Maylan, Loan, Arthur et Étienne se réveillèrent dans une salle immense, illuminée par des néons blancs qui masquaient toute notion de temps. Des centaines de lits superposés étaient alignés contre les murs. Les autres participants, vêtus d'un uniforme vert numéroté, semblaient aussi déboussolés qu'eux. Chacun affichait un mélange d'incrédulité et de peur, comme s'ils s'étaient réveillés dans un cauchemar qu'ils espéraient encore fuir.
Les quatre amis se regroupèrent rapidement, instinctivement à la recherche de sécurité dans leur unité. Maylan, le plus pragmatique du groupe, scrutait chaque détail, Sur sa veste il y avait un numéro écrit 363. Son regard s'arrêta sur les caméras de surveillance fixées dans les coins de la pièce. Elles les observaient, omniprésentes, silencieuses, menaçantes.
« On est où, là ? » murmura Loan, son regard se perdant parmi les visages étrangers autour d'eux. « J'en sais rien… mais ça ne sent pas bon, » répondit Arthur, les poings serrés. Étienne, lui, restait étrangement calme. Ses yeux analysaient les numéros sur les uniformes des autres joueurs. « On est des pions dans leur jeu. Y'a 456 joueurs ici. Regardez leur numéro. »
À cet instant, un son strident retentit, forçant tout le monde à se taire. Une porte s'ouvrit au fond de la salle, laissant entrer plusieurs figures vêtues de combinaisons rouges, le visage dissimulé derrière des masques géométriques. Ils avançaient en silence, formant une ligne impeccable. L'un d'eux, probablement un superviseur, se plaça devant la foule et commença à parler d'une voix mécanique amplifiée par un haut-parleur.
« Bienvenue à tous. Vous avez été choisis pour participer à une série de jeux. Si vous parvenez à les terminer, vous serez grassement récompensés. Le gagnant final recevra une somme d'argent qui changera sa vie. Mais attention, perdre un jeu signifie l'élimination. »
L'ambiance dans la salle devint glaciale. Maylan sentit son estomac se nouer. « Élimination »… ce mot résonnait d'une manière sinistre. Loan murmura, paniqué : « Ils veulent nous tuer, c'est ça ? » « On n'a pas encore les détails. Ne panique pas, » tenta de rassurer Arthur , bien que lui-même sentait la peur monter.
La voix mécanique reprit, plus autoritaire : « Vous avez tous une dette immense ou une raison de vouloir cet argent. Vous êtes ici de votre plein gré. Si vous souhaitez abandonner, vous pouvez le faire maintenant. » Un murmure parcourut la foule. Certains participants levèrent timidement la main, mais un autre superviseur leur signifia qu'ils ne pouvaient partir qu'après avoir voté, comme un groupe.
Puis, un écran massif descendit du plafond, affichant un gros cochon en verre suspendu, rempli de billets. Le chiffre colossal affiché en dessous – 45,6 milliards d'euros – fit taire toutes les objections. Les regards se figèrent, attirés par cette somme vertigineuse. Les masques rouges prirent cela pour un accord implicite. Ils firent signe aux joueurs de se ranger en file.
Les participants furent conduits à travers un long couloir, peint de couleurs vives qui contrastaient étrangement avec l'atmosphère oppressante. Arthur essaya de faire de l'humour pour détendre l'atmosphère, mais personne ne rit. Tout le monde était trop concentré sur ce qui allait se passer.
Ils arrivèrent finalement dans une vaste cour ensoleillée, ornée de fausses herbes et de fleurs en plastique. Une poupée géante se tenait au bout du terrain, dos tourné aux participants. La voix mécanique annonça : « Premier jeu : Un, deux, trois, soleil. Vous devez traverser la ligne d'arrivée avant la fin du temps imparti. Si vous bougez lorsque la poupée se retourne, vous serez éliminés. »
Etienne déglutit bruyamment. « C'est une blague, non ? » Maylan ne répondit pas. Il fixait les superviseurs qui se tenaient sur les côtés, armés. Leur présence confirmait que ce n'était pas un simple jeu.
Le compte à rebours démarra. La poupée commença à chanter en tournant la tête. Les joueurs s'élancèrent maladroitement. Certains avancèrent trop vite, d'autres restèrent figés par la peur. Soudain, un coup de feu retentit. Un participant s'effondra, une tache rouge s'étendant rapidement sous lui.
La panique éclata. Des dizaines de joueurs crièrent et coururent dans toutes les directions, mais chaque mouvement imprudent fut suivi par un tir précis. Loan hurla, paralysé par la peur. Étienne attrapa son bras. « Bouge quand c'est vert, arrête quand c'est rouge, d'accord ? Concentre-toi ! »
Maylan était déjà en mouvement, gardant un œil sur la poupée. Chaque pas semblait durer une éternité. Il entendait les cris des autres, mais il s'obligea à rester focalisé. Lorsqu'il s'arrêta, son cœur battait si fort qu'il craignait qu'il ne le fasse bouger par inadvertance.
Arthur trébucha juste devant lui. Maylan tendit une main pour l'aider à se relever. « Reste calme. Tu peux le faire. » Arthur hocha la tête, tremblant, et reprit son équilibre.
