Chiyumi évincée, Taimudo à terre, tout semble tourner pour le mieux chez le groupe de Calibak. Pendant ce temps, le duel entre le maître-conseiller et le Kiyuza épéiste poursuit son cours. Les coups lame contre lame s'enchaînent. Certains chocs sont si forts qu'ils parviennent à provoquer des dégâts aux alentours, menaçant même la vie de quelques soldats de Kigen ou du camp Kiyuza. Sentant qu'aucun des deux ne progresse sur l'autre, les duellistes prennent un peu de recul, soufflent un peu avant d'amplifier leurs auras et les effets sur leurs lames respectives. Nouveau choc. En résulte une onde d'air chaud. Sur le moment, Tencubo reconnaît la ténacité de son adversaire.
« Vous ne faîtes que reculer l'échéance ! Nous gagnerons ! » affirme Renko.
Il prend un peu le dessus. Le maître-conseiller recule. L'aura de ce dernier rétrécit un peu : signe évident qu'il arrive à bout de son endurance. Déjà ? Très bizarre selon le concerné. Même si, vu son titre, son temps était majoritairement consacré à la bonne tenue de Kigen, dès qu'il le pouvait, ce dernier se donnait au perfectionnement de son Kuwanoren. Alors, comment expliquer ça ?Sa manifestation de puissance rétrécit encore. Pour Renko, le duel est fini. Sa lame brille plus fortement. Celle du maître- conseiller redevient normal tout juste avant que, soudainement, son aura prend une forme flamboyante et imposante. Si bien que, à son apparition, tout le monde arrête de se battre. Les yeux de Tencubo prennent une teinte rougeâtre.
« Kuwanéfaï ! »
Les fameuses lignes apparaissent sur ses mains et viennent recouvrir son corps.La peur et l'admiration cohabitent chez les Zigriks et les Shirenais.
« Je ne me laisserai pas impressionner ! » vocifère l'ancien candidat au poste de patrouilleur.
Il tend son arme en l'air. L'intégralité de son halo gris vient migrer vers elle.
« Ibafaréfaï ! »
Tencubo tire une boule de feu. Par réflexe, Renko vient la taper avec son arme. Impossible de la dévier.
« Ijeteréfaï ! »
Le maître-conseiller enchaîne avec un jet de feu.Le déserteur laisse tomber sa tentative précédente, lui permettant ainsi de trouver la fenêtre idéale pour esquiver de peu.Après une posture, un feu naît entre les mains de Tencubo.
« Armée de Faironne ! » crie le Kiyuza.
Les sceaux sur les fronts des soldats encore aptes à poursuivre la bataille s'activent. Un phénomène qui perturbe les Shirenais et les Zigriks à proximité.
« Donnez-moi votre énergie ! »
Des traits d'énergie partants des sceaux des soldats s'agglutinent sur l'arme de Renko. Son aura grossit. Sa lame de ki grandit. Le propriétaire rit aux éclats.
« Tu ne bloqueras pas ça ! »
En réponse, le feu produit par Tencubo grandit d'un coup. Une fois l'absorption de leurs énergies, les soldats tombent. Renko abaisse d'un trait son arme. Cela crée une onde verticale géante de ki qui scinde le sol en deux.
« Efayalyon ! »
Le maître-conseiller réplique avec un géant jet de feu qui intercepte l'attaque d'énergie neutre. Dans un premier temps, personne ne prend l'avantage mais, au bout de quelques secondes, la technique du Kiyuza progresse.
« Tu es trop faible ! »
Les soldats de Kigen prennent peur. Ce n'est pas par plaisir que, pour déjouer les pronostics à peine établis, Tencubo réplique immédiatement en injectant plus d'énergie sur les lignes qui parcourent son corps. Ainsi, il établit un statut-quo. Chose extrêmement irritante pour Renko. La caractéristique physique principale du Kuwanoren grossit d'un seul coup, recouvrant presque l'intégralité des bras, du haut du corps et des jambes de son utilisateur.Son jet de feu grossit d'un seul coup, prenant le dessus sur l'attaque adverse, le forçant à reculer et plier.
