Sur un rivage, recouvert de brume et à la flore plutôt marécageuse, un bruit de vague devient perceptible. Avec lui, la silhouette de la barque, propulsée par Shiki, qui transporte ses associés et Rai, se rapproche. Terre en vue, il désactive son aura et met fin à sa technique. Les éclaireurs prennent le relais en ramant. Le porteur de l'Hoshaku se relève pour voir le paysage.
« C'est donc ça, le Continent de l'Est.
- La région la plus humide avec celui de l'Ouest. Ces deux continents sont excellents pour l'agriculture. Les courants d'air chaud et froid se relayent de manière régulière. Ce qui permet à la végétation de pousser plus facilement et plus abondamment.
- Comment vous savez ça ?
- La lecture, mon ami. La lecture ! Hé ! Tu as oublié qui je suis ?... Ils cultivent des végétaux totalement différents de ceux du Centre. Il est grand temps que j'explore une gastronomie différente.
- Vous feriez plaisir à Rajik de parler de ça.
- Et savoir tout ça va me permettre de faire fructifier les fairos !
- Vous n'avez vraiment que ça en bouche.
- Notre Code nous interdit d'abuser de nos pouvoirs à des fins personnelles. Nous nous devons de respecter l'énergie que nous transmettent les éléments. Là-dessus, je comprends la frustration des Zigriks.
- Je sais mais sans ça, nous abuserions de tout. C'est important de savoir se contrôler.
- Alors, comprends bien qu'il faut nous trouver une autre raison de vivre. Une autre façon d'utiliser nos connaissances. Restez à ne faire qu'un truc, y aurait quoi devenir fou ! A force de ne donner qu'un seul sens à ce qu'on est, on devient fade. C'est bien que tu t'es trouvé un nouvel objectif mais après ? Tu possèdes une énergie puissante, oui ! Et alors ? »
Cette interrogation ramène dans la mémoire de l'illustre Shirenai tout son affrontement contre le Kirioku.
« Je... Je ne sais pas. Mais, d'après ce que j'ai su grâce à Tencubo, une nouvelle menace se prépare. Une fois que j'aurais accompli mon objectif, je reviendrai à la base et je resterai jusqu'à apparition de cette menace. Après... Je verrai bien.
- Être surpuissant et n'utiliser son énergie que dans ce cas... Je trouve ça... Très restreint comme concept.
- Que veux-tu dire ?
- Tu imagines si nous pouvions contenir nos énergies dans des objets comme l'artefact maudit ? Ton collier et cette bague continuent à produire cette même énergie indéfiniment. On ne serait plus dépendant de la nôtre. Et des êtres non affiliées à l'eau, par exemple, pourraient utiliser la foudre sans avoir les contraintes élémentaires. La vie s'en retrouverait grandement facilitée. C'est ce que nous cherchons tous au fin fond de nous mêmes. »
Les propos du meilleur ami de Kenshiro atteignent son interlocuteur en plein cœur. Jamais celui qui fut chargé de capturer Fraya pour le ramener au vénérable n'a vu les choses sous cet angle. Ils accostent. Shiki et Rai sortent de la barque, les associés en dernier.
« Je te souhaite bon courage dans ta quête personnelle.
- Je suis content de t'avoir revu.
- De même. Bon... C'est là-dessus qu'on se sépare. Les affaires n'attendent pas. A la revoyure ! Rai, le cœur blanc ! »
Le surnom improvisé par le plus impétueux des Shirenais surprend l'ancien manieur de foudre.Ce dernier le regarde partir avec ses compères. Une fois disparu de sa vision, il reprend son chemin, à la recherche de représentants de son peuple, avec l'espoir qu'ils pourront le renseigner. Pendant ce temps, Rajik et Calibak, dans une auberge, sont assis à une table. Le vainqueur du précédent affrontement mange frénétiquement et avec appétit le plat qui lui a été servi. Sa gloutonnerie étonne son nouveau compagnon d'aventure.Il continue ainsi jusqu'à finir son repas.
« C'était bien bon ! J'ai bien mangé ! Mais je suis bien lourd maintenant... affirme-t-il en posant sa main gauche sur son ventre.
- Tu n'as rien bu pour aider à faire descendre aussi... Tu veux te sentir mieux ?
