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Chapter 130 - Arc 7 – Épisode 2 : Passation de Pouvoir.

Pendant que Renko poursuit sa route vers le Continent de l'Ouest, les choses semblent bouger au quartier général des Shirenais et des Zigriks. En effet, dans le bureau du maître- conseiller, Lyn observe son supérieur en train d'étudier d'étranges plans signés de la main du nouveau vice-conseiller. A en juger l'expression sur le visage de la Shirenai affiliée au feu, il est aisé de deviner qu'elle ne comprend rien à ce qui est inscrit dessus. Afin de ne pas en faire part plus que ça, elle se dirige vers une fenêtre pour regarder ce qui se passe dans Kigen.

« Le mercenaire Calibak met au point de nouveaux outils pour faire face à toute éventualité. Comme nous savons, à présent, que perdre son élément sans mourir est possible, nous devons penser à des outils de secours. J'avais demandé au Négociant de lui livrer le secret de fabrication d'arcanes, qu'il aurait, apparemment, réussi à reproduire. Il a refusé. La priorité est de retrouver Renko. En toute logique, il ne peut être qu'à l'Ouest. C'est le seul Continent dont on ne sait rien. Hormis que c'est de là-bas que provenaient les anciens conseillers ainsi que nos anciennes armes. Je voudrais que tu ailles vérifier, discrètement, s'il s'y trouve. Si oui, arrête-le. explique Tencubo.

- Je ferai tout en mon pouvoir pour mettre la main sur lui. Est-il capable de masquer son énergie ?

- Je ne sais pas. Pourquoi ?

- Si oui, on sera incapable de le trouver. Je pense qu'on pourrait embaucher Rajik. Avec son flair, il serait une aide très précieuse.

- Bonne idée. Trouve-le.

- Entendu. »

Elle s'en va en prenant le soin d'effectuer une révérence avant. Quelques instants plus tard, à l'entrée de Kigen, le fameux amoureux des combats est adossé contre un arbre, endormi. Lyn le voit.Dépitée de le découvrir ainsi, elle active graduellement son aura rouge. Aucun résultat.

« Kuwané... »

Ses yeux deviennent rouges. Ses cheveux se hérissent légèrement. Sentant sa transformation arriver, Rajik sort de son sommeil subitement.

« Castagne ?! »

Elle met fin subitement à l'utilisation de son Kuwanoren et reprend une apparence normale. Comprenant qu'aucun signe évident d'une quelconque bagarre ne se profile, Rajik est extrêmement déçu.

« Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-il en se rendant compte de la présence de la Shirenai.

- C'est plutôt à moi de te poser cette question.

- Oh... Euh... Comme Kenshi est parti... Que Rai est occupé... Et que j'ai perdu mon meilleur ami... Je ne sais pas comment passer le temps. répond-il en baissant les yeux.

- Je comprends... C'est vrai que ça ne doit pas être facile à vivre... Le vice-conseiller Yoru était quelqu'un de bien. »

Son interlocuteur, encore bien affecté par cette mort dramatique, ne trouve rien à répondre.

« Je pars en mission... Et... Je me suis dit... Que tu pourrais m'accompagner ? »

Aucune réaction de sa part. Le sentiment d'impuissance, déjà ressenti à plusieurs reprises depuis le début de ses aventures avec Rai, l'assaille à nouveau, lui tordant les boyaux.

« Le maître conseiller m'a confiée une mission de la plus haute importance : mettre la main sur Renko, le dernier des subalternes des anciens conseillers, encore en vie. »

Ce n'est qu'à l'évocation de Daigaku et Aritsune qu'il finit enfin par écouter ce que Lyn lui explique.

« Avec le maître-conseiller, nous avons supposé qu'il pourrait cacher son ki. Et, comme tu es le seul apte à détecter les personnes sans [...]

- Je suis ton homme ! »

Elle rougit un peu à sa réplique.

« On va le trouver tous les deux, lui foutre deux bons pains dans la poire et le ramener ici ! Vous savez où il est ?