« Impossible ! »
L'attaque de la lame de Faironne est brisée. Le moment parfait pour que le maître- conseiller fonce à vive allure vers lui. Par peur ou par réflexe, Renko lâche son arme, court et saute sur le côté, un élan de survie qui lui permet d'éviter le jet.L'effort nécessaire pour en arriver jusque là engendre une intense fatigue chez le pyromancien. Les lignes redeviennent normales. Comme si ça ne suffisait pas, la brûlure reçue eu au tournoi se réactive et prend de l'ampleur. Contraint par la douleur, Tencubo redevient normal, souffrant à présent de martyr. Des patrouilleurs courent à sa rescousse. Soudain, une arcane bleue atteint la responsable de sa torture, la calmant aussitôt. Les soldats de Kigen comprennent qui en est à l'origine : Shiki.
« Vous voyez pourquoi Kenshiro et moi avons choisi une autre voie ? » lui lance-t-il avec une pointe d'arrogance.
Une Zigrik lui apporte son arme. Après un bref remerciement, tout de même chaleureux, il la saisit.
« Des pertes à déplorer ?
- Quelques unes... Des deux côtés. répond le Négociant.
- Nous avons tenu... Je suis fier de tout le monde... Kigen est intacte. »
Malgré l'absence d'une énergie aussi imposante que représentent celles créées par l'Interdit, tous tiennent bon pour que le pilier des manieurs d'éléments ne tombe pas. Aucun progrès chez le groupe affrontant sans doute l'une des personnes les plus puissantes de toute Faironne.
« On a réussi à le toucher. Mais c'est insuffisant... souligne Fraya.
- Nous nous rapprochons de la solution. C'est déjà ça. répond Yoru.
- Je confirme. Nous sommes sur la bonne voie. Restez en alerte. La victoire n'est pas encore acquise. Nous devons rester en permanence sur nos gardes.» appuie Rai.
Toujours convaincus de leur supériorité, Korit et Tekina s'avancent vers le pauvre Taimudo. Encore dans la crainte de possibles représailles s'il ne poursuit pas le combat, il tente de se relever. Malheureusement, l'intensité de sa douleur l'en empêche.
« Il est encore en vie... On va le descendre à notre manière. » affirme la Zigrik.
Dans une énième tentative de se remettre debout, en essayant de se lever en tournant, il aperçoit le groupe de Rai. Le vice-conseiller redevient normal. Son grimoire n'est plus gelé. C'est alors que le dernier lieutenant en vie voit les lances encore plantées dans le sol, commençant seulement à fondre. Celui-là a baissé sa garde. Motivé par sa haine de ceux pouvant maîtriser les éléments, il tend sa main droite vers l'une des créations de glace. Elle se met à trembler. Le duo de Zigriks, croyant qu'il s'agit ici d'un geste de désespoir, se met à rire un peu. Le sœur le vise.
« Avec quoi va-t-on te buter ? Feu ? Foudre ?... Frangin ! A toi de choisir sa mort ! »
La lance de glace est violemment extraite et aussitôt pointée vers Yoru. Le groupe de Calibak se tourne vers celui de Rai. Le mercenaire de foudre comprend immédiatement ce qui se profile sous leurs yeux.
« Professeur ! » hurle-t-il.
Alerté par son cri, ce dernier se tourne vers lui.
« Derrière vous ! »
A peine Rai, Fraya et Rajik jettent leurs regards vers le Zigrik de foudre que le Kiyuza fait un mouvement de main ample et rapide.
« Crève ! »
Avec toutes les forces qui lui restent, Taimudo la propulse à vive allure vers le vice- conseiller. A cause de l'énorme quantité d'énergie neutre utilisée pour la manipuler à distance, il n'a pas le temps de réagir. Même Rai qui, malgré sa vélocité, avait entamé un mouvement pour l'intercepter, pris par surprise, n'est pas assez rapide. Yoru est empalé au niveau du ventre. Tous les sauveurs de Faironne sont sous le choc. Le lieutenant parvient à peine à esquisser un sourire. Le spécialiste de la glace tombe. Rai arrive auprès de lui. Tekina et Korit, pourtant hostiles envers lui, ne peuvent supporter ce qu'il vient de se passer envers l'un des leurs. Taimudo, sous l'adrénaline de la réussite, rit légèrement. La sœur se tourne vers lui.
« T'es encore plus une crevure que nous toi... »
Daigaku, face à l'exploit de son élève, s'en réjouit.
« Iyaweréfaï ! »
Elle tue Taimudo à bout portant avec un projectile de feu en pleine tête. Yoru crache beaucoup de sang. Devant cette scène d'horreur, Rajik est comme pétrifié. Une lumière jaillit de la main droite de Rai. Il la pose sur son ami.