- C'est quoi ton astuce ? »
L'affilié à la foudre interpelle un serveur d'un geste. Ce dernier vient jusqu'à eux.
« Que désirez-vous ?
- Sortez votre plus belle bouteille. demande-t-il en tendant quelques pièces.
- Bien monsieur. »
Il se retire après avoir pris l'argent.
« Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Attends. »
Le garçon revient avec la commande et deux verres. Il pose l'ensemble et dé-bouchonne la bouteille. Quand il exécute ce geste, Rajik sursaute. Aussitôt, l'odeur qui l'avait attiré auprès du tireur d'éclairs revient envahir ses narines. Cela lui est si désagréable qu'il recule un peu. Le serveur verse le liquide de manière égale.
« Goûte-moi ça. » invite Calibak en tendant la part qui lui est destiné.
D'abord réticent, voir la joie s'exprimer ainsi sur le visage de l'homme qui a failli réellement le blesser le pousse à oser franchir le pas. Il prend son verre.
« Autre chose ?
- Pas pour le moment. »
Le serveur se retire. L'ancien Kiyuza se met à sentir le contenu.
« Ah ça ! C'est de la bonne ! »
Rajik, par effet miroir né d'une certaine naïveté, fait de même.
« Qu'est-ce que c'est ?
- Ça ! C'est le petit nuage qui te soulève et t'allège. Ça, c'est la garantie d'un apaisement. Ça, c'est ce qu'on appelle du '' Yaméfai ''. »
L'évocation de ce mot ne dit rien à celui qui accompagnait Yoru avant qu'ils recueillent Rai.
« Tu ne sais pas ce que ça veut dire ? Dans votre langue c'est de l'alcool. Une substance interdite là d'où je viens. Mais, maintenant que j'ai migré ici, je peux enfin m'en régaler. Tu n'en as jamais bu ?
- Non.
- Bois, ça va t'aider à digérer tout ce que tu viens d'engloutir. » lui conseille avant d'avaler sa première gorgée de manière brouillonne.
A voir l'enthousiasme avec laquelle il savoure cette drôle d'eau à l'apparence et au parfum étranges, Rajik se décide enfin à le suivre. Le goût et le degré sont si forts pour lui qu'il se fige sur place.
« Alors ? Elle te secoue bien la bouche ? Allez ! J'y retourne ! »
Il se resserre un verre qu'il consomme immédiatement. Son compagnon de buvette, à cause de l'intensité de ce qu'il vient d'avaler, se cramponne à la table.
« Reprends-en. Ça va mieux passer. La première gorgée est la plus dure. Tu vas t'y habituer. Fais-moi confiance. » tente-t-il de rassurer avec un nouveau service.
Sous les conseils de son nouvel ami, il tente sa chance une seconde fois.
« Alors ?
- C'est... Moins fort.
- Qu'est-ce que je te disais ? Avec ça, finis les problèmes de digestion. Après, tu vas voir, tu vas être mieux dans tous les sens du terme !
- Quoi ?
- Serveur ! »
Ce dernier, constatant que son établissement vient potentiellement de gagner un sacré client, revient de ce pas. Calibak lui donne d'autres fairos.
« Ramenez-en une !
- Tout de suite. »
Il repart illico. Le tireur d'éclairs ne se presse pas plus pour se servir. L'effet de l'alcool entame Rajik. De légers vertiges se manifestent.
« Que ça fait du bien ! »
Pendant ce temps, dans la demeure de Yoru, sur une table, quatre pierres de forme triangulaire sont alignées. Trois coupoles derrière trois d'entre elles. Au-dessus de la dernière, un appareillage rudimentaire construit avec les matériaux du coin est dressé. Le spécialiste de la glacese trouve derrière un pupitre sur lequel est posé son grimoire, ouvert.Dans l'une des coupoles, un feu s'anime.Sur une autre, de la terre sèche est posée. De l'eau a été versée à l'intérieur de la dernière.
« Il est temps de passer à la pratique ! Ce pourquoi je m'acharne depuis tout ce temps ! Si j'échoue... Je pourrais oublier les expériences. Une vie sans pratique est impossible. Maître Kigzir, je continuerai à faire perdurer votre mémoire ! » déclare-t-il avant d'activer son aura.
L'onde générée gèle la végétation présente autour de son habitat sur un diamètre d'une vingtaine de mètres.
