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La Fable de la Légende du Héros et de la Fée

🇫🇷ImaginaryFlame
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Synopsis

Chapter 1 - Rencontre Avec Le Héros | Paris-la-Déchue

J'imagine que je dois encore continuer à raconter son histoire...

J'espère être au moins la dernière narratrice...

Alors, débutons.

--

Il était une fois, à l'aube de l'ère spatiale, une catastrophe sans précédent : la fusion des mondes. Des créatures mythiques – le loup du Gévaudan, la Dame Blanche, et tant d'autres légendes oubliées – prirent vie, défiant une humanité aveuglée par la science. La Terre, rebaptisée Fayiera Tierra et teintée de turquoise, devint le théâtre d'un nouvel ordre où magie et raison se frôlaient d'un fragile espoir.

Mais bientôt, la coexistence céda la place à la guerre. Des armées de scientifiques et de féériques s'affrontèrent dans un conflit sans fin, tandis que la planète, meurtrie par les batailles et la famine, sombrait dans l'obscurité. Les entrailles de la Terre s'ouvrirent alors, libérant des démons titanesques venus tout droit du Tartare, dont la fureur impitoyable anéantissait tout sur leur passage.

Alors que l'humanité et ses alliés se réfugiaient dans des bunkers transformés en cités mobiles, l'espoir semblait s'éteindre. C'est alors qu'un héros, dont le nom se perdit dans les brumes du temps, surgit tel un rayon de soleil perçant la nuit la plus noire. Son visage, empreint de larmes silencieuses, offrit un ultime souffle d'espérance en repoussant l'obscurité qui menaçait d'engloutir Fayiera Terra.

Les vestiges d'une humanité jadis glorieuse se mêlèrent à une nature renaissante, et les féériques, en harmonie avec leur monde, reprirent leur place. Grâce aux Archives Universelles, gardiennes d'un savoir ancestral, certains humains reconstruisirent de nouvelles sociétés, marquées par un équilibre précaire entre domination et fragilité.

Ainsi, malgré l'ultime rayon de lumière apporté par le héros, Fayiera Terra restait enveloppée d'une mélancolie infinie, où chaque lueur d'espoir se mêlait à l'ombre persistante d'un ciel toujours sombre.

Il est vrai, cependant, qu'on aurait pu, à tort, confondre ce ciel libéré des ténèbres avec l'aube d'un futur radieux. Nul ne se trompe ainsi par erreur, si ce n'est le narrateur du livre que le Héros lisait, lequel, dans un élan de consolation, évoquait des jours meilleurs à venir. Mais, face à l'ineffable vacuité des réponses, il jeta le volume au sol, reniant ce récit frivole – ce conte enfantin, dérisoire comme l'herbe à brouter – car la Réalité, hélas, s'était muée en une existence bien différente, cruelle et désenchantée.

De la sorte, malgré le souffle éphémère d'un ultime rayon de lumière, Fayiera Terra demeurait enveloppée d'une mélancolie infinie, où chaque lueur d'espoir se mêlait à l'ombre persistante d'un ciel qui, toujours, restait sombre.

Le Héros posa les yeux sur le sol et les compta :

Un... Deux... Trois... Quatre... Cinq... Quinze... Vingt-cinq... Cent ?

C'était plus d'une centaine de cadavres qui jonchaient la route. Ce qu'il avait sous les yeux correspondait fortement à la description qu'on lui avait faite : des usines délabrées, des bâtiments en ruine, des monticules de déchets et, pour finir, des tas de morts...

Manifestement, il était bien arrivé à Paris-la-Déchue, ville de tous les dangers et de toutes les misères.

Anciennement « plus belle ville du monde », la voici désormais infestée de rats, cafards, anthropophages et autres destructeurs d'espèces – selon la première, cela ne changeait pas de son état d'origine. Étrangère à ce nouveau monde, elle n'était plus que les décombres d'une époque maintenant révolue.

En temps normal, ce mois-ci était son mois de repos. Il aurait donc dû être en train de promener son clébard mutant le long du ruisseau qui s'écoule juste en bas de chez lui. Mais celui-ci s'était fait dévorer par un alligator géant il y a peu – pas de bol. Lui qui était d'ordinaire toujours sur le qui-vive avait commis l'erreur de souffler un bref instant, et voilà qu'un nouveau malheur venait se greffer à sa vie déjà misérable. Parfois, il lui arrivait de se demander si ce destin qui semblait s'acharner si durement n'était pas sur lui car il ne faisait qu'accomplir une justice divine... Le temps était venu pour lui de reprendre ses recherches. C'était ainsi qu'il avait atterri dans ce dépotoir – qu'on avait l'outrecuidance d'appeler « ville ».

D'après les rumeurs qui circulaient sur ce lieu, on y trouvait, en son sein, une bête avide de chair fraîche, mais surtout d'hommes. Peu de personnes s'étaient risquées à se confronter à cette créature, et parmi le nombre ridicule de courageux qui étaient partis se battre face à ce monstre, aucun n'en était jamais revenu. Je ne sais pas si le terme « courageux » était bien choisi.

Enfin, je veux dire : où se situe la limite entre le courage et la bêtise ?

Cette fois, c'était au tour de ce guerrier à l'armure rouillée – armure qui avait l'air d'être sortie d'une époque encore plus lointaine que la vôtre – de reprendre le flambeau des guerriers précédents. Pour ne rien arranger, sa cape était, elle aussi, dans un état douteux. Le plus ironique était que ces belliqueux couraient les uns après les autres vers une mort précipitée pour une simple poignée de deniers – même pas de quoi s'acheter une canette de Cola bon marché dans la Vécong.

Chacun de ses pas dans cette cuirasse d'un autre âge s'accompagnait d'un bruit insupportable. C'était semblable à celui des ongles d'une vieille maîtresse d'école contre un tableau noir ; elle faisait un bruit à réveiller les morts de leur repos éternel. Les lambeaux pendant à son armure étaient ornés d'un dessin – les vestiges du blason d'une ancienne maison de nobles, je suppose. Cet emblème était censé inspirer la peur, l'effroi et le respect à tous ceux qui croisaient sa route. Elle était tachée de sang qui, manifestement, n'appartenait pas à notre inconnu. Elle était sale et était l'objet qui empestait le plus parmi toutes les choses que portait le jeune homme. Elle était la seule chose qui donnait un passé à ce jeunot qui refusait de voir la réalité, et de grandir par la même occasion.

Le garçon circulait dans les rues de cette ville réduite à néant, dans ces dédales de déchets. Il croisait par hasard le regard furtif de ses habitants.

Cette cité était à l'image de la plupart des villes qui parsemaient la planète bleue : des vestiges d'un passé reculé que presque personne, voire personne tout court, ne se rappelait.

