Chereads / Myrandis- L'Âme de la Terre / Chapter 2 - Prologue II- Un Simple Rêve.

Chapter 2 - Prologue II- Un Simple Rêve.

Partie I : Un au revoir seulement. 

 Le vent soufflait au sud-est des forêts d'Ambeor, soulevant les feuilles des grands chênes qui bordaient les vastes vallées. Le sol, moelleux et imprégné d'humidité, offrait un certain confort sous les bottes usées du jeune homme qui serait plus tard rarement appelé par son nom. Le monde le nommait simplement Héros, Guide, Enfant de la Terre, bien que son rôle, au début de cette aventure ne fût bien plus flou qu'il ne l'aurait souhaité. Au début de son périple, il n'était encore que Kaelan, originaire du village isolé de Dorwyn. 

 Une vieille histoire raconte que Gaëlharn, aurait élu domicile sur les terres où fut érigé le village de Dorwyn, il y a des temps immémoriaux pour faire naître la forêt d'Ygwald. Mais Kaelan n'avait jamais prêté attention aux légendes. Son unique désir était de voyager et de découvrir le monde. Cependant, son grand-père, le chef du village, avait toujours fait son possible pour garder cette petite communauté isolée du reste du monde, empêchant quiconque d'en sortir et en dissimulant le village aux étrangers grâce à une magie ancienne. 

Lorsque Kalean lui raconta ce rêve dans lequel la terre elle-même lui demandait de quitter son village, ce dernier demanda au garçon de partir, sans lui laisser le choix. 

Le jeune garçon n'arrêtait pas de se remémorer cette journée. Il se demandait sans cesse, que ce serait-il passé s'il avait gardé ce rêve pour lui ? 

 — Grand-père… j'ai fait un rêve. Je n'y comprends rien, il était différent. 

 Le vieil homme ne lèva pas les yeux, continuant à faire glisser la lame de son couteau sur le bois. 

— Raconte-moi, tu sais bien que lire les rêves est le don qui me fut octroyé. 

Kaelan prenant une inspiration, et cherchant ses mots. Il voulait tout lui dire sans paraître enfantin. Mais il était encore jeune, et le poids de ce rêve dépassait sa compréhension. 

— Il y avait cet arbre… immense, plus grand que tout. Ses racines s'enfonçaient si profondément. Et puis cette voix… Elle murmurait mon nom, me demandant de venir. Me répétant sans cesse cette phrase : "Je suis la terre elle-même", qu'est-ce que cela veut dire ? Je ne me rappelle pas de grand-chose, mais les sensations sont comme... encrées en moi. 

Cette fois, le vieil homme s'arrêta. Il posa son couteau sur la table et avait lentement levé les yeux vers son petit-fils. Ses prunelles, d'un noir profond, semblaient sonder l'âme du garçon. 

— Et comment te sentais-tu à ce moment ? 

— Perdu. Mais pas effrayé. Plutôt… comme si j'étais avec quelqu'un de proche, dans un endroit que j'appréciais. 

— Hm. C'est intéressant. C'est un bon rêve. 

Kaelan serra les poings, et s'écria : 

— Un bon rêve ? Mais je ne comprends rien ! Pourquoi alors c'est si bizarre ? Pourquoi ma poitrine se serre dès que j'y pense ? 

Le vieux Draker inspira profondément. Kaelan le regardait en attendant une réponse claire, mais il savait déjà qu'il n'allait pas l'avoir, son grand-père a toujours été un homme de mystère et cela ne risquerait pas de changer. 

— Parce que c'est un appel, petit. Et un appel, ça ne se comprend pas avec la tête. Ça se sent, là. Dit-il en tapant doucement du poing contre la poitrine du garçon. 

Kaelan tressaillait. Il ne savait pas pourquoi, mais ces mots résonnaient en lui. 

— Je vivais simplement jusqu'ici, pourquoi vouloir tout compliquer ? Qu'est-ce que je dois faire ? 

— Partir. 

Le silence s'installa. Kaelan ouvra la bouche, puis la referma. Il a bien entendu. Mais encore une fois il ne comprenait pas. 

— Partir ? Où ? Pour quoi faire ? Je n'ai pas envie, je n'ai rien demandé, je veux partir par moi-même, pas à cause d'un rêve que j'ai fait. 

