Nobunaga avait fait du château de Gifu sa forteresse principale. Mais comme le château était encore en rénovation, l'audience avec Shizuko avait eu lieu au château de Komakiyama.
Il avait été de bonne humeur du début jusqu'à la fin.
Le nombre de ballots de riz apportés en tribut avait surpassé ses prévisions au point où les greniers étaient remplis et qu'il fallait en construire d'autres, mais il était toujours de bonne humeur malgré cela.
Il y avait une raison à cela.
"J'ai entendu dire que tu avais apporté quelque chose capable de prouver la valeur du coton."
[Je vais vous apporter quelque chose qui vous fera comprendre les bienfaits du coton], tel fut le message que Shizuko lui avait envoyé.
Nobunaga, ne pouvant contenir sa curiosité, avait hâte de voir ce qui allait lui être présenté.
"Oui, seigneur. De plus, j'ai apporté un matériau qui peut être utilisé pour la construction. Comme l'expérience du coton prendra du temps, je vais d'abord vous présenter le matériau."
Sur ces mots, Shizuko tapa légèrement des mains.
Les portes coulissantes s'ouvrirent silencieusement et Saizō et Keiji entrèrent en portant un plateau.
"Oooh..."
L'un des vassaux s'exclama en voyant ce qu'il y avait sur le plateau.
Le plateau fut placé devant Nobunaga, puis Keiji et Saizō s'inclinèrent et se mirent derrière Shizuko.
"Voici un matériau de construction utilisé au Nanban : le béton."
"... Hum, la surface est bien lisse. J'aimerais dire que c'est du beau travail mais il ne servira à rien s'il n'y a que ce morceau."
"Monseigneur, il ne faut pas se précipiter. Je n'ai certes apporté qu'un seul bloc de béton mais il a un secret."
Après avoir entendu cela, Nobunaga mit sa main sur son menton et regarda attentivement le bloc de béton.
C'était un signal de Nobunaga qui signifiait [Laisse-moi réfléchir]. Il prenait un malin plaisir à observer l'inconnu et à trouver les réponses à ses questions.
La douceur de la surface est impressionnante. C'est comme s'il avait été coupé par une excellente lame. Quant à sa dureté... hum, plutôt solide. S'il était suffisamment épais, il pourrait même bloquer un tir de mousquet.
Nobunaga inspecta soigneusement le bloc de béton, touchant sa surface, essayant de le soulever et le tapotant légèrement pour examiner sa solidité.
"Ah ha, je crois savoir ce qu'est le secret de ce baie-ton, Shizuko. Cette chose n'a pas été formée naturellement. C'est une pierre fabriquée par des mains humaines !"
"Correct, mon seigneur. Quelle perspicacité."
Shizuko se prosterna. Nobunaga la questionna en riant de bon cœur :
"C'est toujours amusant de se creuser la tête face à tes fabrications. Maintenant, dis-moi quels matériaux tu as utilisés pour fabriquer ça. Tu ne vas pas me dire que tu as utilisé des choses rares, n'est-ce pas ?"
"Les matériaux utilisés sont du gravier, du sable, de l'eau, de l'air et une mixture appelée du ciment, qui est fabriqué avec du calcaire, de l'argile, du gypse et une petite quantité de fer. Mélangez le tout selon un certain ratio, traitez le mélange selon une procédure puis laissez sécher pendant environ 30 jours. Il existe différents types de béton avec des propriétés variables en fonction de la composition, mais dans l'ensemble, ils sont tous très solides."
"Quoi ? C'est tout ce qu'il faut pour en fabriquer ?!"
Nobunaga ne put s'empêcher d'élever sa voix. Tous les matériaux cités étaient bon marché et pouvaient facilement être acquis en grand nombres.
Et c'était précisément pour cette raison que même s'il n'aurait pas été étrange que quelqu'un fasse la découverte, personne ne l'avait fait auparavant.
"Oui. J'ai résumé la méthode de fabrication ici."
"... Tu t'étais bien préparée cette fois, bravo."
Nobunaga prit le document qui décrivait la méthode de fabrication du béton et le lut.
Après avoir survolé son contenu, il le jeta à un page qui se tenait à côté.
"Apportez ça à Okabe. Il devrait pouvoir s'en servir."
Le page qui avait précipitamment saisi le document qui lui avait été jeté regarda instinctivement Nobunaga et sortit hâtivement de la pièce face au regard de ce dernier.
"À présent, je vais vous montrer la chose qui vous aidera à comprendre la valeur du coton."
Keiji et Saizō partirent en emportant le bloc de béton.
Puis ils revinrent avec un objet différent et le posèrent lentement devant Nobunaga.
Après cela, ils se remirent derrière Shizuko.
