Chereads / L'Arche du Prometheus : Le Bastion de l'Humanité / Chapter 9 - Chapitre 8 : Et repartis aussitôt

Chapter 9 - Chapitre 8 : Et repartis aussitôt

28 août 2142 - Repère de la rébellion, Beyond the Clouds

Une nuit de sommeil permit à tout le monde de récupérer. Une énergie positive émanait dans la salle de réunion, alors que Mary s'apprêtait à faire un récapitulatif. 

— Aujourd'hui est le grand jour. Le jour où nous allons reprendre notre liberté au Conseil. Même si nous avons perdu l'équipe B… Nous avons élaboré une nouvelle stratégie, grâce aux informations fournies par une source anonyme. Seth remplacera l'équipe B à lui seul, ce qui garantira sa discrétion. La Vouivre et Joshua rejoindront les membres de l'équipe A, ce qui augmentera grandement nos capacités défensives. Je continuerai à vous donner des ordres avec Maya et Maria. Est-ce bien clair ?

Aucune réponse orale, pourtant tout le monde avait hoché la tête à l'unisson. L'optimisme global avait également amené un grand sérieux chez les rebelles. Ils avaient conscience que leur chance de reprendre le contrôle tenait à ce que tous donnent le meilleur d'eux-mêmes. 

— L'équipe A rejoindra l'étage supérieur par l'ascenseur, pendant que Seth empruntera les escaliers à l'opposé de l'ascenseur, donc vous serez séparés.

La détermination se lisait sur leurs visages. La répétition de ces directives était incapable de la leur retirer. Au contraire, elle était renforcée par la conviction qu'ils devaient absolument réussir.

— Seth se positionnera au niveau du noyau, il est important de garder à l'esprit qu'il s'agit de notre monnaie d'échange, un simple moyen de faire pression lors des négociations. Cependant, si jamais ces dernières échouent, il faudra le détruire. C'est un dernier recours, mais nous avons déjà préparé l'évacuation dans le cas où ça arriverait.

Dans l'idéal, il n'y aurait pas besoin d'aller si loin. Détruire le cœur de Beyond the Clouds était non seulement dangereux pour toutes les personnes qui s'y trouvent actuellement, mais il s'agit également de ruiner le travail de plusieurs centaines de scientifiques.

— Comme nous restons en contact à tout instant avec Megane et Futakuchi-onna, l'équipe A sera informée des changements si jamais de nouvelles informations nous parviennent. Seth sera également équipé d'un simple émetteur, mais tant qu'il effacera sa présence, il sera injoignable. Cette information est très importante.

D'habitude, Seth agissait seul. Ses missions étaient réalisées suivant son plan uniquement, et il n'avait jamais eu à compter sur quelqu'un d'autre. Il était inquiet, pas de réaliser sa propre mission, mais du fait qu'il n'avait aucun pouvoir sur la réussite du premier groupe, aucun moyen de les aider. Maintenant que Mary avait fini son discours, Seth était plongé dans ses pensées, et confrontait pour la première fois l'angoisse que leur plan ne se déroule pas comme prévu. C'est en sentant le contact d'une main qui avait saisi la sienne qu'il revint à la réalité. C'était la dernière personne à qui il s'attendait qu'il vit lui tenir la main : Futakuchi-onna. Elle avait un air penaud qui cachait plus que de la timidité, et le visage empourpré. Son regard fuyait vers le sol, et elle ne prononçait pas la moindre parole. Le garçon ne parvenait pas à interpréter ce comportement.

— …C'était un gage de la Vouivre… articula finalement l'adolescente, éclairant Seth sur cette interaction des plus étranges.

— Je me disais bien, répondit-il avec un sourire nerveux.

Combien de temps devait-elle rester comme ça ? Un long silence suivit ces quelques paroles, qui mettaient encore plus mal à l'aise les deux adolescents. 

— En tout cas, j'espère te revoir en un seul morceau, reprit Seth en essayant d'ignorer l'atmosphère tendue. 

Surprise, Futakuchi-onna ne réussit pas à répondre. Elle lui lâcha la main, et se précipita vers Megane. Seth paraissait un peu embarrassé, surtout après avoir remarqué que la Vouivre était en train de l'épier avec un regard vorace. Une fois tout le monde prêt, ils partirent tous ensemble avec la vocation d'agir en héros.