- Non. Comme je viens de te le dire, il est possible qu'il puisse cacher son énergie. Le ki comme vous dîtes. Mais, j'allais te dire que le maître-conseiller m'a confirmé que tu serais doué pour le localiser grâce à ton flair.

- Je n'oublie jamais les odeurs de mes adversaires ! Comme ça, si j'ai envie d'avoir une revanche, une fois devenu plus fort, je les retrouve et je les défie à nouveau ! Et, au cas où ça tournerait mal, je serai là !

- Hé ! Je sais me défendre !

- On s'affrontera ?

- Si on réussit, je te le promets.

- Pas de problème ! En avant !

« Allons-y ! »

Aucun geste affectueux de l'un ou l'autre qui pourrait trahir les sentiments qu'ils cultivent entre eux. D'une part parce que Rajik est concentré sur autre chose. D'autre part parce que Lyn, vu les propos tenus par son compagnon de voyage, pense que ce serait inapproprié. Ils partent ensemble. Pendant ce temps, dans la Chambre élémentaire, avec ce qu'il s'est passé à cause de Daigaku et Aritsune, les quatre éléments semblent discuter.

« Nous n'étions pas prêts. amorce Densetsu.

- Personne ne l'était de toute manière. On ne pouvait pas prévoir ça. répond Denki.

- Je ne savais même pas que c'était possible. s'étonne Hotto.

- Qu'est-ce qu'on doit faire maintenant ? »

Après la question de Suisei, personne n'ose proposer quoique ce soit pendant plusieurs secondes jusqu'à l'intervention de la foudre.

« Continuer ce pourquoi nous existons, c'est tout. »

Phrase plutôt inhabituelle de sa part. Ses collègues, dont les esprits sont trop préoccupés par le cas Kiyuza, n'y prêtent pas plus attention que ça. Dans un coin de l'œil, Denki remarque que l'élément terre semble tracassé.

« Toi aussi, ça te démange d'intervenir, n'est-ce pas ?

- Je ne te répondrai pas. » rétorque sèchement Densetsu.

La foudre lance un regard méchant. Aussitôt, une tension s'installe dans la pièce.

« Calmez-vous s'il vous plaît. Ça ne sert à rien de se disputer. Réfléchissons sur ce qu'on pourrait faire. Il y a peut-être quelque chose qu'on ne sait pas et qu'on peut faire. déplore l'eau.

- Et quoi donc ?

- Je ne sais pas mais […]

- Voilà, tu ne sais pas. Si l'un d'entre nous savait quoique ce soit, ce serait déjà fait. Ce qu'il s'est passé a un lien direct avec l'origine du monde.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? demande la terre.

- Une activation massive d'énergie neutre nous a ramené à un état primitif. Neutre... éléments primaires... Ça ne vous dit rien ?

- Faironne. répond le feu.

- Oui.

- Et alors ?

- Comme elle nous est antérieur, on ne peut rien faire en rapport avec ça. Je tiens à faire remarquer une chose importante. Si je ne me trompe pas, il me semble qu'il y a deux fragments d'énergie éveillée retenues de l'autre côté, n'est-ce pas ? Si vous les sentez, vous savez ce que ça veut dire. »

L'évidence sautant désormais à leurs yeux, Densetsu, Denki et Hotto se tournent vers leur collègue.

« Oh oui... C'est vrai... appuie la terre.

- Tu vas nous manquer... » enchérit celui qui a formé Tencubo au Kuwanoren.

Malgré la préservation d'une certaine dignité chez elle vis-à-vis de ceux qui ont partagé tout ce temps avec elle, Suisei ressent une profonde tristesse.

« Et toi alors ? Pourquoi tu es encore là ? Tu as pourtant élevé quelqu'un au même niveau que toi, non ? lance la foudre à l'ancien fondateur de Kigen.

