Marceau marchait à travers les rues étroites et tortueuses de Port-au-Prince, son souffle haletant résonnant dans l'air nocturne. La lune, spectatrice silencieuse et cruelle, jetait une lueur blafarde sur les murs des bâtiments, illuminant son passage. Ses pas rapides frappaient les pavés avec régularité.
Étrangement, les forces de l'ordre étaient partout, omniprésentes comme des ombres maléfiques traquant leur proie. Au départ, Marceau pensait que cette surveillance renforcée était due aux actes des marrons et d'Aniaba, notamment les attaques sur le marché aux esclaves et sur les plantations. Il marchait donc d'un pas confiant dans la ville. Puis il se rendit rapidement compte que ces hommes cherchaient quelqu'un et que la personne recherchée n'était autre que lui. À chaque croisement, chaque ruelle, il pouvait voir les regards se poser sur lui un peu trop longtemps, comme pour s'assurer de son identité. Malgré l'heure plus que tardive, les ruelles semblaient étrangement animées. Les regards se tournaient vers lui et tous les soldats semblaient subtilement converger vers sa position. Marceau se sentait étouffé et il avait un mauvais pressentiment. Au-dessus de lui, plusieurs corbeaux croassaient, comme pour rire de sa situation. Marceau aurait pu jurer en voir un sourire. Il se mit à marcher plus vite, tentant d'échapper à ce qui ressemblait de plus en plus à une traque déguisée. Il était évident qu'Armand de Lignac et Mme Hubert étaient à l'origine de cette chasse impitoyable. Leur réseau, bien plus étendu qu'il ne l'avait anticipé.
Puis, à un croisement, alors qu'il s'approchait des docks du port, Marceau se retrouva face à face avec une patrouille de soldats lourdement armés. L'affrontement était inévitable. Pris au piège, il n'avait d'autre choix que de riposter avec tout ce qu'il lui restait de force et de magie.
Les premières secondes furent un chaos de mouvements rapides et d'éclats métalliques. Les soldats, formés à traquer et capturer, avancèrent en formation serrée, leurs lames et mousquets prêts à l'abattre. Marceau, le souffle court, invoqua une barrière magique qui dévia les premiers tirs, mais il savait que cette défense précaire ne tiendrait pas longtemps. D'un geste rapide, il projeta une bourrasque de vent jetant poussière et débris du sol vers les yeux des soldats et désorientant temporairement ses assaillants. Profitant de leur confusion, il se jeta dans la mêlée, son instinct de survie guidant chacun de ses mouvements.
Chaque coup porté résonnait dans la ruelle. Marceau frappait avec une précision mortelle, ses lames et ses sorts fusionnant en une symphonie destructrice. Un soldat s'effondra, inconscient, sous l'impact d'un sort qui l'avait projeté contre un mur. Un autre hurla de douleur en se tordant après un coup bien placé. Pourtant, pour chaque adversaire neutralisé, deux autres semblaient surgir des ombres, leurs cris se mêlant au fracas des armes. Le sol devint glissant sous les flaques de sang et de sueur, transformant la ruelle en une scène de carnage.
À chaque instant, Marceau sentait ses forces s'amenuiser. Sa magie, autrefois forte, s'épuisait rapidement, chaque sort lancé drainant un peu plus de son énergie vitale. Ses mouvements devenaient plus lents, son souffle plus irrégulier, et la douleur dans ses membres, due aux coups reçus et à l'effort intense, était de plus en plus difficile à ignorer. La flamme vacillante de sa magie semblait prête à s'éteindre, mais il ne pouvait pas se permettre d'abandonner.
Dans un ultime effort, il utilisa sa dernière fiole de gaz paralysant et ce qu'il restait de son pouvoir pour invoquer un mur de gaz. Quiconque tentait de le passer s'effondrait, séparant les soldats encore debout de son chemin. Cette diversion, bien que temporaire, lui permit de s'échapper de justesse, laissant derrière lui une scène chaotique de soldats étourdis, blessés ou morts. Les cris des blessés résonnaient encore à ses oreilles alors qu'il titubait dans l'obscurité, ses vêtements trempés de sueur et tachés de sang. Chaque pas qu'il faisait était un défi, mais l'urgence de la situation le poussait à continuer. Derrière lui, il pouvait entendre les soldats se regrouper, leurs voix portées par l'écho sinistre de la ruelle. La traque ne faisait que commencer, et Marceau savait qu'il ne pouvait plus compter que sur son instinct et sa détermination pour survivre.