28 août 2142 - Allée ouest, Beyond the Clouds

Bien que leurs objectifs se situaient à l'opposé l'un de l'autre, Seth et l'équipe B étaient amenés à faire une partie du chemin ensemble. C'était une formalité, ils avaient envisagé que la pire rencontre qu'ils pourraient faire serait une patrouille de robots, et Mary pouvait surveiller cette zone avec les caméras, et prévenir des dangers. Cependant, un événement impensable se produit. Le groupe fit la rencontre d'une jeune fille, brune, avec des yeux verts d'un éclat que Seth trouvait familier. Personne ne le réalisait encore, mais cette fille était apparue dans ce couloir, il y a quelques minutes, sans qu'elle ait pu être visible sur aucune autre caméra. La confusion s'était emparée du groupe resté au repère, mais la fille ne montrait pas le moindre signe d'hostilité. Au contraire, elle avait les yeux rougis et les joues humides, comme si elle avait pleuré. 

— Maman… sanglota la petite fille.

Seth se précipita vers elle sans y réfléchir. Il voulait la rassurer, pour qu'elle arrête de pleurer, et qu'il puisse l'aider. C'était le seul à ne pas être méfiant, et à ne pas garder ses distances.

— Vous… Est-ce que vous savez où est maman ? interrogea la petite fille en levant son regard souffrant vers le garçon qui l'avait approchée.

— Non… Mais on va la retrouver, ne t'inquiète pas… répondit Seth en la prenant par les épaules.

Il s'interrompit dans son mouvement quand un rire échappa des lèvres de la jeune fille. Ce rire hystérique qu'il ne s'attendait pas à entendre de la part d'un enfant stimula ses instincts, qui lui dictaient de reculer. Il fit plusieurs pas en arrière, sous le regard réprobateur du groupe.

— T'es vraiment ! vraiment ! vraiment naïf ! lui reprocha la Vouivre.

— Comment tu voulais que je sache que ce n'était pas vraiment un enfant abandonné ? se défendit Seth.

— Parce que FORCÉMENT qu'ils allaient tendre un piège pour nous empêcher d'atteindre notre objectif.

— Tu… Tu marques un point, concéda Seth.

La petite fille finit par cesser de rire, sûrement lasse. Mais elle avait conservé un sourire sournois qui coupait totalement avec la première impression qu'elle avait donné. Elle attrapa entre ses bras l'ours en peluche qu'elle tenait jusqu'alors dans sa main droite et commença à parler.

— Vous avez activé mon pouvoir. En répondant à ma question, vous avez déclenché le minuteur d'une bombe qui se trouve dans votre esprit, expliqua-t-elle en désignant sa boîte crânienne de l'index. 

— Hein ? Je vais exploser ? s'inquiéta Seth.

Malheureusement, il n'eut pas le droit à une réponse. Il n'était pas étonnant qu'un ennemi cherche à garder les détails de son pouvoir pour lui-même. 

— Le compte à rebours atteindra zéro dans cinq minutes. Même si vous me tuez, ça ne fera pas disparaître la bombe.

— On fait quoi ? demanda la Vouivre. J'ai pas envie que killer boy colore les murs avec son sang.

— Aucune idée… C'est un pouvoir redoutable… Peut-être qu'il a une contrepartie ? fit observer Megane.

— Sans doute, mais on n'a aucune information… marmonna Futakuchi-onna. Tu te sens bien, Seth ?

— Étonnement bien, pour quelqu'un qui va exploser dans quelques minutes.

— Euh… Capitaine ? Vous avez une solution ? s'enquit la Vouivre.

— J'ai bien peur que non.

— Killer boy va vraiment exploser alors ? Merde…

Le rire de la jeune fille retentit dans les couloirs, interrompant les réflexions du groupe qui cherchait à sauver Seth.

— Oh, rien… C'est juste… tellement drôle. Vous savez que la bombe se transmet, chaque fois que vous posez une question à quelqu'un d'autre, et qu'il vous répond, révéla-t-elle.

Tous perdirent leur couleur simultanément, à l'exception de Joshua qui gardait un calme olympien. Maintenant le problème n'était pas de savoir comment empêcher l'explosion, mais également de savoir qui allait exploser. Ils s'éloignèrent tous mutuellement, cherchant à se protéger soi, ou à protéger les autres.

— Tic tac tic tac. Vous n'avez plus beaucoup de temps. 

Il était trop tard maintenant pour trouver un moyen d'arrêter l'explosion. Ils avaient trop peu de temps pour y réfléchir, trop peu d'informations à exploiter, et la panique paralysait leurs raisonnements.

— Je crois que le feu d'artifice va bientôt commencer.

Le temps paraissait à la fois long et court. Ces quelques minutes avaient été comme dilatées par la menace qui planait sur eux. Ceux qui n'avaient pas la force de faire face au résultat de cette machination fermait les yeux. Les autres angoissaient d'avance, imaginant dans leur esprit toutes les éventualités. 