- Normalement, oui. Mais... Ce fut impossible... »

Il y a de ça quelques temps, après la visite de Rai, au cimetière du Continent du Nord, Tetsuo, sous forme fantomatique, dont il manque plus de parties qu'avant, dans un élan désespéré d'échapper au triste destin qu'il subit, tente d'emprunter la faille cardinale. Soudain, la tête de celui qui lui avait ordonné de l'appeler Chijo en ressort.

« Maître ?... Vous... Vous m'avez senti arriver ?

- Tout à fait. Qu'essaies-tu de faire ?

- Je... Je voulais voir si, malgré tout, je pouvais entrer, vu que je maîtrisais le Kuwanoren de mon vivant.

- En effet, lorsqu'un manieur d'élément éveillé à cette technique meurt, il remplace son élément. Or, tu es incomplet à cause de l'énergie noire. Tu as oublié ?

- Pardonnez-moi, maître... L'énergie blanche est venue ici. J'ai pensé que, peut-être, juste sa présence avait suffit à effacer les traces de son influence sur moi. Je me suis trompé... Je suis réellement désolé...

- Tu es condamné à disparaître comme les autres.

- J'accepte mon sort... »

Dépité mais désirant rester digne envers celui qui lui a tout appris, il tourne le dos et repart vers sa dernière demeure. La tristesse qui avait touché Densetsu à ce moment-là revient dans le moment présent.

« Il a été trop affecté.

- Entendu... Le moment est venu. » déclare Denki.

Les failles du Nord, du Sud et de l'Est sont activées. Ainsi, ils procèdent à une profonde et rapide inspection du monde de Faironne, afin de trouver ces fameux fragments d'énergie suffisamment développés pour prétendre à devenir le nouvel élément de l'eau. Plusieurs secondes plus tard, il s'avère que celle du Nord réagit différemment.

« Ah... Nous avons un retour. Ils ne peuvent qu'être là. Mais, attends, tu nous as dit qu'il y en avait deux. Comment ça se passe dans ce cas ? demande Hotto.

- Aucune inquiétude. L'un d'eux n'est d'autre que celui que j'avais formé. Mais, pour la raison que vous connaissez, il ne viendra pas. L'autre t'appartient, Suisei. » précise la terre.

Dans le fameux cimetière, consacré uniquement aux plus valeureux êtres ayant servi Kigen, sur la tombe de Yoru, une étrange brume émerge. Celle-ci prend finalement forme et matérialise le fantôme du vice-conseiller. Attiré, Tetsuo apparaît également.

« Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je me suis vu mourir ! s'interroge le Zigrik, un peu désorienté par son nouvel état.

- Et tu l'es. Tu es en ce moment sur le Continent du Nord, dans notre dernière demeure. »

D'abord surpris de découvrir le mercenaire, Yoru regarde autour de lui.

« Donc... Il y a une vie après la mort... Peux-tu m'expliquer pourquoi tu es là ?

- La part d'énergie éveillée est plus importante chez le manieur adepte du Kuwanoren. Lorsque nous mourrons, notre énergie élémentaire revient à son propriétaire d'un seul coup ou progressivement, tout dépend de la fréquence et du niveau atteint de l'utilisation de l'énergie. Mais, pour ceux qui ont maîtrisé la technique ultime, c'est différent. En tout cas, je suis bien le seul dans cet état.

- Et moi dans tout ça ? »

En guise de réponse, Tetsuo lui indique la faille.

« Qu'est-ce que c'est ?

- Un portail vers un lieu unique. Je ne peux pas t'en dire plus. A mon avis, elle semble être ouverte uniquement pour toi puisque tu es là. »

Poussé par la curiosité et l'étrange détail fourni par son interlocuteur, l'ancien collègue de Tencubo se dirige vers elle.

« Félicitations, Zigrik de glace. » murmure Tetsuo, tout en baissant la tête.

En la touchant à peine, il est avalé. Après la traversée d'un espace entièrement blanc, il arrive dans la Chambre des éléments. Tous sont devant lui.

« Où suis-je ?

- Chez nous. Les éléments. » lui répond sobrement Densetsu.

