Après ce qui semble être à première vue une énième défaite pour le Kirioku, Rai rejoint ses plus fervents alliés dans la haute autorité énergétique. Le corps de Fraya reste inanimé. Denki, toujours préoccupé par son analyse du cas de l'énergie noire et focalisé sur la première hypothèse à son sujet, reste à l'écart. Densetsu met fin à l'existence du masque qu'il avait crée auparavant. Dans son regard, on peut y voir une fierté profonde en tant que précédent hôte de l'énergie blanche.
« Tu l'as totalement dominé ! C'était impeccable ! Et quelle rapidité ! s'excite Hotto, les étoiles dans les yeux.
- Merci merci mais point d'autres compliments s'il vous plaît. Je veux retourner à l'entraînement.
- Tu n'es pas satisfait ?
- Non. Faîtes d'autres combinaisons. Il m'en faut plus. Réactivez les portes et expulsez-la.
- Qu'est-ce que tu fais ? Nous allons la sortir d'ici. Tu nous rejoints ? propose Suisei à la foudre.
- Non. Je peux m'en occuper tout seul. »
Bien que sa proposition semble surprenante, vu son caractère parfois explosif, personne n'ose la remettre en question.
« Ne l'envoyez pas dans le Nord ou l'Est. J'ai rencontré des personnes formidables. Je n'ai pas envie, qu'à son réveil, elle vienne les embêter. » précise Rai.
« Utilisons la mienne. » avance le feu.
L'élément se rapproche de la porte cardinale dont il a la charge. Suisei, Densetsu et Rai s'apprêtent à commencer la phase suivante de l'entraînement. Pendant ce temps, au bureau du maître-conseiller, lui-même en compagnie de Shiki, tous les deux consultants divers documents, on toque.
« Entrez ! »
L'associé du Négociant qui avait croisé le Kirioku dans sa fuite vient parler à l'oreille de son patron.
« Oh. Apporte-la. »
Quelques secondes plus tard, il revient en amenant entre ses bras celle qui devait surveiller l'énergie noire. Dès que Tencubo la remarque, il sursaute et se dirige expressément auprès de sa protégée.
« Lyn ! Réponds ! Lyn ! Tu m'entends ? »
L'éclaireur chuchote à son patron.
« Ah... Bon... Comment dire... Le Kirioku s'est fait la malle. Il a ordonné à mon assistant de le retirer d'elle et de le jeter au loin.
- Allez chercher Yoru. Il est encore ici. » lui indique-t-il après un petit silence.
Le subordonné de Shiki, après la réception d'un de ses ordres, quitte les lieux. Tencubo, très préoccupé par l'état de sa mercenaire, rumine. Pourquoi une telle demande ? Même si Lyn ne possède pas la quantité d'énergie idéale pour que le Kirioku s'y installe longtemps, qu'est-ce qui le pousserait à en arriver là ? Soudain, Rajik débarque. Mêmes réactions que le maître-conseiller.
« Lyn !
- Comment as-tu su qu'elle était là ?
- Son odeur... Que lui est-il arrivé ?
- L'artefact maudit s'en est retiré. Mais elle reste inconsciente. Shiki a envoyé un de ses employés dépêcher Yoru pour voir ce qu'il peut faire. Si le Kirioku parvient à retrouver Rai, nous serons incapables d'endiguer le fléau qui menace de se répandre dans tout Faironne. Si seulement nous savions où il se trouve.
- Je vais engager tout mon réseau. S'il réapparaît quelque part, je le saurais rapidement.
- Encore une fois, je vous remercie cher Négociant.
- Comme vous le savez, lorsqu'on me demande un service, ce n'est pas gratuit.
- Sérieusement ?
- Je plaisante !
- Ce n'est pas le moment de rire ! »
Cette phrase ne pouvait pas tomber plus juste. En effet, aux ruines de Ki-Ramen, les prédécesseurs de Tencubo et Yoru sont toujours là, presque en train de méditer, dans un état de tranquillité coupant complètement avec l'ambiance régnant sur Kigen. Taimudo les rejoint.
