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Heaven After

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Synopsis
April s'est toujours sentie différente. Orpheline dès son plus jeune âge, elle cherche à découvrir la vérité sur le tragique accident qui lui a enlevé ses parents. Son destin croise celui d'Anaël Smith, un avocat redoutable et un homme au passé mystérieux, à la fois détesté et adulé. Attirée par lui, elle cherche à en savoir plus. Mais les fondements mêmes de sa vie sont ébranlés au fur et à mesure qu'elle se rapproche du sombre secret qu'il cache...
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Chapter 1 - 01. Le cauchemar

"Pour lui, les miracles traduisaient surtout l'extrême faiblesse des hommes, leur intarissable besoin de preuves. Des contes auxquels chacun se raccrochait en espérant qu'ils étaient réels."

Anges & Démons, Dan Brown

Ce fut seulement lorsque la pluie se mit à battre la fenêtre, provoquant un bruit fracassant, qu'April comprit qu'elle n'avait quitté du regard le plafond de sa chambre. Et, de plus, avait laissé les minutes s'écouler après la première sonnerie du réveil. Elle était donc en retard pour son premier jour, et en quelques pirouettes démontrant une souplesse plutôt acceptable, elle se vêtit, engouffrant une tartine beurrée entre ses fines lèvres, puis dévala l'escalier jusqu'à son véhicule. 

Une pluie coite et suave tomba sans relâche jusqu'à son arrivée devant le bâtiment où se situait le cabinet d'avocats pour lequel elle allait travailler ces prochains mois. 

À ces heures de début de journée, un flot d'humains grandissait devant l'édifice à l'architecture renversante par ce gratte-ciel qu'on apercevait à peine avec le brouillard naissant à son sommet. Il paraissait comme posé là, hors du temps, parmi les autres grands blocs vides, ces amas d'immeubles à la désignation recherchée, comme si leurs natures avaient su les doter d'une quelconque importance.

Le monde était ainsi fait. Pour ce que toute chose ait un nom, un titre. 

April sentit un frisson lui parcourir l'échine, comme si, enfin, la peur s'invitait au rendez-vous. L'odeur de l'asphalte trempée se mélangeait aux parfums de la masse humaine et elle suivit le mouvement. Aucun fragment de voix lui parvenait à ses oreilles : elle s'imaginait déjà une multitude de scénarios possibles sur sa première rencontre avec celui qui pouvait décider si oui ou non, elle allait devenir une femme du barreau. 

Pourtant, à son arrivée au cabinet, la porte du bureau de Maître Smith était fermée et sa secrétaire tentait déjà désespérément de comprendre pourquoi aucune information lui avait été transmise sur l'arrivée d'une stagiaire.

"Je ne suis pas une stagiaire," insista April, le ton légèrement agacé alors que vint se présenter à elle un collègue. "April Jones, je présume ? Je suis Janek Frost." 

Il s'attarda une seconde pour expliquer que cela se prononçait "Yanek" malgré le "J". Yanek, pas Janek. Puis, c'est bizarre Janek. Ce à quoi, April avait souri. C'est tout aussi bizarre Yanek, pensa-t-elle. Toutefois, April souhaita savoir si son prénom avait un lien avec son origine. Puisque, son teint hâlé ne paraissait pas être dû à de l'exposition au soleil et que son charme particulier était mis en exergue par des yeux vert, brillants tels deux émeraudes exposées au soleil — ou du moins, la lumière qui transparaissait dans la pièce par de grandes fenêtres donnant une vue sur la ville. L'homme, au sourire séduisant et au costume trois pièces d'un gris anthracite, dégageait de bienveillance et April lui serra la main tandis qu'il la guida dans la pièce principale.

Là, en son centre, quatre bureaux se faisaient face dans un open space sans cloison. Chacun possédait un ordinateur, des piles de papier, de procès en cours et dans le coin de la pièce, non loin de l'espace détente, une imprimante rutilait sous une nouvelle communication. À gauche, une plante monstera d'une taille considérable, presque prévue pour l'extérieur, se débrouillait pour grimper le long du mur, tendant quasiment ses feuilles vers le haut plafond.