"Hooo ?"
À première vue, cela ressemblait à un drap épais. Mais cela ne ressemblait pas à un tas de tissus empilés.
On dirait plutôt que quelque chose de doux était fourré à l'intérieur.
"Voici la chose qui vous fera comprendre les bienfaits du coton... le futon."
Le futon était un type de literie très répandu au Japon.
Il gardait le corps au chaud et empêchait les douleurs corporelles provoquées en concentrant le poids du corps à un seul endroit.
Cependant, ce n'était qu'à partir de l'ère Meiji que les futons et les couettes avaient commencé à être utilisés. Avant cela, le commun peuple et les seigneurs de guerres se couvraient avec leurs vêtements et dormaient sur des matelas en paille ou en jonc.
C'était parce que les [matériaux de rembourrage] tels que le coton étaient un luxe qui ne s'obtenaient qu'en commerçant avec le Ming.
"Mon seigneur, pardonnez mon impolitesse, mais pouvez-vous vous mettre dans votre tenue de nuit afin de pouvoir profiter pleinement du confort du futon ?"
"Humph... tu veux que je m'expose ? Intéressant."
Malgré son ton colérique, Nobunaga était clairement enthousiaste et sortit de la salle d'audience.
Un moment plus tard, il revint, habillé dans sa tenue de nuit.
"Allez-y."
Shizuko exhorta Nobunaga à s'allonger sur le futon et celui-ci s'exécuta en souriant.
Après avoir confirmé que Nobunaga avait posé sa tête sur l'oreiller, qui était lui aussi fourré de coton, Shizuko souleva la couette.
C'était pour montrer à Nobunaga et à ses vassaux qu'elle ne cachait rien de dangereux. Après cela, Shizuko abaissa lentement la couette en partant des pieds de Nobunaga.
Une fois que le drap avait atteint les épaules de Nobunaga, elle recula de trois pas.
Nobuanga fut enveloppé dans un confort qui n'avait rien à voir avec les fois où il avait dormi sur le sol dur. Une chaleur apaisante se répandit lentement et il ferma inconsciemment les yeux.
Mais il se releva rapidement et jeta la couverture.
Son visage était couvert de sueur et sa respiration semblait lourde ; ses serviteurs se levèrent, surpris.
Nobunaga, ne prêtant aucune attention à eux, se couvrit le visage avec sa main et dit :
"Shizuko, c'était tellement confortable que c'en est dangereux. J'ai failli céder face au confort du futon."
Il s'avéra que Nobunaga avait simplement failli s'endormir face au confort magique du futon.
Aujourd'hui était un jour frais d'automne, il était donc naturel que Nobunaga s'était senti somnolent.
Nobunaga quitta la salle d'audience avant de revenir, de nouveau dans sa tenue formelle.
Il regarda de nouveau le futon, sa main sur son menton.
"Hum... j'ai apprécié le confort du coton."
Il avait dit cela en souriant.
***
Après avoir annoncé la production prévue de soja et de sucre brun, Shizuko reçut une récompense de Nobunaga.
C'était une récompense pour les fils de soie qui se vendaient comme des petits pains. Shizuko ne le savait pas, mais le fil de soie d'Owari approuvé par Nobunaga était un sujet tendance à Kyōtō et à Sakai.
Bien qu'il n'était pas comparable aux meilleurs fils de soie fabriqués par des artisans de premier ordre, le fil de soie d'Owari avait une caractéristique unique.
Et c'était sa qualité uniforme. Comme la fabrication du fil de soie se faisait en plusieurs étapes, et que la majorité de ces étapes nécessitait des mains humaines, les variations de la qualité étaient inévitables.
Sur une échelle de 1 à 10, une bobine de fil de soie ordinaire était principalement composée de fil de rang 9-10 avec des morceaux de rang 1-2 par-ci par-là.
Le fil de soie des Oda, en revanche, était standardisé grâce aux appareils utilisés lors de sa fabrication, alors leurs bobines contenaient uniquement des fils de rang 5-6.
Par conséquent, les marchands achetaient tout et le revendaient à prix d'or.
Shizuko, de son côté, ne savait pas quoi faire de la récompense monétaire qu'elle avait reçue.
Elle avait reçu une somme considérable mais n'était pas du genre consommatrice, elle était au contraire productrice des choses qui étaient consommées.
Elle avait pensé à acheter de nouveaux outils agricoles mais les villages n'avaient pas beaucoup d'outils qui avaient besoin d'être remplacés.
"Du coup, je vous donne un bonus."
Pensant que c'était du gâchis d'avoir de l'argent qu'elle ne pouvait pas dépensé, Shizuko ne garda qu'une certaine somme pour les cas d'urgence et distribua le reste à Keiji, Saizō, Aya et Nagayoshi.