Tout comme lorsqu'il avait découvert le cimetière, Yoru ne peut s'empêcher d'observer cet endroit légendaire, mentionné dans le grimoire de son mentor. Une telle découverte le perturbe. Suisei s'avance vers lui.

« Bonjour toi.

- Bonjour, noble élément de l'eau. Pourquoi suis-je ici ?

- Pour me succéder.

- Prendre... Votre relève ? ... Pourquoi ? Comment ? Pourquoi moi ? Et pourquoi pas ce fou ? s'exclame-t-il en évoquant Shipé.

- Il en pose des questions lui ! s'étonne Hotto.

- Je n'ai jamais reçu son énergie éveillée. Il est encore en vie. affirme-t-elle.

- Faux. Il a été enterré. » précise le Zigrik.

Sa phrase surprend l'autorité suprême. Tous savent que l'eau avait accueilli deux personnes en même temps. Donc, s'ils suivent la logique, en ouvrant les failles, ils auraient détecté trois fragments développés au lieu de deux. Un mystère qui excite la curiosité de Yoru.

« On parle de ça alors qu'on ne s'est pas présenté. Moi, c'est Hotto.

- Enchanté.

- Voici Denki et Densetsu, respectivement les éléments de la foudre et de la terre. »

Le visage du dernier collègue évoqué évoque une figure très familière chez le vice- conseiller.Se tient effectivement devant lui l'un des deux fondateurs de Kigen. Face à cette surprise, le Zigrik garde une expression malgré tout une expression neutre. Personne ne serait capable de déterminer si c'est du respect ou non.

« Les présentations terminées, cher affilié, je répète la raison pour laquelle tu es ici. En tant qu'unique personne éveillée au Kuwanoren valide, tu peux prétendre à ma succession. »

Un petit silence pendant lequel Yoru s'adonne à une intense réflexion.

« Je sais ce que tu ressens. C'est une grande responsabilité et […]

- J'accepte. »

Après quelques secondes de silence, Suisei esquisse un sourire. Un sceau unique, sur lequel sont dessinés quatre vagues sur les points cardinaux, vraisemblablement celui de l'élément de l'eau apparaît sur son front avant de commencer à se dupliquer sur celui de Yoru. Plus il se dévoile sur lui, plus celui de l'être qui l'a aidé dans l'acquisition de la technique ultime s'efface.

« Adieu, chère collègue. Nous saluons ton implication et ton sérieux à la tache que tu as partagé avec nous pendant tout ce temps. Repose désormais auprès de Faironne. » déclare Denki.

Une fois le processus terminé, Suisei s'évapore et disparaît. Hotto, qui était profondément attaché à elle, se retient de craquer. Son collègue géomancien, loin d'être insensible à ce genre de situations, vient le réconforter. Quand à la foudre, vu l'aspect solennel qu'incarne une passation de pouvoir comme celle-ci, il préfère ne rien montrer.

« Bienvenue parmi nous. Nouvel élément de l'eau. » entame-t-il avant de s'incliner un bref instant.

Sur le moment, Yoru pense au fait que l'être qui vient de l'accepter est le même qui a formé Kenshiro et Calibak : une information qui le déconcentre un peu.

« Nous allons tout t'apprendre.

- Merci beaucoup mais, tout d'abord, j'aimerai parler en privé avec la terre. »

Sa proposition étonne tout le monde. De quoi voudrait-il discuter avec lui ? Après réflexion, vu qu'ils savent qu'il est un Zigrik, et qu'il veut aborder un Shirenai, il y a peut-être des sujets assez sérieux qu'ils souhaitent mettre sur la table.

« C'est d'accord. »

Il s'éloigne un peu avec lui.

« Je pense que votre collègue vous a touché deux mots me concernant. Donc, cher Densetsu, vous me verrez légitime de vous demander certaines choses, n'est-ce pas ?

- Vas-y.

- Est-ce que, de votre vivant, avez reçu des informations sur la méthode employée par Fumiaki pour obtenir l'énergie noire ?