« Général, j'ai une mauvaise nouvelle à [...]
- Nous sommes déjà au courant. L'énergie noire est de retour. interrompt brutalement Daigaku.
- Nous sommes extrêmement déçus. Elle est partie rechercher l'autre énergie. Les opposés s'attirent. Ces deux-là vont encore se confronter et ça risque de nous gêner.
- J'ai du utiliser une pierre de téléportation pour l'éloigner de Bral. Mais j'ignore où elle a pu atterrir.
- Pas loin de la faille cardinale du continent du Sud. Je l'ai senti s'activer à plusieurs reprises mais, là, ça fait un moment que je ne la détecte plus. Elle a du utiliser la faille. suppose Aritsune.
- Qu'importe ! Tant qu'elle ne réapparaît pas, nous pouvons continuer à dérouler notre plan. Il me semble avoir réussi à accélérer la recharge du tir de neutralisation mais, pour en être sur, il faudrait le tester sur un exploiteur des éléments. Lieutenant Taimudo, tu peux disposer.
- Compris. »
Le Kiyuza se retire. Au bureau du maître-conseiller Tencubo, La mercenaire pyromancienne ne s'est toujours pas réveillée. Rajik semble complètement désemparé de la voir ainsi. Qu'est-ce que peut bien faire Yoru ? Ses jambes tremblantes trahissent son impatience. Heureusement, bonne nouvelle, l'employé de Shiki revient, accompagné du vice-conseiller.Calibak les a suivi. Le spécialiste de la glace constate l'état de la Shirenai. Le flux d'énergie en elle circule à faible vitesse.
« Mon associé a ramené votre camarade après que l'artefact lui a ordonné de la retirer d'elle. » rappelle le Négociant.
Sa déclaration attise la curiosité du Zigrik. Sa première théorie se focalise sur le fait qu'il a retrouvé Fraya mais, ne possédant pas assez de preuves pour l'appuyer, Yoru préfère ne rien partager.
« On peut faire quelque chose ? demande Rajik.
- Je peux essayer de lui balancer une décharge pour la réveiller. propose le mercenaire de foudre.
- Dans l'état où elle se trouve, je pense que c'est une mauvaise idée. Il lui faudrait plus un apport de chaleur qu'une réactivation des nerfs. Je ne peux confirmer d'avance qu'elle elle reviendra à elle. Déjà, il faut l'aider à retrouver un niveau d'énergie normal. Tencubo, nous allons avoir besoin de toi.
- Je suis prêt.
- Rajik, mets-la debout.
Le Kiyuza la redresse et tient sa tête par l'arrière.
« Nous allons faire un transfert.
- Comme on a fait avec Rai et Kenshi ?
- En effet, mais ne t'en fais pas, tu ne seras pas inclus dedans car tu ne maîtrises aucune énergie élémentaire. Donc tu ne peux en recevoir. Du moins en théorie. Cher Tencubo, placez une main sur son front. »
Son homologue hiérarchique suit aveuglément ses directives en plaçant la droite.
« Elle est froide !
- Pas du tout ! rétorque Rajik.
- Les Shirenais de feu sont beaucoup plus sensibles aux écarts de températures. Pour toi elle est normale mais pas pour lui.
- Ensuite ?
- Activez votre aura et tentez de lui donner une part d'énergie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de différence de température.
- Compris. »
Commence donc une phase de concentration pendant laquelle de fines lignes rouges translucides, caractéristiques à un éveil partiel, du Kuwanoren apparaissent sur la paume de sa main. Une légère aura un peu plus orangée l'entoure.
« Je sens un changement.
- Parfait. Le transfert fonctionne. »
Après quelques instants, le Shirenai pyromancien, dès qu'il ne ressent plus rien de choquant, se retire.
« Lyn ? Tu m'entends ? » demande Rajik.
