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Chapter 74 - La serrure et la clé

La nuit s'était à peine dissipée lorsque Silvercoast s'éveilla sous un ciel d'automne encore gris, diffusant une lumière douce sur les avenues et les trottoirs humides. Une semaine s'était déjà écoulée depuis l'inauguration du barbershop, et si la vie semblait reprendre un cours tranquille, Jared, Ava et Marcus pressentaient toujours un risque latent. La veille, ils avaient repéré une grange, isolée dans les campagnes, fermée par un cadenas récent. Comme si, derrière l'apparente routine de la ville, se dissimulait un dernier écho du Syndicat prêt à ressurgir en cas de négligence.

Aube à l'hôtel de ville

Peu après l'aube, Ava traversa le sol en marbre du City Hall pour rejoindre la petite salle administrative du Guardian Council. Un léger froid flottait dans les couloirs, mais des rais de soleil matinaux perçaient de hauts vitraux, insufflant une note d'énergie lumineuse. Elle tenait sous le bras un mince dossier compilant des informations sur la fameuse grange verrouillée, ainsi que des projets de surveillance éventuelle si la ville en donnait l'autorisation officielle.

Dans la salle de réunion, elle trouva Marcus, le regard rivé à l'écran du dispositif de sécurité intégré. Il lui adressa un sourire déterminé.

— « Bonjour. Rien de spécial cette nuit—quelques signalements sans grande gravité. Pas un mot sur la grange pour l'instant. »

Ava posa son dossier :

— « Au moins, c'est calme, mais je meurs d'impatience de voir ce que recèle ce cadenas. Ces terres appartenant autrefois à Vaughn n'ont aucune raison d'être fermées, à moins qu'on y entrepose quelque chose de valeur. » Elle se remémorait l'époque où, dans l'ombre, ils auraient brisé le verrou sans autorisation. Désormais, ils optaient pour la voie légale—preuve du changement dans leur rôle.

Marcus acquiesça :

— « J'ai peaufiné cette nuit la fonction d'alerte : si on note une activité récurrente près de la grange, le système nous enverra une notification prioritaire. En attendant, il faut obtenir l'aval de la police. Gallagher a promis de demander un mandat. Si tout va bien, on pourra ouvrir la porte dans les règles. »

Entretien avec Gallagher

Bientôt, le détective Gallagher arriva, vêtu de sa tenue civile habituelle qui, malgré sa simplicité, laissait deviner son statut d'enquêteur. Il les salua d'un signe de tête et d'un café :

— « Salut, les veilleurs. Bonne nouvelle : l'avocat de la ville finalise un mandat limité pour inspecter ce fameux cadenas. Il sera prêt en fin d'après-midi, si tout se goupille. »

Ava accueillit l'information avec un sourire.

— « Parfait, on pourra donc agir légalement. Merci d'avoir accéléré le processus. »

Gallagher but une gorgée.

— « Pas de souci. On veut s'assurer de ne violer aucun droit. Ces terres appartiennent encore à une coquille d'entreprise créée par Vaughn, mais vue la suspicion de contrebande, on a de quoi justifier une inspection. Allez-y doucement cependant : si ça se révèle une fausse piste, on ne veut pas d'éclat médiatique. »

Marcus tourna son ordinateur pour montrer la carte à Gallagher.

— « On mènera une équipe réduite : toi ou un officier, plus nous trois. Pas question de mobiliser un bataillon pour rien. En revanche, si on tombe sur des cristaux arcaniques ou des vestiges importants, on les saisira comme il se doit. »

Gallagher hocha la tête, feuilletant une liasse de papiers.

— « D'accord. Pour l'instant, préparez la logistique. Je vous enverrai un texto dès que tout est validé. Si tout va bien, on ira voir ça demain matin. »

Une pause en milieu de journée

Le détective parti, les veilleurs décidèrent de quitter un moment le Guardian Council pour un déjeuner dans un café voisin. La ville, sous le soleil tamisé, vivait son animation habituelle : des employés pressés de trouver un repas rapide, des familles faisant halte à l'expo du barbershop à quelques rues de là, et des touristes découvrant l'essor récent de Silvercoast.

