Il y a des jours qui marquent une vie. Ce jour-là en était un.Je m'appelle Oumar. Je devais avoir six ou sept ans quand mon père a disparu, du jour au lendemain. Je ne comprenais pas encore ce que cela signifiait, mais je me souviens très bien des larmes de ma mère. Ce jour-là, elle a pleuré comme si son monde entier s'était écroulé.Quelques années plus tard, ma mère s'est remariée. Au début, mon beau-père semblait être un homme gentil, aimable et attentionné. Mais dès qu'elle tournait le dos, son vrai visage apparaissait. Il me frappait pour des raisons futiles ou parfois même sans raison. Quand ma mère me demandait pourquoi j'étais blessé, je mentais. Je lui disais que je m'étais battu dehors, ne voulant pas aggraver ses souffrances.
Adolescence – Le virage de la délinquance
En grandissant, cette violence a laissé des marques en moi, pas seulement physiques, mais profondes, invisibles. À force de me taire, j'ai fini par exploser. Je suis tombé dans une vie de délinquance, traînant avec les mauvaises personnes. Mais au milieu de ce chaos, j'ai trouvé une échappatoire : le rap. J'ai commencé à écrire des textes, à mettre ma rage, ma douleur et mes espoirs dans mes mots. Peu à peu, ma musique a trouvé son public, et j'ai commencé à me faire un nom.Puis, un jour, tout a changé.L'opportunité – 19 ans
Un producteur est venu frapper à la porte de chez moi. Il m'a proposé un contrat avec sa maison de disques : 500 000 euros à la signature. Sans hésiter, j'ai accepté. Pour moi, cet argent était la clé pour sortir ma famille de l'enfer. Avec ça, ma mère pourrait quitter notre HLM pour une vraie maison, et mon petit frère, Ousman, pourrait intégrer l'école prestigieuse dont il rêvait, même si les frais étaient exorbitants – 10 000 euros par an.J'ai remis le chèque à ma mère avec une fierté immense. Je lui ai dit que tout allait changer pour nous. Quelques jours plus tard, je préparais mes affaires pour partir en tournée. C'était mon premier grand voyage, un mois entier à parcourir le monde, à donner des concerts, à faire des interviews. Mon rêve devenait réalité.Avant de partir pour ma première tournée, je suis allé voir ma mère. Elle tenait dans ses mains, ce même bracelet en argent incrusté d'or que mon père avait laissé derrière lui.— Pourquoi tu gardes ça, maman ? lui ai-je demandé. — C'est tout ce qui me reste de lui, m'a-t-elle répondu, les larmes aux yeux. Tu ne te souviens pas ? Il disait toujours que ce bracelet venait de Niani.Ce nom ne me disait rien, mais il semblait chargé de sens pour elle.Un retour amer – 1 mois plus tard
Quand je suis rentré, tout excité à l'idée de revoir ma famille, quelque chose n'allait pas. Je m'attendais à voir des cartons, à voir ma mère préparer le déménagement, mais rien n'avait changé. Nous étions toujours dans ce même HLM délabré.En montant les escaliers, j'ai croisé Ousman. Il avait la bouche en sang et les yeux remplis de larmes.— Qu'est-ce qui s'est passé ? lui ai-je demandé, alarmé. — C'est... c'est papa, m'a-t-il répondu entre deux sanglots.Je me suis précipité dans l'appartement. Là, j'ai trouvé ma mère au sol, le visage tuméfié, en pleurs.— Maman, qu'est-ce qui s'est passé ?!D'une voix tremblante, elle m'a expliqué que mon beau-père lui avait volé tout l'argent que je lui avais donné. 500 000 euros... partis. Il avait tout perdu au jeu. Quand il est revenu pour lui demander l'argent des études de mon frère, elle a refusé. Alors, il les avait tous les deux frappés, elle et Ousman, pour tenter de la forcer à lui donner le peu qu'il restait.En entendant cela, une colère noire a envahi mon esprit. Je ne voyais plus rien, je ne pensais plus à rien.Le point de rupture – Ce soir-là
Sans réfléchir, j'ai attrapé le pistolet que j'avais récupéré illégalement aux États-Unis, lors d'un concert. Je savais où il travaillait. La rage m'a guidé jusqu'au parking de son lieu de travail.Je l'ai vu. Il portait un costume trois pièces en soie, une montre de luxe à son poignet, et il s'appuyait contre une nouvelle voiture rutilante. Tout cet argent volé... tout ça pour des vêtements et des accessoires de luxe ?La haine a pris le dessus. J'ai levé l'arme et appuyé sur la détente. Une fois. Deux fois. Trois fois.Quand mes esprits me sont revenus, il était à terre, baignant dans son sang. Le pistolet tremblait dans ma main.— Je l'ai tué ?! me suis-je demandé, horrifié.Je suis parti en courant, manquant de me faire renverser plusieurs fois sur le chemin. Je suis allé chez mon meilleur ami. Quand je lui ai expliqué ce que j'avais fait, il m'a regardé droit dans les yeux.— Ne t'inquiète pas, Oumar. Je vais tout arranger. Donne-moi ce flingue.Le lendemain – La révélation
La nouvelle de la mort de mon beau-père a plongé ma mère dans un coma. Elle est restée inconsciente pendant trois jours. Quand elle s'est réveillée, elle a demandé à me voir.D'une voix faible, elle m'a dit quelque chose qui a changé ma vie :— Ton père... il n'a jamais disparu.J'étais sous le choc.— Si tu veux connaître la vérité, rends-toi à Niani, en Guinée. Tu trouveras les réponses à tes questions...Ce furent ses derniers mots. Quelques instants plus tard, le moniteur cardiaque a affiché une ligne droite.Ma mère était morte.Un cri déchirant s'est échappé de moi. J'avais perdu l'être le plus cher de ma vie. Mais ses derniers mots résonnaient encore dans ma tête : Niani.Fin de l'épisode 1