Comme Nagayoshi était davantage un stagiaire qu'un serviteur, il avait reçu un peu moins d'argent que les trois autres. Mais cela restait une somme considérable.
"Waouh, c'est vraiment gentil, Shizucchi."
"Je vous suis extrêmement reconnaissant pour votre générosité."
Keiji la remercia avec désinvolture tandis que Saizō la remercia formellement.
"Mouais. Merci."
"J'ignore ce qu'est un [beau-nu-se] mais si vous recevez de l'argent, c'est plutôt à vous de l'utiliser."
Aya lui avait lancé une remarque parfaitement naturelle.
Cependant, bien que Shizuko avait plus de richesses qu'un paysan ordinaire n'était capable d'avoir, elle n'y touchait presque pas. Il était évident que toute somme d'argent supplémentaire qu'elle recevait ne ferait que prendre la poussière.
"Ha ha. C'est vrai que j'ai pas regardé à la dépense pour les matériaux de fabrication des briques, mais j'avais même pas écoulé la moitié de mes fonds. Du coup, c'est clair que je peux pas tout dépenser toute seule."
"Eh bien... si cela vous convient, Shizuko-sama..."
"Je préfère me concentrer sur la récolte du soja et des cannes à sucre. Le soja montre des signes d'une bonne récolte cette année, on en aura probablement encore plus que l'an dernier. Je vais peut-être devoir préparer plus de seaux."
Elle était davantage préoccupée par les cultures que par l'argent. Plutôt que d'être altruiste, Aya pensait qu'il était plus approprié de dire que ses désirs étaient différents de ceux des personnes ordinaires.
"Compris. Je vais les préparer au cas où."
Aya s'inclina devant Shizuko qui attendait avec impatience la récolte du soja.
***
Les mois suivants s'écoulèrent sans incident, et au début de décembre, la récolte du soja commença.
Comme le séchage prenait beaucoup de place et que travailler dans un seul endroit était plus efficace que de laisser les villages travailler séparément, ils avaient arraché les plantes, racines incluses, et les avaient transportées au village de Shizuko.
Le soja fut mis sur des séchoirs à linge en bambou en forme de T, les racines pointées vers le bas. Leur nombre était à couper le souffle.
Une fois séchées, les graines de soja furent battues, séparant les cosses, les insectes et les graines qu'ils avaient rongées des bonnes.
Comme ce travail nécessitait beaucoup de main-d'œuvre, un grand nombre de gens avait été rassemblé ce jour-là pour battre et trier les graines.
Une fois ce travail terminé, ils alignèrent les seaux et calculèrent le rendement de chaque village.
Les villages d'Asamachi, Misomachi, Mitsumachi et Takemachi avaient chacun des terrains agricoles de 20 ha tandis que le terrain de Motomachi faisait 50 ha.
Leurs rendements respectifs furent de 18 tonnes, 19,5 tonnes, 16 tonnes, 17,2 tonnes et 52 tonnes, soit un total de 122,7 tonnes.
La surface consacrée aux cannes à sucre était de 5 ha dans chaque village, mais ils en avaient planté autant que possible pour augmenter le rendement.
C'est parce qu'il était plus rapide et moins coûteux d'augmenter le nombre de plants à faire pousser en même temps que d'attendre qu'un petit nombre de plants poussaient bien.
Par conséquent, leurs plants de cannes à sucre avaient été espacés de 80-100 cm au lieu des 140 cm habituels.
Et ainsi, ils avaient pu récolter un peu plus qu'avec la méthode standard.
À l'échelle d'un seul champ, la différence était minuscule, mais s'ils agrandissaient leurs champs, les différences seraient bientôt visibles.
Trouver l'espacement optimal entre les plants était devenu le prochain défi de Shizuko.
Comme c'était la première fois qu'ils récoltaient de la canne à sucre, les villages avaient obtenu un rendement d'environ 60-70 tonnes par hectare.
Généralement, environ 40 % du poids total des cannes à sucre était composé de sucre, mais la quantité récoltée était légèrement plus faible. Ils en avaient récolté environ 30 %, soit environ 400 tonnes.
Néanmoins, cela restait une récolte exceptionnelle.
Nobunaga avait obtenu environ 60 tonnes de soja et 200 tonnes de sucre brun sans qu'il n'ait eu besoin de faire quoi que ce soit.
De plus, il avait acheté encore plus de soja et de sucre brun à Shizuko et ses paysans à bas prix. Les prix étaient variés car ils dépendaient des besoins des paysans, mais contrairement aux autres, ils négociaient en kilogrammes.