« Je vais te soigner en te donnant de l'énergie ! Accroche toi !
- Laisse tomber... Même en supposant que tu me restaures... Mes points vitaux sont... Atteints... Tu ne peux rien faire... Je n'ai pas été assez vigilant... J'aurais du liquéfier mes lances... Erreur de ma part.
- Non ! Je refuse de te laisser cette fois !
- Rai... Je t'en prie... Ne les laisse pas gagner... Rai... Après Rajik, tu fus mon seul ami... Je ne t'oublierai jamais. »
C'est sur ces paroles que l'homme qui lui donna son nom succombe.
« Yoru ? »
Aucune réponse. Le Zigrik le plus puissant de sa génération vient de les quitter. Une situation que ne peut concevoir le porteur de l'Hoshaku.
« Yoru !! »
Fraya baisse la tête. Lyn ferme les yeux. Un chagrin immense s'empare de Calibak.
« Professeur... »
Le plus affecté parmi tout le monde ne peut être que Rajik. Sans lui, il n'aurait sans doute jamais retrouvé la parole. Sans lui, il serait certainement encore dans la forêt à vivre comme un véritable animal. Dans sa tête, loin d'être creuse, tous ses souvenirs avec lui s'enchaînent les uns après les autres, sous un rythme frénétique, sans aucun contrôle.
« Mon premier ami. »
La tristesse se métamorphose soudainement en une rage de plus en plus instable, réagissant directement sur ses réserves d'énergie neutre, même celles encore endormies depuis tout ce temps. Les verrous qu'il s'était imposé inconsciemment depuis leur rencontre sautent chacun à leur tour, de plus en plus vite. La rivière de ki circulant dans ses veines se change en un torrent.
« Mon tout... »
Causant le retour du symbole en forme de lotus sur son torse. Les environs viennent lui donner de l'énergie, au point où des plantes meurent sur un kilomètre. Un phénomène loin d'être inconnu pour la Kozana et surtout pour les anciens conseillers.
« L'un des talents de Ki-Ramen. identifie Daigaku.
- Cette... Sensation. lâche Fraya à voix basse, limite tremblante.
- Premier... »
Une légère aura émerge de lui. Un vent à l'intensité progressive s'installe. Les sens de tous les manieurs d'éléments à proximité s'affolent.
« Ami. »
Soudain, sous l'image du corps sans vie de Yoru, les pupilles de Rajik disparaissent. Sa manifestation physique d'énergie explose. Ses veines deviennent apparentes. Une couche très dense de ki le recouvre.
« Rajik ? » s'étonne Rai, ne le reconnaissant plus.
Lorsque Lyn réalise de tout part de lui, elle n'en revient pas. Il cachait une telle force en lui depuis tout ce temps ? Comment est-ce possible ? Même réaction, en pire, pour Calibak. Ce Kiyuza pourrait surpasser, s'il se base sur les croyances qui ont circulé depuis deux siècles, la légende en personne : Ki-Ramen. Enfin, pour le duo infernal, un mélange d'effroi et d'excitation l'anime. Pour ses membres, aucune question à se poser, désormais, leurs ennemis vont morfler.
« Tout ce ki... C'est parfait. » se réjouit Aritsune.
Uniquement guidé par ses émotions, Rajik se tourne vers les responsables premiers de la mort de son précieux ami. Dans ses poings se concentre une importante partie de l'énergie qui vient de se réveiller en lui.
« Amène le. demande-t-il à son partenaire.
- Avec grand plaisir ! »
Un sceau apparaît sur la paume de sa main gauche. Le signal si particulier émis par ce dernier parvient à Calibak. Le son étrange qui en découle le perturbe énormément, l'empêchant ainsi d'identifier la technique en préparation chez Daigaku. La seconde suivante, celui-ci se téléporte juste à côté de Rajik et pose une main sur son dos. Un geste qui le paralyse immédiatement. Un mouvement que personne n'a pu suivre, Rai inclus. Encore une seconde au bout de laquelle l'ancien conseiller se téléporte avec lui juste à côté des ruines.
« Maintenant ! »
Ce n'est qu'à peine ce mot prononcé que les partisans du camp des sauveurs de Faironne se rendent compte de ce qu'il vient de se passer. Aritsune pose sa main droite sur Rajik et touche l'aura des ruines avec sa main droite. Rai tire une sphère d'énergie blanche à pleine vitesse.