— Peu importe où. Peu importe pourquoi. Un homme ne devient pas un homme en restant assis à attendre des réponses. Il faut marcher pour les trouver. Ce que tu as vu n'est pas un simple rêve, Kaelan. Tu ne peux pas l'ignorer, dit-il d'une voix profonde. 

Kaelan secoua la tête. C'est absurde. Il a grandi ici, au milieu des arbres et des rivières. Pourquoi partirait-il ? 

— Mais et toi ? Et la maison ? 

Drakel ria doucement, un rire rocailleux, usé par le temps. 

— La forêt ne me quittera pas. Elle m'a vu naître, elle me verra partir. Toi, par contre… C'est ailleurs que tes racines doivent pousser. Il est temps pour toi de quitter ce village. Pour la première fois, tu vas découvrir le monde que nous t'avons caché. Le monde t'appelle. Je sais que tu trouveras toutes les réponses que tu cherches. 

 

Kaelan baisse les yeux. Il sentait que quelque chose lui échappait. Son grand-père ne parle jamais à la légère. S'il dit qu'il doit partir, c'est qu'il le savait. Peut-être depuis longtemps. 

— Tu savais, pas vrai ? Que je partirai un jour. 

 

Le vieil homme sourit à nouveau, un sourire tranquille, presque tendre, puis posa une main lourde sur l'épaule de Kaelan. 

— Je sais que ce n'est pas ce que tu voulais. Mais c'est un appel, tu dois le suivre. Prépare-toi, tu partiras peu après la saison des moissons. 

Kaelan resta immobile, le regard perdu dans les flammes de l'âtre. Il savait une chose : ce voyage ne lui appartenait pas. Il ne l'avait pas choisi, mais c'est l'inverse. 

Moi, un héros ? pensa le garçon, les sourcils froncés. Il aurait ri si cette pensée ne lui avait pas été aussi amère. Jamais il n'avait voulu être quelqu'un d'important. Prochain chef du village ? Ne comptez pas sur moi ! clamait-il souvent haut et fort. 

Mais il se trouvait là, loin de sa Terre-Natale, de la vie simple et paisible qu'il avait autrefois. Ce voyage qu'il entreprenait était désormais sa mission, une mission ordonnée par quelque chose qui le dépassait. Il était l'âme choisie pour une tâche que même les esprits semblaient ignorer. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il devait réunir des compagnons et découvrir le monde pour l'instant. Ce n'était pas pour lui déplaire, lui qui avait toujours voulu voyager. Pourtant, ce n'étaient pas les conditions qu'il espérait, sans contraintes et danger. 

 Derrière lui, les bruits familiers de la forêt emplissaient l'air. Le crépitement d'un rongeur écrasé sous la patte d'un prédateur, les sifflements des oiseaux de nuit, la mélodie du vent se frayant un chemin à travers les branches. Mais ce qui frappa le plus, c'était l'absence de lumière. De lourds nuages menaçants, filtraient les rayons d'une lune presque pleine. Une lueur morne baignait la forêt. 

Au matin, les rayons du soleil peinaient à percer l'épaisse canopée. Pourtant, une forte et chaleureuse lumière semblait frapper la forêt, comme si la nature elle-même s'éclairait de l'intérieur. 

Je suis fatigué, geignit-il, en posant un pied devant l'autre. J'ai déjà marché quatre jours et je ne vois pas la ville dont grand-père m'a parlé. Il doit sûrement me rester des mois de marche. Si seulement j'avais un cheval ! 

Lorsqu'il avait traversé les portes de son village, son grand-père ne lui donna qu'un seul conseil :  

— Continue toujours vers le nord en suivant la grande tour. Tu arriveras à la vallée ensoleillée. Là-bas, se trouve la cité de Sovale. Tu y trouveras ce que tu recherches. 

Grand-père, pourquoi ne pas simplement me donner une carte ? Se murmura-t-il un sourire nerveux aux lèvres. 

"Voyage, héros. Ton chemin t'attend." Ce sont des mots que lui murmurait une voix inconnue dans ses rêves. Mais il avait enfin compris. Ce départ était sans retour possible. Il ne pouvait plus faire marche arrière. 