Ici se trouvait une tour en métal dont la base était divisée en quatre pieds. Ce squelette d'acier, devenu au fil des rénovations un haricot magique, tenait vaillamment, mais difficilement, debout malgré les tempêtes, les guerres, les intempéries et le temps qui avançait inexorablement vers sa fin.

Bien entendu, sa construction datait d'une ère antérieure à celle-ci, bien avant l'ère des ténèbres, bien avant la conquête spatiale. Elle n'était pas la première de son genre ; elle devait en être sa sixième représentante. Elle faisait partie des splendeurs passées de l'Humanité, un souvenir de sa présence, datant de temps glorieux que les gens devaient sûrement avoir besoin de se rappeler avec les différentes catastrophes causées par les monstres peuplant cette planète, pour se donner un peu d'espoir. Mais les Hommes semblaient n'y prêtaient guère attention, préférant se laisser aller à la folie en compagnie de leurs colocataires de planète, les Féériques.

Peut-être la Terre elle-même était-elle devenue folle à cause de tous ces changements ?

Ce garçon ne pourrait jamais connaître cette ère de prospérité et d'allégresse. Condamné à vivre à cette période désastreuse où il n'y avait pas de place pour l'insouciance ou la bonté, où tout était corrompu jusqu'à la moelle : les institutions, les êtres vivants et même les légendes de l'Histoire.

Pas étonnant que cet enfant ait perdu confiance en toute chose...

Mais pas le temps de réfléchir à cela : il y avait un monstre qui tyrannisait ce lieu, qu'il se devait de rencontrer pour obtenir certaines informations sur un certain homme... Si cela tournait mal, il pourrait toujours libérer la ville du joug de cette infâme créature, bien sûr. Après tout, c'était son rôle, j'imagine...

Au carrefour de deux rues, il croisa un Ammu-robot avachi sur le sol, l'écran clignotant. Il frappa la machine pour voir si ses coups allaient la remettre en état de marche et s'il allait lui offrir quelques balles à plasma pour son fusil. Non seulement rien n'en sortit, mais en plus, l'interface afficha que la boîte de conserve était vide. Pris de colère, il fracassa l'écran à coups de pied.

Cette fois-ci, il était vraiment cassé.

Il entendit quelque chose derrière lui. Il se retourna rapidement et dégaina son épée. Mais ne vit personne face à lui. Il regarda de gauche à droite : c'était le désert complet. Mis à part le corps inanimé d'un clochard qui se faisait boulotter par une meute de charognards mutants – dont une partie observait dans les cieux l'enfant, ils devaient espérer pouvoir se délecter d'un corps ayant plus de chair que les squelettes vivants de cette ville –, rien de bien inquiétant. Il ne vit qu'un obus planté dans un bâtiment où il était marqué « URSS III » – le retour de la revanche.

Était-ce un nouveau monstre d'un nouveau genre qui se confrontait à lui ? Il tenait fermement son épée Ymir et se mit en garde, guettant toutes les possibilités d'attaques que pouvait prendre son nouvel ennemi pour l'attaquer. Ses nerfs étaient à vif, son regard et son esprit étaient aiguisés, il était paré à toute éventualité...

Le garçon sentit quelque chose toquer sur sa jambière. Il baissa les yeux et vit une petite fille au regard morne. Elle portait un sac à patates de la marque MEXDEX en guise d'habits, et son visage était badigeonné de suie. L'odeur qui se dégageait d'elle était pestilentielle, mais il ne pouvait se permettre de la juger : cela faisait deux semaines qu'il ne s'était pas lavé ou qu'il soit sorti de son armure – alors je ne vous dis pas l'aromate à l'intérieur.

Il courba le dos et fixa cette gamine. Il put observer qu'elle avait les cheveux gras et sales, pleins d'impuretés ; son visage était rempli de boutons ; elle avait les yeux gonflés et rouges et d'énormes cernes qui tombaient en dessous de ceux-ci.

Elle avait vraiment l'air malade.

– Vous venez pour l'Ogresse ? demanda la petite fille.

Lorsqu'elle ouvrit la bouche, il put s'apercevoir qu'il lui manquait quelques dents.

Pauvre fille... Ce monde était devenu un terrible endroit...

Le garçon à l'armure hocha la tête. Elle lui indiqua alors de la suivre. Ce qu'il fit, puisqu'il ne savait pas où se terrait sa cible.

Ils arrivèrent face à un bâtiment dégradé. Un ancien bâtiment officiel.

La petite fille le fit rentrer à l'intérieur. Le chevalier devina que l'ensemble de la population de la ville se trouvait à cet endroit. La fille s'approcha du comptoir en face d'eux et secoua la clochette qui se trouvait dessus pour avertir de leur arrivée.

Pendant les quelques secondes d'attente pour que quelqu'un vienne répondre à l'appel, le chevalier à la cape orange put examiner ce lieu à l'odeur infecte et au papier peint terne à en mourir. Les gens qui se rassemblaient ici étaient à l'image de cette fille pleine de saletés : certains semblaient atteints de la lèpre, leurs membres tombant en lambeaux ; d'autres avaient contracté la peste et avaient donc d'énormes bubons sur leurs corps.

Le cavalier de la pestilence avait fait son œuvre...

Bien que leurs regards fussent vides de vie et qu'on pût voir qu'ils avaient perdu tout espoir, on ressentait chez eux leur intense désespoir.

Ces gens dormaient à même le sol ; les plus chanceux avaient droit à un bout de tissu sur lequel s'allonger, et pour les plus forts, ils avaient droit à un banc, une chaise... voire une table ? Il en voyait même dormir sur un congélateur inutilisable ou sous les tables occupées, avec des couteaux pour se protéger des voleurs, des meurtriers ou des violeurs...

Non. Ces gens ne ressemblaient pas à la petite fille ; ils ressemblaient à cette ville-dépotoir elle-même.

Qu'est-ce qui avait pu arriver à ces gens pour se retrouver dans une telle situation ? La ville était connue pour être une métropole-poubelle, mais était-ce encore vivable pour que des gens puissent penser y vivre ?

Il n'y avait rien qui pourrait les sauver.

Même s'il advenait que le jeune homme soit capable de tuer l'Ogresse, cela les sauverait-il de l'immense désespoir qui les habitait ? Tuer l'Ogresse leur rendrait-il leurs morts ? Cela ramènerait-il leurs âmes des sombres abîmes qui semblaient leur avoir été arrachées ?

Ça n'avait aucune sorte d'importance pour le garçon. Il avait quelque chose de bien plus important à lui demander...