- Oui. Pour tout t'avouer, j'avais dépêché des personnes pour percer le secret de certaines expérimentations louches qu'ils réalisaient. Grâce au peu de détails découverts, nous avons pu l'imiter. Grâce à ça, j'ai pu mettre la main sur une énergie opposée à la sienne. Tu connais la suite. »

En y repensant, il n'y a aucune raison qu'il puisse mentir là-dessus. Satisfait par ses propos, Yoru ne veut pas aller plus loin.

« Quoiqu'il en soit, tu es désormais l'élément de l'eau. Dès aujourd'hui, tu es l'un des quatre piliers de l'équilibre élémentaire de Faironne et garants de sa pérennité. Et, d'après les récents événements qui nous sont parvenus, la problématique de ces énergies est désormais réglée.

- Vous avez raison.

- Sois à la hauteur de ton rang.

- Je le serai ! »

L'interjection de l'ancien vice-conseiller interpelle la foudre et le feu.

« Autre détail. Tu peux nous tutoyer. Ton nom ?

- Je m'appelle Yoru.

- Enchanté. »

Une entente cordiale désormais instaurée entre eux, le Zigrik et le Shirenai du quatuor rejoignent leurs collègues, afin de débuter l'apprentissage au nouveau venu. Pendant ce temps, dans le Continent de l'Ouest, Renko progresse seul le long d'un sentier montagneux. A en juger sa démarche, cela fait un bon moment qu'il arpente cet environnement si inhospitalier. Plusieurs jours sans doute. Grâce aux leçons transmises soit par le lieutenant Taimudo, soit par ses maîtres, il se pose un instant et extrait suffisamment d'énergie neutre pour se remettre sur pieds, tout en prenant soin de ne pas trop affecter la source. Plus tard, après être passé sous une arche rocheuse haute plusieurs centaines de mètres, il s'arrête, médusé.

« Par Faironne ! »

Devant lui, s'étend une immense zone verte circulaire, entourée de pics. Au centre de celle- ci, se trouve une cité dominée par une sorte de tour naturelle, largement plus haute que les habitations. Quatre rivières rejoignent un circuit ceinturant cette cité. Tout autour sont disposés des champs de formes géométriques différentes, très bien imbriqués les uns contre les autres.

« C'est splendide... Une telle organisation spatiale. »

Quelques instants plus tard, les yeux émerveillés par ce qu'il découvre, il longe des cultures où poussent divers fruits et légumes. Les gens qui l'aperçoivent, intrigués par son accoutrement cessent leurs activités et ne le quittent pas du regard un seul instant.

« Qu'est-ce qu'ils ont ? C'est la première fois qu'ils voient un étranger ou quoi ? » se demande l'intrus.

Encore plus tard, il arrive à l'une des quatre entrées de la cité : une porte blindée arborant un buste de femme qui tend les bras.

« Qui est représentée ainsi ? Faironne ? »

En voulant reprendre sa marche, une sorte de force invisible l'empêche d'aller plus loin.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

En baissant la tête, il aperçoit qu'à ses pieds un sceau s'est activé. Serait-ce ça la cause de son blocage ? Pas de doute possible, c'est bien ici le fief des Kiyuzas.

« Qui es-tu ? lui demande une voix semblant provenir de la figure féminine.

- Qui me parle ?

- Qui es-tu ?!

- Je... Je m'appelle Renko.

- Repars d'où tu viens et ne reviens jamais ! »

Ce qui le bloquait disparaît. Après tout ce qu'il a pu vivre, avec les derniers mots de ses maîtres encore bien ancrés dans son esprit, il est hors de question pour Renko de reculer.

« Je viens de la part des grands maîtres que furent Daigaku et Aritsune ! Ils m'ont guidé jusqu'ici ! » s'exclame-t-il.

Les personnes qui l'avaient aperçu commencent à se rassembler non loin de lui.

« Écoutez ce que j'ai à vous dire ! Ce que je vous dis est la stricte vérité ! Je suis un Kiyuza tout comme vous ! »

Aucune réponse provenant de l'autre côté de cette étrange porte. Chez le public maintenant constitué, des débats circulent. L'épéiste, avec toute la fatigue qui retombe, est presque aux bords des larmes.