Installés à une table en retrait, ils échangèrent sur l'atmosphère calme. Ava, jetant un œil à son téléphone, repéra de nouvelles demandes d'interviews autour de l'inauguration. Troublée par le virage médiatique de leur aventure, elle se reconcentra sur la possible menace liée aux vestiges.

Marcus, mélangeant du sucre à son café, se tourna vers Jared :

— « Ton intuition sur la grange ? Pense qu'on va tomber sur un vrai planque ou un autre endroit vide ? »

Jared, songeur, haussa les épaules.

— « Difficile à dire. Les trafiquants, s'ils soupçonnent qu'on les surveille, passent vite à autre chose. Mais ce cadenas tout neuf intrigue. Ça cache forcément quelque chose. Soit de simples babioles, soit de quoi potentiellement raviver un fragment du Syndicat. »

Ils achevèrent leur repas sur ce constat : si la grange renfermait de la contrebande, ils la signaleraient dans le système et s'en débarrasseraient discrètement. Dans le cas contraire, un site de plus serait fermé, loin du capharnaüm laissé par Vaughn. Tous se sentaient sereins à l'idée de procéder légalement.

Une observation inattendue

À la sortie du café, vers le début d'après-midi, le portable d'Ava vibra : alerte sur la plateforme intégrée. Quelqu'un venait de signaler un SUV noir faisant des tours autour des terres agricoles, à proximité de la grange suspecte. L'agent Price, en patrouille, avait tenté de l'approcher, mais le SUV s'était enfui, plaque partiellement masquée—un scénario similaire à d'autres observations dans le secteur sud-ouest.

Marcus fronça les sourcils en parcourant la brève alerte.

— « Probable qu'ils testent encore le terrain, cherchant les restes. Cette grange devient de plus en plus louche. »

Jared lâcha un soupir.

— « Ils pressent peut-être le pas, conscients que la ville est en éveil. Dès qu'on aura ce mandat, on y va, et s'ils ont déposé un stock, on le neutralisera. »

Ils se séparèrent, Ava et Jared rentrant au bureau du Guardian Council pour peaufiner leur intervention, Marcus transmettant l'alerte à Gallagher. Grâce à la cohésion municipale, les criminels peinaient à retrouver la liberté d'action qu'ils avaient avant la chute du Syndicat.

Ajustements de fin de journée

Au crépuscule, ils se retrouvèrent dans un petit salon attenant au hall de la mairie. Gallagher arriva, confirmant que l'avocat de la ville avait validé le mandat.

— « Nous pourrons ouvrir la grange demain matin. Je dépêche l'officier Price et un ingénieur—probablement Miriam Vale, déjà familiarisée avec les ruines du Syndicat. On se retrouve à dix heures devant la barrière. »

Ava, soulagée, acquiesça :

— « C'est parfait. On fera ça sans tapage. Si c'est vide, on range l'affaire ; si on trouve des éclats, on aura évité qu'ils tombent entre de mauvaises mains. »

Marcus nota l'opération "Inspection de la grange (mandat officiel)" dans le système. Jared s'enquit :

— « Des nouvelles du fameux SUV noir ? Ou du conducteur ? »

Gallagher secoua la tête.

— « Rien. Il a filé trop vite, plaque illisible. Mais on reste attentifs. Si ça réapparaît demain, nous serons préparés. »

Ainsi, l'équipe clôtura la journée, chacun partant sous le halo doux d'un soleil déclinant, déjà tourné vers l'opération du lendemain. Il n'y avait pas lieu de s'alarmer, juste d'exécuter paisiblement une mission de plus. Voilà la normalité en place : aborder des pistes criminelles au grand jour, avec l'assentiment de la cité, loin des infiltrations clandestines de jadis.

