Je n'arrivais pas à dormir cette nuit-là. Bai Ye m'avait raccompagnée à ma chambre à la fin de la soirée — mes jambes tremblaient tellement que je ne pouvais pas marcher toute seule — et je fisais fixement le baldaquin de mon lit pendant des heures, essayant de donner un sens à ce qui venait de se passer dans mon esprit et mon corps.
Même après cette heure absurde dans le bain, même après qu'il eut bouleversé tous mes sens, je voulais encore plus de lui. Le feu à l'intérieur de moi n'avait été étouffé que temporairement, et lorsque qu'il me borda dans mon lit et m'embrassa pour me souhaiter une bonne nuit, les flammes reprirent de plus belle. Il m'a fallu toute ma détermination et mon contrôle pour me retenir de m'accrocher à lui et le supplier de rester.
Ce n'était pas ce à quoi je m'attendais. Depuis quand mes sentiments pour lui s'étaient-ils transformés en … de tels désirs indicibles ?
Je me tournais et me retournais dans mon lit avec inquiétude. Les draps brissaient contre ma chemise de nuit, et le tissu soyeux effleurait mes tétons, encore sensibles et légèrement enflés sous son toucher. Je tremblais, à moitié à cause de la sensation et à moitié de mortification. Les chants berçants des insectes de fin d'été jouaient sans cesse à l'extérieur de ma fenêtre, tentant de me bercer vers le sommeil. Ils n'y parvinrent pas.
~ ~
Le bain aux herbes a vraiment fait des merveilles. Même après une nuit entière sans sommeil, je sortis du lit le lendemain matin, rafraîchie et pleine d'énergie, et mon corps se sentait léger comme jamais.
Mon timing quand je passais par le jardin n'aurait pas pu être pire. Quand je croisais Bai Ye après sa pratique, les scènes lascives de la veille turbinait encore dans mon esprit, et je devais baisser la tête pour cacher mes joues rougies dans une salutation polie.
"Qing-er," il fit un signe de tête, "la boîte sur la table à thé est pour toi."
Je lancais un regard furtif à la table, perplexe. Pourquoi ne me la donnait-il pas en personne ? Quand je relevai les yeux, il avait disparu.
Je fus secrètment soulagée de rester seule pour laisser refroidir mes joues. Je marchais jusqu'à la table et prenais la petite boîte entre mes mains. Elle était faite de bois de santal foncé, et le couvercle était gravé de motifs floraux complexes. Tout comme la décoration de la chambre de bain, ce n'était pas le style typique de Bai Ye. Je l'ouvrais avec une curiosité grandissante. Que voulait-il me donner de cette manière ?
Reposant sur le fond doublé de velours de la boîte, il y avait un lotus. Mes joues se mirent à brûler de nouveau, me rappelant les pétales de lotus du bain de la veille et ce que Bai Ye avait fait avec eux. Une note de son écriture familière était attachée au côté de la boîte, avec des instructions sur comment utiliser la plante en médecine traditionnelle.
J'examinais la fleur avec le bout de mes doigts. Ce n'était pas un lotus d'eau typique, avec ses bords ondulés et fins et sa couleur blanc laiteux. Mais je me souvenais vaguement avoir vu un croquis dans un livre de médecine qui correspondait à celui-ci …
C'était un lotus des neiges, je me rappelais. Une des herbes les plus précieuses qui ne pousse que sur les Montagnes de Glace pendant l'été.
J'étais stupéfaite. Était-ce le but du voyage de Bai Ye ? Avait-il parcouru tout ce chemin jusque dans ces montagnes dangereuses simplement pour me cueillir cela ?
Je courus vers sa chambre sans réfléchir. "Bai Ye !" Je trébuchais un peu sur le seuil. "Tu n'avais pas besoin de risquer les Montagnes de Glace juste pour ça …"
De la surprise traversa son regard quand il me vit. "Tu l'as déjà vu auparavant ?" Il ne s'attendait visiblement pas à ce que je le reconnaisse.
"Je m'en souviens d'un des livres de ta bibliothèque que j'avais consulté pour autre chose," dis-je. Peut-être avait-il raison, j'avais un don pour la médecine. "Le lotus des neiges est vanté comme l'herbe miracle … Mais pourquoi ? Je n'ai pas besoin d'un ingrédient aussi précieux pour quoi que ce soit, surtout pas si …"
Surtout pas s'il avait dû se mettre en danger pour cela. Bien que je ne voulais pas blesser sa fierté en le disant.
Il se contentait de sourire. "La potion que tu as récemment brassée est rude pour ton corps. Le lotus des neiges est surtout connu pour atténuer ces effets secondaires."
"Récemment ?" Il m'a fallu un moment pour comprendre ce qu'il voulait dire, et dès que je l'ai fait, mes joues se sont à nouveau enflammées. Depuis que Bai Ye et moi avions franchi cette ligne interdite entre nous, je préparais une médecine pour moi afin de … prévenir une grossesse. Il avait dû le remarquer à partir du parfum persistant dans ma chambre.
"Maître …" J'enfonçais mes doigts dans les gravures de la boîte, incertaine de quoi dire. Pour des raisons que je ne pouvais pas expliquer, je pensais qu'il pourrait être mécontent de la potion que je fabriquais, alors je ne lui en avais pas parlé. Mais j'avais oublié le fait que son expérience en médecine était si avancée qu'il lui suffisait d'une bouffée pour savoir.
"Le lotus des neiges ne niera pas ou n'atténuera pas l'effet attendu de ta médecine," dit-il, "donc pas de souci. Et si tu veux être plus discrète, tu peux brûler un peu d'armoise pendant la préparation pour couvrir l'odeur, bien que je doute que quelqu'un d'autre au Mont Hua ait un odorat aussi aiguisé que le mien."
Quelque part, au fond de mon esprit, je réalisais que j'étais probablement la disciple la plus gâtée qui ait jamais existé. Comment pouvait-il être si prévenant et attentionné ? Comment pouvait-il être prêt à faire tant d'efforts et à prendre un tel risque juste pour moi ? Et moi, je n'étais même pas disposée à lui parler de la potion en premier lieu …
Je me sentais soudain égoïste. "J'aurais dû te le dire," baissais-je la tête en marmonnant. "Je suis désolée."
Il réduisit la distance entre nous. "Tu aurais en effet dû me le dire, Qing-er," il se pencha sur moi et chuchota à mon oreille. "Si j'avais su plus tôt que tu étais si bien préparée … J'aurais pu faire beaucoup plus, et beaucoup mieux."
Son souffle me brûlait les oreilles, et ses mots taquins rallumaient l'incendie en moi que j'avais à peine maintenu sous contrôle. Si jamais il allait m'embrasser … je ne savais pas ce que je pourrais faire ensuite.
Mais il ne le fit pas. Il se contenta de rire à ma rougeur et dit, "Reviens vite si tu dois aller cueillir des herbes matinales. Il est temps pour de nouvelles leçons."