Malheureusement pour le Kiyuza, aucune réponse ne lui vient. La déception qui en découle lui ronge les entrailles. Point habitué à cette intense sensation, il ne sait pas comment la gérer. Aussitôt, il essaye de cacher la tristesse présente sur son visage.
« Apparemment, ça nécessite un traitement plus poussé. Rajik, porte-la et suis-moi. »
Sur ces mots, les deux anciens compagnons de voyage quittent les lieux. Tencubo, face à ce drame, se sent profondément coupable. S'il avait fait preuve de plus de vigilance, jamais le Kirioku n'aurait pu sortir de ces murs.
« Vous n'avez rien à vous reprocher. Tout le monde fait des erreurs. » lui avoue Shiki dans un élan de solidarité.
Tout à coup, un patrouilleur entre à son tour dans son bureau.
« Salutations maître conseiller Tencubo. Désolé de vous déranger, vous avez sans doute des affaires urgentes à régler. Cependant, nous devons vous voir.
- Qu'est-ce qui vous amène ? »
Quelques instants plus tard, le soldat, en compagnie de ses deux frères d'armes, apporte la foudre la plus rapide de Kigen, sidérant sur place le maître-conseiller, son ami d'enfance et même son homologue d'élément.
« Que s'est-il passé ? demande expressément ce dernier sous la panique, attitude complètement inhabituelle pour l'associé présent.
- Nous l'avons retrouvé allongé au sol. Nous n'en savons pas plus que ça.
- Mercenaire Calibak, patrouilleurs, amenez-le à Yoru le plus vite possible !
- Pourquoi moi ?
- Tout de suite ! »
Ni une, ni deux, refroidi par le rappel à l'ordre du maître-conseiller, le Zigrik de foudre obéit. Les soldats transportent Kenshiro après un bref salut vers leur supérieur hiérarchique suprême. Plus personne ne pourra déranger Tencubo. Sur son visage et celui du Négociant réside désormais une sorte de terreur.
« Votre consœur et maintenant mon ami... Par Faironne, qu'est-ce qu'il se passe ?!
- Espérons que ce ne sont pas les responsables des récents événements qui sont à l'origine de son état. S'ils ne reviennent pas à eux rapidement, nous serons affaiblis si notre ennemi se décide à passer à l'action.
- Vous n'êtes pas totalement sans défense. Il y a vous, le Zigrik de glace, celui de foudre, ce Kiyuza... Vos patrouilles... Si mon réseau réussit, Rai vous viendra en aide. Rien n'est perdu. »
Après ces paroles pleines d'espoir malgré le contexte défavorable actuel, le Shirenai se retient de se jeter dans les bras d'un homme parfois difficile en affaires. Pendant ce temps,dans la Chambre Élémentaire, Densetsu, Suisei et Hotto sont alignés devant Rai. Le sauveur de Faironne s'apprête à subir la suite de son rude entraînement.
« Es-tu sur de ce que tu fais ? lui demande l'eau.
- Tu n'as pas contré une combinaison de deux éléments. Alors trois... Je pense sincèrement que c'est impossible malgré ce que tu portes. ajoute l'ancien fondateur de Kigen.
- Si tu veux, nous pouvons revenir à l'étape précédente, histoire que tu t'y habitues.
- Allez-y. »
La détermination de leur visiteur les surprend au point qu'ils sont parfaitement incapables de comprendre si c'est de la pure folie ou non. Après quelques secondes de concertation, les trois éléments se sentent à leur tour prêts.
« Moi d'abord alors. » amorce Suisei en activant son aura.
L'influence de son énergie ne se laisse pas désirer. Aussitôt, l'air se charge en humidité. La peau de Densetsu, entièrement constituée de terre, commence à brunir, voir noircir à cause de la forte teneur en eau. Un peu de vapeur éclate sur celle d'Hotto.