Soirée de méditation

La nuit enveloppa Silvercoast, un voile étoilé parsemé de nuages. Les veilleurs rentrèrent, suivant l'évolution du système une ultime fois. Toujours aucun gros incident, la ville semblait baignée d'une certaine quiétude, fruit de la collaboration nouvelle.

Ava, chez elle, finit un court billet de blog, informant ses lecteurs que la vigilance persistait après l'inauguration. Elle n'évoqua pas explicitement la perquisition, par crainte d'alerter les criminels, mais souligna la détermination intacte des veilleurs. Elle se rappela le tumulte nocturne du barbershop, désormais remplacé par une structure légale et la confiance publique.

Marcus, dans son loft, révisa le script permettant de détecter en direct tout mouvement suspect autour de la grange. Le calme de la ville l'apaisait, témoignant que leurs efforts constants de protection portaient leurs fruits. Jared, feuilletant quelques clichés du "vieux barbershop" avant sa rénovation, éprouva une fois de plus ce mélange de nostalgie et de satisfaction : plus besoin de s'isoler derrière des planches clouées, ils avaient conquis l'adhésion du plus grand nombre, et pouvaient traquer les moindres vestiges criminels à la vue de tous.

L'aube avant l'opération

Au matin, la lumière dévoila les artères rénovées d'une ville bien éveillée. Les veilleurs s'équipèrent, plus simplement que lors de leurs anciennes excursions clandestines. Ils se retrouveraient dans la matinée avec l'agent Price et l'ingénieur Vale, devant la grille du chemin rural, mandat en poche. Nul besoin de gilets pare-balles, de gadgets improvisés—seulement un SUV du Guardian Council, des badges officiels et la volonté d'inspecter un site où un cadenas flambant neuf montrait qu'on cherchait à dissuader les curieux.

À neuf heures trente, ils se donnèrent rendez-vous dans la cour de la mairie. Price était là, mandat en main, Vale avec ses instruments pour estimer la stabilité du bâtiment. Marcus avait mis le système en alerte, prêt à recevoir un signal si le fameux SUV noir reparaissait. Ava vérifia quelques cartes, Jared ajusta son blouson, restant prêt à toute éventualité.

La petite colonne s'engagea dans la route menant à la ferme, le ciel resté gris, quelques gouttes bruissantes sur le pare-brise. À l'intérieur du véhicule, la conversation se fit discrète : Price reparla du SUV, Marcus filait des rappels sur la localisation et le contenu du mandat, Ava consultait son téléphone pour d'éventuelles notifications de dernière minute, Jared méditait les conséquences d'une découverte significative dans cette grange.

Arrivée devant la grange verrouillée

Peu avant dix heures, ils atteignirent les abords de la propriété rurale, bordée d'une barrière en piteux état. L'adresse coïncidait avec le mandat. La grange, à moitié effondrée, se dressait, gardant en son flanc cette porte close par un cadenas flambant neuf. Ils descendirent sous une bruine légère. Price confirma :

— « C'est bien là. Mandat légal. On va voir ce qu'il y a derrière. »

Ils avancèrent prudemment, pataugeant dans un sol humide. La pluie fine ajoutait une ambiance feutrée, les gouttes heurtant le bois délabré de la grange. Vale vérifia la solidité du bâtiment avec un appareil de mesure. Les veilleurs se postèrent autour de la porte, Price brandissant sa pince coupante :

— « Allons-y. »

Un geste franc, la chaîne céda. Une tension passa dans l'air. C'était le dernier obstacle qu'un groupe criminel avait dressé. Jared échangea un regard avec Ava : autrefois, ils auraient fracturé ce cadenas clandestinement ; à présent, ils procédaient dans les règles de l'art.