Haletant, il trouva répit dans l'ombre d'un porche, essuyant d'un revers de main la sueur froide qui ruisselait sur son front. Ses vêtements, lacérés et couverts de poussière mêlée à du sang séché, collaient à sa peau comme un rappel tangible de ses affrontements précédents. Chaque muscle de son corps gémissait sous la fatigue accumulée, et son pouvoir magique, jadis puissant et inébranlable, s'effilochait dangereusement. Les étincelles d'énergie qui lui restaient étaient insuffisantes pour contrer un assaut direct. Il se sentait vulnérable, isolé et désespéré, un homme acculé face à une menace implacable.
Il repensa aux escarmouches des heures précédentes, chaque affrontement gravé dans son esprit comme une bataille contre un destin inéluctable. Deux fois, il avait été encerclé, obligé de puiser dans les maigres ressources qui lui restaient pour survivre. Lors de la première confrontation, il avait réussi à neutraliser une patrouille entière en combinant ruse et magie. Mais ces efforts l'avaient coûté cher. La deuxième fois, la situation avait été encore plus désespérée. Pourtant, il s'était échappé, son instinct de survie le poussant à continuer malgré la douleur lancinante qui envahissait son corps. Mais il savait, dans un coin sombre de son esprit, que ces exploits ne pourraient se répéter indéfiniment. Chaque bataille lui arrachait un peu plus de sa vitalité, et il n'était qu'une question de temps avant que la chance ne l'abandonne définitivement.
Au loin, une voix s'éleva, suivie de l'éclat métallique de bottes sur les pavés.
— Nous savons que vous êtes là, Marceau ! Rendez-vous, et peut-être serons-nous cléments, et vous pourrez bénéficier d'une anesthésie, riait Mme Hubert quelque part non loin.
Marceau serra les dents. Il savait que cette clémence n'était qu'un mensonge. S'il tombait entre leurs mains, il deviendrait un jouet pour les expérimentations de Mme Hubert ou une âme enchaînée au service de De Lignac. Il frissonna à l'idée des horreurs qu'il avait vues dans cette crypte maudite.
Dans l'ombre de son abri, il pesa ses options. Les bruits de pas et les voix des poursuivants se rapprochaient. Ils étaient méthodiques, traquant leur proie avec précision. Marceau savait qu'il ne pourrait pas les affronter directement dans son état actuel. L'épuisement pesait lourdement sur son corps et son esprit. Pourtant, il ne pouvait pas se permettre de céder.
Luttant contre la fatigue, il quitta son abri et s'élança dans une ruelle sombre, priant pour que la chance lui sourît. Mais chaque rue qu'il empruntait semblait le ramener à ses poursuivants. La ville, avec ses dédales familiers, était devenue un piège mortel.
Finalement, il atteignit les abords de Port-au-Prince, là où la jungle dense reprenait ses droits. Sans réfléchir, il s'enfonça dans les sous-bois, ses bottes écrasant les feuilles mortes dans un bruissement frénétique. Derrière lui, il entendait encore les échos des voix et des ordres aboyés. La forêt offrait une maigre protection, mais Marceau savait qu'elle pouvait aussi devenir un autre genre de piège.
Il s'effondra contre un arbre, sa poitrine se soulevant violemment à chaque inspiration. Le silence de la forêt était oppressant, chaque craquement de branche ou mouvement dans l'obscurité devenant une menace potentielle. Il sentait la fatigue le submerger, et ses pensées, autrefois claires et stratégiques, étaient maintenant un tourbillon de peur et de désespoir.
C'est alors qu'une idée absurde traversa son esprit. Aniaba.
