Levant les yeux vers le ciel, Sigurd calcula mentalement.
« Il reste environ huit heures avant le coucher du soleil, je crois. Hmm… Je devrais pouvoir atteindre Jarnholt avant la tombée de la nuit. »
Il se rappela qu'il avait déjà atteint Jarnholt il y a deux ou trois ans, lors d'un voyage avec la caravane du troisième fils de son maître. Bien sûr, il n'y avait pas participé en tant que touriste, mais comme un esclave chargé de nourrir les chevaux et de recevoir des coups de fouet en cas de moindre faux pas.
"Si mes souvenirs sont bons, le trajet jusqu'à Jarnholt prenait environ sept heures," pensa-t-il, son regard sombre.
Après avoir quitté les ruines de la Ville, Sigurd marcha discrètement sur un sentier, son allure prudente. Environ dix minutes plus tard, il bifurqua vers une forêt. Les arbres, bien nourris et imposants, semblaient presque le narguer par leur taille et leur robustesse, leur largeur dépassant de loin la maigreur de Sigurd. De temps à autre, il apercevait de petits animaux, comme des marcassins, fuyant à son approche.
Il resta en périphérie de la forêt, suivant le sentier sans s'enfoncer davantage. La prudence restait son meilleur allié.
"Pas question de me faire surprendre une deuxième fois par ces Grims," pensa-il.
Après environ trois heures de marche maladroite, il s'arrêta brusquement. Un bruit perça le silence. Des cris. Lointains, mais distincts, à quelques centaines de mètres. Ses sens, légèrement aiguisés depuis son éveil, lui permettaient désormais de capter ces détails qu'il aurait ignorés auparavant.
Bien que l'idée de s'en approcher soit risquée, sa curiosité l'emporta. Il avançait prudemment, ralentissant à mesure qu'il se rapprochait de la source des hurlements. Bientôt, il distingua des silhouettes entre les arbres.
Sigurd se glissa derrière un buisson assez large pour le dissimuler et observa la scène. Ce qu'il vit le fit frissonner.
Huit trolls massifs étaient en train de massacrer un groupe de personnes vêtues de tuniques et d'armures. Les victimes tentaient de se défendre, mais leurs mouvements semblaient désespérés face à la brutalité des Grims. Parmi les trolls se tenait une figure bien plus redoutable : un Grim équipé de deux épées.
"Le même type de Grimque celui qui m'a éventré…" pensa Sigurd, une sueur froide coulant dans son dos.
Pendant une dizaine de minutes, il assista, impuissant, à une boucherie. Les trolls éventraient, déchiquetaient et broyaient les corps avec une aisance terrifiante. Lorsque le carnage prit fin, seize cadavres gisaient sur le sol, brisés, démembrés. Les restes sanglants maculaient le sentier, et une calèche renversée à côté de chevaux éventrés.
Au centre de ce chaos, un seul guerrier était encore debout, mais à peine. Son armure en lambeaux et son corps couvert de blessures témoignaient d'un combat acharné. Il haletait, du sang coulant de ses lèvres, tachant ses vêtements. Pourtant, il tenait encore son épée, sa main tremblante de douleur et de fatigue.
Derrière lui, quatre femmes, tremblantes et horrifiées, se recroquevillaient. Leurs regards imploraient le guerrier, leur dernier espoir, de les sauver.
Le Grim qui était similaires a celui qui avait éventré, qui était resté en retrait jusqu'à présent, s'avança lentement. Ses yeux rouges brillaient d'une intelligence froide et calculatrice. Le guerrier, rassemblant ses dernières forces, hurla en levant son épée et attaqua.
L'attaque fut vaine. Le Grim para le coup avec sa lame gauche, puis dans un mouvement fluide, abattit son épée droite, fendant la tête du guerrier en deux. Le corps s'effondra lourdement, laissant derrière lui un silence pesant.
Les trolls, maintenant rassasiés de violence, se tournèrent vers les survivantes. Avec une cruauté méthodique, ils attrapèrent les femmes et emportèrent également les cadavres de six autres victimes.
Sigurd sentit un mélange de terreur et de dégoût monter en lui. Les Grims allaient festoyer, dévorant les femmes dans un spectacle de sauvagerie inimaginable. Les hurlements des captives commencèrent à résonner dans la forêt alors que les trolls s'éloignaient avec leur macabre butin.
"Ce monde est vraiment une fosse à Grims," pensa Sigurd, le visage fermé. «Les dieux doivent bien se marrer.»
Sigurd sortit de sa cachette après avoir attendu quelques minutes, s'assurant que les Grims s'étaient suffisamment éloignés. Il avançait prudemment, ses pas feutrés sur le sol jonché de débris et de sang. Arrivé devant le cadavre du guerrier, il s'arrêta. L'homme s'était battu jusqu'à son dernier souffle, et son corps en lambeaux témoignait de son courage désespéré.
Sigurd le fixa un instant, le regard sombre. Puis il soupira, prêt à s'éloigner. Mais un faible gémissement retentit près de la caravane renversée.
