Chereads / La fureur d'Aniaba / Chapter 49 - Chapitre 49

Chapter 49 - Chapitre 49

Après avoir traversé les rangées macabres de cadavres figés dans une immobilité morbide, Marceau et Armand de Lignac pénétrèrent dans une autre section de la crypte. Là, des cages alignées sur plusieurs rangées contenaient des animaux exotiques : lynx, tigres, gorilles et buffles casoar. Leurs regards brillants dans la pénombre semblaient refléter un mélange de peur et de fureur. Les bêtes, bien qu'immobilisées, dégageaient une énergie brutale, comme si elles sentaient leur fin imminente. Sur la gauche, quelques cages plus petites renfermaient des femmes noires, leurs sanglots étouffés ajoutant une dimension plus sinistre encore à cet endroit déjà accablant. Ces captives, amaigries et vêtues de haillons, se recroquevillaient sur elles-mêmes, leurs yeux implorant une clémence que personne ne leur offrirait.

Au centre de cette salle, une énorme table de granit trônait, gravée de symboles complexes et menaçants que Marceau ne reconnaissait pas. L'étrange énergie qui en émanait semblait pulser en harmonie avec les fluctuations magiques qu'il percevait depuis son entrée dans ce lieu infernal. Le sol autour de la table était taché de rouge, comme si le sang avait imprégné la roche. Une atmosphère pesante, presque suffocante, enveloppait l'endroit.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Marceau, sa voix lourde de colère et de mépris.

Armand haussa les épaules avec une indifférence calculée.

— Moi ? Rien du tout, répondit-il, imperturbable.

Une troisième voix s'éleva alors, froide et empreinte d'une ironie glaciale.

— Ceci est mon espace, mon laboratoire, annonça Mme Hubert, émergeant lentement de l'ombre.

Elle se déplaçait avec une précision presque mécanique, ses mains élevées dans un geste calculé, comme pour éviter de les souiller en touchant quoi que ce soit. Arrivée devant un pupitre en bois sombre, elle s'équipa de longs gants en cuir, qui remontaient jusqu'à ses coudes, et d'un tablier épais, taché de marques étranges. Une faible lueur émana de ses accessoires, et Marceau remarqua des runes s'allumer brièvement avant de disparaître, laissant une légère odeur d'ozone dans l'air. Tout en ajustant son tablier, Mme Hubert scruta Marceau de ses yeux glacials, un sourire mince s'étendant sur ses lèvres fines. En cet instant, elle ressemblait davantage à un boucher à l'ouvrage qu'à une alchimiste.

— Ici, je travaille avec Armand à améliorer mes créations, dit-elle avec une assurance glaciale. Armand manie la mort… Moi, en revanche, je transforme les vivants.

Marceau sentit son cœur s'accélérer, une colère sourde montant comme une vague inexorable. Pourtant, son visage resta impassible, ses traits figés dans une expression stoïque. Il observait attentivement chaque détail de cette scène d'horreur, ses yeux analysant les cages massives conçues pour contenir des créatures puissantes, mais c'étaient les captives humaines qui captaient son attention. Leur détresse, palpable dans leurs sanglots étouffés et leurs regards suppliants, constituait une insulte flagrante à toute notion d'humanité. Marceau, bien qu'imparfait et loin d'être un saint, avait ses propres limites, des lignes qu'il refusait de franchir. L'expérimentation humaine représentait pour lui, et pour tout mage digne de ce nom, un tabou absolu, une pratique abhorrée qui expliquait en grande partie le mépris général envers la nécromancie. Ce qu'il voyait ici n'était rien de moins qu'une violation grotesque de toutes les lois naturelles et éthiques qu'il s'efforçait encore un temps soit peu de respecter.

— Laboratoire… ? répéta-t-il avec un mépris à peine voilé. Cela ressemble davantage à un abattoir. Quelles horreurs êtes-vous en train de concocter ici ?

Mme Hubert avança, effleurant la surface de la table de granit avec une tendresse malsaine.

— Je travaille à la frontière de l'alchimie et de la vie, dit-elle calmement. Mon regretté mari et moi avons commencé ces recherches il y a des années. Voyez-vous, la famille de mon mari a fait fortune grâce au travail de mon beau-père, qui était un génie de la transmutation. Ses lames étaient plus tranchantes, ses armures plus solides, ses mousquets et canons plus puissants. Mais un jour, de nouvelles formules sont apparues et ont supplanté ses créations. Ce sont des choses qui arrivent en alchimie : il faut toujours innover, sinon on se fait rattraper.