Il secoua la tête, comme pour chasser cette pensée. Mais elle persistait. Aniaba et ses marrons étaient peut-être ses ennemis par la force des choses, mais ils étaient également les seuls à pouvoir tenir tête à des monstres comme Armand et Mme Hubert. Leur résistance, leur maîtrise des embuscades et leur ruse, il l'avait expérimenté lui-même. Marceau savait qu'il n'avait rien à offrir en échange, si ce n'est son savoir, mais qui sait, peut-être que cela suffirait.
— C'est de la folie…, murmura-t-il, la voix rauque.
Mais il n'avait pas d'autre option. Il avait vu ce que ses anciens alliés étaient prêts à faire pour le réduire au silence. Et même si les marrons n'étaient pas les alliés naturels d'un mage déchu comme lui, Marceau savait qu'ils partageaient un ennemi commun.
Se levant avec difficulté, il scruta la forêt, essayant de se souvenir des rumeurs et des cartes qu'il avait étudiées autrefois. Les marrons avaient des camps disséminés dans la jungle, chacun bien caché et rigoureusement protégé. Atteindre l'un de ces camps serait déjà une épreuve en soi. Ne pas mourir une fois cela fait en était une autre.
Il se remit en marche, chaque pas un combat contre son épuisement. Les branches basses fouettaient son visage, et les racines menaçaient de le faire trébucher à chaque instant. Mais il avançait, guidé par une détermination farouche.
Après plusieurs heures d'une marche pénible, Marceau s'arrêta net. Devant lui, une silhouette massive se détachait dans l'obscurité. L'homme, imposant et musclé, portait des vêtements rudimentaires mais fonctionnels, et ses yeux brillaient d'une intelligence acérée. C'était Jean-Baptiste, en pleine organisation avec ses hommes pour une attaque destinée à voler un bateau.
— De tous les marrons possibles, il fallait que je tombe sur celui-ci, marmonna Marceau intérieurement, maudissant sa malchance. Parmi tous ceux qu'il aurait pu croiser, Jean-Baptiste était peut-être le plus redoutable et celui le moins enclin à l'aider. Leur passé conflictuel n'arrangeait rien : ils avaient failli s'entre-tuer, et il doutait que cet homme, méthodique et méfiant, soit réceptif à ses arguments, d'autant plus après avoir goûté à ses sorts. Il aurait préféré croiser leur magicien, quelqu'un avec qui il aurait pu troquer des connaissances en échange d'un refuge temporaire. Ou mieux encore, Aniaba lui-même, un stratège capable de reconnaître une opportunité, même dans une situation désespérée comme celle-ci. Mais Jean-Baptiste ? Convaincre cet homme relevait d'un défi presque suicidaire.
Marceau leva les mains lentement, adoptant une posture non menaçante. Il savait que la moindre erreur pourrait sceller son destin.
— Je viens… demander asile, dit-il, sa voix rauque et fatiguée.
Jean-Baptiste, méfiant, plissa les yeux et leva un sourcil en croisant les bras. Les hommes autour de lui cessèrent leurs préparatifs pour fixer l'étranger, leurs regards aussi acérés que des lames.
— Et pourquoi un homme comme toi aurait-il besoin de notre aide ? répondit-il, sa voix glaciale. Autour de lui, les marrons se dispersaient subtilement, presque imperceptiblement, jusqu'à encercler Marceau.
Marceau inspira profondément, tentant de maîtriser la peur et la fatigue qui menaçaient de le submerger.
— Parce que ce que j'ai fui est une menace pour nous tous. Pas seulement pour moi, mais pour toi, pour Aniaba, et pour chaque homme, femme et enfant sur cette île, libre ou non. Montclair, Armand de Lignac et Mme Hubert ne reculeront devant rien. Ils… ils préparent quelque chose de bien pire que tout ce que nous avons jamais vu. Et croyez-moi, ils ne s'arrêteront pas avant d'avoir tout anéanti.
Il forçait grossièrement le trait, mais il n'avait pas le choix. Il fallait que les marrons le voient comme un allié potentiel face à une menace encore plus grande.