« Broktél Awor ! »
Grâce à cette formule, la puissance du torrent qu'elle vient d'invoquer pourrait briser n'importe quelle porte cardinale.Malgré cette impressionnante caractéristique qui ferait trembler tout adepte de cet élément sur Faironne, Rai le bloque avec sa main droite.
« Jumbarel Isilaber ! »
Les bras de Densetsu se transforment en sable. Il les joint au torrent, mêlant alors à ce dernier de la terre et quelques morceaux de rochers. Afin de parfaitement contrer la quantité d'énergie présente, Rai, tout en activant son aura, utilise ses deux mains. L'alliance parfaite entre ces deux forces constitue un réel obstacle pour lui. Mais, comme il leur a déjà stipulé, il ne peut se permettre d'abandonner. Ainsi, en résulte une augmentation de ce qu'il dégage. Une lumière blanche de plus en plus prononcée émane de lui. C'est avec une certaine amertume qu'Hotto s'avance, presque désolé de devoir y participer. Il active lui aussi son aura.
« Ikolamaril-éfaï ! »
Deux colonnes de feu rejoignent le mélange. L'ensemble augmente en volume. Face à cette montagne de puissance, le sauveur de Faironnecommence à reculer. La lumière qu'il produit vacille, contrairement à sa détermination. Ses yeux blanchissent légèrement.Contrairement à son homologue qui dévore tout ce qu'il touche, le porteur de l'Hoshaku s'approprie une partie de ce qui l'attaque et en augmente l'attaque. L'effet de recul cesse immédiatement.
« Incroyable ! s'étonne Densetsu, apparemment ignorant de l'existence de cette aptitude.
- Il y est presque. Engageons-nous plus. Il faut le pousser ! » incite le feu.
Pour la première fois sans doute de leurs vies en tant qu'entités suprêmes de Faironne, repoussés dans leurs retranchements, tous les trois engagent le pinacle de leurs puissances respectives. Leur attaque combinée subit une drastique amplification. Une fois de plus, l'ancien manieur de foudre perd du terrain. Pour ses amis, pour le monde qu'il veut défendre à tout prix, Rai va jusqu'au bout de ses limites. Ses yeux blanchissent un peu plus. La lumière qu'il produit atteint un seuil d'intensité jusque-là jamais égalé. C'est alors que, au milieu de la part de l'assaut qu'il a pu s'approprier, unrayon d'énergie blanche surgit, suffisant pour que la triple combinaison commence à se rétracter. Un tel progrès ne leur échappe pas. Va-t-il céder malgré tout ? En raison de l'état instable de la manifestation concrète d'énergie de l'ancien Shirenai, la question se pose pendant quelques instants parmi les trois assaillants. Soudain, une étrange vibration traverse Densetsu. Un malaise s'empare de lui. Lorsqu'une seconde vient le secouer, il entend partiellement un mot se finissant par -Az.
« Arrêtons ! » ordonne-t-il en cessant sa participation.
Sans comprendre le motif derrière, Suisei et Hotto mettent fin à leurs injections. Le rayon se disperse tout juste avant qu'il puisse les atteindre. Rai, épuisé, pose son genou gauche au sol. La lumière s'évapore. Seuls ses yeux gardent la teinte acquise.
« Il est... Monstrueusement impressionnant. » relève le mentor de Tencubo.
Inquiets, ils viennent jusqu'à leur poulain.
« Tu vas bien ? demande Suisei.
- Oui... parvient-il à prononcer malgré l'épuisement.
- Écoute, pour le moment, nous allons en rester là. Repose-toi. Tu as été beaucoup plus loin que nous l'aurions pensé. Un effort de plus trop tôt et plus jamais tu ne te relèveras. »
Sous ces conseils, titubant tout le long, Rai s'isole un peu plus loin. Les trois éléments, encore choqués de la prouesse dont ils viennent d'être témoins, sont bouleversés. Pour le moment, leur antre parvient à contenir tout ça. Mais pour combien de temps encore ? En attendant la réponse, Densetsu regarde Denki, encore affairé auprès du corps de Fraya.