"Votre bureau est celui-ci", dit-il tout en posant sa main sur la table concernée. "Au fond du couloir se trouve celui du grand patron, mais il est absent aujourd'hui."

April opina.

Sur l'un des murs, encadrés, les articles de journaux relatant les plus grandes affaires que le cabinet avait pu traiter. Contrairement à leurs collègues, Smith & Associates se démarquaient autant par leur taux de réussite exceptionnel, que par la façon unique dont les clients payaient leur facture : qu'il s'agisse de mets savoureux ou d'autres cadeaux, cela pouvait largement suffire. Ainsi, dans un coin de la pièce, un tas de présents attendait patiemment. 

La matinée touchait à sa fin quand April s'aperçut qu'elle avait fini de faire les quelques tâches de retranscription que Janek lui avait demandé. Un homme, approchant facilement la quarantaine, était arrivé peu après neuf heures pour déposer des dossiers. April n'avait pas eu besoin de faire les présentations. 

Lors de sa venue dix ans auparavant, Felice Muñoz avait été le plus jeune procureur du barreau. Sa réputation se mariait parfaitement avec celle d'Anaël, tels deux instruments de musique en accord parfait. Quand ils étaient présents au tribunal, tout le monde savait que l'affaire ferait la une de la presse.

En lui, tout respirait l'élégance et la discipline. Grand, élancé, il semblait prendre soin de lui, comme le démontrait sa peau à l'aspect mat soigneusement entretenue. De ses cheveux charbon coupés court et coiffés avec soin émergeait un regard noisette, pénétrant et sérieux, révélateur d'un homme concentré sur sa carrière de procureur.

Au premier abord, April s'était sentie intimidée par la présence du procureur, mais une fois la conversation engagée, il restait un homme comme un autre. 

Il n'était resté que quelques minutes durant lesquelles, les échanges avec Janek avaient été de petits chuchotements vers la machine à café. April s'efforçait de ne pas laisser ses oreilles comprendre les quelques brides de phrases qui lui parvenaient. Finalement, durant cette fin de matinée, il n'y avait eu que Janek et elle — ce qui paraissait être normal pour son confrère. Un lundi matin,  lui avait-il dit après qu'elle lui a eu posé la question. 

Le téléphone à une oreille, un dossier dans la main, Janek s'était penché vers April qui attendait la pause repas.

"Pourrais-tu déposer ça sur le bureau de Anaël, s'il te plaît ? Tu rentres, la porte est ouverte."

April acquiesça.

Le bureau se situait au bout du petit couloir. 

En y pénétrant, April fut immédiatement frappée par l'élégance spartiate de la pièce. Les murs de tonalités sombres semblaient accentuer l'atmosphère austère bien que lumineuse. Son regard fut attiré par le grand et imposant meuble central — un bureau en bois massif qui paraissait dominer la pièce. 

La bibliothèque qui occupait tout un pan de mur attirait l'intérêt tant par sa taille que par la diversité de ses ouvrages. Elle était aussi le témoignage de la soif de connaissance de son propriétaire. Toutefois, la baie vitrée aussi restait à souligner. Le toit d'autres bâtiments s'étendait à l'infini en contrebas, révélant le sommet d'une ville trépidante. 

Dans un coin, une plante verte apportait une touche de couleur à cette ambiance dépourvue de chaleur. 

April ne put s'empêcher de ressentir une certaine fascination en détaillant l'espace, comme si l'endroit en lui-même reflétait la personnalité de son occupant. Ses yeux se posaient sur chaque détail avec curiosité, cherchant à comprendre la personne qui avait choisi chaque meuble, chaque couleur. Sa démarche incertaine faisait légèrement craquer le sol de bois flottant parfaitement entretenu, créant un étrange contraste avec l'impression de force que le bureau émanait. 

"Qui êtes-vous ?"

Une voix profonde s'éleva dans l'air comme un grondement sourd de tonnerre, chaque mot prononcé avec une autorité et une détermination à peine contenues. Le ton sévère et direct contrastait fortement avec la beauté froide du visage sur lequel April posa son regard, créant une aura de puissance contrôlée et de mystère. 