— Ce ne sont plus des hommes, continua-t-il, juste des monstres au sens propre comme au sens figuré. J'ai dit non. Je ne voulais pas les rejoindre dans leur folie, et maintenant me voici, fuyant pour ma vie. L'un d'entre eux, Armand de Lignac, est une créature que je n'ai jamais vue, avec des crocs acérés, une lueur étrange qui émane de son corps, et capable de se transformer en une nuée d'oiseaux noirs. L'autre, Mme Hubert, est une vieille folle, mais ses connaissances alchimiques défient l'impossible. Elle se livre à des expérimentations humaines sur des jeunes femmes esclaves, c'est le pire des tabous chez les mages : se prendre pour Dieu et chambouler l'ordre naturel. Je les ai vues de mes yeux, enfermées dans des cages comme des animaux, dans leur urine et leurs excréments. Enfin, il y a Montclair. Je ne sais pas exactement ce qu'il est ni ce dont il est capable. Mais il m'a attaqué. J'ai sur moi une protection qui a réagi, mais je ne saurais dire ni quand ni comment il a agi. Il n'y avait rien : pas de fluctuation magique, pas de changement dans l'environnement, rien qui sorte de l'ordinaire. Si Montclair est capable de cela, combien de gens a-t-il éliminés ou soumis à sa volonté sans que personne ne le sache ? C'est le plus dangereux des trois.
Un silence tendu s'installa. Jean-Baptiste, les sourcils froncés, semblait peser chaque mot. Le regard qu'il lançait à Marceau n'était pas seulement méfiant – il était scrutateur, presque clinique, comme s'il cherchait à déceler la moindre trace de duplicité.
— La plupart des gens comme toi nous considèrent comme des animaux. Penses-tu que les cages du marché soient plus glorieuses que celles que tu as vues chez ces gens ? Quand tu parles d'ordre naturel, parles-tu de l'homme noir asservi sous les pieds de l'homme blanc ?
— Non… mais… elles sont torturées… transformées…
— Tout comme nombre de nos frères et sœurs… torturés, humiliés, tués. Cela n'a rien de nouveau. Tu as juste vu ce que tu considères comme des monstres, car un peu plus monstrueux ou peut-être plus francs dans leurs intentions. Mais n'oublie pas que tu croises des monstres tous les jours en te promenant dans la ville, en allant au marché, en travaillant pour eux. Tu dis avoir fui une menace commune… Moi, je ne vois que la lutte habituelle, dit-il finalement, et elle est loin d'être commune à toi et moi.
— Je peux vous aider, intervint Marceau, le sens que prenait la discussion ne lui convenait pas du tout. Il fallait reprendre la main. Je suis un mage, et cela peut toujours être utile. Je sais ce que l'on raconte sur moi : que je ne suis pas un vrai mage et que j'ai été excommunié. Un homme aussi intelligent que vous doit avoir entendu cela, et c'est vrai. Mais comme vous le voyez, je suis mercenaire et je suis toujours là, ce qui montre que j'ai quelques compétences, que vous avez expérimentées vous-même. J'ai des connaissances de l'expérience que je peux vous partager. Vous avez un magicien parmi vous, je l'ai senti. Ensemble, en combinant nos savoirs, en fusionnant nos magies, nous pouvons créer quelque chose de suffisamment puissant pour soutenir votre cause, proposa Marceau d'une voix pressante. D'ailleurs, dit-il jouant son va-tout, en observant les plans étalés au sol, il me semble que vous prévoyez de vous lancer dans la piraterie. C'est un déshonneur pour un mage du vent de servir de moteur pour un navire, je le concède. Mais je ne suis plus lié par l'honneur de l'ordre depuis ma chute. Avec moi, vos navires seraient plus rapides, plus maniables, et ne dépendraient jamais des caprices de la météo. Vous pourriez semer n'importe quel poursuivant, quelle que soit la direction du vent.
Jean-Baptiste ne répondit pas immédiatement. Il analysait chaque mot, chaque intonation de Marceau. Il était indéniable que l'affrontement qu'il avait mené contre ce mage avait été l'un des plus ardus de sa vie. Marceau, malgré son statut de paria et son manque de discipline formelle, avait fait preuve d'une ruse et d'une puissance qui l'avaient forcé à se battre avec une intensité rare. Ce constat, combiné à l'offre de compétences pratiques pour un navire, le forçait à réévaluer la place que ce mage pourrait occuper au sein de leur groupe.
