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Alors que Ves descendait de sa navette avec un curieux Chanceux à ses côtés, son cœur alourdissait son humeur. Les articles qu'il avait lus à propos de Vincent Ricklin dressaient tous un portrait peu reluisant d'un débauché irresponsable.
En tant que sérieux concepteur de mech, Ves préférait que ses méchas soient utilisés dans le but pour lequel ils avaient été construits. Il était d'accord pour qu'ils prennent la poussière dans un entrepôt ou soient exposés dans une sorte de garage privé, mais jouer avec et les prendre à la légère, c'était exagéré. Aucun concepteur de mech n'aimait avoir la réputation de fabriquer des méchas tape-à-l'œil mais manquant de substance.
« Bien que ce ne soit pas comme si j'avais le choix. »
Qu'un individu comme Vincent envisage d'acheter un mech à un débutant était un miracle. Ves devrait remercier le ciel de lui avoir donné une autre opportunité de fabriquer et vendre sa variante.
Ves prit une navette plus petite pour se rendre à Marcella. Elle possédait un joli bureau en plein centre-ville de Dorum parmi beaucoup d'autres bureaux de grands fabricants et vendeurs de méchas.
BOLLINGER'S MECHS
Le nom gigantesque placardé sur le petit immeuble de cinq étages indiquait clairement que Marcella revendiquait tout le bâtiment. En y entrant, Ves fut impressionné par l'intérieur. Le lieu parvenait à être haut de gamme sans en faire trop. Des touches subtiles comme des peintures abstraites et des sièges en cuir authentiques donnaient à l'endroit une allure de casino luxueux. Simplement dit, le décor incitait à la dépense.
Une réceptionniste à l'accueil indiqua à Ves de prendre un ascenseur privé. Il semblerait que tous les patrons occupent l'étage supérieur, Ves alla directement au cinquième étage. Après être sorti de l'ascenseur, il navigua dans un petit couloir et des robots de sécurité scannèrent ses possessions. Ves, ayant récemment pris conscience de l'importance de la sécurité, accepta les précautions sans broncher.
Il rencontra enfin Marcella en personne une fois de plus après être passé par les doubles portes.
« Ves, contente de te revoir ! » Elle lui sourit de derrière son bureau. Un tas de tablettes de données sécurisées se trouvait devant son bureau en désordre. « Prends un siège. Nous devons parler. »
Après que Ves se fut assis, il exprima les pensées qui s'entassaient dans son esprit. « Je pensais que tu te démènerais pour trouver un client. Je ne m'attendais pas à ce que tu me livres une bombe sous forme humaine. »
« Il y a toutes sortes de clients dans cette affaire. Tant qu'ils ont la capacité de payer, tu ferais mieux de t'habituer à satisfaire leurs caprices. »
La courtière avait un point, naturellement. Ves avait besoin d'argent et ne pouvait se permettre d'être difficile.
« Alors parle-moi du client. Je suppose que c'est le playboy qui fait tout le temps les nouvelles ? »
Elle acquiesça à cela. « Vincent est... un personnage. Tu ne devrais pas prendre pour argent comptant tout ce qui passe aux infos. Il se passe beaucoup de choses dans la famille Ricklin, mais ils ont bien réussi à supprimer les fuites. En tout cas, tu dois juste savoir que même si son allocation a été réduite, il n'aura pas de problème à payer pour ton mech. »
Naturellement, cela devrait être le cas. Ves n'était pas prêt à échanger ses méchas contre des faveurs au lieu d'argent. « Dois-je faire attention à la politique pendant que je rencontre Vincent ? »
« Cela va sans dire. Maintenant, ne t'effraies pas. Je suis dans ce business depuis plus de vingt ans et je suis toujours en un seul morceau. Tant que tu maîtrises ta curiosité, il n'y a rien de mal à faire des affaires avec les grands. »
Marcella énuméra plusieurs choses à surveiller lorsqu'il parlait à Vincent. Plus que tout, Ves devait éviter de parler de la succession familiale. Il devait particulièrement éviter toute mention des frères et sœurs de Vincent. La courtière mentionna aussi plusieurs grands acteurs ayant des relations hostiles avec la famille Ricklin.
Honnêtement, Ves trouvait cela ridicule d'avoir à éviter tant de sujets. Cependant, il fit de son mieux pour se souvenir de tous les noms. La dernière chose qu'il souhaitait était de commettre un faux pas et de perdre sa précieuse commission.
