Le chariot s'arrêta devant les immenses murailles d'Edonia. Chaque pierre semblait chargée d'un pouvoir ancien, gravée de runes complexes qui pulsaient d'une lueur imperceptible. Une barrière invisible recouvrait la cité.
Un garde en armure, droit et imposant, se tenait devant les portes colossales. À la vue de l'homme au chapeau de paille, ses yeux s'écarquillèrent légèrement avant qu'il ne s'empresse de s'incliner en signe de respect. Sans un mot, il fit un geste aux sentinelles postées en haut des remparts, et les portes massives s'ouvrirent lentement dans un grondement sourd.
Lucian n'eut que quelques secondes pour assimiler ce qu'il voyait avant que le chariot ne reprenne son avancée à l'intérieur de la cité.
Dès qu'il posa le pied sur les pavés immaculés, il fut frappé par la magnificence des lieux. Les rues étaient larges et parfaitement entretenues, bordées de bâtiments aux façades élégantes et aux toits ornés de sculptures raffinées. Tout ici respirait la grandeur et la richesse. Les passants, vêtus d'étoffes nobles et de tenues raffinées, dégageaient une prestance naturelle, comme s'ils faisaient partie d'un monde bien différent de celui dont il venait.
Les immenses avenues menaient à des places ouvertes où trônaient des fontaines sculptées, l'eau scintillant sous la lumière du soleil. Des tours élancées, dressées comme des flèches vers le ciel, témoignaient de l'ambition et de la puissance de la capitale. Tout était éblouissant.
Le chariot s'arrêta devant un imposant bâtiment de pierre blanche aux nombreuses fenêtres et aux bannières bleutées flottant au vent. Le dortoir était à l'extérieur de l'Académie d'Ether. Même sans connaître son prestige, il suffisait d'un regard pour comprendre que seuls les plus talentueux pouvaient y mettre les pieds.
Hiro sauta du chariot d'un mouvement fluide et tendit une liasse de documents à Lucian.
"Voilà tes papiers. Tes instructions sont là-dedans, ne les perds pas."
Lucian les attrapa d'une main, jetant un regard vers l'entrée massive du dortoir. Il était enfin arrivé…
Hiro lui ébouriffa les cheveux d'un geste brusque.
"Prends soin de toi, petit colosse.On se reverra bien assez tôt"
Lucian releva les yeux, surpris. Ce surnom… Il venait bien de son père. Pendant un instant, une chaleur étrange l'envahit. Lui qui ne s'attachait pas facilement, il devait bien admettre qu'il s'était habitué à la présence de Hiro. Après tout, ils avaient voyagé ensemble pendant des jours, partagé les repas, combattu…
Il hésita à dire quelque chose, mais le mercenaire sifflotant s'était déjà retourné, s'éloignant d'un pas tranquille sans se retourner.
Lucian poussa lentement la grande porte du dortoir et entra dans un vaste hall illuminé par des cristaux enchâssés dans les murs.
Autour de lui, des élèves allaient et venaient, certains en uniforme impeccable, d'autres portant des tenues plus personnelles, mais tous affichaient une assurance évidente.
Lucian s'avança vers un bureau d'accueil où une femme à l'air strict parcourait des registres. Lorsqu'elle leva les yeux vers lui, son expression resta neutre.
"Nom ? demanda-t-elle d'un ton sec."
"Lucian Aether."
Elle consulta rapidement ses documents, puis hocha la tête.
"Chambre 317, aile ouest. Voici ta clé. Tes affaires doivent déjà s'y trouver. Les cours commencent demain, et une réunion d'accueil est prévue dans une heure dans l'auditorium principal. Ne sois pas en retard."
Lucian attrapa la clé et la remercia brièvement avant de se diriger vers l'aile ouest.
Lorsqu'il ouvrit enfin la porte de sa chambre, il découvrit un espace sobre mais confortable : un lit simple, un bureau en bois massif, une armoire et une petite étagère encore vide. Près de la fenêtre, un uniforme de l'Académie était soigneusement plié, accompagné d'un parchemin détaillant les règles de l'établissement.
