Le village semblait avoir retrouvé sa tranquillité après l'incident avec les bandits. Les jours passaient, rythmés par le travail quotidien et les échanges simples entre les habitants. Les enfants jouaient près de la fontaine, les femmes s'occupaient des tâches ménagères, et les hommes s'affairaient aux champs ou à la forge. Kaël, quant à lui, reprenait peu à peu ses habitudes. Chaque matin, il se levait avec les premiers rayons du soleil, partant chercher de l'eau au puits avant de retrouver ses parents et sa petite sœur Aurore autour du petit déjeuner.
Vanir était souvent là, toujours aussi énergique et rempli d'enthousiasme. Il se lançait dans des récits exagérés de ses aventures et de ses défis quotidiens, sans jamais se soucier des inquiétudes que Kaël ressentait en silence. Les discussions se poursuivaient autour de petites anecdotes, de plaisanteries et de discussions légères, mais Kaël ne pouvait s'empêcher de ressentir que quelque chose n'était pas tout à fait normal.
Ce matin-là, après un petit-déjeuner léger, Kaël décida d'aller pêcher à la rivière. Rien de plus habituel. Il enfila ses bottes, prit sa canne à pêche et se dirigea vers les rives du cours d'eau, comme il l'avait fait de nombreuses fois avant. Tout était calme, comme toujours. Le murmure de l'eau, le chant des oiseaux dans les arbres, la douceur de l'air… Rien ne laissait présager de ce qui allait se passer.
Arrivé près de la rivière, Kaël se posa sur son rocher habituel et commença à lancer sa ligne. Il ne pensait à rien, profitant de la tranquillité de l'instant. Les poissons n'étaient pas très nombreux ces jours-ci, mais cela n'empêchait pas Kaël de savourer le moment de calme. Il se sentait bien, apaisé, et l'idée que quelque chose d'étrange puisse survenir ne frôla même pas son esprit.
Mais au bout de quelques minutes, alors qu'il observait la surface de l'eau, un changement soudain se produisit. Il n'y avait aucun bruit, ni d'odeur particulière, mais une sensation de perturbation douce, presque imperceptible. L'air, qui semblait habituellement si léger, devenait plus dense, comme si un souffle invisible se levait autour de lui.
Ce n'était rien qu'une étrange impression, qu'il rejeta aussitôt. Il se pencha un peu plus sur sa canne à pêche, ignorant ce léger frisson qui parcourait son dos. Puis, tout à coup, il entendit un bruit, un bourdonnement léger, comme un sifflement, mais à peine perceptible.
C'est alors qu'il leva les yeux.
Au-dessus de lui, dans l'espace même, quelque chose se produisait. Un phénomène étrange, quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. Un fragment de l'espace, une zone aussi fine qu'une ligne, commença à se déchirer lentement. Ce n'était pas dans le ciel, ni dans l'air. C'était dans l'espace lui-même. La fissure, fine au départ, semblait s'élargir légèrement, comme une coupure qui se développe dans le vide. Ce n'était pas une fissure visuelle, mais plutôt une déformation de la réalité elle-même. L'air autour de cette ligne semblait onduler, se courber de manière anormale.
Kaël ne bougea pas tout de suite. Il était captivé par ce qu'il voyait, sans bien comprendre ce qui se passait. La fissure, bien que discrète, émettait un faible bourdonnement, un bruit métallique qui ne faisait que renforcer son caractère anormal.
Un instant plus tard, la fissure éclata d'une lumière blanche éclatante, si intense que Kaël dut fermer les yeux. Un flash rapide, presque comme un éclair, puis plus rien. Lorsqu'il ouvrit les yeux, la ligne n'était plus là. L'espace était redevenu normal, comme si la déformation n'avait jamais existé. Le bourdonnement s'était éteint, et tout semblait aussi calme qu'avant.
Kaël resta là un moment, fixant le ciel comme s'il attendait que la fissure réapparaisse. Il n'y avait rien. Aucun signe visible de ce qui venait de se passer. Pas de trace dans l'air, pas de rupture dans l'espace. Tout semblait revenir à la normalité en un instant.
Il se leva finalement, secouant légèrement la tête, se demandant s'il n'avait pas rêvé ce qu'il venait de voir. Peut-être était-ce juste une illusion d'optique, une image fugace née de son esprit distrait. Après tout, il n'y avait pas de raison de s'alarmer.
Il rentra chez lui sans dire un mot, son esprit encore perturbé par ce qu'il avait observé, mais il n'en parla à personne. C'était sûrement quelque chose d'anodin, une bizarrerie de la nature, quelque chose qu'il n'avait pas encore compris. Il n'avait aucune idée que cet étrange phénomène marquait le début d'un bouleversement plus profond, un changement qui finirait par affecter bien plus que lui.
Alors qu'il marchait dans la rue du village, le soleil continuait de briller comme à son habitude, et la vie reprenait son cours. Le monde restait tel qu'il était, en apparence inchangé.
Mais quelque part, au-delà de la compréhension de Kaël, quelque chose avait changé.