Là, débout dans l'encadrement de sa porte, se tenait celui qu'elle n'avait vu qu'à travers les articles de journaux et de sites internet. Anaël Smith. Sa silhouette, comme un ésotérisme, hurlait de beauté. Il était de ceux, au milieu d'un boulevard, dont l'allure entraînait l'aphasie. April remarqua la stature impressionnante de l'homme, son maintien droit et la manière qu'il avait de l'observer. Son visage, malgré sa froideur apparente, avait cependant un détail intrigant : ses yeux vairons, dont les couleurs contrastaient sensiblement avec cette crinière blonde cendrée. 

Alors qu'elle essayait de garder son calme, elle sentit une étrange émotion surgir en elle, comme si elle rencontrait quelqu'un qu'elle avait reconnu, sans savoir pourquoi. Son cœur battait plus vite et plus fort, tandis qu'elle continuait à l'observer, en tentant de comprendre cette mystérieuse émotion soudaine. Elle savait qu'elle devait juste déposer le document et partir. Cependant, une sensation l'empêchait de bouger, comme si elle était attirée contre sa volonté vers cet homme. 

"Madame ?"

Sa voix aurait fait bander le plus féal de tous les papes. Ce genre de ton bas, au timbre profond, aurait placé le monde en accord quant à la chaleur de son produit. Il s'était avancé, un air inquiet. Ses yeux vairons la fixaient sans relâche, comme s'il essayait de lire en elle.

La contemplation de l'un et l'inquiétude de l'autre furent interrompus par l'arrivée prompte de Janek, surpris par la présence de son collègue censé être absent. 

"Que fais-tu ici un lundi, Ana ?"

Tout en ne cachant pas l'étonnement dans sa voix, il s'était hissé jusqu'à April pour lui prendre le dossier qu'elle tenait encore dans ses mains. Son large sourire chaleureux la fit brutalement ramener sur Terre et elle prit alors conscience de ses mains moites et du rythme rapide, et fort, de son cœur dans sa poitrine. " Madame Jones est notre nouvelle avocate stagiaire, je t'avais déjà prévenu de son arrivée."

Le dit Anaël, qui s'anima à son tour, fuyant le regard de la jeune femme, acquiesça, peu convaincu par cette information qui lui avait échappé. 

"Laissez-nous," ordonna-t-il sèchement à April, sans même croiser son regard. 

Son ton la fit frémir, ressentant un brusque sentiment de malaise à son encontre. Elle s'éloigna, laissant les deux hommes seuls, le cœur battant, tâchant de comprendre pourquoi elle ressentait en même temps de la chaleur et du froid en sa présence. 

Quand Anaël fit irruption dans l'open space, le soleil s'était de nouveau caché derrière les nuages, gris, donnant au ciel un air déprimant qui reflétait parfaitement l'état d'esprit d'April. Assise là, se retenant de fondre en larmes. 

Il ne lui accorda aucune attention, s'engouffrant dans le hall, claquant la porte d'entrée comme pour exprimer sa colère. 

Janek apparut à son tour, l'air agacé. Il se frottait l'arrière de la nuque de la paume de la main, claquant sa langue contre son palais. "Ne t'en fais pas," dit-il avec toute sa gentillesse. "Ana n'aime pas que l'on casse ses habitudes."

April fut peu convaincue par cette réponse, mais l'accepta. 

Ce soir-là, une fois chez elle, April sentit la lourdeur de sa fatigue, à la fois physique et émotionnelle. Elle laissa tomber son sac près de l'entrée et ôta ses chaussures, soulageant enfin ses pieds douloureux en raison de talons trop hauts. Tout en soupirant, elle se laissa tomber sur son lit, les paupières lourdes. De grosses gouttes de pluie frappaient les vitres de sa chambre, comme si le ciel pleurait en écho à son propre désespoir. 

