« La vie est une succession d'actions imprévisibles. On ne se rend compte de ce qu'on a perdu que lorsqu'on ne peut plus le retrouver… »
Gwenelia
Je me sors difficilement des flammes de mon cauchemar. J'ai chaud et je suis en sueur… J'aimerais enfin pouvoir oublier cette chaleur, mais elle se rappelle constamment à moi.
Après une longue douche chaude, durant laquelle l'eau n'est pas le seul liquide qui glisse sur mes joues, je me prépare pour affronter cette journée. Avec en fond sonore ma playlist Disney, je m'installe sur mon canapé et attends que le temps passe… Il est 05h43, au moins aujourd'hui, je suis sûre et certaine de ne pas être en retard… J'allume liseuse et poursuis ma lecture du tome 1 de D.I.M.I.L.Y. Mon casque audio et ma liseuse sont mes biens les plus précieux, ils m'aident à rester encrée dans la réalité ; si je les perds, je perds tout.
A 08h50, je suis déjà installée au milieu de la salle de classe pour mon premier cours de coréen de l'année. Je poursuis des études de LEA (Langues Etrangères Appliquées). J'ai toujours adoré les langues. Mes parents ont voulu préserver l'héritage de leur pays le Congo qu'ils ont quitté pour effectuer leurs études universitaires en France. Après leurs études, ils n'ont pas tenu à quitter ce pays qui était devenu leur pays d'adoption alors ils y sont restés et y ont construit leur vie. A la maison nous parlions donc trois langues : le français, le kikongo, une des langues nationales du Congo et le lari, la langue parlée dans l'ethnie de mes parents. A l'âge de 10 ans, j'étais donc déjà trilingue. Pour mon cursus universitaire j'ai choisi de me spécialiser en anglais, espagnol et coréen. Je suis tombée amoureuse de l'anglais et de l'espagnol dès mon entrée au collège. Quant au coréen, mon envie d'apprendre cette langue vient principalement de ma passion pour les K-Dramas que j'ai commencé à regarder aux alentours de 12 ans.
Les élèves arrivent un par un et s'installent dans la classe. A 09h précise, un homme plutôt âgé, je lui donnerais la cinquantaine, fait son entrée dans la salle et le cours débute. M. Lee nous annonce que le cours va commencer par une courte présentation personnelle. Nous ne sommes qu'une quinzaine dans la classe alors ça ne devrait pas être si difficile. Je n'ai jamais été confortable à l'oral mais après 2 ans d'études de langue, j'ai fait des progrès énormes, je peux maintenant m'exprimer sans trembler de tout mon corps.
La moitié des élèves s'est déjà présentée quand une tornade rousse passe la porte de la salle. Elle s'excuse auprès de M. Lee et jette un coup d'œil dans la pièce avant de décider de venir s'installer sur la chaise libre à côté de moi. C'est quand elle se rapproche que je la reconnais : c'est la fille de l'amphi.
- Salut. Chuchote-elle
Je lui réponds mais la conversation s'arrête là car c'est à mon tour de me présenter.
- Bonjour. Je m'appelle Ana, j'ai 20 ans. C'est ma première année ici alors je vais travailler dur, prenez soin de moi *.
Ma présentation terminée, je me rassois pendant que ma voisine se lève pour se présenter à son tour. En écoutant sa présentation, je découvre qu'elle s'appelle Tamara, qu'elle a vingt-deux ans et qu'elle parle couramment le coréen depuis toujours : elle a vécu en Corée pendant ses dix premières années. Elle termine sa présentation en nous souhaitant assez de force pour la supporter tout au long de cette année.
Quand les présentations s'achèvent, M. Lee nous demande de former des groupes de quatre pour la suite du cours :
- « A la fin du cours vous devez chacun être capables de me raconter la vie de vos trois partenaires. » nous explique-t-il.
Tamara regarde autour d'elle puis demande :
- Vous venez les gars ?
Quelques secondes plus tard, deux personnes font leur apparition et s'installent à côté d'elle.
- « Voilà notre groupe de quatre ! » lance-t-elle comme si ça allait de soi. « Ana, voici Tim et Éric, nous nous connaissons tous depuis le début de la licence. Tim, Éric, voici Ana, elle est nouvelle. »
Cette situation me met mal à l'aise. Cependant, quand je plonge mon regard marron foncé dans ses yeux verts, je comprends qu'elle ne veut que m'aider à m'intégrer plus facilement. Je ne sais pas pourquoi elle le fait, mais je lui en suis reconnaissante alors je souffle un « salut » à l'égard des garçons. Ils me répondent de leurs voix graves qu'ils sont heureux de me rencontrer.
* Expression coréenne : « 잘 부탁드립니다 (jal butagdeulibnida) »