« Kuwanilwai ! »
Il prend la transformation que lui procure la technique enseignée auprès de Suisei. Un morceau de glace se forme dans sa main droite. Puis, il se penche sur son grimoire et lit à haute voix la formule suivante : '' Faironaï, mé té salteraza. Mé té dogpaza téam kifzer ''. Sa production vibre. Ce phénomène, d'une intensité si maigre comparé aux prouesses dont sont aptes les êtres comme lui, remplit son cœur d'une euphorie indescriptible.
« Julakyon ! »
D'un seul coup, sa création se brise et se dissout pour laisser place à une sphère grise lumineuse. L'expression sur son visage témoigne de la réussite totale de son expérimentation. Après la récupération de son apparence normale, il s'arrête une autre page et rentre une nouvelle fois dans une phase de concentration.
« Tiyényon ! »
La sphère se subdivise en quatre répliques de taille réduite. Puis, d'un simple geste de la main droite, il les fait léviter, une à une, vers les pierres.En utilisant le même procédé, il les force à s'incruster dedans.Énième autre page dont les explications lui permettent d'activer l'appareillage en gelant une borne et en chauffant l'autre grâce à une flamme. L'air entre les bornes s'électrise. Dernière phase.
« Kokuboren ! »
Les quatre pierres tremblent. Une aura grise en émerge. Toujours selon les instructions de son précieux ouvrage, en effectuant des gestes particuliers, l'eau et la terre se soulèvent et s'incrustent dans deux d'entre elles.La flamme s'étire afin de s'incruster dans la troisième. Le courant électrique est immédiatement dévié vers la dernière.Yoru garde les bras en l'air jusqu'à la fin du processus.Une fois, les quatre parts d'éléments entièrement absorbés, il se relâche. Les secousses cessent dans la seconde. L'air entre les deux bornes redevient normal. A cause de l'effort fourni, le Zigrik est essoufflé.
« Pour savoir si j'ai... Réussi... Y a qu'une chose à faire. »
Un léger halo entoure sa main gauche. D'un coup, la pierre qui a accueilli le même élément que lui devient bleue et fonce vers lui.Une fois récupérée, sa couleur naturelle revient.Ultime preuve de son succès.
« J'ai réussi ! Sans sceau ! C'est formidable ! »
Toujours sous le coup de la joie, il la repose parmi les trois autres. Autant d'émotions le pousse à répéter le procédé afin d'en créer cinq exemplaires de chaque. Malheureusement, vu les efforts demandés, le Zigrik doit se reposer. Un tel événement signe pour lui un indicateur fort de la concrétisation de son rêve. Tencubo va être ravi d'une telle nouvelle ! En parallèle, à l'auberge où s'abreuve la récente amitié entre Calibak et Rajik, l'ancien compagnon de voyage de Yoru est à moitié allongé sur la table. Le second homme, ivre, chante avec les clients.
« Hé ! Hé ! Hé ! Vous voulez voir un truc sympa ? »
Sa proposition capte l'attention de ses camarades du jour.
« Attendez. »
Quelques secondes plus tard, à cause des désagréments générés par sa consommation excessive d'alcool, il sort difficilement sa fronde depuis sa poche intérieure droite et prend un projectile depuis la gauche.
« Vous avez une cible à fléchettes ? »
Un homme lui en indique une.
« Impeccable ! »
Entre deux vertiges plus ou moins forts, il arme son objet fétiche et vise comme il peut. Chez certains de ses spectateurs, ils doutent sincèrement qu'il l'atteigne. Et puis, qu'a-t-il de si impressionnant à montrer ? Comme le jeu l'indique, il faut utiliser une sorte de projectiles bien précis. Pas avec un lance-pierres !
« Regardez-bien ! »
Il reste ainsi planté. Son esprit bien embué tente de toutes ses forces de se rappeler de la formule transmise par ses anciens mentors Zigriks. Plus les secondes défilent, plus le doute s'installe pour son audience. Par manque du spectacle promis, quelques clients commencent à quitter les lieux. Qu'importe. Tant qu'il possédera un témoin, la voie vers la célébrité s'ouvrira s'il réussit. Après une attente gênante, le mot clé lui revient.