Marceau reprit, tentant de renforcer son argumentation :
— Si vous voulez être plus qu'une simple épine dans le pied de Montclair et ses alliés, vous avez besoin d'atouts inattendus. Avec ma magie, vos navires deviendront des ombres insaisissables sur l'océan, et vos ennemis se retrouveront désarmés face à votre stratégie.
Jean-Baptiste plissa les yeux, laissant un long silence s'étirer, avant de finalement déclarer :
— Il est vrai que ton potentiel pourrait être utile. Mais sois prévenu, Marceau : si cette proposition cache une trahison, tu paieras le prix fort avant même de voir le lever du jour.
Le mage hocha la tête, son regard empreint de soulagement mais aussi d'une détermination nouvelle. Une étincelle d'espoir venait de renaître dans ses yeux.
— Man Hibè ? Cette vieille garce est toujours en vie ? Quel malheur.
— Que dis-tu, Hippolyte ? demanda Jean-Baptiste en se retournant vers un de ses hommes.
— Man Hibè est l'ancienne maîtresse de ma femme avant que nous nous enfuyions. Toujours accompagnée de ses chiens, trois monstres terrifiants. Ils étaient normaux au début, trois fox-terriers des plus communs, et puis elle les a remplacés. Elle en a eu d'autres, puis d'autres, de plus en plus gros, de plus en plus monstrueux. Ma femme m'a raconté que dans son domaine, de jeunes servantes disparaissaient souvent sans laisser de trace. Tout le monde la soupçonnait, même les autorités, qui sont venues enquêter plusieurs fois, ce qui montre à quel point c'était anormal, mais jamais elle ne laissait de preuves. Il paraît aussi qu'elle aurait tué son mari. On raconte que Missié Hibè avait une maîtresse, une négresse, qu'il l'avait affranchie et installée dans une villa à Port-au-Prince, où elle menait une vie de princesse. De cette relation avec cette femme, il aurait eu des enfants, des triplés. D'après les dires, Man Hibè serait devenue folle à ce moment-là, elle aurait fait tuer son mari et sa maîtresse. Les enfants encore nourrissons n'ont jamais été revus. Ce serait aussi pourquoi elle s'en prend à de jeunes filles noires, plus belles et plus fraîches qu'elle. Elle aurait une sorte de fixation maladive liée à sa folie. Certains disaient même qu'elle avait transformé les enfants de son mari en ces bêtes monstrueuses qui l'accompagnent. Ma femme a fui dès qu'elle a pu, de peur d'être la prochaine.
Jean-Baptiste fut choqué de cette révélation, et bien que méfiant, il ne pouvait ignorer les paroles d'un de ses hommes, surtout lorsqu'elles corroboraient celles de Marceau. Il reprit ses contemplations, mais une étincelle de doute semblait danser dans son regard, mêlée à une réflexion plus profonde.
— Ces gens sont une menace, c'est clair, finit-il par dire. Mais rien ne prouve que tu ne sois pas toi-même une menace. Pourquoi devrions-nous te croire ?
Marceau hésita, les mots coincés dans sa gorge, puis baissa légèrement la tête, son attitude traduisant autant l'humilité que l'épuisement. Ses épaules semblaient affaissées sous un poids invisible, celui de la vérité qu'il s'apprêtait à partager.
— Parce que je n'ai rien à perdre, murmura-t-il enfin, sa voix emplie de sincérité. Si j'avais voulu vous nuire, j'aurais utilisé mes derniers sorts pour me défendre ou pour attaquer. Mais me voilà ici, devant vous, épuisé, sans autre option que de demander… non, de supplier votre aide.
Jean-Baptiste resta silencieux, son regard perçant scrutant chaque expression, chaque nuance dans la posture de Marceau. Puis, après un long moment, il fit un signe de tête à ses hommes. Leurs armes s'abaissèrent légèrement, mais la tension dans l'air demeurait palpable.
— Suis-moi, dit-il enfin, son ton mesuré mais ferme. Mais écoute bien : si tu mens, tu ne verras pas le lever du jour.
Marceau hocha la tête en silence, trop soulagé pour répondre. Il suivit Jean-Baptiste, plongeant dans les ombres de la jungle.