« Non… Je ne peux pas mourir ici… Pas avec ce livre… Je… je dois… »
Sigurd tourna la tête et aperçut un homme assis, adossé à la carcasse brisée de la calèche. Une large lacération, partant de son épaule droite jusqu'à son bas-ventre, marquait son corps. Les griffes d'un troll avaient laissé une plaie béante. Pourtant, l'homme respirait encore, et à la surprise de Sigurd, il avait même la force de parler.
Sigurd s'approcha lentement, son visage impassible. L'homme leva des yeux empreints d'espoir mêlé de méfiance.
« Sauve-moi… je t'en prie, » murmura-t-il, la voix tremblante.
Sigurd resta silencieux.
« J'ai… j'ai un oncle riche dans le... le sud… il te récompen... »
Une quinte de toux interrompit ses paroles, et il cracha une gorgée de sang, tâchant sa tunique déchirée.
Les yeux de Sigurd se posèrent sur un objet que l'homme tenait fermement dans ses mains. Un livre. Il le serrait avec une telle force qu'on aurait dit que sa vie en dépendait. Intrigué, Sigurd tendit la main pour le prendre.
L'homme réagit immédiatement, resserrant son étreinte sur l'ouvrage.
« Abandonne-moi si tu veux, mais… ne touche pas à ce livre ! » cria-t-il, les yeux agrandis par la panique.
Sigurd ne répondit pas. Avec un geste brutal, il arracha violemment le livre des mains de l'homme. L'homme hurla, ses dernières forces alimentées par une rage impuissante.
« Non ! Donne-le-moi… je t'en supplie ! »
Sigurd tourna le dos et commença à s'éloigner, ignorant les suppliques désespérées derrière lui. Les cris de l'homme se changèrent bientôt en injures et en menaces. Puis, progressivement, sa voix s'éteignit, remplacée par le silence.
« Je ne pouvais pas te sauver, »murmura Sigurd à voix basse, ses traits crispés.
Il n'avait pas agi par pure cruauté. Il savait que l'homme était condamné. La blessure était trop grave : la chair béante révélait des os et des organes meurtris. À moins de maîtriser des sorts de soin avancés comme ceux des guerriers étrangers qui visitaient parfois sa Ville, il n'y avait rien à faire. Sigurd n'avait rien à offrir, si ce n'est une fin plus rapide…
" Mais je peux sauver ce livre, " pensa-t-il avec froideur.
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Après avoir quitté cette scène macabre, Sigurd concentra son attention sur le livre. Lorsqu'il l'avait aperçu dans les mains de l'homme mourant, il avait ressenti une étrange attraction, une sorte d'appel instinctif. Ce n'était pas une simple curiosité : c'était comme si le livre lui parlait, l'invitait à le prendre.
Il s'arrêta dans une clairière pour examiner son butin. La couverture du livre était d'un brun-gris terni par le temps, marquée de symboles gravés en relief. Le titre, écrit en runes, semblait luire faiblement sous la lumière tamisée de la forêt.
Sigurd fronça les sourcils. Les runes lui étaient totalement étrangères. Ce type de langage était réservé à ceux qui manipulaient l'Odra ou aux élites ayant reçu une éducation complète. Il n'avait pas eu ce privilège : esclave, il avait tout juste appris à lire et écrire les textes communs.
Il passa doucement sa main sur la couverture rugueuse, cherchant à percer le mystère du livre.
"Ce n'est pas un simple manuscrit," songea-t-il. "Il dégage quelque chose… Une puissance."
Les pages du livre étaient anciennes, jauni par le temps, mais étonnamment toujours lisibles. Malheureusement, elles étaient couvertes d'écritures runiques, incompréhensibles pour Sigurd. Il poussa un soupir, déçu. Mais à cet instant, une voix résonna dans son esprit.
[Essence Runique Primordiale détectée, compatible.]
[Souhaitez-vous en absorber la puissance ?]
Sigurd leva un sourcil, intrigué par les termes "absorber" et "Essence Runique Primordiale". L'excitation montait en lui, un sentiment rare dans sa vie marquée par la misère. Il répondit sans hésitation
« Oui. »
Dès que le mot franchit ses lèvres, le livre se désintégra en une volute de fumée sombre qui s'infiltra en lui, tout comme l'avait fait l'épée. Cependant, cette fois, l'énergie ne se dirigea pas vers son cœur. Elle gravit son corps jusqu'à sa tête, s'insinuant dans son esprit. Une douleur aiguë et lancinante envahit son crâne, comme si des milliers d'aiguilles perçaient ses pensées. Sigurd se tint la tête, les dents serrées, luttant contre cette souffrance déchirante.
Après de longues minutes, la douleur s'atténua lentement, laissant place à un étrange sentiment de clarté. La voix retentit de nouveau :
[Vous avez acquis une Saga des Héros.]
Sigurd se concentra sur ces mots, et soudain, des runes faites de fumée noire apparurent devant lui, suspendues dans l'air. À sa grande surprise, il pouvait les lire sans effort, bien qu'elles soient d'une langue inconnue. Elles étaient différentes des runes qu'il avait vues sur le livre.