« Pitié... J'ai des amis, des proches, qui ont tout perdu à cause de querelles entre ceux qui peuvent manier les éléments. Alors que je me pensais totalement foutu, un homme qui suivait leurs leçons m'a tendu la main. Grâce à lui, j'ai pris conscience de mes capacités. Malheureusement ceux qui [...] »

Tout à coup, l'immense porte s'ouvre. Enfin, Renko peut poser les yeuxsur l'intérieur de la cité. La blancheur, presque pure, des habitations, de style semblable aux maisons grecques, lui saute tout de suite au visage. Des pavés rectangulaires parfaitement imbriqués composent de manière harmonieuse le sol pour les séparer. Deux canaux coulent le long de la chaussée. Sur chaque ouverture, une petite statue féminine identiques à celle vue à l'entrée est présente.Les personnes présentes portent soit des sortes de kimonos, soit des toges antiques ou des habits bouddhistes. Les femmes ne portent pas de bijoux sur elles.Les hommes sont imberbes. Dès qu'ils remarquent l'intrus, ils le regardent fixement. Une gêne s'installe chez lui. Son arme tremble un peu sans qu'il ne le sente.Tout à coup, elle est retirée de son fourreau.

« Hé ! Qui fait ça ?! »

Sa précieuse épée lévite vers ses observateurs, la scrutant dans tous les angles, dans chacun de ses détails. Soudain, sans aucune raison directe, elle est brisée en mille morceaux.

« Hé ! »

Sous le choc, il fonce vers les restes.

« Pourquoi vous avez fait ça ?! On m'a nommé lame de Faironne ! Qu'est-ce que je vais faire sans elle maintenant ?!... Si vous cherchez les problèmes... » menace-t-il en enclenchant progressivement son aura grise.

Alors qu'il pensait une réplique de leur part, aucune réaction chez eux. Renko ne ressent aucune activité énergétique.

« Vous comprenez ce que je vous dis ou vous vous en foutez complètement ? »

En un instant, un pentagone luminescent apparaît sous lui.

« Oh non ! Quoi enc[...] ? »

Il disparaît subitement la seconde suivante. Peu de temps après, dans une pièce circulaire, une énorme tête de statue féminine, identique à celle aperçue à l'entrée, siège.Le long de la pièce, à intervalles régulières, se dressent des colonnes au pied desquelles vivent des plantes aux couleurs variées. Au centre, sont sculptées deux mains, situées au niveau du plancher, sans doute celles de la statue, placées de sorte qu'un inconnu puisse croire que la figure sculptée est en train de mendier.Renko apparaît en plein milieu après l'apparition brève du moyen de téléportation.

« Où... Où suis-je ? »

Ce lieu, si inhabituel pour lui, attrape son regard.

« C'est magnifique... »

Des bruits de pas se rapprochent. Par réflexe, l'épéiste se retourne.

« Qui êtes-vous ? Est-ce vous qui m'a amené ici ? »

Il s'agit du père de Fraya : le vénérable Ki-Igno. Ce dernier porte une longue et énorme collerette, pieds nus, une longue et ample toge blanche.

« Que viens-tu faire en cette terre sacrée ? »

Avant de répondre à son interlocuteur, pensant que, comme il a été amené ici, l'occasion de réussir sa quête se présente, il finit par poser genoux à terre et baisse la tête.

« J'ai besoin de votre aide.

- Si c'est du renfort armé dont tu parles, il en est hors de question. »

Au delà de la qualité même de ses propos, le simple fait qu'il s'adresse dans la même langue que lui l'étonne.

« Nous vivons ici en autarcie depuis plusieurs centaines d'années. Nous connaissons la paix, en total respect avec la Nature et le don de notre sauveuse. Nous vivons grâce à elle. Nous vivons pour elle. »

Comprenant qu'il évoque Faironne, en remarquant où il se trouve spécifiquement, une certaine empathie anime l'intrus.