« Nektilyon. »
L'attaque désespérée du porteur de l'Hoshaku est désintégrée à mi-distance. Calibak et Lyn tentent à leur tour avec leurs techniques respectives. Résultats identiques. L'aura de leur victime migre vers les ruines. En dernier recours, l'ancien Kiyuza sort une munition.
« Bokfaraï ! »
Une rafale de trois éclairs fonce vers ceux qui détiennent Rajik captif. En vain. Aussitôt tirés, aussitôt évaporés. Fraya, avec le sort qu'a subi Kenshiro bien en tête, fonce à vive allure, poing droit chargé, vers Aritsune.
« Dismiser. »
Daigaku la repousse en utilisant sa propre énergie contre elle. Il ne reste plus rien de l'aura du sauveur Kiyuza, perdant ainsi toutes les caractéristiques physiques apparues lors de son déchaînement. Vidé, il tombe, quasi inconscient. Les ruines émanent alors une lumière continue : signe que tout est prêt.
« Parfait. »
Tant de temps passé à la concrétisation de leur plan, voilà enfin leur récompense. Les cœurs battants à la chamade, les deux maîtres de Kigen tendent les mains vers les ruines.
« Iyawer Kangayon !! »
Un énorme rayon légèrement grisâtre est tiré vers le ciel, sous les yeux impuissants de tous ceux qui ont tant donné pour ne pas que ça se produise.
« On a... Échoué... Désolée maître Tencubo. » avoue Lyn, complètement abattue moralement, les larmes presque prêtes à couler.
Pendant ce temps, sur le champ de bataille de Kigen, personne ne se doute de la menace qui approche à grande vitesse. Certains soldats menés par Renko sont tombés inconscients.
« Maître-conseiller, que faisons-nous des Izniens et des Braliens ? Ils peuvent se réveiller, non ? » demande un Shirenai.
Le Négociant en regarde quelques uns.
« Je ne détecte plus aucun flux énergétique en eux hormis la circulation du sang. Pour ce qui est de faire quoique ce soit avec eux... Je n'en sais rien... Ils ont de l'argent sur eux ?
- Négociant... Ces personnes ont subi une manipulation extrême... Les tuer ne ferait qu'appuyer ce que nos ennemis ont pointé du doigt... Que ceux qui ont assez de force... Récupèrent les corps de vos camarades et les regroupent. Dès que nous pourrons, nous leur ferons une procession funèbre digne de ce nom. Négociant, allez aux ruines. Peut-être qu'ils ont besoin de vous. »
D'abord réticent vu qu'il préfère ne pas se mêler directement à des conflits, exception faite, il s'en va. A peine parti, tous les patrouilleurs vivants, lui-même et Tencubo se figent une seconde.
« Qu'est-ce que c'est ? s'interroge un Zigrik.
- Une... Une énergie massive s'approche. » ajoute un autre.
Tencubo, beaucoup plus sensible que tout le monde à cause de son niveau élevé de développement énergétique, sent une chaleur écrasante lui compresser la poitrine. Ce qui se dirige vers eux est dangereux. Soudain, tous aperçoivent le rayon tiré depuis les ruines arriver en leur direction. Personne n'a le temps de réagir ou de comprendre la nature du danger qu'il les percute tous, tout en redonnant au passage de l'énergie aux soldats Kiyuzas encore en vie. Des sphères lumineuses, portant les couleurs des quatre éléments, sortent du maître-conseiller, de Shiki et de tous les patrouilleurs avant de partir vers les quatre points cardinaux. Ce phénomène engendre chez eux une intense fatigue, et non la mort en temps normal. En ouvrant les yeux, c'est la stupéfaction.
« Je... Je ne détecte plus aucun signal. » affirme un Shirenai.
Intrigué par ses propos, d'autres, par effet domino, tentent d'utiliser les capacités que leur procuraient leurs éléments. En vain. Une panique générale s'installe.
« On ne sent plus rien !! » crie à l'unisson une majorité d'entre eux.
L'ami de Kenshiro et le maître-conseiller constatent également le même effet de leurs côtés. Cela ne peut signifier qu'une chose : l'équipe de Rai a échoué. Les Kiyuzas se relèvent. Les sceaux sur leurs fronts se réactivent. La peur vient de changer de camp;
« Sans éléments... On est sans défense. » lâche un Zigrik, les bras tremblants d'effroi, sur le point même de s'écrouler.