Lucian enfila l'uniforme luxueux d'un bleu profond, orné de boutons dorés et d'un col blanc immaculé. Le tissu était d'une finesse qu'il n'avait jamais connue, taillé avec une précision qui épousait parfaitement sa silhouette.
Se tournant vers le miroir accroché près de l'armoire, il observa son reflet. Avec ses cheveux argentés et ses yeux noirs aussi profonds que l'encre, il ressemblait à un jeune prince issu d'une noble lignée.
Lucian décida de sortir explorer la ville avant la réunion à l'auditorium. Dès qu'il mit un pied hors du dortoir, il sentit les regards se poser sur lui. Son apparence élégante, attisait la curiosité des élèves. Certains murmuraient entre eux, se demandant de quelle famille prestigieuse il pouvait bien venir.
Ignorant ces chuchotements, il s'aventura dans les rues pavées de la capitale. Tout semblait démesuré, aussi raffiné qu'imposant. Les bâtisses de pierre finement sculptées, les enseignes en métal brillant et les rues animées dégageaient une atmosphère à la fois noble et vivante.
Alors qu'il arpentait la ville, son regard fut attiré par une immense église trônant au bout d'une grande place. Ses murs de pierre blanche, marqués par le temps, dégageaient une aura solennelle. Majestueuse malgré son âge, elle dominait l'espace de toute sa grandeur, comme un vestige immuable du passé.
En franchissant les grandes portes de l'église, Lucian ressentit soudain une légère douleur à la tête. Il porta une main à son front, mais la sensation disparut presque aussitôt.
L'intérieur était vaste et silencieux, baigné par la lumière tamisée des vitraux. En avançant, son regard se posa sur une immense statue trônant au centre du chœur. Elle représentait un homme en armure somptueuse, brandissant son épée vers le ciel, comme s'il défiait les cieux eux-mêmes.
Il n'y avait qu'une seule autre personne dans l'église. Un homme vêtu d'une simple chemise blanche, aux cheveux dorés d'une pureté éclatante. Il était d'une beauté presque irréelle, et pourtant, quelque chose dans son regard semblait détaché. Il observait la statue sans une once de vénération, un sentiment étrange flottant autour de lui.
L'homme aux cheveux dorés resta immobile face à la statue, puis, sans même jeter un regard à Lucian, il déclara d'un ton neutre :
"Je ne t'ai jamais vu ici."
Lucian arqua un sourcil. *Comment peut-il dire ça sans même m'avoir regardé ?* pensa-t-il.
D'un calme absolu, il répondit simplement :
"Je suis arrivé aujourd'hui."
Sa voix était directe, sans hésitation. Un léger silence s'installa avant que l'inconnu ne reprenne, toujours aussi impassible :
"Le savais-tu ? Cette église était là avant la création du royaume. Pourtant, personne ne connaît réellement l'identité de l'homme représenté ici. Avec le temps, les gens en ont fait une sorte de divinité."
Lucian haussa légèrement les épaules et répondit d'un ton pensif :
"Probablement l'un de ces héros de l'Âge d'Or… Ceux qui ont atteint le rang d'Élu à cette époque."
L'homme aux cheveux dorés esquissa un léger sourire amusé avant de laisser échapper un rire discret. Puis, d'une voix calme mais perçante, il répliqua :
"Un Élu, dis-tu… Les corps de ceux qui gravissent l'Ascension changent profondément. Les Sages conservent une jeunesse éternelle, les Empereurs vivent plus de deux siècles… et les Élus sont immortels."
Son regard se posa enfin sur Lucian, perçant comme s'il tentait de sonder ses pensées.
"Si cet homme était vraiment un Élu, alors dis-moi… Comment est-il mort ? Qui aurait pu le tuer ? Un Dieu ? Un Démon, peut-être ? Et si cette créature avait vraiment existé… est-elle simplement morte comme par magie après l'avoir tué ?"