Elle marqua une pause, ses yeux s'assombrissant de souvenirs amers avant de reprendre, d'une voix chargée d'émotion :

— Mon cher et tendre époux a donc eu une idée révolutionnaire : créer des armes vivantes, en modifiant des animaux. Imaginez des crocs et des griffes plus aiguisés, des os et une peau plus solides, un cerveau plus docile et plus intelligent. Ces infidèles Maures ont leurs invocations de djinns, mais même eux seraient dépassés par le nombre de mes créatures. Imaginez de simples rats, juste modifiés pour obéir aux ordres et exécuter des stratégies complexes. Ils pourraient saboter les réserves d'eau et de nourriture, harceler les soldats, semer la confusion dans les rangs ennemis. Et si cela ne vous semble pas suffisant, alors pensez à des créations plus grandes, plus fortes, des modifications plus ambitieuses : des tigres aux crocs en métal, des oiseaux capables de porter des charges explosives, des bêtes imposantes transformées en véritables machines de guerre... Ah, ah, ah ! C'était un rêve magnifique, un rêve où chaque pièce de chair et de sang servait à une cause plus grande, une symphonie de pouvoir et de domination.

Elle marqua une pause, ses yeux brillant d'une folie fiévreuse, avant de poursuivre avec intensité :

— Je l'aidais dans ce projet avant-gardiste. Mais vous savez quoi ? On nous a ri au nez. On nous a rejetés, nous disant que nous nous prenions pour des dieux, que nous touchions à des fondements sacrés qu'il ne fallait pas effleurer. On nous a traités de fous …

Sa voix monta d'un cran, emplie de rancœur et d'amertume :

— Alors nous avons fui ici, et nous avons poursuivi notre tâche. Malheureusement, mon bien-aimé n'a pas supporté cette déception. Elle l'a rongé de l'intérieur jusqu'à ce qu'elle le tue … Mais ils verront, tous autant qu'ils sont, ils verront qu'ils avaient tort. Ils verront que la frontière entre le possible et l'impossible est une illusion créée par les esprits faibles.

Elle éclata d'un rire strident et discordant, un son qui fit frissonner Marceau, tandis que ses yeux s'illuminèrent d'une lueur malsaine. Ce n'était pas un simple rire de satisfaction, mais celui d'une femme convaincue de sa grandeur, désespérément accrochée à sa vision déformée du monde.

— Ensuite, j'ai rencontré Armand. Avec Armand… elle se tourna vers lui avec un sourire satisfait, presque complice … Armand m'a permis de pousser mes créations à un niveau que je n'avais jamais osé imaginer. Ensemble, nous avons repoussé les limites de la chair et de l'âme. Nous avons révélé le potentiel véritable de l'humanité.

Elle s'approcha lentement de Marceau, ses mains légèrement tendues comme pour illustrer un concept trop grand pour être compris par des mots.

— Vous savez ce que j'ai appris durant toutes ces années ? Nous ne sommes que des animaux, avec un cerveau un peu plus développé … mais si peu finalement. La vraie question est : pourquoi nous arrêter là ? Pourquoi ne pas façonner une évolution supérieure, dans le sens que nous, les visionnaires, choisirions ? Nous sommes les sculpteurs d'une humanité nouvelle, et le monde tremblera devant nos œuvres.

— Vos « créations »… Vous parlez de ces femmes ? De ces bêtes ? explosa Marceau, incapable de contenir davantage sa colère. Ce sont des êtres vivants, pas des jouets pour vos expériences abjectes !

Mme Hubert haussa un sourcil, visiblement amusée par son emportement.

— Vous êtes si étroit d'esprit, Marceau. Ces femmes sont des outils. Leur chair, leur sang, leur essence… tout cela n'est qu'un matériau, malléable comme le fer ou le bois.

Elle claqua des doigts. Une cage s'ouvrit, et un mastiff tibétain gigantesque, modifié jusqu'à l'aberration, s'avança en grondant. Ses yeux, brillant d'une lueur surnaturelle, semblaient juger Marceau, tandis que les plaques métalliques fusionnées à sa chair émettaient un éclat terne. La bête raclait le sol de ses griffes, prête à bondir au moindre signe.

— Voici l'une de mes réussites, annonça Mme Hubert, une fierté glaciale dans la voix. Un mélange d'alchimie et de manipulation biologique. Une arme vivante, loyale et indestructible.

Marceau, les sens en alerte, recula légèrement. Le mastiff grondait, et la présence de cette créature accentuait l'oppression de l'atmosphère.