L'armée de Faironne s'avance, sans comprendre ce qu'il s'est passé entre temps mais, peu importe, à voir la tête de leurs ennemis, il est facile de deviner que la roue vient de tourner en leur faveur.
« Hé ! Les Shirenais ! Vous avez des armes ! Vous seuls pouvez-vous défendre !
- Oui mais... Contre des personnes qui n'ont pas d'élément et que nous-même nous n'en avons plus... On n'a pas été formé pour ça.
- Et le début de votre entraînement c'était quoi ? »
Un silence assourdissant règne dans leurs rangs tandis que le pas soutenu du camp adverse gagne du terrain.
« Shirenais ! Défendez-vous jusqu'à la mort ! » crie Tencubo en brandissant son arme, imitant presque la posture de la statue de Densetsu.
Désorienté par ce qu'il vient de se produire, personne n'ose répondre. Se battre sans élément, aurait-il perdu la raison ?
« Notre honneur avant tout ! Même sans pouvoir, nous sommes le dernier rempart des valeurs que nous défendons ! Le dernier bouclier ! Nos morts et ceux des temps passés nous observent ! Tenez-vous vraiment à salir leur mémoire ? Leur héritage ? Peu importe ce qui vous a convaincu à adopter nos coutumes et notre Code. Une seule volonté nous unit ! Celle de protéger ce à quoi nous tenons ! Tous avec moi ! »
Convaincus par son discours débordant de détermination et de courage, les Shirenais brandissent leurs armes et se joignent à lui, d'égal à égal, prêts à recevoir les premiers coups. Pendant ce temps, les quatre groupes de sphères lumineuses, après s'être répartis selon leur couleur,poursuivent leur course effrénée à travers le Continent central. Chaque groupe se dirige vers le continent qui lui correspond : rouge pour le Sud, bleu pour l'Est, jaune pour le Nord et vert pour l'Ouest. A Suiden, la capitale où séjourna Rai, les habitants voient les bleues traverser le village à vive allure, dont Jomei, qui ne sait absolument pas de quoi il s'agit. Après tout, de mémoire de villageois, personne n'a été témoin de ce phénomène. Au Sud, dans le village natif de Lyn, tout le monde aperçoit les rouges parcourir leur habitat.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » se demande un habitant.
Au Nord, dans le village natif de Rai, les trois amis d'enfance et les autres voient toutes les jaunes foncer aussi d'un seul corps.
« C'est quoi ça ? s'étonne Isas.
- Ils viennent tous de Kigen ! souligne Mabushi en basant sur la direction d'où elles proviennent.
- Le centre... Vient de tomber. » en conclut le chef Chozaburo, d'un ton grave.
Une telle annonce bouleverse tous ceux se trouvant à proximité de lui. Le quartier historique des Shirenais subir une telle perte d'énergie ? C'est inconcevable ! Que s'est-il passé ? A l'Ouest, Ki-Igno, en pleine méditation, suite à une violente secousse qui l'a parcouru, se lève subitement. En alerte, il court jusqu'à un balcon et voit les vertes s'empresser de rejoindre l'unique sommet rocheux surplombant la capitale Kiyuza.
« Ils ont osé... Bravo... Vous venez de condamner Faironne. »
Enfin, dans la Chambre élémentaire, à cause de ce qu'ils ont appris de la part de Rai et du dernier phénomène en date chez eux, tous patientent, inquiets. Les éléments sont assis, sauf la foudre.
« Vous croyez qu'ils ont réussi ? amorce Hotto.
- Pour le moment, tout est normal donc ça va. répond Densetsu.
- Tu veux qu'on aille vérifier pour s'en assurer ? propose Suisei.
- Cesse de dire des conneries ! Tu sais très bien que c'est impossible en dehors de nos résidences secondaires ! rétorque violemment Denki.
- Mais je veux savoir ce qu'il se passe ! rebondit le feu.
- Tu t'inquiètes pour celui que tu as entraîné ? s'étonne la terre.
- Oui... Je l'aimais bien.
- Il te reste encore une part d'humanité après tout ce temps.
- C'est grave ?
- Après ce que Rai nous a dit, je ne pense pas. Moi, ça fait des lustres que je ne le suis plus. » souligne l'eau.
Densetsu, avec les souvenirs de son dernier combat contre Fumiaki encore bien vivaces dans son esprit, préfère ne plus rien ajouter. Les gardera-t-il éternellement jusqu'à ce que ses erreurs soient réparées par les générations à venir ? Personne ne peut répondre à cette question.