« J'ai prévu une réunion pour toi demain matin. Bien qu'il ne soit pas trop tard maintenant à Dorum, je ne te conseille pas de rencontrer Vincent à cette heure. Les boîtes de nuit peuvent avoir une influence imprévisible sur l'humeur de ton client. »
« Cela semble logique. Je ne suis pas pressé, donc je peux attendre. Tu as un endroit où dormir ? »
Alors que Marcella lui proposait un hôtel, Ves était content d'utiliser sa chambre d'amis à l'arrière de son étage de bureau pour y passer la nuit. Il passa une heure à jouer avec Chanceux tout en réfléchissant aux informations qu'il avait recueillies jusqu'à présent. Cette commission sentait les ennuis.
« C'est probablement comme interagir avec le Petit Patron, mais dix fois pire. »
Du point de vue de certaines personnes, des grandes familles riches comme les Ricklins n'étaient que des voyous en gilet. Ils comptaient généralement sur la richesse et le pouvoir légitime pour obtenir ce qu'ils voulaient, mais n'avaient pas peur de se salir les mains si nécessaire.
Le lendemain, Ves prit seul la navette pour une demeure privée où Vincent vivait actuellement. Il avait manifestement saccagé les quatre précédentes mansions où il avait vécu après avoir été expulsé de chez ses parents.
Heureusement, la structure était intacte. Les portails et les clôtures semblaient menaçants et high-tech, mais une fois la sécurité passée, il se retrouva face à une majestueuse demeure de style Terran. Des murs peints en blanc, des carreaux importés et des ouvrages en verre brillants dominaient le décor. Tout parlait de sophistication. Il n'y avait aucun moyen que Vincent ait eu un quelconque rôle dans sa conception.
Un vieux monsieur servant d'assistant personnel à Vincent le mena dans une arène de sports intérieure où Vincent s'entraînait à la boxe contre un robot. Le robot boxeur répliquait avec une brutalité intense. Même si son corps entier était rembourré, la force de ses coups réguliers était si pénalisante que si Ves avait dû encaisser ses coups, toutes ses dents auraient été éjectées.
« Ha ! » Vincent encaissa un coup effleurant en échange de l'assaut solide qu'il porta au visage du robot. La tête du robot s'illumina en jaune, indiquant le montant des dégâts reçus.
« Encore ! »
Alors que l'homme et le robot échangeaient des coups, Ves rencontra déjà sa première surprise inattendue. Les médias étiquetaient souvent Vincent de lâche paresseux, mais l'effort qu'il déployait dans sa boxe était tout sauf lâche.
Quoi qu'il en soit, Ves attribua la forme physique de Vincent aux riches ressources de sa famille. N'importe qui pouvait développer son corps à une performance optimale avec une thérapie génétique et beaucoup de médicaments.
Après que Vincent eut enfin terminé, il jeta son équipement de boxe et se déshabilla juste devant Ves et l'assistant. Gêné, Ves se retourna tandis qu'un robot apparaissait de quelque part et arrosa Vincent de gel nettoyant.
Après une douzaine de secondes, le robot de nettoyage disparut et un robot d'habillement prit sa place. Des tissus luxueux faits de fibres hautement résistantes s'entrelacèrent sous la direction du robot très avancé jusqu'à ce que les vêtements de Vincent se matérialisent dans leur intégralité.
« C'est qui le rat de bibliothèque ? » Fut la première chose qui sortit de la bouche du client.
« Seigneur, voici le concepteur de mech que vous avez demandé pour construire votre dernier mécha. »
« Ah oui, tu m'as apporté le rechange. Ptuh. » Vincent cracha un gros mollard sur le sol du ring. « Ce connard d'Edwin se croit trop bon pour me vendre ses produits, et cette salope de Patricia ne répond même pas à mes appels. »
« Ce sont des concepteurs sponsorisés et affiliés à des forces bien plus redoutables que les nôtres. Monsieur Larkinson ici présent est le gagnant de la deuxième place de la Coupe Fusion. Ses compétences peuvent ne pas être à la hauteur des leurs, mais il devrait être suffisant pour vos souhaits. Le plus important, c'est qu'il est un entrepreneur individuel qui n'est pas tenu par une faction. »
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Vincent fixa Ves comme s'il était un insecte. « Alors, tu penses être à la hauteur ? »
« C'est à vous de décider. La fiche technique de mon produit est disponible sur le net. Je suis sûr que vous pouvez voir que c'est un mécha qui peut rivaliser avec d'autres dans sa catégorie de prix. »
« Plutôt gonflé de dire ça pour un nerd. Suis-moi. »
L'assistant et Ves suivirent Vincent qui s'éloigna de la salle de sport et entra dans une sorte de salle de loisir. Tables de billard, capsules de simulation et toutes sortes de divertissements étaient éparpillés sans aucune logique. Le rejeton des Ricklins se dirigea vers un bar bien approvisionné et commença à mélanger lui-même ses boissons.