Quand elle ouvrit les yeux, ses paupières papillonnèrent un instant avant de prendre conscience qu'elle n'était plus dans sa chambre. Elle se découvrit prisonnière dans une pièce caverneuse, encerclée par une muraille de pierres rugueuses. Au coeur de la pièce, un sinistre tumulus de crânes aux bouches écartées déversaient un liquide épais et noir, l'engloutissant peu à peu. De terribles hurlements retentissaient au loin, comme venant d'un autre monde. Les crânes la fixaient, silencieusement menaçants, tandis que les bruits inhumains se rapprochaient inexorablement, comme s'ils étaient attirés par sa présence dans cet antre infâme où elle avait été enfermée. 

Bientôt, le liquide noir lui arriva à ses genoux et elle comprit. 

Elle peina désespérément pour gravir la montagne d'os pour échapper à une noyade évidente. Cependant, chacune de ses tentatives était contrecarrée par une force invisible, la plongeant inexorablement dans les ténèbres. Tout autour d'elle, l'obscurité épaississante, et elle eut l'horrible impression de se noyer dans un vidé épais et vorace, la laissant suffoquée et impuissante face à cette opacité terrifiante. 

Elle luttait de toutes ses forces pour escalader le piédestal de crânes, mais apparemment, chaque fois qu'elle s'agrippait aux os, ceux-ci s'effondraient sous ses pieds, la faisant basculer encore plus profondément dans un abîme obscur. Des murmures indistincts s'élevaient de toutes parts, la narguant dans sa lutte désespérée. 

Sans aucune préparation préalable, elle se retrouva sur une route, durant une nuit brumeuse, la pluie tombait en trombes, fouettant son visage. Une voiture gisait dans un fossé, ses warnings clignotant sinistrement dans les ténèbres alentour. Des cris, à première vue distants, devinrent de plus en plus aigus, provoquant des frissons sur l'échine d'April. La nuit environnante semblait amplifier les cris provenant de la voiture accidentée, faisant vibrer l'air de lamentations spectrales qui glaçait le sang. 

"April".

Un murmure la fit faire volte-face. Et, soudainement, elle fut propulsée dans un champ immense s'étendant devant elle. Le ciel, parfaitement bleu, contrastait bizarrement avec l'absence de soleil. Des appels retentirent dans l'air tranquille, provenant d'une voix familière qui l'attirait inexorablement. April se mit à marcher lentement, le blé caressa ses jambes, le bout de ses doigts, avant de se mettre à courir tandis que se dévoilait à elle une silhouette qui ressemblait étrangement à Anaël.

Pourtant, il avait délaissé ses boucles blondes cendrées à une masse brun miel semblable à de l'ambre. Alors qu'elle approchait de manière pressante, se préparant à toucher son épaule, un éclair déchira le ciel, la réveillant brutalement dans sa chambre, trempée de sueur et frissonnante. 

Elle aurait juré avoir entendu quelqu'un l'appeler dans son rêve. En revanche, la silhouette qu'elle avait tenté d'atteindre restait là, dos à elle, vêtu entièrement de noir. 

Le bruit assourdissant de l'éclair résonna de nouveau, illuminant sa chambre, alors même qu'elle tentait désespérément de réintégrer la réalité. La confusion et la terreur la submergeaient, encore sous le choc de son cauchemar, la laissant désorientée et angoissée. 

Elle se força à respirer profondément, tentant de calmer les battements affolés de son coeur, toujours pris de vitesse par le réalisme intense de ce qu'elle venait de rêver. Pourquoi lui ? se demanda-t-elle alors que le vague souvenir du visage d'Anaël paraissait encore la hanter.

Après quelques longues minutes, April se dirigea vers la cuisine, mal à l'aise et désorientée. Tandis qu'elle se servait un verre d'eau, elle ressentit une étrange et désagréable sensation, comme si elle était observée. Un froid glacé parcourut sa peau, et les poils de ses bras se hérissèrent. 

Cette-nuit-là, April dormit avec la lumière de sa table de chevet allumée, refusant de s'enfoncer de nouveau dans l'obscurité mystérieuse qui avait marqué sa conscience. La douce clarté éclairait légèrement sa chambre, lui donnant une illusion de sécurité, pourtant, sa peur persistait, l'incitant à scruter chaque ombre avec une certaine appréhension.