« Et toi Denki ?
- Je ne m'en souviens plus... Mais je me mentirai si je disais que je ne m'inquiète pour personne. répond-il après un léger silence pendant lequel il réfléchissait.
- Ah oui ? Et pour qui tu te fais du souci ? O toi le plus distant d'entre nous ? s'étonne le feu sous une pointe d'ironie.
- Ce Shirenai qui avait mis son développement initial entre parenthèses... Au début, je prenais ce geste comme une véritable hérésie. Lorsqu'on partage une puissance comme la mienne, on se doit de s'imposer. C'était comme ça à mon époque. A croire qu'effectivement les temps ont bien changé. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre... Cet homme... J'espère du plus profond de moi qu'il ne lui est rien arrivé. »
Ses collègues, impressionnés par un tel aveu de sentiment de sa part, restent silencieux.
« Quoi ?
- Rien... Nous sommes heureux et étonnés de te voir ainsi. lui avoue Suisei.
- Il n'y a peut-être aucune crainte à av[...] »
A peine allait-il terminer sa phrase que, tout à coup, les quatre portes qui servent de passerelles entre le monde de Faironne et eux gonflent. Interpellés par cet événement inhabituel, par réflexe, ils tentent tous de calmer la leur. Malheureusement, un peu trop tard. D'un coup, celle de Denki s'ouvre. Les sphères jaunes lui rentrent dedans. Son aura explose. Une rentrée d'énergie bien trop importante qui lui fait perdre le contrôle. Conséquence, il balance des éclairs à tout va.
« Denki ! Reprends-toi ! » supplie l'eau.
Celle qui retenait les sphères bleues s'ouvre. Même effet. En ce qui la concerne, elle ne cesse de s'étendre au sol.
« Suisei ! » crie la terre.
- Bordel ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Autant d'énergie qui revient d'un seul coup... Soit quelqu'un a réalisé un véritable carnage sur Faironne soit... Rai a échoué ! »
Celle derrière l'ancien fondateur de Kigen, la porte cardinale de l'Ouest, retrouve subitement son état normal et s'ouvre. Les sphères vertes lui rentrent dedans à son tour. Il ne cesse de grossir sous la forme de rochers qui s'agglomèrent.
« C'est un cauchemar ! » panique le dernier élément encore intact.
La porte du Sud est presque sur le point de laisser passer ce qui se presse derrière elle. Plusieurs fois Hotto manque d'être touché par la foudre ou par un rocher. L'eau s'approche dangereusement de lui. Pas moyen pour ses collègues de reprendre leurs esprits. Le déséquilibre ainsi engendré chez eux n'est pas sans conséquences de l'autre côté. Loin de là. Le ciel s'assombrit intensément. Le vent se lève brusquement. La terre se met à trembler de manière discontinue. Des failles se forment. Des éclairs frappent et brûlent des arbres et des buissons. Les feux grossissent d'un seul coup.
« Les éléments ! Ils se déchaînent ! constate Rai.
- Qu'est-ce qu'ils foutent ?! Ils vont nous gêner ! se plaint Fraya.
- Ils ont perdu le contrôle d'eux-mêmes. Ces deux types ont sans doute forcé les parts d'énergie des éléments à quitter les corps des Shirenais et Zigriks à Kigen. Un renvoi massif. Chose qu'ils ne peuvent gérer et qui amène à ce qu'il se passe là. »
Rai, en colère par rapport à la perte de son ami et par rapport à ce qui est en train de se passer, se tourne vers les anciens conseillers, les poings serrés. Ses yeux émettent un peu de lumière. Ce déferlement élémentaire provoque le retour des mots presque inaudibles dans la tête de la Kozana. Gênée, elle se bouche l'oreille gauche. Un chaos bienfaiteur pour ses créateurs. Devant un tel spectacle, Daigaku et Aritsune affichent un large sourire. Pour eux, peu importe s'ils doivent blesser dans un premier temps ce qu'a construit Faironne, tout ce qui compte c'est que plus personne ne doit avoir accès aux éléments. Ils en sont convaincus. Ils iront au bout des actions engagées par Ki- Ramen. Ils bâtiront un monde plus harmonieux. Le retour de l'Interdit malgré le désordre présent ? Impossible. Cette légende ne se base sur rien. Après tout, tant que les éléments existent, ce qui le retient perdurera. Il ne leur reste plus qu'une seule chose à accomplir : vaincre ses enfants une bonne fois pour toutes.