Les secondes s'égrenaient. Certains atteignirent la ligne d'arrivée en pleurant de soulagement. Loan faillit tomber lorsqu'il se précipita à la fin, mais Arthur le rattrapa in extremis. Finalement, Maylan fut l'un des derniers à franchir la ligne, le regard fixé sur ses amis. Ils étaient tous vivants.
Mais derrière eux, les corps des perdants jonchaient le sol, silencieux et immobiles. Un silence lourd envahit la cour alors que les portes se refermèrent. Arthur serra son poing si fort que ses jointures blanchirent. Étienne murmura : « On est dans un enfer qu'on ne comprend pas encore. »
Maylan regarda le cochon suspendu, où de nouveaux billets tombaient, comme une récompense macabre pour les morts. Une seule pensée le traversa : « Si on veut s'en sortir, on va devoir être plus malins qu'eux. »
Le silence pesait lourdement sur le réfectoire. Maylan, Arthur, Étienne et Loan étaient assis autour d'une table en métal, l'air hagard, leurs visages marqués par l'horreur de ce qu'ils venaient de vivre. Les cris, les détonations, le sang… Tout cela résonnait encore dans leurs têtes comme un cauchemar dont ils ne pouvaient se réveiller.
Autour d'eux, d'autres joueurs étaient dans le même état. Certains tremblaient, d'autres pleuraient en silence, et quelques-uns, pris de panique, frappaient contre les murs en hurlant qu'ils voulaient partir.
Sur chaque table, un plateau métallique contenait un repas simple : du riz, un morceau de pain sec et une petite bouteille d'eau. Mais aucun des quatre amis n'osait toucher à leur nourriture.
Arthur brisa finalement le silence :
— On est en enfer…
Maylan ne répondit pas. Il serra les poings, essayant de garder son calme. Loan, quant à lui, fixait son assiette, son visage d'ordinaire plein d'énergie vidé de toute expression.
— Ils… ils les ont tués comme ça… sans prévenir, murmura Étienne, la voix tremblante.
— Y'avait des enfants, des vieux… C'est pas possible, on peut pas rester ici, ajouta Loan, la gorge serrée.
Soudain, une voix retentit dans les haut-parleurs :
— Chers joueurs, vous avez désormais la possibilité de voter pour décider si les jeux doivent continuer ou s'arrêter. Si la majorité décide d'arrêter, vous serez tous libérés.
Un murmure parcourut la pièce. Certains se levèrent précipitamment, d'autres hésitaient. Le choix était simple en apparence, mais le dilemme pesait sur chaque joueur. Partir signifiait abandonner toute chance de gagner l'argent dont ils avaient désespérément besoin. Rester signifiait risquer de mourir comme ceux qui gisaient déjà dans le premier jeu.
Un garde entra dans la pièce et plaça une immense boîte transparente au centre de la salle. Deux boutons lumineux y étaient intégrés : un vert pour continuer, un rouge pour arrêter.
— Merde… ils nous laissent choisir… souffla Arthur.
— On fait quoi ? demanda Étienne, paniqué.
Maylan inspira profondément. Il savait pourquoi il était venu ici : l'argent. Mais pouvait-il vraiment continuer après ce qu'il venait de voir ?
Un joueur s'avança et appuya sur le bouton rouge. Puis un autre. Peu à peu, des joueurs votèrent. Certains hurlaient qu'ils voulaient partir, d'autres suppliaient les indécis de voter pour rester.
— Si on part, on retourne à notre vie de merde, dit Loan d'une voix faible.
— Et si on reste, on finit comme les autres ! répliqua Arthur.
Étienne fixa Maylan.
— Toi, tu veux faire quoi ?
Le jeune homme serra les dents. Il repensa à sa vie dehors, aux dettes, aux galères. Il baissa les yeux sur son assiette. Dans cet endroit, même un repas aussi simple était précieux.
— Moi… Je veux gagner.
Les autres le regardèrent, stupéfaits. Loan hocha lentement la tête. Arthur soupira en passant une main dans ses cheveux.
— Je suis avec toi, lança Loan.
Étienne hésita, le regard troublé. Puis il ferma les yeux, expira lentement, et murmura :
— Moi aussi…
Arthur grogna, frustré. Il jeta un regard aux autres joueurs qui continuaient de voter.
— Si on meurt à cause de toi, Maylan, je te hanterai, je te préviens.
Un sourire amer passa sur les lèvres de Maylan.
Un à un, ils se levèrent et avancèrent vers la boîte. Étienne fut le premier à appuyer sur le bouton vert. Loan suivit. Puis Maylan. Enfin, après un long moment d'hésitation, Arthur fit de même.
Quelques minutes plus tard, les votes furent comptabilisés.
51% des joueurs avaient voté pour continuer les jeux.
Une vague de réactions parcourut la pièce. Certains pleuraient de soulagement, d'autres de désespoir.
Les haut-parleurs grésillèrent de nouveau :
— Les jeux vont continuer. Préparez-vous.
Un silence pesant s'installa.
Maylan, Arthur, Étienne et Loan se jetèrent un regard. Ils étaient toujours là. Toujours en vie. Mais pour combien de temps encore ?