« J'aime faire ça moi-même, tu vois. Laisser les robots mélanger tes boissons, ça te donne toujours le même goût. La cohérence, c'est trop ennuyeux. J'aime chercher de nouvelles sensations tous les jours. »
Ves se demandait si tout cela avait un quelconque rapport avec le mécha qu'il fabriquait pour son client.
« Maintenant, je n'ai pas demandé à naître potentat. Ça a sûrement soulevé beaucoup de voix quand j'ai été testé positif pour l'aptitude à piloter des méchas. J'y ai réfléchi un moment, et j'ai récemment décidé de l'accepter et de m'y conformer. Tu comprends ce que je veux dire ? »
Pas vraiment, mais Ves n'était pas sur le point de l'admettre. Au lieu de cela, il tenta une supposition. « Tu cherches quelque chose d'inhabituel dans un mécha ? »
« Exactement ! Hé, les méchas mainstream sont tellement ennuyeux. Autant que je sois concerné, les pilotes qui achètent des méchas militaires standards ne sont pas faits pour être des as. Il faut perdre ses peurs et embrasser ses risques ! C'est aussi exactement pour ça que j'ai emprunté un chemin détourné et trouvé ton mécha. C'est un César Auguste mais avec une armure merdique, c'est tellement unique ! »
Ves toussa discrètement dans sa main. « Monsieur Ricklin, bien que je sois sûr que mon produit est un mécha satisfaisant, quelqu'un d'aussi éminent que vous ne devrait-il pas s'offrir une variante de meilleure qualité ? »
Le visage du playboy perdit immédiatement son enthousiasme et prit une expression maladroite. Ves réalisa qu'il avait posé une question qu'il n'aurait pas dû. Heureusement, son assistant personnel vint à la rescousse.
« Nous contrôlons strictement nos dépenses. Notre budget alloué pour un nouveau mécha ne permet pas l'acquisition d'un mécha haut de gamme. Votre produit répond aux demandes de mon client tout en restant dans sa fourchette de prix acceptable. »
Ves pouvait lire entre les lignes. Il paraissait que papa ou grand-papa Ricklin en avait eu assez des frasques de Vincent et avait coupé son allocation astronomique. Vincent devait probablement se tortiller mentalement à l'idée de devoir économiser comme un être humain ordinaire.
« Mon design est déjà un design finalisé. Ce n'est pas facile de modifier des parties sans s'assurer que cela n'affectera pas négativement ses performances. »
Vincent ne semblait pas ravi de ces mots, mais Ves trouvait important d'ajouter cette mise en garde.
« Je me fiche des petits revers. Si je ne peux pas avoir l'air cool pendant que je pilote un mécha, à quoi servent-ils de toute façon ? Il y a beaucoup de méchas à l'air niais. Je préférerais mourir que d'être pris dans quelque chose dont une bande de vierges ont rêvé dans leur lit. Au moins, ton mécha a l'air suffisamment cool. J'aime tout le thème de l'Ancienne Rome. J'ai juste quelques suggestions. »
Ves se lamenta intérieurement. Il semblait que la seule raison pour laquelle Vincent envisageait même d'acheter son mécha était parce qu'il avait l'air 'cool'. Il devinait que la plupart des méchas à l'air niais étaient des modèles spécialisés conçus pour exceller dans un domaine spécifique. Certes, ils pouvaient avoir l'air étrange, mais ces modèles bénéficiaient de nombreuses ventes car beaucoup de pilotes reconnaissaient leurs mérites.