— Vous commencez à comprendre, Marceau, dit Armand, adossé à un pilier, un sourire narquois aux lèvres. Ce que nous faisons ici dépasse tout ce que vous pourriez imaginer. Nous ne sommes pas limités par des dogmes ou des lois archaïques. Nous façonnons l'avenir. Nous somme l'avenir. Soyez avec nous et vous prospérez soyez contre nous et vous tomberez

Marceau inspira profondément, essayant de contenir la rage bouillonnante en lui. Il savait qu'une confrontation directe serait suicidaire. Pourtant, il ne pouvait réprimer le mépris dans sa voix.

— Vous façonnez l'avenir, dites-vous ? Tout ce que je vois, ce sont des horreurs, des violations de la nature et de la vie elle-même. Vous jouez avec des forces que vous ne comprenez pas.

Mme Hubert rit, un rire froid et dénué de joie.

— Ah, mais c'est là toute la beauté de la science et de la magie, jeune homme. Comprendre l'incompréhensible. Repousser les limites.

Armand leva une main pour apaiser sa partenaire.

— Allons, ma chère. Ne terrifions pas notre invité avant qu'il ne voie le vrai potentiel de nos travaux.

Il se tourna vers Marceau, son sourire devenant plus large.

— Vous avez vu une infime partie de ce que nous sommes capables de faire. Mais je sens que votre esprit est curieux, Marceau. Imaginez les possibilités. Les frontières que nous pourrions briser… ensemble.

Marceau planta ses yeux dans ceux d'Armand, sa mâchoire serrée. Ces deux-là représentaient tout ce qu'il méprisait : une arrogance sans limites, une absence totale de morale, et une soif insatiable de pouvoir. Mais il savait qu'il devait partir pour mieux revenir.

— Vous êtes des monstres, murmura-t-il enfin. Et les monstres finissent toujours par tomber.

Sans attendre de réponse, il se dirigea vers la sortie, son esprit déjà occupé à élaborer un plan. Derrière lui, le rire de Mme Hubert résonna dans la crypte, suivi de la voix d'Armand.

— Monsieur Marceau je crois que vous vous méprenez, nous ne vous avons pas fait venir juste pour admirer la décoration de ma demeure mais bien pour savoir où vous vous tenez dans l'équation. Et je crois que nous avons notre réponse. Dit Armand en souriant. 

Marceau s'arrêta se tournant légèrement vers les deux individus qui le regardaient moqueurs. Il avait peur de comprendre ce qu'il se passait, la tenue de boucherie la table ce n'était pas pour une de ces bêtes ou même pour les captives. Tout cela était pour lui!

son sang ne fit qu'un tour tandis qu'un frisson d'horreur lui parcouru l'échine.

il lui fallait réfléchir a sa retraite et vite mais pour sa il lui fallait du temps 

— et quel est votre conclusion alors demanda Marceau dans l'espoir de les faire parler encore un peu

Armand sourit mystérieusement 

— Oh je crois que vous le savez déjà raison pour laquelle vous souhaitez me faire parler dit il en rigolant. Mais si il n y a que ca pour vous faire plaisir je peu parler, actuellement nous sommes à 18m sous sol personne ne vous entendra crier

Marceau sentit son souffle se raccourcir, mais il maintint une expression stoïque, son regard passant furtivement de Mme Hubert à Armand. Son esprit, déjà en ébullition, cherchait frénétiquement une issue. Le rire d'Armand résonnait encore dans la crypte, froid et cruel, tandis que Mme Hubert semblait se délecter de la tension qui emplissait l'air.

— Vous savez, Montclair souhaitait réellement vous compter parmi nous, c'est son truc vouloir imposer sa volonté à tous ceux qui sont autour de lui, moi je suis plus pragmatique et il était évident que vous diriez non, raison pour laquelle je n'ai même pas posé la question. En revanche ce que je sais, continua Armand en avançant lentement, c'est que chaque grand projet nécessite des sacrifices. Et vous, mon cher Marceau, vous représentez un sacrifice des plus précieux, nous n'avons jamais eu de sujet capable de manier la magie, fini t-il en souriant.

Marceau fit un pas en arrière, ses sens en alerte. Ses doigts effleurèrent discrètement le talisman dans sa poche intérieure, celui qui l'avait protégé de l'attaque mentale de Montclair. Il sentit une chaleur familière émaner de l'objet, comme pour lui rappeler qu'il n'était pas totalement sans défense.

— C'est fascinant, reprit Armand, ignorant délibérément l'inquiétude de son invité. Vous êtes un mage élémentaire, n'est-ce pas ? Un paria de votre ordre. Mais même ainsi, avec juste un début de formation, votre potentiel est... prometteur. Tellement prometteur, vous êtes un génie, ces bon a rien de mages ont jeté un tel génie, c'est grotesque! Mais ne vous inquiétez pas, nous, nous savoir reconnaitre le potentiel. Toujours est il que Mme Hubert et moi-même avons décidé que vous seriez le prochain sujet de nos recherches.