Au comptoir arriva une sorte d'énorme homme au ventre bedonnant, portant une chemise hawaïenne à fleurs ouverte et déchirée. Il était affublé d'un nez de porc, des yeux vitreux et d'un triple menton. Il n'avait pas l'air d'être un thérianthrope, malgré ses airs d'animal de basse-cour.

Il baissa les yeux et regarda la petite. Celle-ci pointa le chevalier du doigt.

– Il est venu pour elle.

– Pourquoi d'autre serait-il venu ? rétorqua l'homme à l'ossature lourde.

Il déposa sur le comptoir un sac de tissu. Le chevalier secoua la main : il n'était pas intéressé par une quelconque récompense.

– Ne t'inquiète pas, dit le « réceptionniste » d'une voix faussement rassurante, ce n'est pas pour toi. C'est pour elle.

Le garçon ne comprit pas où elle voulait en venir, puis il remarqua que le fond de la bourse dégoulinait d'un liquide écarlate ; une tache remontait vers le haut du sac. Il n'avait vraiment aucune envie de savoir ce qu'il y avait dedans. Cela lui éviterait de porter un quelconque jugement sur eux.

– C'est toi qui as décidé de te confronter à elle, alors là-haut ne nous maudis pas que nous te considérions comme un sacrifice...

Ah donc, il faisait partie de l'offrande ?

Le chevalier ne fit qu'hausser les épaules de façon nonchalante.

– Prends ce sac : il s'agit de notre tribut pour l'Ogresse, il contient les cœurs de femme qu'elle a demandés, expliqua-t-elle, pour que nous puissions vivre encore quelques jours de répit...

Il venait de dire qu'il ne voulait pas savoir ce qu'il y avait dans ce sac !

Le garçon obéit et prit la bourse. Il s'apprêtait à s'en aller, mais s'arrêta. Il se retourna et ébouriffa les cheveux de la petite au sac à patates avant de lui enfoncer une sucette dans la bouche – qui traînait dans l'une des poches de son armure –, puis partit de l'établissement.

La fille écarquilla les yeux devant l'étrange goût qu'elle avait en bouche : elle n'avait jamais goûté quelque chose d'aussi délicieux ! C'était si doux !

Cela devait être la première fois qu'elle mangeait quelque chose de sucré.

Un étrange sourire commençait à se dessiner sur son visage, comme s'il avait été figé dans la pierre et qu'il sortait de sa léthargie. Il se décrispait peu à peu. C'était comme si son esprit de semi-morte et ses émotions de vivante se battaient pour l'obtention des sentiments que montrerait son visage.

Alors que le mystérieux jeune homme commençait à partir, le gros homme sortit de derrière le comptoir en se saisissant d'un appareil photo.

– Montre-moi ton visage pour que je puisse l'immortaliser. Quel intérêt, te demandes-tu ? Hé bien, dans ce monde, l'espérance de vie d'un humain ou des Féériques est aussi éphémère que celle d'un flash. La majorité d'entre nous n'a aucune personne, ni aucun endroit qui aura la trace de notre passage sur cette terre ravagée que nous avons perdue il y a bien longtemps.

Le chevalier comprit très bien où voulait en venir le sacrificateur. Lui aussi avait perdu tous ceux qui pouvaient potentiellement se souvenir de lui ; alors avoir une photo de lui dans ce lieu désolé n'était pas un mal en soi.

Il retira son heaume et mit sa tête à découvert. L'étrange homme au corps gras lâcha son appareil photo, qui se brisa sur le sol face à la surprise à laquelle il faisait face. Il abandonna l'idée de le prendre en photo : il n'en avait nul besoin. Tous connaissaient cet enfant.

Le jeune guerrier en armure eut un sourire en coin, amusé de l'impression qu'il avait donnée au réceptionniste à la vue de son visage.

Rien d'étonnant à cela ! Rien de nouveau sous le soleil...

Il remit son casque et sortit de la bâtisse.

L'homme au visage de porc s'écroula par terre, ses jambes n'ayant plus la force de soutenir le poids de son cœur ; il eut le souffle coupé par le visage de cet adolescent.

– Cet étranger que tu as amené, Astarté, sera sans doute notre salut, commenta-t-il. Mais troquer un monstre contre un démon est-il la bonne solution ?

Dehors, le chevalier à l'armure sale réfléchissait à comment il irait à la rencontre de l'Ogresse. Il fut interrompu une nouvelle fois dans sa réflexion par la fille qui toquait à l'arrière de sa jambière. Il se retourna et la vit encore en train de lécher la sucette qu'il lui avait donnée.

– Monsieur, c'est quoi ce truc ? demanda la toute jeune Astarté.

Le garçon ne savait absolument pas comment cela se nommait. Il lui répondit simplement par un haussement d'épaules.

Il remarqua que l'expression qu'exprimait la petite bouille de cette môme malpropre s'était métamorphosée. Ses yeux avaient changé : ils n'étaient plus aussi vides que lorsqu'il l'avait rencontrée. Elle lui paraissait différente, plus... joyeuse.

– C'est vrai que vous êtes capable de vaincre le monstre en haut de la « Flèche Verte » ? lui demanda la petiote tout en continuant à lécher, pleine d'extase, sa sucette, comme le prétend la maire.

Il n'en croyait pas ses oreilles : ce gros tas à qui il n'aurait pas confié sa chèvre parce qu'il semblait être un pervers sexuel était le maire de ce dépotoir. Le monde était vraiment rempli de curiosités étranges.

C'est vraiment lui qui se permet de juger ?

Il fixa la tour de fer qui se dressait face à lui, il haussa, une nouvelle fois, les épaules – il ne savait vraiment rien, ma parole !

– S'il vous plaît, monsieur, je vous en prie, sauvez mes parents !

Le chevalier hocha la tête sur le côté, ne comprenant pas vraiment ce qu'elle voulait. Seulement les hommes étaient emmenés en haut de cette tour.

– Elle est partie chercher mon père ! s'exclama-t-elle. J'avais perdu tout espoir de les revoir jusqu'à ce que vous arriviez, que vous me fassiez savourer ce bâton sucré et que la maire Maxine dise que vous êtes capable de tuer cette chose qui a tué plein de gens...

Donc ce n'était vraiment pas une faute de frappe, elle est une femme... Hé bah...

Le mystérieux guerrier s'agenouilla en face d'elle et la regarda à travers son casque avant d'essuyer les larmes de la petite fille et de... hausser les épaules. Puis partit pour le lieu où résidait le monstre qui terrorisait cette déchetterie qu'on se permettait d'appeler « ville ».

– Donc vous allez les sauver ? demanda la demoiselle.

Il leva les bras au ciel de manière à dire « je ne sais pas ».