« Qu'est-ce qu'il fait auprès d'elle ?
- Il ne l'a pas quitté depuis tout ce temps. » répond Hotto.
La foudre, absolument convaincue que l'énergie neutre ne peut subsister aussi longtemps, cherche inlassablement la source du faible signal qu'il capte en elle, loin de se douter de ce qu'il se passe réellement. Dansce qui semble être l'environnement spirituel de la Kozana, elle semble flotter. Une brise froide vient la sortir de son sommeil.
« Où suis-je ? »
En se relevant, elle remarque une espèce de légère brume nappant un sol qu'elle n'avait jamais touché chaque fois qu'elle fut plongée dans cet étrange endroit. Est-elle morte ? Pour en être convaincue, elle se pince.
« Aie ! Je ne le suis pas... Tant mieux... »
Malgré cette bonne nouvelle, elle ne parvient pas à comprendre ce qui est en train de lui arriver. Serait-ce un effet inconnu du talent qu'elle abrite ? Dans cette obscurité abyssale, elle ne distingue quasiment rien, hormis les habits qu'elle porte.
« Hé ho ! Y a quelqu'un ? »
Aucune réponse. Tentant de percer à jour le mystère qui l'entoure, la Kozana fait le tri dans ses souvenirs les plus récents : la récupération du Kirioku, la connexion établie avec l'être enfermé à l'intérieur, le débarquement chez les représentants ultimes de Faironne et enfin la dernière attaque subie. Malheureusement, il n'y a rien à en tirer pour expliquer quoique ce soit. Serait-ce ce qui attendrait tout utilisateur de ki ? Serait-ce un secret bien gardé par son peuple par ce qu'ils considèrent comme interdit ? Ou serait-ce quelque chose que même le grand Ki-Ramen n'aurait pas fait mention dans ses mémoires ? Toutes ces interrogations la plongent dans un profond sentiment de malaise. Elle aurait limite préféré une mort brutale plutôt que d'exister dans cette inexplicable dimension où elle pourrait errer pour l'éternité. Soudain, à travers ce décor lugubre, elle parvient à apercevoir un petit objet argenté, pas plus gros qu'un doigt, au milieu duquel réside une pierre aussi noire que de l'obsidienne : le Kirioku lui-même. Que fait-il ici ? Pensant qu'il pourrait symboliser le moyen par lequel elle a atterri ici et qu'en le mettant elle pourrait revenir, elle s'en approche. A peine quelques pas parcourus que la brumese fige avant de se condenser dans la bague. Une fois complètement infiltrée à l'intérieur, l'artefact se brise. Une sphère noire, entourée d'un léger halo gris, le remplace.
« Qu'est-ce que c'est ?
- Salutations Fraya. »
Choquée que cette chose parle, la Kozana sursaute.
« Surprise, n'est-ce pas ? C'est la première fois que tu me vois ainsi. »
Quelques souvenirs de ses passages dans les écrits Kiyuzas lui reviennent. Parmi ceux décrivant dans le moindre détail chaque talent autorisé, ceux retraçant l'histoire de Faironne, ceux regroupant les mémoires du vénérable Ki-Ramen, les quelques lois régissant sur le peuple duquel elle provient, ceux qu'elle parvint à découvrir grâce à sa curiosité sans limite, motivée par la menace imminente de son exécution, un nom bien précis résonne.
« Vous êtes... Yamos ?
- Pas du tout... Mon nom est Fumiaki. Je fus le chef des Zigriks ainsi que l'un des deux fondateurs de Kigen. Par contre, une question. Comment es-tu au courant pour lui ? Qui es-tu ?
- Chez nous, Yamaz veut dire interdire. A travers les leçons de linguistique que j'ai suivi, on m'a toujours dit que les mots ne sont jamais construits au hasard. Dans leur racine réside leur véritable signification. J'ai beaucoup lu de poèmes et de louanges à propos de Faironne. Par contre, rien du tout sur ce Yamos.
