Chapitre 6 : L'Initiation au Verbe
Le Livre des Mots Perdus
Le silence s'épaissit lorsque Nour effleura la couverture du livre.
Le cuir était rugueux sous ses doigts, marqué par des siècles d'usure, et pourtant… une chaleur vivante pulsait à travers la matière.
Les symboles gravés brillaient faiblement dans la lumière tremblante de la lampe. Ce n'était pas un simple livre.
C'était une clef.
Layla l'observait en silence, les bras croisés, son regard d'or pesant sur lui.
— Tu ressens quelque chose, n'est-ce pas ?
Nour déglutit.
— Oui…
Il ne pouvait pas expliquer. Il connaissait déjà ce livre.
Comme si… il l'avait déjà lu. Il y a très longtemps.
Il ouvrit lentement la première page.
L'encre était d'un noir profond, mais les lettres… elles bougeaient.
Elles ondulaient, se reformaient sous ses yeux, comme si elles cherchaient à se faire comprendre.
— Essaie de lire.
Layla avait parlé calmement, mais il sentait qu'elle le testait.
Nour inspira profondément.
Les mots n'étaient pas en arabe. Ni en égyptien ancien.
Et pourtant, ils faisaient écho dans son esprit.
Ses lèvres s'entrouvrirent instinctivement.
Et alors… il prononça son premier mot de pouvoir.
— "Thél-Maath."
Instantanément, l'air vibra autour de lui.
La pièce s'assombrit, la lumière de la lampe sembla s'effondrer sur elle-même, comme aspirée par une force invisible.
Puis un choc énergétique explosa dans l'espace, repoussant Layla en arrière.
Nour haleta, sentant son propre cœur battre à l'unisson avec la vibration du mot.
Layla le fixa, visiblement choquée.
— Tu viens d'activer un glyphe de vérité.
Elle s'approcha lentement.
— Sans aucune formation.
Elle posa une main sur son épaule.
— Tu ne comprends pas, n'est-ce pas ?
Nour secoua la tête.
Il était perdu, son propre corps encore traversé de pulsations étranges.
Layla sourit légèrement.
— Tu n'as pas besoin d'apprendre.
Son regard s'intensifia.
— Tu te souviens.
Un frisson remonta le long de l'échine de Nour.
Et pour la première fois… il comprit qu'il n'avait jamais été un simple humain.
L'Art de l'Invocation
— Chaque mot Atlante possède une vibration unique.
Layla se tenait devant lui, un morceau de craie blanche en main.
Sur le sol, elle traçait un cercle complexe, composé d'inscriptions géométriques mouvantes.
Nour observait, encore sous le choc de ce qu'il venait de vivre.
Il connaissait cette sensation.
Chaque mot qu'il prononçait résonnait dans son corps comme un écho oublié.
Comme si Atlantis elle-même parlait à travers lui.
Layla termina son tracé et posa la craie.
— Ce que tu as fait tout à l'heure était instinctif. Mais si tu veux maîtriser cette puissance, tu dois apprendre à la canaliser.
Elle lui fit signe d'entrer dans le cercle.
Nour s'exécuta, ressentant immédiatement une pression étrange sur sa peau.
— Ce cercle amplifie l'énergie. Il te permet de ressentir le Verbe sans risque d'explosion incontrôlée.
Elle tendit la main vers lui.
— Dis un mot. Un seul. Concentre-toi. Et ressens ce qu'il déclenche en toi.
Nour ferma les yeux.
L'encre mouvante du livre lui revint en tête.
Un mot s'imposa à son esprit.
Un mot d'appel.
Il le prononça.
— "Kahem."
Et alors… le sol s'ouvrit sous lui.
Le Royaume Sous-Jacent
Nour tomba.
Mais ce n'était pas une chute physique.
Il avait glissé hors de la réalité.
L'espace autour de lui était différent.
Des formes brumeuses tournaient autour de lui, comme des silhouettes sans visage.
Puis, une montagne d'or et de lumière se dressa devant lui.
Un temple immense, flottant au-dessus du néant.
Son cœur se serra.
Il reconnaissait cet endroit.
Un murmure s'éleva.
— Enfant du Serment… pourquoi reviens-tu ?
Une silhouette éthérée apparut devant lui.
Un homme vêtu d'une robe blanche, son visage voilé de lumière.
Nour tenta de bouger, mais il était prisonnier de cet espace.
L'être s'approcha lentement.
— Tu ne devrais pas être ici.
Puis, avec une douceur terrible, il posa deux doigts sur son front.
Et Nour hurla.
Le Retour dans la Matière
— NOUR !
Son corps se redressa brutalement, une douleur atroce irradiant son crâne.
Il était allongé dans le cercle, tremblant comme s'il venait de traverser un cauchemar éveillé.
Layla était au-dessus de lui, son regard alarmé.
— Qu'est-ce que tu as fait ?!
Nour agrippa son front, sa vision encore troublée par ce qu'il avait vu.
— Je…
Il se redressa lentement.
Son corps semblait plus léger.
Mais ce n'était pas lui qui avait changé.
C'était le monde autour de lui.
Il pouvait maintenant voir les fils invisibles de la réalité.
Il pouvait ressentir les forces qui circulaient dans l'air, dans la pierre, dans le silence même.
Layla le scruta longuement, puis elle murmura.
— Tu viens d'ouvrir ton Premier Regard.
Elle se recula légèrement, comme si elle mesurait l'ampleur de ce qui venait de se produire.
— Et ça… ça ne devrait pas être possible aussi vite.
Nour reprit son souffle, mais il savait.
Il savait que tout venait de changer à jamais.