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Chapter 3 - Chapitre 3 : Le prisonnier de la tour

Depuis la dernière fois, Domgis avait fait plusieurs découvertes intrigantes.

Premièrement, il avait appris que les insectes ne se limitaient pas à la forme de pièces. Ils pouvaient également se trouver sous forme d'objets, toujours petits, pas plus grands qu'une bouteille.

Deuxièmement, dans sa bibliothèque personnelle, il avait trouvé un livre qui mentionnait ces créatures. On les appelait les Linocles, ou encore insectes mangeurs de peau.

Troisièmement, rien dans le livre ne décrivait une quelconque capacité de ces insectes à prendre la forme d'objets.

Cela signifiait qu'une entité, un phénomène, ou peut-être quelqu'un, les contraignait à rester sous forme d'objets inanimés. Mais dans quel but ?

D'ailleurs, les livres de la bibliothèque de Domgis étaient eux-mêmes un mystère.

Ils contenaient un savoir très précis sur cet endroit.

Ici, sous la Tour du chaos, un lieu qui n'était même pas censé exister, la moindre chose semblait déroger à la logique.

Comment un humain pouvait-il être ici ? Et pire encore, être conscient de lui-même ?

Domgis, lui, semblait ignorer comment il était arrivé là. Il n'avait aucun souvenir de son passé.

Ce qui me troublait encore plus, c'était qu'il n'était pas dans la tour, mais bien sous celle-ci.

Il se passait quelque chose de profondément anormal ici.

Une autre question me hantait : comment connaissait-il son propre nom ?

Il n'avait aucune mémoire de son arrivée, et pourtant, il était convaincu de s'appeler Domgis.

Je finis par comprendre la raison : son bras gauche portait des inscriptions. Des mots tracés sur sa peau, un tatouage légèrement brillant qui disparaissait quand Domgis n'y prêtait plus attention :

[Mon nom est Domgis]

Mais comment ces mots étaient-ils apparus là ?

C'était une autre énigme à ajouter à la longue liste des mystères de cet endroit.

Il y avait sans doute un avant et un après mon arrivée ici. Quelque chose avait dû se produire.

Mais pour l'instant, tout m'échappait.

***

Domgis s'était lancé dans une étrange chasse aux Linocles.

Pourquoi ?

Eh bien, quand on est coincé dans un endroit aussi désert qu'une réunion de fantômes, il faut bien s'occuper. Et cette activité, étaient devenus son passe-temps favori. Enfin, disons plutôt son *seul* passe-temps.

Au début, il les cherchait au hasard, comme un enfant qui fouille sous les coussins du canapé à la recherche de pièces perdues. Mais plus tard, quelque chose changea.

La petite lumière se mit à l'aider.

Oui, *cette* lumière. Celle qui avait émergé de la bouteille et qui semblait avoir un penchant pour les acrobaties aériennes. Elle flottait maintenant autour de Domgis, vacillante mais déterminée, comme si elle avait décidé de devenir son coach personnel dans cette chasse absurde.

"Tu veux m'aider ?" demanda Domgis, sceptique.

La lumière dansa joyeusement, comme pour dire : *Évidemment, et tu ferais mieux de me remercier.*

Dès lors, la chasse aux Linocles devint moins une corvée et plus une sorte de jeu étrange. La lumière guidait Domgis, l'entraînant ici et là, lui indiquant des objets qu'il n'aurait jamais remarqués autrement. Parfois, elle s'arrêtait devant un petit caillou ou un bout de métal rouillé, et Domgis, avec un soupir résigné, se penchait pour vérifier.

"Tu es sûre que c'en est un ?" grogna-t-il un une fois, après avoir retourné une vieille chaussure pour la énième fois.

La lumière vacilla, presque indignée, avant de tournoyer autour de lui comme pour lui rappeler qui était le vrai expert en Linocles ici.

Et, il faut l'admettre, elle avait raison. Grâce à elle, Domgis trouvait plus de Linocles que jamais. Il commençait même à se demander si cette lumière n'était pas une sorte de détecteur à insectes magique.

Une autre fois, alors que la lumière l'entraînait vers ce qui semblait être un tas de poussière, Domgis s'arrêta net.

"Non, là, tu exagères," dit-il, les mains sur les hanches. "Même les Linocles ont des standards."

La lumière insista, tournoyant autour du tas avec une énergie presque agaçante.

"Bon, d'accord, mais si c'est encore une fausse alerte, je te préviens, je te laisse tomber pour une lampe."

En fouillant, il trouva effectivement un petit objet gravé du symbole de l'arbre. Domgis leva un sourcil, impressionné malgré lui.

"Tu vois ?" sembla dire la lumière en dansant victorieusement.

"Oui, oui, tu es géniale," admit Domgis avec un sourire en coin. "Mais si tu pouvais aussi me trouver de meilleur vêtements, ça serait encore mieux."

***

Cette fois-là, Domgis avait effleuré une vieille lampe marquée par la gravure de l'arbre aux branches tombantes. Il s'apprêtait à l'examiner de plus près lorsqu'une lueur familière apparut à ses côtés.

La lumière vacilla rapidement, presque avec urgence, et se mit à danser devant ses yeux.

"Qu'est-ce que tu veux ?" murmura Domgis, intrigué.

La lumière se précipita vers un rocher voisin, puis revint vers lui, répétant ce mouvement plusieurs fois.