« Très bien Vincent, allons-y. Je verrai si c'est faisable d'ajouter tes idées dans un design modifié. »
Le mondain finit de mélanger quelque chose de rouge et pétillant. Il prit une gorgée de sa boisson et cria d'extase masculine. « C'est ça que je veux ! Ahem, ouais, à propos du mécha. D'abord, il a besoin d'une cape. »
« Une… cape ? »
« Putain mec, ton mécha a déjà l'air d'un mac, il lui faut juste une cape pour compléter l'ensemble. Crois-moi, ça a l'air putain de génial si ton mécha a une cape. Elle doit être rouge bien sûr, sinon ça ne collerait pas avec le thème. Fais-la longue et flottante, et ne pense même pas à utiliser un tissu bon marché. Si tu as besoin d'accéder à quelque chose de chic, je peux te présenter quelques amis. »
Ves ne prenait pas la suggestion au sérieux, mais il était forcé de considérer les aspects pratiques de l'utilisation d'une cape. N'importe quel tissu normal se déchirerait facilement si le mécha marchait dessus par erreur. Si Ves voulait préserver la cape lorsque le mécha qui la portait n'effectuait que des tâches légères, alors il devait choisir quelque chose de synthétique et un peu plus résistant.
« Je vais devoir enquêter sur les types de tissus spécialisés que je pourrais utiliser pour former la cape, donc je pourrais accepter votre offre. »
« C'est génial. La cape, c'est vraiment ma priorité ici. Une autre chose que j'aimerais ajouter, c'est de l'éclairage décoratif. Allez, tous mes bolides deviennent des aimants à filles dès que j'allume le bling. Pourquoi personne n'a jamais pensé à rendre un mécha aussi tape-à-l'œil que possible, c'est incompréhensible. Bon, j'ai besoin de beaucoup de lumières sur la structure, et ajoute aussi un couple de projecteurs super puissants sur la tête. »
Il y avait beaucoup de raisons pour lesquelles les concepteurs de méchas refusaient d'incorporer de l'éclairage décoratif dans leurs créations. Non seulement ils ajoutaient des vulnérabilités à l'armure et au système électrique d'un mécha, mais ils plaçaient aussi une énorme cible 'tirez-moi dessus' sur leurs structures. Il était évident que de tels arguments échappait au client.
« Je peux trouver une solution. Donne-moi une journée pour dessiner une série d'ébauches de schémas de design possibles. »
« C'est ça. T'es pas mal pour un nerd. » dit Vincent en prenant une autre gorgée de sa boisson. « Ok, la cape et les lumières, c'est juste pour ouvrir la voie. Maintenant, tiens-toi bien, parce que je vais te révéler mon idée secrète. Si tu sais ce qui est bon pour toi, alors garde ça pour toi. Clair ? »
« Euh, clair. »
Vincent sourit malicieusement à Ves. « Puisque tu es concepteur de mécha, tu as dû entendre comme les gens intelligents disent que les méchas sont construits pour ressembler aux humains, n'est-ce pas ? Eh bien, depuis que j'ai été enrôlé pour apprendre à piloter l'un d'eux, je vois ce que ces vieux disent. Il y a juste une chose qui me tracasse chaque fois que je monte dans le cockpit. »
« Et c'est ? »
Le pilote de mécha poussa ses hanches en avant et attrapa l'avant de son pantalon. « Ça. Mon paquet. »
Pour une fois, Ves resta sans voix. Il ne pouvait littéralement pas formuler de réponse à cette idée insensée.
« Allez allez, je ne veux pas me faire arrêter pour exhibition avec mon mécha. Tu devrais concevoir un pantalon de mécha ou quoi que ce soit pour rester adapté aux enfants et tout. Juste assure-toi que quand je sortirai avec mon nouveau mécha, les filles pourront juger la marchandise, si tu vois ce que je veux dire ? »
Il y avait tant de choses qui n'allaient pas dans cette demande complètement impraticable. Tandis que Vincent continuait à vanter les bienfaits de posséder un 'mécha amélioré', Ves tourna son regard vers l'assistant personnel silencieux du playboy.
Ves parvint à transmettre une expression qui signifiait quelque chose comme, 'Tu plaisantes ?'
A son honneur, le vieil homme ne montra aucun signe d'irrespect envers son jeune maître. Ses yeux étaient aiguisés comme ceux d'un faucon et il semblait suggérer que Ves ferait bien de prendre la demande de son maître au sérieux.
Ce que Ves aurait préféré faire c'était de prendre les boissons les plus fortes du bar de Vincent et de tout avaler d'un coup. Il pouvait déjà prévoir sa réputation partir en fumée s'il continuait à coopérer avec Vincent.