Ayant emporté son travail à la maison (comme d'habitude), Derek en avait fini la majeure partie aux alentours de minuit. Sa nuit maintenant libre, et le sommeil une fois de plus absent, il avait opté pour une vieille habitude, l'exercice. La natation pour être précis.
Le Manoir Haven était assez grand, et en conséquence, la demeure l'était aussi. Ce qui avait permis l'installation d'une piscine intérieure.
Une installation que Derek utilisait presque toutes les nuits, nageant longueur après longueur, jusqu'à ce qu'il soit épuisé. Habituellement, après cela, il s'endormait, littéralement, soit pour quelques minutes, soit dans un bon jour, pour une heure entière.
Ce n'était pas suffisant de sommeil pour quiconque, mais cela avait permis à Derek de tenir pendant des années, il en était donc éternellement reconnaissant. La natation avait l'avantage supplémentaire de le maintenir tonique, mais avait également l'inconvénient de faire souffrir ses muscles comme rien d'autre. Ce qui était le cas ce jour-là. Il était passé de la piscine, directement dans une baignoire d'eau glacée (s'il dérangeait le personnel pour de la glace, le mot arriverait à sa mère), alors il faisait avec ce qu'il avait.
Il venait tout juste de sortir de l'eau glacée, sa tête à peine posée sur l'oreiller quand son téléphone sonna. Il lança un regard furieux au nom de son assistante. Souhaitant à Emily rien d'autre que douleur et encore plus de douleur, mais il avait tout de même répondu, et à la fin de l'appel, Derek ne lui souhaitait que du bien.
Emily valait son pesant d'or. L'oncle de Derek complotait à nouveau. L'homme était d'avis qu'il aurait dû être nommé PDG à la mort du père de Derek. Au lieu de cela, le rôle était revenu à la mère de Derek et elle avait maintenu l'entreprise jusqu'à ce que Derek puisse prendre la relève.
Son oncle, malgré son absence totale de compétences en quoi que ce soit d'autre que dépenser de l'argent, croyait toujours qu'il était l'homme de la situation. C'est pourquoi de temps en temps, Derek devait parer une attaque de sa part.
Il aurait dû voir venir la dernière, mais son insomnie avait été pire dernièrement. Il devait beaucoup à Emily pour avoir décelé la supercherie. Un point qu'il n'a pas caché lorsqu'il est finalement arrivé au travail. Pour l'occasion, il avait opté pour des nuances sombres. Un costume noir charbon, sa chemise plus claire mais pas de beaucoup. Tout en lignes nettes et en bords impitoyables.
Comme prévu, Emily l'attendait près des ascenseurs à son arrivée. Et en le voyant, tout le monde trouva soudainement un endroit où être, laissant l'ascenseur libre pour eux deux.
"Mise à jour," dit-il une fois les portes fermées, toute sa rage dissimulée par sa voix trompeusement douce. Emily ne manqua pas une seconde, réajustant son chemisier, elle le mit au courant de toutes les informations qu'elle avait recueillies.
"La réunion a commencé, il y a cinq minutes. Je ne connais pas le sujet principal, mais elle est suivie par la majorité des gros bonnets donc ça doit être quelque chose d'important…" Derek hocha la tête pendant qu'elle continuait, classant mentalement l'information. Sans doute, tout ce qu'elle disait lui serait utile alors qu'il naviguait dans les eaux délicates du monde des affaires.
Elle le conduisit à la réunion, et une fois là, elle se mit de côté, marchant légèrement derrière lui tandis que Derek faisait son entrée.
Plus tard, il serait drôle de se rappeler de leurs réactions passant de suffisantes à horrifiées. Mais à ce moment, Derek les vit tous et sa colère devint froide et tranchante.
"Bonjour mesdames et messieurs, je semble être tombé sur une réunion secrète. Ai-je gâché ma propre fête d'anniversaire surprise?" Il sourit, en prenant soin de montrer ses dents. À la tête de la table, son oncle était furieux, son visage prenant une teinte rouge peu flatteuse. L'homme plus âgé était si en colère qu'il ne parlait même pas, se contentant de vibrer sur place, ses mains serrées en poings.
Il n'a suffi que de quelques regards de plus de Derek et tout le monde dans la salle se retourna contre son oncle comme s'il n'y avait pas de lendemain.
Toute cette histoire se révéla plutôt puérile. Son oncle voulait gratter le plan de Derek d'augmenter les salaires des employés de niveau inférieur. À la place, il voulait renverser la situation et utiliser l'argent pour remplir les poches des dirigeants.
Idiot, et sentant le manque de prévoyance.
Le Groupe Haven dépendait plus des efforts des employés de base que de la langue de bois des dirigeants. Gardez les personnes aux échelons inférieurs heureuses, et la machine dans son ensemble fonctionnait sans heurts.
Avec quelques sourires acérés de plus, et des mots bien choisis, les gens dans la salle ont vu l'erreur de leurs actions et ont pris une sortie précipitée. Tous s'en allant jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Derek, Emily, son oncle et l'assistant personnel de son oncle, Lucas, dans la salle.
"Quand cela va-t-il finir, oncle ?" demanda Derek, fixant des yeux verts familiers, mais pourtant très différents.
"Le jour où tu arrêteras de jouer les prétendants sur un siège trop grand pour toi, je cesserai volontiers d'essayer de te montrer à quel point tu es incompétent," siffla son oncle, passant à côté de Derek sans un mot de plus, son assistant le suivant de près.
Derek le laissa partir, prétendant ne pas être dérangé. Ce n'est que lorsque la porte se ferma qu'il lâcha un soupir tremblant.
Sebastian Haven n'était pas seulement l'oncle de Derek, mais aussi le jumeau identique de son père. Son père était mort depuis de nombreuses années, mais être fixé par un homme portant le visage de son père était toujours douloureux.
"Je vais m'assurer que personne ne te dérange pour la prochaine heure," vint la voix douce, et Derek acquiesça, reconnaissant.
Peut-être que s'il essayait assez fort, il pourrait rattraper un peu du sommeil qu'il avait manqué. Sans un mot, Derek se tourna et sortit de la pièce.
La journée avait à peine commencé et il éteignait déjà des feux. Si seulement il pouvait le faire après une nuit complète de sommeil. Fermant les yeux, Derek frotta ses paupières fermées en marchant, ignorant que juste à côté de lui, son assistant personnel, qui avait également passé une nuit tout aussi insatisfaisante, faisait de même.