- Je vois... Contrairement à ce primitif qui utilise la même énergie noire, tu es loin d'être ordinaire. Tu sembles posséder des connaissances qui étaient hors de ma portée lorsque je vivais encore... En gros, tu n'es ni morte ni vivante. Ce que nous a balancé l'Hoshaku a résonné avec ton talent, nous plongeant ainsi dans cet état. Il est impossible pour nous deux de reprendre actuellement le contrôle de ton corps.
- Quoi ?! Comment ça impossible ?
- Il a réussi à briser la possession sans pour autant que tu puisses reprendre les commandes. Nous sommes coincés. »
Désemparée par ce qu'elle vient d'apprendre, une intense angoisse s'empare de sa gorge. Jamais elle n'aurait dû partir à la quête de l'Interdit. Voilà ce qu'ont tenté d'enseigner les rares textes qu'elle a pu lire à son sujet. Faironne a épargné tout être de cette entité aux pouvoirs indéfinis. Le vénérable Ki-Ramen en avait fait mention.
« Voilà dans quoi j'ai vécu pendant presque deux siècles, au prix de mon ancienne enveloppe charnelle. Le silence à l'état pur. Aucune chaleur. Aucun souffle. Rien. Cependant, ta présence change tout. On ne peut arriver qu'à une unique conclusion : la seule façon de rejoindre l'autre côté est... »
Tout à coup, une imposante flamme noire, délimitée par une légère ligne grise, entoure la sphère. Le souffle généré est si puissant que Fraya est violemment projetée au sol.
« De se battre ! »
Fumiaki prend une silhouette humaine, totalement noire, celle qu'il avait vivant : un homme à la longue chevelure, vêtements amples sur lesquels sont accrochés des sortes de petits grigris. La Kozana se relève. Lorsqu'elle découvre l'aspect du plus illustre des Zigriks, une stupeur mêlée à de la terreur lui compresse le ventre. Il tend son bras droit vers elle.
« Seul l'un de nous deux peut revenir. Et ce sera moi ! »
Fraya se prend un méchant projectile de feu noir en plein sur son épaule gauche. La douleur est indescriptible. Désormais, elle ne peut plus éviter la mort.
« Le temps est enfin arrivé. Celui de notre séparation définitive. Ainsi, je serai pleinement en mesure d'accomplir la mission qui m'a été confiée par Sa Majesté. »
Dans l'esprit de l'héritière du titre de vénérable, s'enchaînent chorégraphies d'éveil au ki, leçons sur la langue des jugements, diverses prières, toutes adressées à cette très chère Faironne, de multiples réprimandes reçues par son paternel, la connaissance du sort qui l'attendait et, enfin, le jour où elle fit la rencontre avec Kenshiro.
« Abandonner... »
Elle se tourne vers son adversaire, le regard rempli de haine.
« Et le laisser à ta merci ? Jamais ! »
Amusé par son entêtement, Fumiaki ricane.
« Bien que tu m'aies démontré ton statut plutôt spécial, tu ne fais pas le poids. Une fois que nous possédons un don de Sa Majesté, nous sommes imbattables. Rai en est un parfait exemple. Mais, bientôt, tout changera... Comme tu sembles prête à ne pas changer d'avis... Très bien. Prépare-toi à mourir ! »
Nouvelle amplification de l'aura du Zigrik. La teinte dominante des lieux laisse progressivement place à un gris de plus en plus clair. Encore marquée par les dernières conversations qu'elle a entretenu avec l'homme qui avait promis de la sauver de son bourreau, la Kozana se jure de tout faire pour le protéger, comme si elle voulait se racheter de tout le mal qu'elle a engendré. Suivant à la lettre les longs moments passés avec les siens, elle reproduit quelques mouvements avant de prendre une posture de combattante. Bien évidemment, cela n'effraie en rien son adversaire, même pas la légère aura grise qui émane d'elle.