Ce gars est vraiment impayable. Il a envie de se mouiller dans rien.

Mais après tout, il ne savait pas ce qu'il se passerait lorsqu'il rencontrerait l'Ogresse. Rien ne l'obligeait concrètement à la tuer. D'un autre côté, il était venu à Paris la « Capitale Déchue » pour lui soutirer des informations sur l'assassin de sa mère.

Le reste, il n'en avait cure.

Et si elle faisait la maligne, il utiliserait le petit cadeau qu'il pensait lui apporter.

Il revint à l'endroit où il avait rencontré Astarté.

Avant de la quitter, il lui avait demandé de lui apporter une très longue corde pour grimper la tour Eiffel VI – d'au moins dix mètres – pour pouvoir transporter la petite surprise qu'il allait devoir se traîner jusque là-haut.

Après quatre heures trente de marche et de futiles confrontations contre des monstres issus de détritus et autres immondices, de stupides bandits de grands chemins en quête de malheureuses victimes à qui ils pourraient dépouiller le peu d'affaires qu'il possédait sur eux, ou d'hommes amoureux de la chair de leurs semblables, le guerrier arriva enfin en face de cet illustre vestige du passé de Paris : cette tour en acier vert qui s'enroulait sur elle-même.

Il enleva son heaume et l'accrocha sur ses hanches ; il tint la corde avec ses dents et l'enroula autour de ses bras avant de démarrer sa longue ascension en haut de l'ancien monument – il aurait très bien pu prendre l'ascenseur, mais comme tout le monde le sait, c'est une mauvaise idée de monter avec des objets dangereux dans un monte-charge, peu importe la taille.

Le chevalier atteignit le deuxième étage de la tour Eiffel. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit, face à lui, un véritable charnier où une montagne de cadavres s'amoncelaient sur le sol...

Cadavres ?

Pas vraiment.

À la base de cette montagne, il était irréfutable qu'ils étaient morts, mais d'après ses observations, la grande majorité des corps qui se trouvaient face à lui semblaient encore en vie. Pourtant, leurs regards montraient le contraire : ils avaient les mêmes yeux que ceux d'un poisson mort ; leurs corps étaient amorphes, vidés de toute énergie vitale ; la bouche grande ouverte, un filet de bave pendant sur le coin de leurs lèvres, en plus de ce macabre sourire.

Soudain, il entendit un cri provenant d'en haut. Il remit son casque en vitesse et s'arma de son fusil – bien qu'il lui restât à peine de balles de plasma pour se défendre.

Un projectile paraissait se diriger dans sa direction. Mais ça n'avait pas l'air d'être un véritable projectile ou une créature magique aimant sauter de tout son poids sur lui sans craindre que les os de leurs jambes ne se brisent à cause de la gravité.

Il plissa les yeux et s'aperçut qu'il ne s'agissait que d'un corps humain torse nu qui chutait vers l'étage du jeune homme. Celui-ci s'écrasa contre la montagne de « macchabées » et roula jusqu'à ses pieds ; il était dans le même état que les autres mâles du mont de corps. Il s'agenouilla et observa l'homme qui était tombé du ciel et qui était à ses pieds, le fouilla et trouva un holophone. Il le sortit de sa veille et vit en fond d'écran la petite Astarté avec de meilleurs habits que ceux qu'elle portait désormais – mais ils n'étaient rien de plus que de simples haillons aussi sales que le sac à patates.

Cela devait être son paternel, et sa mère en fond qui les enserrait entre ses bras – elle portait la culotte de la famille, à ce qu'on pouvait voir.

Lui aussi avait le corps dénudé et ce même visage d'ahuri comme toutes les autres victimes.

Il leva la tête et aperçut au loin, malgré sa mauvaise vue, de grandes ombres.

L'Ogresse ne semblait pas être l'une d'entre elles.

Le chevalier prit le corps de cet homme et le descendit avec la corde.

Il viendrait le chercher plus tard pour l'amener à sa fille ; il ne lui restait plus qu'à trouver sa femme, mais il n'avait pas vraiment d'espoir pour elle.

Puis il réattacha la corde à la « surprise » qu'il réservait au monstre qui se trouvait en haut du monument et reprit son escalade de la Tour Eiffel VI. Le chevalier grimpait jusqu'au deuxième étage en tirant le « colis » qu'il s'amusait à transporter jusqu'au point de livraison. Ce joli paquet trouvé dans un coin de rue de cette horrible ville allait bientôt lui servir.

La rencontre avec l'Ogresse allait être terriblement explosive.

Il se présenta enfin au troisième étage du monument de ferraille. Il vit face à lui le monte-charge menant à l'antenne, et juste avant, il remarqua la présence d'une multitude de monstres entourant un immense trou d'où il avait vu le corps sans étincelle de vie du père d'Astarté tomber.

La présence du garçon ne prit pas longtemps à se faire remarquer.

Soudain, deux humains sortirent du lot et coururent vers lui. Ils avaient l'air en si grande détresse ; de loin, ils le suppliaient de leur venir en aide. C'étaient un homme et une femme, tous les deux nus.

Le jeune homme s'avança vers eux, sans crainte. Il allait s'occuper aisément de ces créatures qui allaient indubitablement lui bloquer le passage.

Cependant, brusquement, les deux humains s'approchant de lui se changèrent en serpents humanoïdes et se jetèrent sur l'adolescent en armure.

Comme il l'a dit plus tôt : il allait devoir s'occuper des deux monstres qui allaient lui bloquer le passage. Il hésitait juste entre utiliser son arme à plasma ou les laisser jouer leur petite comédie pathétique d'humains en détresse, mais il se souvint qu'il ne lui restait pas suffisamment de charges plasmiques pour s'amuser à ce genre de petit jeu.

À contrario, bien qu'il détestât l'utiliser, il allait devoir se servir de l'épée maudite Ymir.

Dégainant la lame de son dos aussi vite que l'éclair, le jeune jouvenceau en armure découpa les deux monstres en fines tranches en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, les transformant en escalope de serpents gelés.

Pensaient-ils réellement le duper avec de telles illusions ? Quelle fadaise. Des intelligences artificielles génératrices faisaient déjà un meilleur travail il y a quelques milliers d'années.

Il éclata de rire devant cette absurdité. Après tout, il était le plus grand menteur de cet univers. Mais il était magnanime, prêt à pardonner la maladresse de ses adversaires. Il est vrai que rien ne trahissait sa véritable nature, ni qu'il était cet être redouté et espéré à la fois par les citoyens ordinaires et les habitants des profondeurs. Eux non plus ne découvriraient jamais qui il était réellement.

