'autre lui a confirmé ce qu'il a vécu. Et tout devient réel.
_ Alors… L'infinito Mundo… Le nexus ?
Asaria hoche la tête.
_ L'Infinito Mundo est un autre monde. Un monde à part entière. Les porteurs du Nexus, ceux qui aident les joueurs à y aller, peuvent activer le portail à leur guise.
_ J'y suis allé, l'autre soir, murmure Kumail plus pour lui-même. C'était… tellement étrange. Un monde avec des gens qui y vivent… si différent…
_ Tu étais dans un des level-free, explique Asaria. En général, on arrive dans la Shooting-Star Sphere. L'autre est la Black-Eyed Sphere. Ensuite il y a cinq autres Sphères, mais elles ne sont pas accessibles aux débutants.
_ C'est… beaucoup d'informations, dit Kumail.
Asaria active un hologramme depuis sa montre high-tech. Elle fait défiler quelques documents avant de trouver celui qu'elle cherche : un document représentant les sept sphères de l'Infinito Mundo. Chacune porte un nom, et le niveau requis pour y accéder est noté.
_ Pour chaque victoire une récompense et pour chaque défaite une sanction, dit Asaria. Et une fois dans la compétition, on ne peut en sortir. On monte ou on descend. Tu montes : tu vis. tu touches le fond : tu meurs. Il existe des méthodes pour se renforcer, comme dans tous les jeux, mais le principe reste assez basique.
En entendant ça, Kumail sent que le petit déjeuner copieux qu'il vient d'engloutir cherche à faire demi-tour… Un début de crise se fait sentir mais il prend sur lui. Pas question de s'embarrasser devant Asaria.
Asaria semble l'avoir senti venir et continue, imperturbable.
_ Tu es dans le jeu, maintenant. Tu ne peux plus faire demi-tour. Mais tu peux toujours t'entraîner, et j'ai de quoi t'aider pour ça.
_ Pour le moment, tu es en sécurité. Si tu préfères, tu peux rentrer chez toi, pour réfléchir à une réponse.
…
Kumail n'arrive pas encore à organiser ses pensées. Tout semble à un cheveux d'être une très mauvaise farce. Pourtant il sent bien qu'il a réellement eu mal, sous son t-shirt, ses doigts sentent encore la cicatrice laissée par cet homme qui était bien réel.
C'est réel.
Et il n'est pas prêt.
C'est une chose de se battre dans un jeu vidéo où le seul risque à prendre c'est de devoir recommencer un niveau.
Il n'a fait qu'un seul combat en réel et il a bien failli en mourir.
Il a été incapable de se défendre.
Sa vie si simple, cet espoir étrange quand il a vu Asaria, si simple et si timide, s'est lentement mué en autre chose. La peur qui commençait à trouver sa place dans les entrailles de Kumail se fait chasser par un espoir mince. Asaria est là. Elle saura l'aider, le renforcer.
Bien sûr qu'elle a pu, se murmure le jeune homme.
La résidence, les domestiques, la nourriture... Est-ce que l'Infinito Mundo est exactement comme le monde dans lequel il vit ? Un monde dans lequel seuls les plus riches réussissent ?
Il repense au luxe dans lequel elle vit, sa question incrédule sur la nourriture quand elle avait oublié que ce qu'elle avait était exceptionnel, et que d'autres comme Kumail ne pouvaient que rêver de son confort.
Un sentiment de jalousie se fait ressentir mais il est rapidement balayé. Il a beau se dire que c'est trivial, que ça n'a pas sa place dans son esprit, le réprimer… mais malgré toutes les informations délirantes qu'a reçu son cerveau aujourd'hui, il ne pense en vérité qu'à une chose : à quelle point elle était belle…
Et chaque fois qu'il repense aux mots que Lili lui a confiés au portail, ses pensées s'emballent. "Elle ne laisse personne entrer, Kumail. Tu es le premier".
La nuit passe sans même qu'il s'en aperçoive.
A l'aube ses affaires sont prêtes.
_ Pune !
_ Monsieur. Comment... Que faites-vous… ?
_ On déménage.
D'une traite, il fait le voyage avec son majordome à ses côtés, un énorme sac sous le bras, et débarque chez Asaria.
_ Alors. On commence quand ?
La jeune fille qui buvait un thé en regardant un holo tourne la tête en voyant Kumail précéder Maddy. Elle lui sourit, et pose sa tasse.
_ Maintenant.