— Ka-boom.

Était-ce un problème de synchronisation ? Aucun bruit ne suivit l'onomatopée de la jeune fille. 

— Je… J'ai dit kaboom ! répéta-t-elle, comme s'il s'agissait d'une formule magique pour déclencher l'explosion.

Malgré tous ses efforts, l'explosion ne vint pas. Elle n'eut pas lieu. Les cinq minutes largement écoulées, les rebelles commençaient à reprendre leur sérénité.

— Bien sûr. Tu trouves ça marrant de te moquer de nous comme ça, p'tite peste.

Furieuse, la Vouivre l'attrapa par le col du t-shirt, la soulevant facilement jusqu'à son niveau.

— Qu'est-ce que… Ah ! Argh… Pourquoi…

— Ça a du t'amuser qu'on panique tous devant ta blague… T'es fière de toi ?

Suite au coup de pression de la Vouivre, la jeune fille se remit à pleurer. Elle n'était plus aussi impressionnante depuis que ses menaces n'avaient pas abouties.

— Non ! J'étais sérieuse ! s'écria-t-elle, en se débattant.

Elle n'avait pas menti, tout était réel : son pouvoir, et son intention de provoquer l'explosion. Pourtant, cela n'avait pas abouti, et elle avait négligé ce détail qui pouvait expliquer pourquoi aucune explosion n'avait retenti.

— Je m'étais préparé à vous piéger ! Il aurait dû marcher ! Sauf… si…

Ses pupilles se dilatèrent, elle s'arrêta de parler comme si elle avait réalisé quelque chose d'inconcevable.

— Explique-toi, merdeuse ! ordonna la Vouivre en la secouant frénétiquement.

— Mon pouvoir… ne s'active pas quand on ne me répond pas la vérité…

Elle avait l'air d'avoir perdu ses convictions. La révélation de cette faiblesse avait amené le groupe à se tourner vers Seth, qui essayait de se remémorer sa réponse. 

— Ah ! Est-ce que ça veut dire que je sais où est sa mère ? déduisit Seth.

— C'est vraiment ça qui t'a sauvé ? Tu es en vie parce que tu as menti inconsciemment ? Ta chance insolente t'a déjà sauvé deux fois ! s'exclama la Vouivre. 

Le garçon ne put s'empêcher de rire nerveusement face à cette affirmation, parce qu'il savait que ce n'était pas juste deux fois, mais la Vouivre ne pouvait pas connaître ces expériences antérieures à son intégration à la PRT. 

— C'est vrai que j'avais le sentiment d'avoir déjà vu ces yeux verts… La question maintenant, c'est de savoir où…

— Maintenant que tu le dis, cette fille a les mêmes yeux que Maya, observa Megane. Mary, tu peux aller chercher Maya ?

— Elle est à l'infirmerie. Je reviens. 

La Vouivre réalisa qu'elle était éventuellement en train de brutaliser la fille de l'infirmière, et toute sa colère se dissipa, laissant place à de la culpabilité et de l'embarras. Personne ne pouvait la blâmer pour ne pas l'avoir réalisé, mais sa précipitation à recourir à la violence était sûrement une erreur. Elle reposa délicatement la jeune fille, et lui caressa doucement les épaules, comme pour s'excuser. 

— Je t'ai pas fait mal ? demanda-t-elle avec un sourire nerveux.

— M… Maman ! Où est maman ?

Sans répondre à la Vouivre, elle se rua vers Megane qui avait prononcé ce nom familier. Au bout de quelques instants, la voix de Maya se fit entendre à l'autre bout de la communication. 

— Abigaël ! Megane, s'il-te-plaît, passe-moi Abigaël !

La jeune femme décrocha l'appareil de ses oreilles, et le tendit à la petite fille, pour qu'elle puissse entendre la voix de sa mère. Elles se réjouirent toutes deux de leurs retrouvailles, mais les rebelles avaient d'autres priorités, les explications allaient devoir attendre un moment plus calme. 

— Je pense que la meilleure solution est que je ramène la petite au repère, et que vous continuiez la mission de votre côté, proposa Seth. J'aurais juste un peu de retard par rapport à ce qui était prévu, c'est rattrapable.

Son sourire était plus convaincant que ses arguments, sans doute. Il était toujours près à se sacrifier pour son groupe, pour de mauvaises raisons, mais avec une bonne intention. 

— Je seconde, confia Mary depuis le repère.