Voyant leurs camarades réduits en fines lamelles de chair, les autres créatures magiques se ruèrent sur le jeune guerrier. Ce dernier était enchanté par tant d'enthousiasme à son égard, venant de ces misérables Féériques qui avaient l'audace de croire qu'ils avaient la moindre chance contre lui. Après tout, comment auraient-ils pu deviner qu'ils faisaient face à quelque chose de bien plus redoutable qu'eux tous réunis ?

Cinq minutes lui suffirent pour les réduire en charpie. Ils n'avaient aucune chance face au chevalier : le fait qu'il soit en possession d'Ymir et qu'il utilise cette arme maudite qui le répugnait tant, les effets secondaires que lui procuraient cette arme et l'énervement dû à son utilisation réduisait les chances de le vaincre à... zéro.

Le jeune homme essuya le sang dégoulinant de sa lame avant de la ranger dans son dos, puis de rentrer dans l'ascenseur et d'appuyer sur le bouton menant au dernier étage.

Les portes métalliques grincèrent à leur ouverture comme si une vieille enseignante d'école griffait un tableau noir avec d'affreux ongles longs – la maîtresse des lieux aurait pu faire l'entretien de l'endroit.

Il s'engouffra dans le monte-charge de la tour verte et arriva dans la salle du trône de celle qui terrorisait les habitants de la ville d'en dessous. La pièce était bien plus somptueuse que tout ce qu'il avait vu jusqu'alors depuis qu'il était arrivé dans la ville.

Il sortit de l'ascenseur sans crainte. Il ne voyait pas cette fameuse dévoreuse de mâles dont on lui avait tant rabâché les oreilles avant de venir à Paris la Déchue. Il ne vit que dans cette salle six hommes tenus en laisse, à quatre pattes devant le fauteuil royal de Sa Monstruosité. Derrière, il aperçut un alignement de têtes avec des cheveux longs ou courts ; il s'approcha de l'une d'entre elles et s'aperçut qu'il s'agissait de têtes de femme. C'était donc ça qu'elles devenaient lorsqu'elles tentaient de venir sauver leurs maris : des gobelets.

Il était plus attristé à la vue de ces pauvres mères de famille, ces femmes aimantes, que par la vue de ces hommes qui avaient été asservis et condamnés à cette position servile de canidé. Ce n'était pas son problème s'ils avaient subi le contrecoup d'être les esclaves sexuels de ce monstre. Si ses actions rendent service aux victimes de l'Ogresse, grand bien leur fasse ; sinon, qu'elle reste maîtresse de Paris, cela reviendrait du pareil au même pour lui.

Alors qu'il allait déposer le cadeau des gens d'en bas sur le trône « royal », il esquiva une attaque provenant de l'un des coins sombres de la pièce au dernier moment, en faisant un maladroit flip arrière qui le fit s'écraser contre un mur – il avait un sacré manque d'agilité. Il se retourna dans la direction d'où provenait l'attaque et il vit celle qu'il était venu rencontrer : Albedo Wata, la Dévoreuse d'hommes.

– OH ! s'extasia-t-elle, je vois que je n'ai pas affaire à un petit joueur, bien que tu ne sois pas très adroit avec tes pattes.

Cette femme était bien différente de la description qu'on lui avait faite. On aurait dit qu'elle était issue d'une fusion entre un homme-poisson – avec ses jambes recouvertes d'écailles – et d'un bouc – à cause des cornes

« Qu'elle avait sur la tête. Son corps fin et son visage délicat le faisaient douter de la personne qu'il ciblait.

[Ce n'est pas comme s'il s'attendait à rencontrer une célèbre ogresse, ni qu'elle ait la peau verte ou que ses crocs sortent de sa bouche comme les autres ogres de race porcine.]

— C'est qui qui raconte l'histoire ? Toi ou moi ?

[...]

Voilà.

Et donc, il savait qu'elle avait une apparence humaine, mais il ne s'attendait pas à rencontrer une aussi belle femme. Mais surtout, il s'attendait plus à la sorcière d'Hanzel et Gretel qu'à Blanche-Neige.

Elle s'approcha du garçon et caressa la partie gauche de son casque avant de repartir à sa place. Elle claqua des doigts et l'un des esclaves vint vers elle. Elle l'utilisa comme repose-pied.

Cette attitude déplaisait fortement au jeune garçon.

— Bien que tu sois sous ses ordres, ne pourrais-tu pas faire preuve d'un peu plus de déférence à mon égard ? rit l'Ogresse.

Cette phrase confirma ce qu'il voulait absolument entendre : elle savait pour lui.

Cela redonna le sourire au jeune garçon, ses yeux s'illuminèrent d'un rouge écarlate. Il avait du mal à contenir sa rage, mais il fallait qu'il le fasse s'il voulait obtenir une piste au-delà de celles qu'il donnait.

Le mystérieux voyageur secoua la tête pour lui signifier qu'elle se trompait sur sa personne.

— Comment ça « non » ? dit, étonnée, la mangeuse d'hommes. Tu manques de respect ! Ou tu n'es pas avec lui...

Il ne lui répondit pas par l'affirmative, en lui montrant son pouce levé.

— Donc tu es l'un de ces imbéciles d'aventuriers qui pensent avoir ma tête ? À combien s'élève ma prime, désormais ? rit-elle allégrement.

Toujours faux.

Il lui signifia avec sa main gantée que oui et non. Ce n'était pas obligatoire qu'il reparte avec une prime après l'avoir tuée.

— Tu commences à m'énerver à ne pas parler ! s'énerva Albedo.

Il leva les bras au ciel et haussa les épaules.

Elle ressentait son sourire plein de mépris à travers son armet volé. Devant cette nonchalance, elle ne pouvait rester indifférente face à l'arrogance de cet homme qu'elle avait face à elle. Elle allongea l'un de ses ongles qui transperça le casque du chevalier, et il valsa dans les airs avant d'atterrir lourdement sur le sol, révélant au passage le visage de notre protagoniste.

Bien qu'il eût sa protection à la tête, elle ne fut pas suffisante pour le protéger complètement : il se retrouva blessé au front. Il ne pouvait nier que cette Féérique était forte : à peine eut-il un moment d'inattention qu'il ne vit pas le coup partir.

Lui qui était étonné par l'attaque de son adversaire, il ne se doutait pas de la stupeur avec laquelle Albedo Wata réagit devant la vue de son visage. L'expression de terreur qu'affichait son figure était mémorable : elle ne ressemblait plus à la femme imperturbable qu'elle présentait, mais plutôt au tableau de l'artiste norvégien Edvard Munch, Le Cri — oui, je sais, je suis une personne cultivée ! Elle n'aurait jamais pensé qu'elle recroiserait la route de l'un des survivants de Novillios, puisqu'ils étaient censés être tous morts.