"Tu veux que je me cache ?" demanda-t-il, levant un sourcil.

La lumière vacilla avec insistance, comme pour dire : *Oui, et vite !*

Domgis, malgré ses doutes, décida de suivre son instinct. Il se glissa derrière le rocher, se cachant à peine à temps.

C'est alors que le Linocle émergea de la lampe.

La créature semblait désorientée, se déplaçant d'abord au hasard, avant d'emprunter un long chemin dans les galeries. Domgis, toujours dissimulé, retenait son souffle. La sueur perlait sur son front, conséquence des efforts qu'il avait fournis pour se cacher rapidement.

La lumière flottait à ses côtés, vacillante mais calme, comme si elle surveillait la scène.

"Pourquoi se cache-t-on du coup ?" chuchota Domgis.

La lumière dansa légèrement.

"Dis-moi, si tu veux que je suive ce lino, il faudrait peut-être que tu me donnes un coup de main. Je ne suis pas un spécialiste de la filature d'insectes, hein," dit-il en regardant le linocle s'éloigner.

La lumière vacilla, comme pour acquiescer, puis se mit à guider Domgis à travers les couloirs sinueux de la grotte. Elle éclairait discrètement le chemin, tout en restant suffisamment faible pour ne pas attirer l'attention du Linocle.

Le Linocle, quant à lui, semblait chercher quelque chose. Il accéléra soudain, filant à toute vitesse, et Domgis, poussé par la lumière, se mit à courir derrière lui.

"Tu pourrais peut-être m'aider à le rattraper au lieu de danser devant moi !" grogna Domgis, essoufflé.

La lumière vacilla, presque amusée, avant de se précipiter en avant, éclairant le chemin pour lui.

Finalement, le Linocle s'arrêta devant une porte.

La porte se dressait comme une anomalie dans l'immensité de la caverne. Elle était recouverte d'une mousse rougeâtre qui en amplifiait l'aspect étrange. Faite d'un acier noir et dense, elle dégageait une impression de robustesse absolue. Rien qu'à la regarder, on pouvait deviner à quel point elle était résistante.

En plissant les yeux, Domgis remarqua un léger brouillard qui s'échappait de minuscules interstices dans la porte, se répandant lentement dans l'air ambiant.

Le Linocle s'acharna, tentant de forcer son passage à travers ces ouvertures, mais elles étaient bien trop petites pour lui. Après un moment d'efforts vains, la créature abandonna. Elle resta immobile, comme figée dans une réflexion invisible, avant de rebrousser chemin et de disparaître dans l'obscurité.

Domgis s'approcha de la porte, la lumière flottant à ses côtés.

"Alors, c'est ça que tu voulais me montrer ?" demanda-t-il, examinant les motifs gravés dans l'acier noir.

La lumière vacilla, comme pour dire : *Exactement.*

"Bon, c'est impressionnant, je te l'accorde," admit Domgis. "Mais si tu veux que je l'ouvre, il va falloir m'expliquer comment. Parce que là, je n'ai pas exactement de mode d'emploi."

La lumière tournoya autour de lui, presque comme si elle réfléchissait, puis se mit à danser devant la porte. Elle vacillait avec insistance, comme pour inciter Domgis à pousser.

Sa main hésitante saisit la poignée. La porte s'ouvrit sans la moindre résistance. Cette facilité déconcertante le mit mal à l'aise.

Soudain, un vent violent s'échappa de l'ouverture, frappant son visage et projetant ses longs cheveux blancs en arrière. Le souffle semblait chargé d'une force mystérieuse, porteur d'un sentiment de crainte et d'incertitude.

Domgis se tourna vers la lumière, cherchant un signe de réconfort ou de guidance. Mais elle restait immobile, flottant à l'extérieur de la porte, comme si elle refusait d'aller plus loin.

"Tu ne viens pas ?" demanda-t-il, la voix légèrement tremblante.

La lumière vacilla faiblement, presque comme pour dire : *Non, c'est à toi de continuer.*

Il hésita, le regard fixé sur l'horizon qui s'étendait au-delà de la porte. La lumière, bien que rassurante, semblait presque l'abandonner à son sort.

"Très bien," murmura-t-il, se résignant.

Au-delà de la porte, un chemin droit et unique s'étendait à perte de vue. Les murs, d'une propreté presque surnaturelle, étaient entièrement transparents. C'était la première fois que Domgis voyait quelque chose d'aussi étrange.

Lorsqu'il entra, il fut confronté à son propre reflet sur les miroirs.

Une première.

Un détail, si anodin en apparence, le saisit d'effroi. Pris de panique, il trébucha et s'effondra au sol.

Son reflet aussi.

Sans réfléchir davantage, il se releva précipitamment et s'élança vers la sortie. Dans un geste désespéré, il referma la porte derrière lui, de toutes ses forces, le souffle court et le cœur affolé.

"C'était si proche…" murmura-t-il, les yeux écarquillés. "Heureusement que je me suis échappé."

Je l'observais, incrédule. Comment pouvait-il être si ignorant ?

À moins que...

La lumière resta près de Domgis, flottant à ses côtés comme un gardien silencieux. Elle semblait rassurante, mais son agitation subtile trahissait une inquiétude profonde, comme si elle savait quelque chose qu'il ne pouvait pas comprendre.