Chereads / [FR] Les Sentiers de Dieu - Sulkin Tierran / Chapter 48 - Le jeu de la folie

Chapter 48 - Le jeu de la folie

L'intensité de la vibration montait.

La cellule carrée aux murs impénétrables amplifiait le son.

Lorsque la plateforme allait jusqu'en haut lors des passages quotidiens, le son était tolérable.

Peut-être que le fait de savoir que les contremaîtres arrivaient pour lui donnait à Sulk une impression différente, mais le volume sonore était presque douloureux en cet instant.

Sulk s'allongea sur le sol froid.

Il prit son expression faciale qu'il avait tant travaillé.

La peine et la solitude se lisaient pleinement sur son visage, et quiconque le voyant aurait immédiatement un aperçu de ce qu'il avait pu endurer pendant un long mois de solitude.

Jetant un dernier regard sur lui même, Sulk sourit intérieurement au résultat de ses expériences acharnées.

Il avait maigri.

Son plan avait marché, peut-être même trop bien.

On ne pouvait pas dire qu'il n'avait que la peau sur les os, mais il représentait parfaitement l'aspect que quelqu'un qui avait dû se rationner sévèrement pendant trente jours pouvait avoir.

A la différence de son aspect physique, allongé dans une posture qui paraissait inconfortable presque en boule sur le côté avec un regard perdu dans le vide, dans l'esprit de Sulk sa représentation mentale de lui même était calme.

Il était assis dignement en position de méditation, et attendait impatiemment de voir quelqu'un.

Il avait espéré qu'Arch soit présent également, Mujin lui avait dit que c'était une possibilité, mais peu importe qui venait il serait content.

La solitude ne l'avait pas affecté profondément.

Après tout Sulk était quelqu'un de très introverti, et ce depuis toujours.

De plus au début du mois dans la prison Yahzin avait été là, comme toujours.

Il avait disparu pendant que Sulk était en pleine méditation, et ce dernier n'avait aucune idée d'où pouvait bien se trouver le Patriarche, ou de ce qu'il faisait s'il était caché dans la noirceur de la fumée.

Bien que Sulk eut supporté le fait d'être seul, voir du monde serait quand même agréable, et lui permettrait de savoir comment se portaient les mineurs avec qui il avait eu l'habitude de vivre.

Qui sait, il aurait sûrement même des informations sur sa peine, et saurait quand il pourrait revoir Kahn, Lingi, Gané, Banna et tous les autres.

La vibration s'arrêta finalement.

Comptant les secondes dans sa tête, Sulk attendit l'ouverture de la porte.

Quiconque venait ne le fit pas beaucoup attendre et bientôt il sût que quelqu'un arrivait.

Quelque chose n'allait pas.

Il n'y avait qu'un seul bruit de pas lourds mais régulier.

Projetant son esprit au plus loin qu'il pouvait le long du couloir parallèle à la lourde grille en bois, il ne sentit effectivement qu'une seule présence.

Heureusement c'était quelqu'un qu'il connaissait.

Les pas lui avaient suffi pour savoir que Mujin était là.

Une légère déception prit place dans ses pensées lorsque Sulk se dit que Arch n'était pas là.

Le vieil homme qui était à présent pour Sulk le seul tierran qu'il considérait comme un parent n'était pas là.

Bien que Sulk eut grandi énormément suite aux événements qu'il avait vécu, il aurait aimé pouvoir prendre le vanir dans ses bras.

Soixante secondes passèrent, pendant lesquelles Sulk resta immobile.

Peu à peu la luminosité changeait autour de lui. Il avait passé un mois entier dans la pénombre, avec comme seul éclairage un cristal bleu peu puissant planté dans le mur de l'autre côté du couloir et de la grille.

Mujin arrivait avec un cristal supplémentaire et bientôt la cellule fut plus vivement éclairée, bien que de manière monochrome et froide.

La faible luminosité n'était en rien un problème pour Sulk.

Après tout ses premiers progrès en matière de magie avaient été liés à sa vue et il avait une meilleure vision à l'œil nu que quiconque utilisant les appareils de Arch, lorsqu'il lisait des vieux parchemins.

Mais contrairement à ses attentes, Sulk fut pris d'un sentiment agréable à la vue de la lumière.

C'était reposant, et l'atmosphère parfois étouffante de la prison se soulevait peu à peu.

Finalement les pas devinrent assez proches pour que Sulk puisse les entendre, même sans son ouïe développée.

Lorsque Mujin arriva en face de la cellule, il lâcha lourdement le sac qu'il avait apporté.

Sans même le regarder Sulk sut que c'était du riz, et en grande quantité.

Il repensa amèrement à ce qu'il avait dû faire pour épuiser tout le stock précédent de riz, des repas gargantuesques à l'usage du trou, sans oublier les coups répétés sur le mur.

Toutes ces choses étaient arrivées dans les deux jours précédant la venue de Mujin, et Sulk dut se forcer à refréner un frisson et à repousser ces souvenirs légèrement douloureux au fond de sa mémoire.

Le bruit du sac lâché sur le sol réveilla Sulk qui était visiblement en train de dormir.

Levant ses yeux perdus vers la lumière il cligna des yeux plusieurs fois, comme s'il était aveuglé après avoir été habitué si longtemps à la pénombre.

Mujin ne dit rien.

En quelques secondes Sulk était habitué et voyait Mujin.

D'un seul élan il se leva et se précipita sur la grille en bois foncée.

"Mujin !! Tu es venu pour me sortir d'ici ?!"

Sa voix était implorante et on sentait comme des sanglots qui étaient sur le point d'éclater.

Bien sûr ce n'était qu'un jeu d'acteur, et un très saisissant.

Mujin pensa évidemment qu'il venait de réveiller le jeune homme.

" Ou c'est encore une autre hallucination... AAH !!"

Mujin sursauta. Il ne s'attendait pas à cela.

Le garçon devant lui poussa un cri de désespoir, avant de se retourner en marmonnant des paroles incompréhensibles à un niveau presque inaudible.

"Sulk ! Sulk, écoutes moi. C'est bien moi, je suis là. Ça fait un mois. Sulk comment est-ce que tu te sens ?"

Le garde à la carrure d'ours se précipita vers le loquet de la grille, caché des yeux de Sulk par le bord du mur.

Sulk paraissait à moitié plongé dans la folie, et ne semblait pas croire à sa présence, aussi Mujin se dépêcha de déverrouiller la lourde grille et de la traîner sur le côté pour l'ouvrir.

Sulk avait longtemps réfléchi à ce qu'il allait faire lorsque quelqu'un arriverait, et bien qu'il se disait que c'était peut-être trop exagéré, après tout il était jeune et la folie aurait eu sur lui encore plus d'emprise, logiquement.

Il s'était décidé à crier comme s'il réalisait que personne n'était devant lui, et que ce n'était pas la première fois que ça arrivait.

Ce fut seulement lorsque Mujin lui parla de sa voix grave et impressionnante mais avec une compassion marquante et une douceur inattendue que Sulk sembla réaliser la véracité de sa présence.