— Toi ! s'écria-t-elle d'une voix tremblante.

Cinq ans s'étaient écoulés depuis ce fameux douzième jour d'Amikan. Il ne pouvait pas être en vie après tout ce qu'il s'était passé.

— Donc si tu as ce casque, c'est parce que tu as réussi à tuer l'un de ses généraux !

Le garçon se retourna et ramassa le heaume, le nettoya avant de revenir où il était juste avant. Il pointa le casque du doigt pour lui faire comprendre qu'il voulait savoir où était la troupe des Techno-Knight et leur chef qu'il recherchait depuis cinq ans.

L'expression de terreur qu'afficha l'Ogresse ravit l'étranger : cela allait être bien plus rapide d'obtenir des réponses si elle le craignait. Il n'aurait peut-être pas à faire couler le sang.

— Comme si j'allais te le dire ! Tu peux toujours cour...

Il l'interrompit avec un tir de fusil à plasma, le projectile frôla son oreille. Il l'avait fait exprès pour l'intimider ; il n'avait vraiment pas le temps, ni l'envie de se battre contre un monstre aussi fort.

Malheureusement, sa tentative d'intimidation se solda par un échec : elle était vraiment en colère. Mettre la pression à cette pseudo-reine de ce trou perdu n'était vraiment pas une bonne idée. Alors qu'il n'y avait pas de témoins, elle se retrouva humiliée par un enfant de quinze ans, et ça, non, ça, elle ne l'accepterait pas.

Il soupira d'exaspération. Lui qui voulait faire ça en douceur, il allait devoir une nouvelle fois se battre. Et le pire, c'est qu'il venait d'user une balle de plasma pour rien ; il devait à tout prix qu'il lui en reste une pour son plan de secours. À l'expression de son visage, on pouvait se douter qu'il devait se dire : « C'est usant. »

— Tu penses vraiment pouvoir me menacer dans mon propre palais pour venger cette stupide femme ?

Là, ce fut la goutte de trop.

Il avait laissé passer toutes les ignominies qu'elle avait pu commettre, dont il était témoin à ce moment précis et dont il avait entendu parler, mais l'insulter, elle, fut la limite.

— Que comptes-tu faire ? le nargua-t-elle. Me tuer ? Laisse-moi rire ! Porter l'armure de cette pauvre femme t'octroie le droit d'être aussi arrogant ? C'est ce que tu penses ? Je vais te faire redescendre sur terre, au sens propre comme au figuré.

Ah ! Elle aussi avait cette idée en tête.

Elle fonça sur le chevalier en transformant son bras en une multitude de serpents. Celui-ci eut seulement le temps de ranger son fusil dans son dos et de reprendre Ymir entre ses mains pour se défendre. Ses pupilles s'illuminèrent d'un rouge écarlate.

Il était prêt à se battre.

Il alla à la rencontre d'Albedo, trancha son armée de serpents et lui donna un coup de pied dans les côtes, l'envoyant valser contre le mur. Ce n'était pas assez pour l'arrêter. Elle revint à la charge en poussant un cri strident qui désarçonna le garçon, mais pas assez pour qu'il lâche son arme. Celle-ci en profita pour répandre ses serpents dans le sol afin qu'ils attaquent le chevalier de toutes parts.

Les serpents l'encerclèrent déjà et se jetèrent sur lui. Il découpa tous ceux qui osèrent s'en prendre à lui. Il n'était pas stupide. Il savait que leur but n'était pas de le mordre directement, mais de s'infiltrer d'abord dans les interstices de son armure.

Albedo reconnut que ce gamin était plus malin que tous ses prédécesseurs venus remplis d'arrogance. Posséder un atout comme lui dans ses rangs lui permettrait de pouvoir défier leur chef. Surtout que l'Héroïne n'était plus là. Il était moins expérimenté qu'elle, mais il lui servirait face au bras droit de ce dernier.

Pour le garçon, il y avait bien trop de reptiles à son goût qui l'entouraient. Il se laissa alors imprégner par le pouvoir de l'épée au nom « divin », acquérant une force titanesque. Ses muscles se gonflant, il explosa le sol pour tuer tous les serpents — au risque de tomber — et reprit sa course vers la dévoreuse de mâles.

Prise de court, elle siffla, alertant ses sbires de venir l'aider. Malheureusement pour elle, ceux de l'étage en dessous étaient déjà morts ; il ne restait plus que ses esclaves sexuels, qui se jetèrent sur le garçon et réussirent à le retenir de toutes parts. Bien qu'il ait obtenu une force dépassant celle d'un enfant, les effets prodigieux qu'offrait l'épée étaient limités s'il utilisait l'arme comme un vulgaire boost de puissance. Là, il avait juste la force d'un adulte lambda — plus quelques suppléments non négligeables —, et elle continuait à régresser jusqu'à ce qu'il revienne à sa « vraie force ».

Il n'avait aucune envie de blesser ces pauvres bougres, mais il n'avait ni la voix ni l'insouciance de vouloir les raisonner, vu l'état minable dans lequel ils étaient. Il utilisa encore une fois le pouvoir d'Ymir et tournoya sur lui-même, provoquant une tornade de vent. Les hommes d'Albedo Wata se retrouvèrent dans les airs avant de se fracasser brutalement sur le sol, mais apparemment, ce n'était pas assez pour les arrêter.

Si elle tenait tant à perdre ses partenaires...

Le chevalier explosa la mâchoire du premier mâle qui se présenta face à lui, puis éclata la jambe du deuxième avant de lui mettre une balayette et de le faire tomber. Il saisit les cornes d'un orc, lui asséna un double coup de genoux dans le menton et l'envoya contre les autres « séduits » — les courbatures du lendemain allaient être d'un tout autre niveau.

— Tu es vraiment fort..., lui concéda la dévoreuse d'hommes, mais ce n'est toujours pas assez pour me faire parler.

Elle se jeta sur lui et griffa le casque du jeune guerrier avec ses longs ongles, mais le jeune homme lui attrapa le bras et le tordit en le rapprochant d'elle, lui faisant pousser un cri de douleur. Il commença à le plier de plus en plus, jusqu'à ce que l'Ogresse s'avouât vaincue et lui révèle où se trouvait le chevalier qu'il recherchait.

Se tordant de douleur, elle le supplia d'arrêter, mais il fit la sourde oreille. Alors, elle tenta de le séduire.

— Si tu voulais tant te rapprocher de moi, tu n'avais pas besoin de faire tout ce vacarme pour ça, dit l'Ogresse, amusée. S'en prendre à une femme aussi frêle que moi, ce n'est pas très chevaleresque, pas très héroïque. Surtout que cela se voit que tu es attiré par moi, insinua-t-elle. Aucun homme ne me résiste, et toi, tu n'y fais pas exception, je le sens bien...