Mme Hubert éclata d'un rire glacial, ses yeux brillant d'une lueur malsaine.

— Imaginez, dit-elle en se rapprochant, un homme capable de manier les éléments, fusionné avec mes créations. Une arme vivante, douée de conscience et d'un pouvoir inégalé. Vous seriez la pièce maîtresse de notre collection.

Marceau sentit son cœur s'accélérer. Il avait entendu des rumeurs sur les expériences alchimiques interdites, mais il n'aurait jamais imaginé se retrouver au centre de l'une d'elles. Il serra les dents, résolu à ne pas leur donner la satisfaction de voir sa peur.

— Vous parlez beaucoup, répondit-il d'un ton sec, masquant son angoisse. Mais si vous étiez aussi compétents que vous le prétendez, vous n'auriez pas besoin de moi pour vos... « œuvres ».

Armand éclata de rire, un rire guttural qui résonna dans toute la crypte. Puis, soudain, il tendit une main, et les ombres autour de lui semblèrent s'animer. Elles ondulèrent et convergèrent vers lui, prenant la forme d'une nuée de corbeaux noirs. En un instant, il disparut, se transformant en une masse de plumes et de becs acérés qui s'élança vers Marceau.

Marceau, préparé à être attaqué, recula rapidement et invoqua une rafale de vent pour repousser la nuée. Les corbeaux furent dispersés un instant, mais ils se regroupèrent rapidement, attaquant à nouveau. Il plongea derrière une colonne, cherchant à gagner du temps.

Marceau savait qu'il devait agir vite. Il balaya la pièce des yeux et remarqua une série de flacons sur une étagère proche. Leurs contenus, luminescents et instables, semblaient prometteurs. Il tendit une main et envoya un souffle de vent pour faire tomber les flacons au sol. L'impact déclencha une série d'explosions mineures, projetant des éclats de verre et des flammes dans toute la crypte perturbant le nuée de corbeaux. 

Pendant ce temps, Mme Hubert, imperturbable, claqua des doigts. Une porte dans le mur s'ouvrit, et deux mastiffs tibétains modifiés émergèrent, leurs yeux brillant d'une lueur rougeâtre. Ils grognèrent, leurs griffes raclant le sol, avant de bondir vers Marceau.

— Vous êtes encerclé, jeune homme, dit-elle d'un ton moqueur. Autant vous rendre. Cela fera moins mal.

Marceau ne répondit pas. Il tendit une main contenant un fiole et la lança. En se brisant la fiole libera un gaz acide et corrosif à l'odeur acres. Il utilisa sa maitrise du vent pour diffuser le gaz dans toute la pièce enveloppant Armand Mme Hubert et les trois abomination qui étaient avant des chiens. Malheureusement les prisonnières furent elles aussi prise dans ce nuage de mort. Marceau entendit les chiens les autres animaux et ces femmes hurler, racler et couiner alors que le gaz faisait fonde leurs yeux et leurs voies respiratoires. "je suis désolé dit il intérieurement" avant de courir de toutes se forces vers la sortie. il savait que ce n'était pas fini, dans la cacophonie de voix qui s'élevait derrière lui il n'avait reconnu ni celle d'Armand de Lignac ni celle de Mme Hubert. Il devait profiter de la distraction pour s'enfuir au plus vite.

Armand, revenu à sa forme humaine, éclata de rire en voyant Marceau lutter.

— Vous avez de la ressource, je vous l'accorde. Mais combien de temps pensez-vous pouvoir tenir ?

— Ne le laissez pas s'échapper ! hurla Mme Hubert, ses yeux brûlant de rage. La perte de ses trois mastiffs et de l'ensemble de ses précieuses créations était une humiliation insupportable. La vieille alchimiste, envahie par une colère viscérale, serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes. "Vous me paierez cela, misérable !" cracha-t-elle, sa voix tremblant de fureur et d'un désir de vengeance insatiable. 

—Pas d'inquiétudes Mme Hubert répondit il, en clanquant des doigts

Peu à peu, alors que Marceau avançait à vive allure, les morts autour de lui commencèrent à s'animer. Sous ses yeux horrifiés, l'ensemble de la crypte se mit à grouiller de morts-vivants. Devant lui, derrière lui, au-dessus, et même à ses pieds, des bras et des jambes rigides convergeaient vers lui.