[Liste des Saga des Héros :
• Art de l'Épée Basique de Skorvyr Bladesong (Fracturée) ]
Sigurd fronça les sourcils.
" Skorvyr Bladesong ? Qui est ce type au nom si… poétique ? Et c'est quoi cette histoire de Fracturée ?! "pensa-t-il, agacé.
En se concentrant sur la ligne de la capacité, une nouvelle série de runes se matérialisa devant lui
[Un maître de l'épée dont les mouvements sont si fluides et précis qu'ils ressemblent à une danse… une mélodie mortelle.]
Sigurd haussa un sourcil.
« Une mélodie mortelle, hein ? Impressionnant… mais la description s'arrête là ? »
La voix de Saga répondit calmement
[Plus votre XP augmente, plus votre compréhension des Saga des Héros et de leur histoire s'approfondira, elle évoluera en même temps que votre âme.]
Sigurd, visiblement irrité, s'écria
« Comment suis-je censé savoir à quel niveau est mon XP, génie ?! »
Un silence s'installa, suivi d'une réponse laconique
[… Vous pouvez connaître votre XP avec "Essence".]
Sigurd cligna des yeux, légèrement surpris.
« Oh. D'accord… Je vois. »
Il pensa à "Essence", et immédiatement, des runes faites de fumée sombre se formèrent devant lui :
[Sigurd
XP : 10 / 250
Âme : Humain
Rang : 1
Valets de l'Âme : 0 / 3
Saga des Héros : 1
—
—
...]
Les yeux de Sigurd parcoururent les inscriptions, son esprit oscillant entre fascination et incrédulité. Intrigué, il se concentra d'abord sur "Âme".
[Plus vous progressez, plus vous vous rapprocherez de la divinité.]
Un frisson parcourut son échine. "Me rapprocher des dieux ? Voilà qui est intéressant."
Il fixa ensuite " Rang ", et une nouvelle série de runes se dévoila.
[Ce sont les paliers d'évolution de votre essence. À chaque palier franchi, vous vous éloignez un peu plus de la condition humaine.]
Son regard s'assombrit, mais un léger sourire effleura ses lèvres. "Alors, la faiblesse humaine n'est qu'un état temporaire ?"
Puis, il dirigea son attention sur "Valets de l'Âme".
[C'est le nombre de serviteurs loyaux que vous avez créés. Toute divinité digne de ce nom doit rassembler des serviteurs forgés à partir des âmes des êtres dotés d'Odra.]
Une idée se forma dans son esprit, aussi effrayante qu'exaltante. "Créer des serviteurs à partir des âmes… Cela signifie que je pourrais bâtir une armée."
Enfin, il se concentra sur "Saga des Héros".
[Dans ce monde, de puissants guerriers, héros, et Grims d'antan, ont frôlé le domaine des demi-dieux et des dieux. En périssant, ils ont laissé derrière eux des fragments de leur puissance, connus sous le nom de Saga des Héros.]
Sigurd resta immobile, ses yeux rivés sur les runes qui pulsaient devant lui. Ces révélations semblaient résonner avec une partie de lui qu'il ignorait jusque-là. Un feu s'éveillait dans ses entrailles.
Puis, brisant le silence, il murmura, la voix tremblante d'une excitation à peine contenue :
« Donc, je peux forger des serviteurs, bâtir une armée à ma volonté… Et même transcender ma condition pour m'élever au rang des dieux ? »
Un éclat presque carnassier traversa son regard, tandis qu'il continuait à contempler ces promesses de pouvoir. "Les dieux eux-mêmes ont créé les humains, mais qu'adviendra-t-il si un humain cherche à devenir un dieu ?…"
L'idée était exaltante. Il sentit un frisson parcourir son corps, une nouvelle ambition s'éveillant en lui.
Curieux de tester sa nouvelle Saga des héros, Sigurd matérialisa son épée. Il ne savait pas vraiment par où commencer, mais le nom de la capacité mentionnait l'art de l'épée. "Autant commencer par le basique," pensa-t-il.
Il commença à exécuter quelques coups dans le vide. Peu à peu, il remarqua une amélioration flagrante. Ses mouvements étaient plus fluides, ses frappes plus précises. Il sentait une maîtrise instinctive guider sa lame, appliquant la bonne puissance au bon moment.
Il ajouta quelques esquives et feintes, surpris de la légèreté de ses pas. Chaque geste semblait naturel, comme si son corps avait toujours su manier une épée.
"C'est incroyable… Je me bats comme un vrai guerrier. Pas encore parfait, mais loin de ce que j'étais ce matin."
Une pensée traversa son esprit, étrangement profonde :
"Une épée… n'est pas qu'une arme. C'est une extension de la volonté."
Ce dernier point, bien qu'un peu abscons, lui arracha un sourire satisfait
Terminent son examination, sigurd se remit en route pour arriver a destination avant la tombée de la nuit.