— On est bon alors, conclut Seth en observant tout le groupe acquiescer en silence.

Ils s'attendaient à être séparés, c'était prévu dans les opérations, mais ce n'était pas non plus plaisant. C'était la deuxième fois que ça arrivait, mais contrairement à la première, leur mission serait encore plus longue. Le garçon attrapa doucement Abigaël par la main.

— On se sépare après ça, donc, je suppose qu'on se dit à tout à l'heure. Ou un truc comme ça.

— Ouais, je t'attends killer boy. 

La Vouivre tendit le poing, et en réponse Seth le cogna avec le sien. Joshua lui offrit un sourire moins intime mais tout aussi encourageant. 

— Reste en vie, Seth… Sinon, je pourrais jamais comprendre ce que tu penses, marmonna Futakuchi-onna.

— Compte sur moi ! Bon, je veux pas vous perturber avant votre super mission, bon courage !

Le garçon attrapa la petite fille dans ses bras, et la porta contre son buste. Malgré son air hargneux, elle était beaucoup plus sage et calme depuis qu'elle avait pu parler à sa mère. Il en oubliait presque le rire hystérique qu'elle avait eu il y a seulement une dizaine de minutes. C'était un retour à la case départ pour lui, mais il ne revenait pas les bras vides. Ramener Abigaël à sa mère était une mésaventure insoupçonnée, mais il était très heureux d'assister à cette réunion.

28 août 2142 - Repère de la rébellion, Beyond the Clouds

Pendant que la première équipe continuait son chemin, Seth était revenu sur ses pas en portant Abigaël. La petite n'avait pas dit le moindre mot du trajet, mais le garçon sentait son impatience sans qu'elle n'ait à l'exprimer. Ils furent chaleureusement accueilli par Maya, à qui Seth rendit sa fille. 

— Je suis si heureuse de te revoir, murmura Maya, au bord des larmes.

— Maman… Je…

Il s'en voulait de briser de telles retrouvailles, mais une question lui brûlait les lèvres, et il ne pouvait pas la laisser en suspens plus longtemps. Il s'était tu tout le trajet, attendant la présence de la mère d'Abigaël pour pouvoir l'apaiser, et maintenant les conditions étaient réunies.

— Pourquoi tu nous as attaqués ? Qu'est-ce qui t'y a poussé ?

Bien que la question la prit au dépourvu, elle était visiblement rassurée par la présence de Maya. Elle baissa le visage avec un air de culpabilité, mais eut quand même le courage de répondre. 

— Je ne voulais pas faire de mal… mais c'était le seul moyen de le sauver !

— Garde ton calme, c'est fini, rassura Seth. Prends ton temps.

La petite fille suivit le conseil du garçon, et essaya d'élaborer une explication en mettant de l'ordre dans ses idées. 

— Ce garçon, commença-t-elle, Imperator, il m'a sauvée. Pendant la révolte, je me suis retrouvée seule, et il était là pour m'aider. Si j'ai fait ça… C'était pour l'aider en retour.

Seth accueillit l'information avec un sourire indulgent.

— Si ça partait d'une bonne intention, je vois pas de raison de t'en vouloir.

Pour lui qui n'avait pas peur de tuer pour satisfaire le client, cette fille ne méritait pas d'être punie. Il la soutenait, parce qu'agir pour le bonheur de ses proches était à ses yeux une cause noble.

— Je pense… Je pense qu'il est manipulé… S'il-vous-plaît, aidez-le !

Abigaël leva vers sa mère des yeux étincelants d'une tristesse sincère, malheureusement Maya ne voulait pas que sa fille se prenne d'affection pour un criminel. 

— Ça ira… lui murmura-t-elle.

— Ils ne doivent pas lui faire de mal ! s'exclama la jeune fille qui éprouvait une forte inquiétude.

Seth posa sa main sur son épaule pour la rassurer. Il ne voulait pas repartir en laissant un enfant au bord des larmes.

— Te fais pas de soucis, mes collègues sont pas du genre à frapper les gentils.

Ce mensonge complet ne pouvait qu'endormir la méfiance d'un enfant, il ne ressentait pas tant d'estime à l'égard de ses camarades, notamment la Vouivre. Après avoir rassuré la petite, il se tourna en direction de la sortie.

— J'y retourne, il faudrait pas que je prenne du retard.

— Fais attention à toi Seth. Je vais informer le groupe à propos du garçon.

Il les salua d'un geste de la main, avant de quitter la pièce. Seth avait encore une mission à accomplir, et il avait pris du retard. Même s'il gardait une façade, il était plutôt inquiet pour ses collègues.