« Pas besoin d'en dire plus, étranger. Nous avons senti la lutte entre nos deux représentants dans le Centre et les deux rejetons de l'exilé. Nous savons qui l'a remporté. Puisque, apparemment, à part l'éveil et les techniques basiques, ils ne t'ont pas tout inculqué. Laisse-moi t'expliquer certaines choses. Depuis le conflit qui marqua notre monde au fer rouge il y a deux siècles, lorsqu'un Conseil dirigé par les manieurs d'éléments cesse, selon les accords passés entre notre peuple et eux, nous envoyons les deux meilleurs d'entre nous au Centre en composer un nouveau. Lorsque celui formé par les nôtres cesse, les affiliés reprennent le relais. Et ainsi de suite. Pourquoi ? Pour éviter que les produits venus pour détruire l'équilibre de Faironne ne reviennent. Mais... Avec les récents événements, tes formateurs avaient d'autres projets en tête... Conformément à nos valeurs, aucun d'entre nous n'ira se battre là-bas. Est-ce clair ? »

Bien que le discours délivré présente une solidité imparable, Renko ne veut pas y croire. Pourquoi ces deux hommes sont allés jusque là ? Pour avoir été témoin de ce que les enfants de l'Interdit étaient capables de réaliser, il n'y a aucune raison de décrédibiliser les actions qu'ils avaient engagé.

« Monsieur, j'ai renié volontairement le corps armé dont je faisais tout d'abord parti. Les Shirenais m'avaient recruté car un de leurs étranges objets avaient réagi sur moi. Malgré tout le temps écoulé à Kigen, je fus incapable d'apprendre quoique ce soit. Sentant mon opportunité d'un meilleur avenir s'échapper, j'ai voulu faire mes preuves au poste de patrouilleur tout seul. Un autre échec. Grâce à l'un des élèves de Daigaku et Aritsune, j'ai appris les bases de la maîtrise du ki. En arrivant ici, j'ai été ébahi par votre cité... Je veux m'intégrer... Je veux... Être un des vôtres... Un vrai Kiyuza. »

Malgré tout ce qu'il reproche à ceux qui étaient sensés diriger la capitale des manieurs d'éléments jusqu'à leur mort, à travers les mots de cet inconnu, le paternel de Fraya ressent une sincérité très palpable. Une sensation qu'il n'avait pas ressenti depuis des lustres.

« Soit... Je te laisse une chance de me le prouver. Tu vas apprendre notre philosophie, nos coutumes et notre façon de vivre. Si tu remplis tous les critères, tu seras assimilé. Je serai ton instructeur, ton guide, ton intermédiaire avec Faironne. » répond le vénérable après quelques secondes de silence.

- Merci ! Que Faironne vous bénisse ! »

Le sceau pentagonal réapparaît sous les pieds des deux hommes. Ils disparaissent aussitôt pour revenir là où Renko fut emporté la première fois. Il est stupéfait par la rapidité de l'action qui vient de se produire. Les gens qui l'avaient suivi sont encore là.

« Chers concitoyens ! Veuillez accueillir cet homme ! Il veut nous connaître et devenir l'un des nôtres. Il sera en période de test. Apprenez-lui tout. Je jugerai après cette période s'il est digne de vivre parmi nous. Faironne lui a donné vie, tout comme elle nous l'a donné. Accordez-lui une chance. »

Les Kiyuzas acquiescent par un simple hochement de tête avant de venir entourer le nouveau venu d'ailleurs. L'aspect amical et chaleureux de leur approche rassure Renko qui pense tout d'abord à ses défunts maîtres, leur promettant de respecter leur dernière volonté jusqu'au bout. Sa mission est simple : tirer le maximum de renseignements possibles sur le moyen pour lui d'aller au-delà des limites d'un éveillé ordinaire, dépasser Aritsune et Daigaku et les venger en bonne et due forme. La lame de Faironne brillera de mille feux et abattra durement sur ses ennemis !