Marceau dégaina son sabre, tranchant avec désespoir dans cette forêt de corps en décomposition. Chaque coup nécessitait toute sa force, mais malgré ses efforts, les cadavres se relevaient inlassablement. Récitant une incantation, il invoqua une bourrasque de vent si puissante que, dans un rayon de cinquante mètres, les morts et les étagères furent soufflés. Les corps mutilés furent écrasés sous les débris ou projetés contre les murs. Pourtant, comme une vague inexorable, les morts se relevèrent, avançant de nouveau vers lui.

Peinant à reprendre son souffle, Marceau se força à courir, titubant sous l'épuisement de l'attaque massive qu'il venait de lancer.

— Vous ne m'aurez pas aujourd'hui, murmura-t-il entre ses dents serrées.

Armand, transformé en une nuée de corbeaux, s'élança à sa poursuite. Il réapparut devant la porte juste au moment où Marceau l'atteignait, un sourire narquois illuminant son visage, ses yeux brillant d'une malveillance presque surnaturelle.

— Vous savez, j'aime quand mes proies me résistent, dit-il, sa voix traînante emplie d'une sinistre satisfaction.

Marceau crut voir ses dents s'allonger, aiguisées comme des crocs, et une flamme étrange, presque éthérée, apparaître autour du nécromancien. L'air semblait vibrer d'une énergie oppressante, comme si le simple fait de respirer devenait un combat. Mais Marceau, bien que submergé par l'angoisse, refusa de céder à la panique. Son instinct de survie, affûté par des années de combat, prit le dessus.

Il dégaina l'un de ses pistolets, ses mouvements précis malgré la fatigue. En une fraction de seconde, il vida le chargeur de trois balles dans la direction d'Armand. Le nécromancien, avec une fluidité terrifiante, se transforma à nouveau en une nuée de corbeaux noirs, chaque balle traversant vainement les plumes spectrales. La masse d'oiseaux s'écarta brièvement, laissant le passage libre. Cependant, ce contretemps, si court soit-il, permit aux morts de rattraper Marceau.

Une main froide et décomposée se referma sur son épaule, la pression implacable de doigts squelettiques le retenant fermement. Un frisson glacial parcourut son échine. Cependant Marceau réagit avec la rapidité du désespoir. Il pivota, tranchant net ce membre mort-vivant d'un coup vif de son sabre. Le bras désarticulé tomba au sol, mais il ne s'arrêta pas pour admirer son œuvre. D'un geste précis, il lança une fiole au cœur de la masse grouillante. À l'impact, une explosion de feu liquide embrasa les cadavres, dégageant une chaleur suffocante et une puanteur insupportable.

Saisissant cette opportunité, il récita une incantation avec une voix tremblante mais déterminée. Une tornade, invoquée au point d'explosion, s'éleva dans un rugissement assourdissant, aspirant les corps en décomposition dans une colonne infernale de feu et de vent. Les flammes dévorèrent les morts, réduisant en cendres tout ce qui se trouvait sur leur passage.

De Lignac, observant à une distance prudente, esquissa un sourire froid et calculateur. Il semblait presque savourer l'ironie de la scène alors que lui même était incapable d'intervenir sans risquer de finir en cendres. Son regard s'attarda sur Marceau, qui vacillait sous l'effort. Chaque mouvement du mage témoignait d'une volonté farouche de survivre, même si ses forces déclinaient dangereusement. Pourtant, au lieu de ressentir de la frustration, De Lignac paraissait amusé, comme s'il voyait dans cette lutte désespérée une forme de spectacle divertissant, un prélude à une chasse qu'il savourerait à loisir.

Marceau, haletant et couvert de sueur, reprit sa course, son sabre encore dégoulinant des fluides noirs des cadavres. Ses jambes vacillaient sous l'effort, mais il refusait de ralentir. Chaque pas résonnait dans le silence oppressant qui s'installait à mesure que les hurlements des morts s'estompaient.

Il traversa en trombe le salon principal, où les convives continuaient de rire et de converser, totalement inconscients du chaos qui s'était déchaîné sous leurs pieds. Apercevant une fenêtre ouverte, il s'élança sans hésiter. Son corps fracassa le cadre, les éclats de verre scintillant autour de lui comme des étoiles fugitives. Utilisant sa maîtrise du vent, il expulsa les débris et amortit sa chute, atterrissant lourdement mais indemne.

Sans perdre un instant, il se redressa et courut à travers les champs de canne à sucre, ses pas martelant le sol humide. Derrière lui, le hurlement féroce des chiens se rapprochait inexorablement. Il pouvait presque sentir leur souffle ardent sur sa nuque, un rappel cruel de la chasse sans merci dont il était la proie.