Le jeune homme s'arrêta net et dirigea son regard vers la route en la fixant. Une route qu'il ne connaissait pas vraiment, mais qu'il avait l'intime conviction de devoir suivre. La ville de... Sovale. Et après ? Une pensée vague traversa son esprit : Tout ça ressemble à un rêve éveillé. Partir, découvrir, voyager. 

Partie II : Un être étrange. 

Mais il n'eut pas le temps d'y penser plus longtemps que des bruits de pas se firent entendre derrière lui. 

 — Vous êtes un peu loin de chez vous, l'ami, lança une voix rauque.   

Kaelan se retourna brusquement, la main instinctivement posée sur la garde de son épée. Pourtant, il savait que, dans un monde où les magies étaient aussi courantes que les Hommes, le métal n'était pas toujours la meilleure défense. 

Une silhouette se tenait sous un grand chêne, à quelques pas de lui. Un hybride, vêtu d'un manteau poussiéreux et d'un chapeau à large bord, son visage buriné par les années et des yeux rouges ressemblant à ceux d'un serpent. Sa queue écailleuse et sa peau sèche trahissaient une nature bien différente de celle des hybrides de la forêt. Il semblait analyser chaque détail de la posture du jeune homme, tout en souriant d'un air tranquille. 

— Je pourrais vous demander la même chose, répondit Kaelan, avec ironie. Que faites-vous ici ? Je ne cherche pas les ennuis, dit-il en relâchant légèrement la garde son épée, bien que sa méfiance demeurât.  

L'inconnu leva les mains en signe de paix et s'approcha lentement. Il esquissa un sourire. 

—Je pourrais vous dire qu'il y a des choses plus importantes que de poser des questions, mais je pense que vous l'avez déjà deviné. Alors dites-moi, qu'est-ce qui vous amène dans nos forêts ? Croiser quelqu'un d'aussi bien armé que vous sur une route aussi isolée a de quoi intriguer. 

Une épaisse sacoche pendait à son côté, et un léger tintement résonnait à chacun de ses pas. 

 Kaelan plissa les yeux, essayant d'évaluer s'il avait affaire à un marchand ou à un brigand déguisé. 

 — Je ne suis qu'un voyageur, en route pour Sovale, répondit-il prudemment. 

 L'homme éclata d'un rire franc, un brin moqueur.  

— Sovale, hein ? Vous avez choisi un bien long chemin pour y parvenir. Les routes principales ne vous convenaient pas ? Il vous reste au moins trois mois avant d'y arriver, jeune homme. Pourquoi y allez-vous ? 

— Ne vous moquez pas ! S'écria Kaelan. J'ai des choses importantes à faire. — Rien n'aura plus d'importance si vous mourez en chemin. Lui rétorqua l'inconnu. 

Kaelan serra la mâchoire. En vérité, il avait évité les routes les plus fréquentées par instinct, ne voulant pas attirer l'attention.  

Il haussa légèrement les épaules, cherchant ses mots.  

— Je dois... me découvrir. Devenir plus fort. Façonner quelque chose... de puissant, je crois.  

 L'hybride recula d'un pas puis croisa les bras, avant d'ajouter d'un ton plus sérieux :  

— Un conseil, jeune homme. Le chemin que vous empruntez n'est pas simple. Chaque guide façonne sa propre histoire, mais la vôtre... elle pourrait marquer bien plus que votre époque. Il posa sa sacoche au sol et s'assit sur une vieille souche d'arbre. Peu importe vos raisons. Vous n'êtes pas le premier à préférer les sentiers oubliés. Moi aussi, je les emprunte souvent, loin du bruit et des regards indiscrets.  

Kaelan frissonna. Cet homme lui semblait en savoir bien plus qu'il ne voulait l'admettre. 

 — Qui êtes-vous ? Demanda le garçon, les sourcils froncés. 

— Un simple marchand ambulant. J'offre mes services à ceux que je croise et parfois, je trouve des trésors inattendus dans nos bois.  

L'homme ouvrit sa sacoche, révélant un assortiment d'objets : des bijoux ternis par le temps, des fioles contenant des liquides étranges, et des parchemins enroulés. 

 Kaelan haussa un sourcil.  