Le transport d'une telle quantité était une tâche difficile et le stockage l'était encore plus.
Mais en raison de l'incident provoqué par la récolte du riz, Shizuko avait demandé à ce que des silos soient construits aux châteaux de Nobunaga à Owari et à Mino.
Par conséquent, bien que le transport prenait beaucoup de temps, il n'y avait pas à s'inquiéter pour le stockage.
Et ainsi, les tributs en riz, en soja et en sucre avaient été payés.
Shizuko avait pensé qu'elle allait pouvoir se détendre jusqu'au printemps prochain, mais les choses ne s'étaient pas passées comme elle l'avait prévu.
***
"J'ai entendu dire que tu avais construit une sorte de four en pierre."
Environ une semaine après avoir livré le soja et le sucre à Nobunaga, Shizuko reçut une visite soudaine de Nōhime.
Shizuko fut complètement prise par surprise.
"O-Oui... j'ai construit un four avec des briques... pourquoi me posez-vous cette question... ?"
De plus, Nōhime n'était pas venue seule. Deux autres femmes nobles l'accompagnaient.
"Es-tu la Shizuko-dono dont parle Nōhime-sama ?"
"Tu sembles avoir notre âge."
Les deux femmes qui accompagnaient Nōhime semblaient avoir environ 20 ans et l'atmosphère entre elles suggéraient qu'elles étaient proches.
Comme elles agissaient de concert avec Nouhime, Shizuko supposa qu'elles étaient probablement des servantes proches ou les épouses officielles de deux vassaux principaux de Nobunaga.
"Ah, j'y pense, c'est la première fois que tu les rencontres. Voici les femmes légales de Kinoshita-dono et Maeda-dono, One et Matsu. Ah, pas le Maeda-dono qui est à ta charge, Shizuko."
"J-Je vois... c'est un honneur de faire votre connaissance."
Alors qu'elle baissait profondément la tête, Shizuko comprit pourquoi ces deux femmes semblaient bien s'entendre.
Si elles étaient Nene et Matsu, alors leur relation était logique. Durant l'époque d'Azuchi, leurs maisons étaient voisines et elles avaient presque le même âge, alors leur relation était plus étroite que les femmes des autres vassaux.
Shizuko fut surprise de découvrir que les deux femmes avaient une relation avec Nōhime, mais elle pensa qu'en tant qu'épouses de seigneur et de vassaux, il était normal qu'elles aient une sorte de connexion qui ne soit pas enregistrée dans l'Histoire.
"Ah, voilà donc le four en pierre."
Après que Shizuko ait conduit le trio au four en briques, Nōhime éleva la voix de façon enfantine.
Naturellement, elle n'avait pas touché le four qui était allumé. Si elle avait essayé, Shizuko l'aurait arrêté de toutes ses forces.
"Alors, Shizuko. Quel genre de délices peut-on faire avec ça ?"
"Hein, euh... beaucoup de choses. Cette fois-ci, je suis en train de faire du poulet à la vapeur..."
Nene et Matsu réagirent face au mot [poulet]. Le bon sens de l'époque Sengoku dictait qu'il était tabou de manger de la viande, en particulier les viandes de poulet, de bœuf et de cheval.
Mis à part les paysans, les samouraïs et les filles de familles militaires étaient généralement éduqués à un temple dès leur plus jeune âge.
Par conséquent, il y avait de nombreux samouraïs qui évitaient de manger du poulet.
"Nōhime-sama, le poulet est une viande interdite. Comment quelqu'un pourrait oser en manger..."
"Ho ho ho, que racontes-tu, Matsu ? Quelle différence y a-t-il entre les oiseaux sauvages que tu as mangés jusqu'à présent et un poulet ?"
Nōhime rit face à la critique de Matsu. Mais contrairement à son attitude décontractée, ses mots avaient un grand impact.
"De plus, les moines qui sont censés servir le Bouddha ne suivent pas leurs propres enseignements, ils portent des armes et se noient dans l'alcool et les femmes. Nous n'avons donc aucune raison de nous retenir."
"E-Eh bien..."
"Les choses qui nous sont interdites par les personnes d'en haut sont en réalité délicieuses et ils interdisent aux autres d'y toucher pour protéger leur part. Nous n'avons pas à écouter ces imbéciles."
Shizuko fut très impressionnée par Nōhime. Elle pensait que c'était précisément parce que Nōhime avait une façon de penser et des mœurs complètement différentes des habitants de l'époque Sengoku qu'elle avait pu devenir la femme de Nobunaga.
"Allez, Shizuko. Dépêche-toi de préparer ce plat et de ravir mon palais."
Il va sans dire que Nene et Matsu avaient apprécié le poulet au point de manger la part de Shizuko.