Price ouvrit la porte. Une faible clarté se diffusa dans un espace étroit, encombré de caisses et d'étagères rouillées. Les lampes de poche des veilleurs sondèrent l'obscurité.

Découverte révélatrice

Ils n'eurent pas à chercher longtemps pour ressentir un frisson : au fond, s'empilaient de petites boîtes en bois, certaines portant encore les sigles du Syndicat, à moitié effacés. Quelques couvercles gisaient, révélant un scintillement vert-bleu propre aux cristaux arcanes jadis utilisés par Vaughn pour ses armes ou ses essais.

Marcus lâcha un sifflement étouffé :

— « On dirait bien le stock d'éclats qu'on craignait. De quoi alimenter un nouveau commerce illégal. »

Ava s'agenouilla prudemment, photographiant la scène.

— « Ils sont de petite taille, mais la quantité est préoccupante. S'ils rassemblent d'autres fragments dans différents sites, ça peut devenir sérieux. On doit vite tout retirer. »

Jared parcourut les boîtes du regard. On voyait un rangement organisé, nul doute que ces fragments avaient été collectés avec soin, en attente de transfert.

— « Ils devaient sans doute prévoir de les déplacer. Peut-être sommes-nous arrivés à temps. »

Vale, l'ingénieure, jaugea la charpente :

— « Le bâtiment tiendra le temps qu'on fouille, mais restons sur nos gardes si jamais les criminels débarquent. J'appelle un service spécialisé pour emporter ces boîtes en sécurité. » Elle montra aussi d'autres caisses fermées, étiquetées de codes énigmatiques. Encore des débris potentiels ?

Price signala par radio :

— « Ici Price, nous avons localisé plusieurs caisses d'éclats arcanes dans la grange rurale. Besoin d'une équipe de forensics et d'un transport de saisie. Sécurisation en cours. »

Les veilleurs se lancèrent des regards mêlant soulagement et détermination. Ils venaient de mettre la main sur une preuve tangible que ces éclats, évoqués par tant de rumeurs, n'étaient pas de simples racontars. Quiconque cherchait à recréer un semblant de puissance ou d'appareils issus du Syndicat perdait désormais une part de son matériel. Mais d'autres sites pouvaient exister, d'autres caches.

Sceller les menaces

Tandis que la pluie redoublait, les veilleurs, la conscience apaisée, demeuraient sur place en attendant le renfort promis. Cette découverte de cristaux confirmait la nécessité de maintenir leur plan méthodique. En chaque relique saisie, en chaque caisse d'éclats interceptée, ils neutralisaient la tentation criminelle de ranimer la technologie de Vaughn.

Après avoir inspecté l'intérieur, ils ressortirent sous la bruine. Les herbes hautes du champ ondulaient sous le vent, scintillantes de gouttelettes. Ils échangèrent quelques paroles réconfortantes : Ava referma le dossier photo, Marcus enregistra dans la plateforme la mention "Saisie de fragments arcanes—Grange rurale". Jared prépara le véhicule, prêt à charger les éventuelles caisses que la police scientifique collecterait. Toute cette méthodologie témoignait de l'évolution : plus besoin des tactiques clandestines du barbershop, désormais, ils agissaient dans la lumière et sous mandat légal.

La camionnette de la police scientifique arriva bientôt, roulant lentement dans la boue. Des agents en combinaisons vinrent saluer les veilleurs avant de s'engouffrer dans la bâtisse pour répertorier et transporter les boîtes. Encore une parcelle du "pouvoir brisé" du Syndicat retirée de la circulation, frustrant les criminels qui espéraient s'en emparer.

Le temps que l'opération se termine, la pluie s'était calmée. Un rayon timide traversa les nuages, effleurant la grange et le SUV des veilleurs, comme pour rappeler le chemin parcouru : du chaos d'une ville gangrenée à cet instant où un mandat en poche suffisait à mettre un coup d'arrêt à un nouveau trafic naissant.