« C'est bon ! Je l'ai !... Mes amis, voici mon chef d'œuvre ! »
Rajik se réveille. Étourdi par l'ivresse, il ne comprend pas ce qu'il se passe.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Vous avez bu deux verres et vous êtes tombé net. lui explique l'homme du comptoir.
- Ah oui ?
- Par contre, ce n'est pas le cas de votre copain. J'ignore ce qu'il compte tant nous montrer avec son jouet ridicule mais, à mon avis, ce n'est que de la poussière aux yeux. »
C'est à ce moment-là qu'il assiste à la scène.
« Qu'est-ce qu'il fait ? »
La main droite de Calibak, comme toutes les fois où il parvint à exploiter ce qui dort en lui, sous la légère influence de la foudre, se tend. Cette posture, le Kiyuza au ki actif s'en souvient bien. Il va attaquer. Pourquoi ? Qui est son adversaire ? Lorsqu'il pose les yeux vers la direction pointée par la fronde, personne. Rajik ne comprend absolument rien. Cependant, vue la dangerosité de ce qu'il avait encaissé, malgré les effets encore présents de ce qu'il a avalé, il se lève d'un coup et fonce vers lui.
« Firai[...] »
En un dégagement soudain d'énergie neutre, le spécialiste du corps-à-corps plaque Calibak afin qu'il ne puisse compléter la formule.
« Oh ! J'allais tirer un éclair ! Comme les deux autres me l'ont enseigné ! Tu as tout gâché ! »
Les propos qu'il vient de délivrer finissent de convaincre les quelques clients restants de s'en aller à leurs tours après un bel éclat de rire bien moqueur. Tirer un éclair avec ça ? N'importe quoi ! Tout le monde le sait après tout. Seuls les Shirenais peuvent prétendre à de telles prouesses ! Encore un beau parleur !
« Hé ! Où allez-vous comme ça ? Vous me croyez pas ? »
Aucune réponse. Même un bref jeu de regards avec l'homme au comptoir obtient la même issue. Cette dégoûtante sensation d'abandon, Calibak la connaît que trop bien. Émotion identique à celle ressentie lors de la première fois où il découvrit qu'autre chose que le fier ki célébré par les siens vivait en lui. La conséquence que les siens s'en aperçoivent ? La sentence dont il a été témoin lorsque Rajik était enfant. Sauf que, pour cette fois, le coupable de cette peur profonde se déduit très facilement. Le regard qu'il jette vers lui traduit parfaitement ce qui bouillonne dans ses entrailles.
« Pourquoi t'as fait ça ? T'as vu ce que t'as fait ? T'as fait fuir mon public ! T'es content ?
- Balancer une attaque ici, y a de quoi blesser quelqu'un. Surtout dans l'état où tu es ! répond avec une lucidité surprenante, voir inhabituelle, son interlocuteur.
- J'allais leur montrer un truc extraordinaire ! »
Sous la frustration, il se dégage brutalement de lui. L'ancien disciple de Kenshiro dénote l'incroyable changement de tempérament chez son nouvel ami. Est-ce à cause de cette eau puante et bizarre qu'il nomme '' Yaméfai '' ? Ça veut dire quoi exactement ?Ce qui vient en premier lieu dans son esprit n'est pas une réponse à ses questions mais l'étrange ressemblance entre eux. Comme lui, il veut prouver de quoi il est capable. Comme lui, des pouvoirs doivent correspondre à sa propre force.Il reste maintenant pour lui à comprendre l'origine de cette motivation.
« T'as tout foutu en l'air ! hurle-t-il.
- Je suis peut-être une brute selon mes amis mais je ne suis pas fou au point d'employer mes techniques préférés ici !
- Tu aurais dû mourir.
- Contre eux ? Au début, oui. J'ai longtemps été trop faible en face de mes amis. J'ai pensé à de mauvaises choses à cause de ça. Heureusement, j'ai connu le grand Kenshiro et maintenant je peux les battre ! »
Rajik n'a pas capté que Calibak faisait allusion au jugement subi à son jeune âge. Quand à l'évocation du Shirenai de foudre, l'ancien Kiyuza pur se réserve de rebondir dessus pour une raison qui lui est propre.
« Pourquoi tu traînais avec eux ? » enchaîne, dans la suite de ce qu'il désire savoir, le vainqueur du précédant affrontement.
Un silence qui en dit long. