Jean se tenait seul dans la petite auberge de Valmara, une ville modeste mais calme, à deux jours de la capitale Solravia. Les murs en pierre étaient froids, l'odeur du bois brulé flottait dans l'air, et la lueur vacillante de la bougie jetait des ombres dans la pièce. Le silence était presque oppressant.
Il venait de revenir de sa mission dans les montagnes proches, une tâche simple qui n'avait nécessité que peu de temps. Mais il n'avait pas anticipé ce qui allait arriver. Le messager était arrivé à l'auberge dans l'après-midi, essoufflé, ses yeux effrayés, portant une lettre urgente scellée de cire.
Jean prit la lettre entre ses mains, la sensation du papier rugueux sous ses doigts comme une promesse de nouvelles inquiétantes. Il s'assit à la table, dénoua le sceau et déroula le parchemin avec une lenteur presque mécanique. Le vent de l'extérieur soufflait fort contre la fenêtre, mais il n'y prêta pas attention. Tout ce qu'il pouvait voir, c'était l'encre noire de la missive.
"Sœur Elisabeth a été attaquée. Elle est grièvement blessée. Ses yeux ont été arrachés."
Les mots frappèrent Jean comme une vague glacée. Sœur Elisabeth… Eliza, comme il l'appelait affectueusement. Elle était la protectrice de la cathédrale, la personne qui l'avait recueilli et guidé depuis qu'il était enfant, la mère spirituelle qui avait pris soin de lui comme si elle l'avait élevé. Elle était bien plus qu'une simple sœur.
Il serra le papier dans ses mains, son cœur battant plus fort. Il n'arrivait pas à saisir toute l'étendue de la tragédie. Ses yeux ? Il répéta la phrase dans sa tête, mais cela semblait trop irréel pour être vrai.
Jean se leva brusquement, ses pensées devenant plus claires. Il n'avait pas de temps à perdre. Si Eliza avait été attaquée, il devait revenir à Solravia immédiatement. Mais même si son esprit savait ce qu'il devait faire, son corps semblait réticent à bouger, comme si le poids des mots imprimés sur le papier l'en empêchait.
Il attrapa son manteau, le jeta sur ses épaules et se dirigea vers la porte. La nuit était tombée, et le vent frais de Valmara l'accueillit en le frappant de plein fouet. Mais rien de ce qui se trouvait dans cette ville ne comptait plus. Il devait rejoindre Solravia. Il devait savoir qui avait osé faire une telle chose à Eliza. Et plus important encore, il devait la venger.
Sans attendre, il se mit en route vers la capitale, son esprit tournant en boucle sur les raisons d'un tel acte et sur la personne capable d'une cruauté aussi inouïe. Chaque pas semblait l'éloigner de l'innocence qu'il connaissait, l'amener dans un monde plus sombre qu'il n'avait jamais imaginé.
Mais une chose était certaine : il ne reviendrait pas avant d'avoir trouvé ceux responsables et de leur avoir fait payer.