— "Je te préviens, Maeva, si on m'assigne un siège à côté d'un bébé qui hurle ou d'un type qui mange des chips la bouche ouverte, c'est toi qui prends ma place !"
C'est la première chose que je lui lance en débarquant à l'aéroport des Maldives. Oui, les Maldives. Pas les Seychelles. Pourquoi ? Parce que je suis Zoé, et que rien ne se passe jamais comme prévu. On devait atterrir dans un club paradisiaque aux Seychelles, mais une erreur sur nos billets nous a envoyées ici. Maeva trouve ça hilarant. Moi ? Pas du tout.
— "Zoé, détends-toi. Regarde autour de toi. On est au paradis ! C'est quoi ton problème ?"
— "Mon problème, Maeva, c'est que ça fait neuf heures que je suis coincée dans un legging de compression, que j'ai un cheveu collé au gloss, et qu'un type m'a renversé du jus de tomate sur le pied. Alors NON, je ne suis pas détendue."
Elle éclate de rire, bien sûr. Maeva est le genre de fille qui trouverait une tempête tropicale "amusante". Moi ? Je vois un moustique, je sors l'artillerie lourde.
On avance dans l'aéroport avec nos valises cabossées. Maeva a ce sourire tranquille de quelqu'un qui croit que tout est sous contrôle. Moi, j'essaie de décoincer mes lunettes de soleil de mes cheveux. Glamour ? Pas vraiment, mais ça résume bien ma vie.
— "Allez, avoue que ça pourrait être pire."
— "Pire ? On est à l'autre bout du monde, Maeva. Je parie qu'on va arriver dans un club de vacances qui n'a même pas notre réservation. Je le sens. Catastrophe imminente."
— "Si ça arrive, on improvisera. On est fortes pour ça, non ?"
Improviser ? Vraiment ? La dernière fois qu'on a improvisé, on a fini dans une soirée salsa alors qu'aucune de nous ne savait danser. Mais je me contente de soupirer, d'attraper ma valise et de suivre Maeva à travers le terminal.
Et c'est là que tout part en vrille.
Pendant qu'on attend nos bagages, Maeva, dans un élan de générosité incompréhensible, attrape ma valise pour m'aider. Sauf qu'elle bascule, s'ouvre en grand… et tout son contenu s'éparpille sur le tapis roulant. Devant une foule fascinée.
Mes maillots de bain fluo, mes sous-vêtements beaucoup trop osés pour une femme récemment divorcée, et ma trousse de maquillage explosée en mille morceaux. Comme si ça ne suffisait pas, une de mes culottes – une rouge avec des paillettes, évidemment – se fait porter par le tapis roulant, exposée comme une œuvre d'art contemporaine.
— "Maeva, je vais te tuer. Littéralement."
— "Non mais attends, c'est moi qui devrais avoir honte ! Qui met une culotte à paillettes dans sa valise, franchement ?"
Je me précipite pour ramasser mes affaires pendant qu'un employé tente maladroitement de m'aider. Maeva, elle, est en train de filmer la scène sur son téléphone.
— "Regarde le bon côté des choses, Zoé : ça nous fait une anecdote à raconter au club !"
— "Si on arrive vivantes jusque-là, Maeva. Si on y arrive."
Une fois le désastre ramassé, on grimpe dans un taxi. Direction le club de vacances, où j'espère que les choses vont ENFIN se calmer. Mais avec moi, Zoé la reine des gaffes, et Maeva, miss insouciance, c'est loin d'être gagné.
Dans le taxi, Maeva continue de glousser, son téléphone à la main. Je la fixe, les bras croisés, comme une mère furieuse.
— "Tu sais que tu as filmé ma dignité en train de se faire rouler dessus par un tapis roulant ?"
— "Exactement ! Et tu verras, ça va exploser sur TikTok. 'Vacances ratées : épisode 1'. Je sens qu'on va devenir des stars !"
— "Génial. Moi qui rêvais de me fondre dans la masse, c'est raté. Merci, Maeva."
Le chauffeur de taxi jette un coup d'œil amusé dans le rétroviseur. Bien sûr, il comprend parfaitement ce qu'on dit. Sinon, pourquoi aurait-il souri au moment où Maeva a imité ma tête horrifiée devant ma culotte à paillettes ?
Je me cale contre la portière, résignée, et contemple le paysage. Palmiers, sable blanc, eau turquoise. Bon, ok. Peut-être que ce n'est pas si mal.
— "Avoue, tu commences à te détendre."
— "Je n'avoue rien."
Mais intérieurement, je dois reconnaître que ça fait longtemps que je n'ai pas vu un endroit aussi beau. Je me suis tellement concentrée sur le boulot, le divorce et ma vie un peu chaotique que j'ai oublié ce que c'était, juste… respirer.
Quand on arrive au club, un homme en chemise blanche et bermuda beige nous accueille avec un sourire digne d'une pub pour dentifrice.
— "Bienvenue, mesdames ! Je suis Eliott, votre hôte pour ces vacances. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à demander."
Je crois que j'ai un bug cérébral. Eliott est le genre de mec qui pourrait poser pour le catalogue des "organisateurs de vacances sexy". Grand, bronzé, avec des yeux couleur lagon qui me font oublier mon propre prénom. Pendant une seconde, j'oublie aussi comment respirer.
Maeva me donne un coup de coude.
— "Tu comptes cligner des yeux longtemps ou tu veux qu'on te ramène une chaise ?" murmure-t-elle en ricanant.
— "Euh… oui. Bonjour. Merci. Oui."
Bravo, Zoé. Très fluide. Très naturel.
Eliott incline légèrement la tête, toujours souriant.
— "Vous devez être Maeva et Zoé, c'est bien ça ? Votre chambre est prête. Vous êtes là pour vous détendre, alors profitez au maximum."
— "On compte bien en profiter !" déclare Maeva avec enthousiasme.
Pendant qu'il nous conduit vers notre bungalow, je me force à reprendre mes esprits. Ce ne sont que des vacances. Un mec canon ne va pas me faire perdre la tête. Mais quand il se retourne pour nous montrer la vue sur la plage, je trébuche sur une racine et manque de m'étaler de tout mon long.
— "Tout va bien, Zoé ?" demande Eliott en tendant la main pour m'aider.
— "Oui, oui, je fais juste… une inspection du sol. Très important."
Maeva explose de rire derrière moi, évidemment.
— "C'est officiel, Zoé : tu es incapable de rester debout devant un mec mignon."
Je la fusille du regard, mais Eliott, lui, semble amusé.
— "Eh bien, si vous avez besoin d'un guide pour éviter les racines, je suis à votre disposition."
Je sens mes joues s'enflammer. Maeva me chuchote :
— "T'as vu, il te drague déjà."
— "N'importe quoi."
Mais peut-être que si. Juste un peu.
Arrivées au bungalow, je m'effondre sur le lit. Maeva se précipite sur la terrasse pour admirer la vue.
— "Zoé, regarde ! C'est magnifique !"
Je lève les yeux vers elle et soupire. Oui, c'est magnifique. Et c'est le début de vacances qui s'annoncent… mouvementées.
Quand Maeva se tourne vers moi avec un sourire en coin et dit : "Et si on allait chercher des cocktails ? Qui sait, peut-être qu'Eliott nous rejoindra…", je sais qu'elle ne me lâchera pas.
Les Maldives n'ont qu'à bien se tenir. Zoé et Maeva sont là, et ça risque de faire des vagues.