Il se retourna légèrement, observant la statue avec un regard indéchiffrable.
"Les légendes cachent toujours une part de vérité. Mais parfois, ce qui est oublié l'est pour une raison."
Lucian suivit l'homme du regard alors qu'il avançait vers la sortie. Il ne dégageait aucune présence, aucun signe de puissance… et c'était précisément ce qui le rendait si terrifiant.
Lorsqu'il passa à côté de lui, Lucian sentit un léger frisson parcourir son échine, comme si quelque chose d'inexplicable venait effleurer son âme.
Alors qu'il s'apprêtait à franchir la porte, l'homme s'arrêta un instant et, sans se retourner, déclara d'un ton énigmatique :
"Tu as une bien jolie épée."
Lucian fronça légèrement les sourcils. Ce n'était pas une question, ni un simple compliment. Il y avait quelque chose de troublant dans la façon dont il l'avait dit.
Mais avant qu'il ne puisse répondre, l'homme passa la porte. La lumière du soleil embrassa sa silhouette une dernière fois avant qu'il ne disparaisse, le laissant seul face à la statue silencieuse.
Lucian ressentait de subtiles fluctuations émaner de son épée. Instinctivement, il la dégaina, et à cet instant, les gravures le long de la lame s'illuminèrent d'une lueur spectrale.
Les lettres anciennes, à peine visibles auparavant, brillaient désormais avec une intensité mystique, révélant l'inscription :
**« Que ma lame soit l'ombre du Roi. »**
Son cœur manqua un battement. Ces mots…
Cet homme serait-il le… ?
Une brise légère traversa l'église, faisant vaciller les flammes des bougies. Lucian serra instinctivement le manche de son épée, un millier de pensées traversant son esprit.
En regardant la statue et en repensant aux paroles de l'homme, une étrange angoisse s'empara de Lucian. Pourtant, au lieu de reculer, il sentit une fascination grandir en lui. Depuis son plus jeune âge, les mystères l'avaient toujours attiré.
Lentement, il s'approcha de la statue. L'homme en armure brandissant son épée vers le ciel semblait imposant, intemporel. Sans vraiment savoir pourquoi, Lucian tendit la main et posa ses doigts sur la pierre froide.
Au même instant, une vibration imperceptible parcourut son bras, comme un écho silencieux à cette connexion étrange. Les gravures sur la lame de la statue se mirent lentement à briller, un éclat faible mais perceptible. Un mouvement subtil, presque imperceptible, comme si la pierre elle-même répondait à son toucher.
Lucian resta figé, les yeux fixés sur la lame. Il pouvait voir les mots se former clairement maintenant, l'encre des gravures scintillant d'une lumière pâle :
« Ô
Mort,
deviens
ma
lame
encore
une
fois. »
Le frisson qui l'avait traversé ne disparaissait pas. Ce n'était pas juste une réaction physique, c'était comme si quelque chose d'autre était en train de se réveiller, une présence qu'il ne pouvait expliquer. mais comment cela était-il possible ? Il n'avait même pas encore formé son Nexus, il n'avait aucune essence d'âme…
Il se laissa envahir par une pensée étrange. Et si, justement, c'était parce qu'il n'avait pas encore cette essence d'âme qu'il avait pu activer cette gravure ? Comme une page blanche, il n'avait pas d'interférence magique, rien pour perturber ce qui se passait devant lui.
Il s'approcha un peu plus de la statue, fixant la gravure qui, à cet instant, semblait presque vivante, comme si elle l'appelait. Les mots brillèrent un instant avant de se fondre dans la pierre, disparaissant à nouveau.
Lucian recula alors, le cœur battant plus fort. Il savait que ce qu'il venait de vivre n'était pas ordinaire, mais il ne comprenait pas encore le pourquoi ni le comment.
Un écho lointain résonna dans la ville. Il soupira légèrement, réalisant qu'il était temps d'y aller. D'un pas tranquille, il quitta l'église, laissant derrière lui la silhouette figée du guerrier inconnu.