Quel délire !

Utiliser les pulsions d'un jeune garçon de quinze ans, c'est un coup bas... qui aurait marché avec un humain normal. Il resserra son étreinte, agacé par les sous-entendus graveleux de cette femme. La séduire par le sexe était une chose, mais là, c'était la pire idée qu'elle avait eue le concernant. Elle continua cependant :

— Tu pourrais y réfléchir au moins, haleta-t-elle, toujours souffrante. Si tu devenais mon homme, je t'offrirais la puissance nécessaire pour te venger, je pourrais même guérir tes stigmates, lui susurra-t-elle. Sois mien.

Il approcha sa tête. Lorsqu'elle la vit, elle comprit son refus à son hochement négatif.

— C'est bien dommage pour toi et moi, confia-t-elle, désolée. Nous aurions fait un bien joli couple d'abominations... Premier sort des vents aquilons : Poussée !

Un vent violent l'écarta du chevalier, et elle se rattrapa sur ses mains. Le garçon en avait marre de ce combat ; il allait en finir une bonne fois pour toutes. Il lui redemanda une nouvelle fois où se trouvait le chef des Techno-Knight en tapotant sur son casque.

— Il est bien le seul homme que je crains en ce monde. Ne compte pas sur moi pour te révéler quoi que ce soit.

C'était bien dommage.

Il rengaina son épée et reprit son fusil, chargeant une balle de plasma qu'il pointa en direction d'Albedo Wata. Celle-ci s'élança vers lui, griffes et crocs dégainés. Le chevalier fit tournoyer son arme, abaissa le canon vers le sol, puis tira. La balle, traversant le plancher, atteignit le « cadeau » qu'il avait soigneusement préparé : un obus qu'il avait trouvé logé dans un bâtiment voisin.

L'explosion qui s'ensuivit fut dévastatrice, détruisant l'antenne et le dernier étage de la tour Eiffel VI. Toute la structure trembla violemment, vacilla, avant de s'effondrer sur elle-même. Les boulons de la vieille structure métallique sautèrent un à un. Elle était bien trop fragile pour résister à un tel choc — bien qu'aucune construction n'aurait pu en sortir indemne.

Albedo tomba dans le vide sans même avoir compris ce qu'il s'était passé. Elle chuta dans le trou provoqué par l'explosion de la « surprise » de son visiteur. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle assistait, aux premières loges, à la chute de son « palais ». Elle n'arrivait pas à croire qu'un simple individu, un simple humain, un simple mâle, un simple enfant, ait été capable de détruire tout ce qu'elle s'était évertuée à construire.

Mais elle le savait : il n'était pas simple. C'est pour cela qu'il en avait été capable.

C'était effectivement le plan du garçon. Si elle ne répondait pas à sa question, il lui prendrait tout, comme ils lui avaient tout pris à Novillios.

Mais au fait, où était passé ce suicidaire ?

Hé bien, celui-ci eut le trait d'esprit de sortir son épée pour s'accrocher à une paroi tombante de la tour de fer.

Lorsqu'il vit sa cible traverser le squelette métallique du monument, il arracha son épée et se propulsa vers elle, plongeant à sa poursuite.

Il la vit au loin, entre des poteaux qui se détachaient de la construction verte en acier. Le chevalier sauta de barre en barre, courut sur l'une d'entre elles pour se rapprocher de l'Ogresse, fonçant à toute vitesse vers elle pour lui planter son épée dans le torse.

Cependant, la dévoreuse d'hommes bloqua l'attaque avec un bouclier de serpents. Ymir s'enfonça dans la protection de la chimère, mais se stoppa, l'épée ne tenant sur rien pour exploiter sa pleine puissance. Elle voulut l'attaquer, mais il riposta en premier, utilisant son épée comme point d'appui pour lui enfoncer l'un de ses solerets en fer dans la colonne vertébrale, lui rendant sa véritable apparence de gorgone.

C'est à ce moment-là qu'elle comprit qu'elle n'avait pas affaire aux simples guerriers ou aventuriers venant la défier pour ensuite, face à leur faiblesse, être asservis en jouets sexuels. Lui avait aiguisé sa lame et ses capacités dans un seul but : tuer. Tous les tuer.

Dans chacun de ses coups, elle sentait sa hargne, sa rage, son envie de la tuer — qu'elle comprenait parfaitement au vu de ce qu'il avait vécu. Elle n'était qu'un vermisseau sur son passage, sur lequel il avait droit de vie ou de mort. Et ça, elle ne pouvait pas l'accepter !

— Qui que tu sois dans ce monde infâme, je ne me laisserai pas insulter ni rabaisser !

L'Ogresse fit apparaître des écailles sur ses bras et frappa la jambe du guerrier juvénile, déformant sa jambe d'armure. Il retira son pied du dos de la mangeuse de mâles et, avant qu'il ne puisse s'en dégager complètement, elle lui asséna un coup qui l'envoya contre une poutre en métal.

Il toucha son plastron et remarqua un renfoncement qu'elle avait créé dessus. Cela l'énerva au plus haut point.

Le heaume avait peut-être été volé, mais l'armure lui avait été léguée par sa mère ; elle était son seul souvenir dans ce monde éphémère, et il n'accepterait pas qu'on l'abîme.

Le chevalier saisit la poutre contre laquelle il avait été projeté et allait la projeter contre son opposante, oubliant qu'ils étaient en pleine chute libre et se rapprochaient dangereusement du sol. Pour lui, la seule chose qui comptait était de rendre le coup porté par Albedo. Cependant, bougeant dans tous les sens, il rata son objectif. La gravité les rattrapa. Tous deux se fracassèrent sur le sol avec le reste de la structure.

Un énorme nuage de fumée se forma avec la chute du symbole de l'ancienne capitale.

Miraculeusement, Albedo s'en sortit « indemne » : elle se releva, pleine de douleurs articulaires. Elle ne pouvait même plus utiliser ses jambes ; elle les changea en queue de serpent pour se déplacer entre les morceaux de métal éparpillés. Elle pouvait remercier le chevalier recherché par le Héros pour ce corps corrompu.

Déjà que Paris ne ressemblait à rien, cela n'allait pas s'arranger avec ce champ de métal la faisant ressembler à une déchetterie.

Se déplaçant entre les pylônes d'acier, elle trouva le casque de cet inconnu venu la défier. Un large sourire s'afficha sur son visage, puis elle rit à gorge déployée.

— Tu es venu jusqu'à chez moi, tout détruire pour finir par mourir aussi misérablement ? Pitoyable !

