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Chapter 5 - Acte 4

14 octobre 20XX - Cour du lycée

J'avais changé. Drastiquement. Sans savoir si c'était la faute de cette bête ou du pouvoir que m'avait donné Violet. Au fond, il y avait toujours en moi cette rationalité inflexible qui ne me permettait pas de voir l'utilité d'une action au-delà de son objectif. Était-ce même de la rationalité ? À présent, je ne pourrais plus le dire. Toutefois, j'avais employé toute mon énergie à me renforcer, à améliorer ce pouvoir que m'avait accordé cette femme. Tous ces efforts n'étaient dirigés que vers un unique objectif, celui d'éliminer la Bête. Il n'y avait plus rien d'autre. Inévitablement, j'en étais venue à négliger ces choses que je tenais il y a quelques semaines seulement comme très importantes. J'avais entièrement redéfini ma vision du monde, et une personne à laquelle l'ancienne moi n'aurait jamais osé parler se trouvait juste en face de moi, me toisant de son habituel regard méprisant. 

Roxane : Pourquoi tu t'es teint cette mèche en noir ? Tu voulais me recopier, c'est ça ?

En réalité, je ne m'étais pas teint les cheveux. Cette mèche avait noirci d'elle-même, mais je ne m'attendais pas à ce que Roxane comprenne, même si je lui expliquais.

Moi : Qu'est-ce que ça peut te faire ?

Roxane : Pourquoi tu voulais me parler ?

Moi : En fait, j'ai besoin de vous trois. Je compte tuer la Bête définitivement.

Elle me regarda avec scepticisme, presque prête à se moquer de moi, mais elle voyait ma détermination et commençait à réaliser que je n'étais pas en train de faire de l'humour. Elle avait sûrement été surprise de voir cette fille timide qu'elle arrivait à dominer d'un seul regard se dresser devant elle la tête haute et le visage sévère. 

Roxane : Nous trois ? Qu'est-ce que tu entends par là ?

Moi : Fleur-du-Kranou, Lucien et toi. 

J'avais anticipé sa réaction en entendant le prénom de la brute aux cheveux blancs. Elle n'était pas ravie de devoir collaborer avec cette fille contre laquelle elle se considérait en compétition, et son exaspération se lisait sur son visage. 

Roxane : Qu'est-ce qui te fait croire que t'aurais une chance de gagner ? Contrairement à nous, t'es juste une fille banale. 

Mais j'avais changé, je n'étais plus la fille sans défense qu'elle avait rencontré en début d'année. Je lui fis comprendre par une démonstration qui la laissa bouche bée. Quelques minutes plus tard, elle avait déjà réuni les deux autres personnes que j'avais mentionnées. Je décida de dissiper rapidement leur confusion avec une assertion claire.

Moi : C'est moi qui dois tuer la Bête. Vous ne devez rien faire d'autre que la retenir. 

Fleur-du-Kranou : T'es sûre de ton coup ?

Moi : Sûre et certaine. 

Cette réunion stratégique se fit dans une ambiance un peu tendue, je sentais l'inquiétude de mon amie et l'hostilité des deux autres. Heureusement, nous parvinrent très rapidement à une conclusion, et le soir même nous étions parés à traquer la Bête. 

14 octobre 20XX - Rues

Grâce à cet outil que m'avait confiée ma mentore, j'arrivais à pister l'énergie qui émanait d'elle et à remonter sa trace. Chaque pas franchi renforçait ma détermination et ma confiance. J'étais pressée d'en finir. Cette fois, je n'allais pas me faire prendre par surprise, j'allais débusquer ce monstre et je ne lui laisserai pas la moindre chance. J'étais le prédateur et il était la proie. 

Au moment où les traces d'énergie se faisaient plus fortes, indiquant que nous nous rapprochions de sa position, j'ordonnai au reste du groupe de rester sur leur garde. Je savais qu'il était capable de nous attaquer depuis l'ombre, et je ne voulais pas que ça arrive.

Heureusement, j'étais arrivée à distinguer ces deux yeux rouges dans la pénombre avant qu'il ne nous attaque. Comme convenu, je m'approchai pour servir d'appât et le tirer à découvert. La stratégie ne manqua pas, il sauta hors de sa cachette, prêt à m'attaquer, mais, avant qu'il ne m'atteigne, ses pattes furent restreintes par des chaînes d'eau. Le loup-garou et Fleur-du-Kranou avaient également fait leur part brillamment en attrapant chacun une de ses jambes et en le retenant fermement.

Moi : Je vais enfin en finir avec toi. 

Le pouvoir que m'a confié Violet était suffisant pour anéantir à jamais ce monstre. Je me souviens qu'elle m'avait expliqué qu'elle avait débloqué une capacité que je détenais enfouie en moi, une puissance dévastatrice qui pouvait même me mettre en danger. Une impulsion de mort. Une destrudo. Cette énergie qui parcourait mon corps était chargée d'une puissance que je savais ne pas pouvoir complètement maîtriser. Mais je n'avais besoin que d'en mobiliser une infime partie. Une fraction de mon pouvoir suffisait à éliminer la Bête. Je pris une grande inspiration, me remémorant mes succès lors des entraînements. La bête était immobile, je ne pouvais pas la rater. Je tendis ma main en avant et prononça le verset que j'avais appris par cœur. 

Moi : Kelc'hiad ar vuhez a zo dic'hortoz,

En em gavout ouzh o mouezhioù o ouelañ

Ha Test eus Dorn an Amzer.

Red Spektral an Ankou !

Une légère brise caressa ma joue, transportant les âmes de l'Ankou qui avaient transité par mon corps. Finalement, maintenant que j'y faisais face, c'était peut-être leurs voix qui m'avaient transformée. Je ne les avais jamais entendues plus clairement. Je serai incapable de retranscrire ce qu'elles disaient, mais je peux dire qu'une sensation de froid intense m'avait envahie et que mon coeur s'était compressé. Le sol sous mes pieds se distordait, laissant place à un vide sombre dans lequel je ne distinguais rien. Je revins très vite dans la réalité, mais la sensation d'être face au vide ne me quittait pas. Plus j'y pensais, plus ce que je voyais dans ces abysses était ma propre existence. La bête avait été emportée par l'Ankou, je le savais. Elle ne reviendrait plus, comme Violet me l'avait promis. Je mis un instant avant de réaliser que ce triomphe était absolu, et que ma vie allait revenir à la normale. Mes efforts avaient payé, et il n'y avait rien de plus réconfortant. La chaleur de la victoire vint compenser l'effet du pouvoir sur mon corps, et je sentis que j'allais prendre mes trois camarades dans mes bras pour les féliciter.

Fin de l'Acte 4