Chapitre 1 : L'Appel de l'Amenti
Le Cauchemar
Une mer de sable s'étendait à perte de vue, baignée d'une lumière irréelle, comme si le soleil lui-même était enfermé dans un crépuscule éternel. L'air était lourd, vibrant d'une énergie ancienne. Chaque grain de sable sous ses pieds semblait résonner avec quelque chose de profondément enfoui, comme si le désert murmurait des secrets oubliés depuis des millénaires.
Nour avançait lentement, son souffle saccadé, ses pieds nus laissant des empreintes fugitives sur la surface mouvante. Il ne savait pas pourquoi il était là, ni d'où venait ce besoin viscéral de continuer à marcher. Il ne pouvait que sentir cet appel, profond, insidieux, résonnant dans ses os comme un chant oublié.
Devant lui, l'horizon ondulait, se tordant comme un mirage. Puis, il aperçut la porte.
Immense. Noire. Cyclopéenne.
Une arche colossale, sculptée dans une pierre qui ne ressemblait à rien de terrestre. Des hiéroglyphes brillaient sur sa surface, pulsant comme des veines vivantes, irradiant une lumière dorée qui projetait des ombres mouvantes sur le sable.
Nour se figea.
Une présence émanait de cette porte. Quelque chose qui l'attendait de l'autre côté.
Le silence fut brisé par un grondement sourd, un battement profond, régulier, semblable au battement d'un cœur titanesque.
Puis, une voix résonna dans son esprit. Grave. Ancienne. Inhumaine.
— Viens… Nour Anwar… L'oubli ne peut durer éternellement…
Son cœur s'emballa. Ce nom. Son nom. La voix l'avait prononcé avec un poids qu'il ne comprenait pas, comme si elle portait une vérité trop grande pour être saisie.
Il fit un pas en avant.
Un souffle glacial s'échappa des interstices de la porte, soulevant le sable autour de lui. L'espace semblait se distordre, la gravité elle-même vacillant sous la force de l'invisible.
Derrière la porte, quelque chose bougeait.
Une ombre massive, reptilienne, immense, se glissa derrière les gravures enflammées. Une forme serpentiforme, aux yeux ardents comme des soleils noirs, le fixait au travers de l'obscurité.
Un frisson de terreur lui glaça l'échine.
Puis, dans un fracas assourdissant, la porte s'ouvrit.
Un vent furieux l'aspira vers l'intérieur, ses pieds quittèrent le sol, et une vague de ténèbres déferla sur lui.
Nour hurla.
Et tout bascula.
Le Réveil
Son propre cri le tira du néant.
Il se redressa d'un coup, haletant, le torse couvert de sueur, le souffle coupé comme s'il venait d'être immergé dans une eau glacée.
Son cœur tambourinait dans sa poitrine, désorienté entre le rêve et la réalité.
Les ombres de sa chambre dansaient sous la lumière tamisée du réverbère extérieur, projetant sur les murs des formes indistinctes. L'odeur de poussière et de chaleur étouffante lui rappela où il était.
Le Caire. Son appartement minuscule, au sixième étage d'un immeuble fatigué par les siècles.
Son regard glissa vers l'horloge numérique sur la table de chevet.
3h33.
Un frisson remonta le long de son échine.
Encore. Encore cette heure.
Il passa une main tremblante sur son visage.
Cela faisait des mois que ces visions le hantaient. Toujours le même désert, la même porte, la même présence terrifiante derrière elle.
Mais cette fois…
Quelque chose avait changé.
La voix avait prononcé son nom.
Et l'ombre derrière la porte l'avait vu.
Il tenta de calmer son souffle, mais un détail attira soudain son attention.
Il y avait du sable.
Sur ses draps.
Et sous ses ongles.
Son cœur s'arrêta un instant.
"C'est impossible."
Le Signal
L'air nocturne lui brûla la peau lorsqu'il ouvrit la fenêtre et s'appuya sur la rambarde.
De là, il pouvait voir les lumières de la ville, les ruelles étroites fourmillant de vie même à cette heure avancée. Le Caire ne dormait jamais vraiment.
Mais son regard fut attiré par autre chose.
À l'horizon, au-delà des toits, se dressaient les pyramides de Gizeh.
Et au sommet de la plus grande, une étrange lueur verte pulsait doucement, comme un phare spectral.
Un battement résonna dans ses tempes.
"Amenti."
Le mot explosa dans son esprit avec une intensité fulgurante.
C'était un appel.
Et il devait y répondre.
Sans réfléchir, il attrapa son sweat à capuche, son téléphone et son sac à dos.
Quelques instants plus tard, il descendait quatre à quatre les escaliers de son immeuble, l'adrénaline brûlant son sang comme un feu ancien.
Il ne savait pas ce qu'il allait trouver.
Mais il savait qu'il ne pouvait plus faire marche arrière.
Fin du Chapitre 1