Elle prit le casque et en retira la tête d'une des femmes servant de décoration à son intérieur.

Devant son incompréhension, son visage se décomposa et ses mains se mirent à trembler. Elle lâcha le heaume et la tête de son ancienne victime. Le casque roula jusqu'au pied de son « propriétaire », qui l'arrêta et pointa, en direction de l'Ogresse de Paris-la-Déchue, l'épée Ymir.

Levant les yeux vers son bourreau, elle distingua, à la lumière du soleil couchant, le visage noir du monstre qu'ils avaient créé : ses yeux écarlates brillant d'un rouge étincelant, aussi sanglants que ses iris jaunes effrayants. Sa face était aussi noire que le bleu de la nuit éternelle — qu'aucun héros n'avait su dissiper —, seules ses dents étincelaient. De sa tête coulait tant de sang provenant de multiples blessures masquées par cette « tâche » recouvrant son visage. Sur le haut de son crâne était plantée une tige de métal appartenant sans doute à la Tour Verte, laissant s'écouler un flot rouge qui se répandait sur sa tête et son cou tordu à quatre-vingt-dix degrés — qu'il réajusta d'un simple mouvement.

Alors qu'aucun trait de son visage n'était visible, l'Ogresse pouvait ressentir toutes les émotions qui s'en échappaient : colère, haine, rage, rancœur...

En le voyant, elle dut penser : « Qu'avons-nous créé ? »

Et justement, c'était ce que le Héros voulait qu'elle comprenne.

Son regard de tueur n'était pas factice : elle ne serait pas sa première victime ! Mais elle avait encore une chance de survivre si elle répondait à sa question.

Le chevalier baissa la pointe de sa lame et la pointa sur le casque.

— Toujours cette obsession..., siffla l'ensorceleuse d'hommes. Comme si j'allais te dire quelque chose ! Même si tu as l'épée de l'ennemi naturel des Terriens, tu n'es rien face à sa puissance démesurée. Cette arme n'est qu'un fragment de sa force !

Le Héros claqua sa langue de mécontentement.

L'Ogresse tenta le tout pour le tout et se jeta une nouvelle fois sur le garçon.

Mauvaise idée...

Il lui trancha la tête avant de lui tirer une balle de plasma en plein front, la laissant s'écraser par terre et observant son corps fondre en un liquide visqueux à cause du sang étrange de la gorgone. Le corps de la chimère jaillit de sa gorge comme un arrosoir automatique, avant de s'écrouler lourdement.

Le corps du monstre reprit forme humaine, ce qui étonna le garçon — pourtant, ce n'était pas la première fois. Cela avait-il un rapport avec sa malédiction ?

C'était le seizième truand lié à ce foutu chevalier que le jeune homme liquidait sans obtenir le moindre indice sur sa localisation.

Encore une perte de temps.

Il prit la tête de la mère d'Astarté, enfila le heaume et alla chercher le corps du père, encore en vie par miracle.

Puis il revint sur ses pas : il avait failli oublier le corps de la terreur de Paris-la-Déchue.

Arrivé à l'entrée de la « mairie », il jeta sur le sol la dépouille de leur persécutrice. Les habitants furent subjugués de la voir d'aussi près, celle qui les avait plongés dans le désespoir pendant des années.

— C'est pas possible ! s'écria la maire Maxine.

Elle sortit de derrière le comptoir et accourut voir le cadavre de l'Ogresse.

— Alors vous êtes bien celui que je craignais..., chuchota-t-elle.

Maxine dégaina un magnum de derrière son dos et visa la face du « sauveur » de Paris.

Celui-ci saisit l'arme à feu d'un autre temps et la brisa en deux d'une main, par sa seule force.

Quelle force, pensa la femme porcine.

Le garçon remarqua que la main de la maire était bien poilue pour un être humain femelle : était-il face à un homoursporc ? Peut-être devrait-il arrêter de passer son temps à la Bibliothèque Universelle et y dormir, si c'était pour avoir de telles réflexions.

Il tourna les talons pour voir Astarté dans un coin de la pièce. Tous sursautaient au moindre de ses mouvements. Ils avaient de quoi : il avait réussi à vaincre un monstre qu'ils n'avaient jamais osé affronter, trop peureux pour agir — bien que faire exploser son repaire avec des explosifs n'était guère plus subtil que des techniques de dératiseur. Mais ce serait de mauvaise foi : il était bien le seul à pouvoir vaincre ces monstres.

La petite fille, qui n'avait pas réussi à garder l'euphorie offerte par la sucette qu'il lui avait donnée, avait tenté en vain de la conserver. Mais avec l'atmosphère morose, c'était peine perdue.

Il déposa devant elle la tête de sa mère et le corps sans vie de son père. À leur vue, elle resta interdite, assise par terre, guettant ces restes. Seules ses larmes coulèrent.

Le garçon voulut approcher sa main, mais se retint : il ne trouverait aucun mot pour la consoler. Il n'en trouvait même pas pour lui-même... et de toute façon, il n'avait plus de voix pour les prononcer.

Tout ce qu'il put faire fut de l'observer pleurer, ses larmes s'écoulant sur son visage inexpressif.

Il se releva et s'éloigna de ce funeste bâtiment.

Cependant, après quelques pâtés de maisons détruites, il entendit des cris. Il se retourna et vit la petite Astarté, les yeux gonflés de larmes, lui montrant les crocs.

— C'est votre faute tout ça ! cria-t-elle. Vous aviez promis de me les ramener en vie !

Le jeune homme la regarda, impassible.

— Je jure de vous retrouver et de vous faire payer ! Peu importe le nombre d'années, je vous ferai la peau !

Le chevalier se retourna et secoua la main en signe d'adieu. Il n'avait rien à se reprocher ; elle se trompait en pensant qu'il lui avait fait une promesse. Et pourtant... il aurait tellement voulu les sauver...

Sous son casque, un liquide rosé s'égouttait. Du sang, à moins que...

On le qualifiait de monstre, d'abomination, voire de démon...

Alors qu'il n'était qu'un enfant de quinze ans à qui on avait volé les espoirs et les rêves, vivant une malédiction qui le réduisait à être un paria. Tout ce qui lui restait était l'amertume noyant son cœur.

Voilà qui est le héros de cette histoire...

Voilà qui est le Héros.

— Alors, ça vient d'où ? cria une voix derrière lui.

Le Héros haussa un sourcil avant de se retourner. Sans crier gare, il subit un coup à l'arrière de la tête qui le fit s'écrouler, inconscient.

Les rouages du Destin se mirent en branle...

L'heure tant attendue arrivait...

Ceux qui sauveront le monde allaient se rencontrer...