—Vous trouvez tout ça dans la forêt ?  

 Le marchand esquissa un sourire équivoque.  

— Pas tout, bien sûr. Certains viennent à moi. D'autres... eh bien, disons que cette forêt a plus d'histoires à raconter qu'il n'y paraît, et j'ai la chance de très bien la connaitre. 

 Kaelan observa les objets, hésitant à se rapprocher. Un parchemin attira son attention, il était orné de motifs complexes qu'il ne connaissait pas. 

 — Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en le pointant du doigt. 

Le marchand saisit le vieil objet avec précaution.  

— Un vieux texte, dans une langue secrète, trouvé près d'une ruine au nord de Sovale. Il raconte des récits liés à cette forêt, des légendes sur Sylëa et Ylvasil. Peut-être même des vérités oubliées.  

 Kaelan sentit son cœur se serrer à la mention de la déesse et de l'arbre sacré. Il tendit la main.  

— Puis-je le voir ?  

 L'homme le regarda, intrigué.  

— Ce n'est pas gratuit, vous savez. Mais je pourrais vous le vendre à bon prix.  

 Kaelan fouilla dans sa bourse, comptant les quelques pièces qu'il avait.  

— Je n'ai pas grand-chose. C'est tout ce que j'ai pu prendre. 

 Le marchand fit mine de réfléchir, puis haussa les épaules.  

— Peu importe l'argent, vous semblez différent des autres voyageurs. Peut-être avez-vous une bonne raison de vous y intéresser. Promettez-moi que vous ferez bon usage de ce savoir, et il est à vous.  

— Je vous le jure sur tout ce que j'ai de précieux, vous avez ma parole d'homme ! annonça-t-il sur un ton solennel 

 Le marchand lui tendit le parchemin sans hésiter un seul instant. 

En le dépliant, Kaelan sentit une étrange énergie émaner du texte, comme si les mots eux-mêmes vibraient d'une puissance ancienne.  

L'étrange semi-humain tourna les talons. Mais avant de disparaître, il lança les mots suivants :  

— Souvenez-vous de ce que vous portez jeune guide. Les chemins que vous tracez aujourd'hui décideront de tout un avenir. 

Kaelan, absorbé par les paroles du marchand, parvint à s'extirper de sa confusion. 

— Tout semble flou pour moi. Pourtant, j'aimerais au moins savoir une chose aujourd'hui. Comment vous appelez-vous ? 

Le marchand, surpris par cette demande, répondit d'une voix calme. 

— Regin. Tu peux m'appeler Regin, pour le moment. Et vous jeune voyageur ? 

— Je suis Kaelan, du village de Dorwyn ! 

— Prend soins de toi, on se reverra petit. 

Sans un mot de plus, l'homme était loin entre les arbres, laissant Kaelan seul avec le parchemin et un pressentiment grandissant. 

Un héros... un guide, murmura-t-il à lui-même. Qu'est-ce que cela veut dire ? 

 Après plusieurs heures de marche, l'air devint de plus en plus lourd à mesure qu'il s'enfonçait dans la vallée tandis qu'une silhouette se dessinait à l'horizon, s'élevant entre deux grandes formations rocheuses. 

C'est sûrement la ville de Sovale, une grande tour, comme l'a dit grand-père. 

Mais pourtant, même si je vois la tour, à en croire le marchand, il me reste encore des mois à parcourir pour y être et je ne marche que depuis quelques jours... 

 Le jeune Kaelan s'arrêta un moment et observa l'immense cylindre doré de la cité. L'édifice brillait d'une lueur étrange. La tour semblait tout droit sortie d'un rêve. Il se sentit aspiré par cette lumière, attiré comme un papillon de nuit vers une flamme. 

Son regard s'affermit et ses pas devinrent plus décidés, malgré les flots de doute qui continuait d'inonder son esprit. Le chemin devant lui s'ouvrait, mais plus il avançait, plus il avait l'impression d'être aspiré dans un tourbillon qu'il ne pouvait stopper. 

C'est ainsi que débuta le voyage de Kaelan. Marqué par une destinée qu'il n'avait pas choisie. Ses pas seraient guidés par des forces qu'il ne comprenait pas encore et résonneraient à travers les âges.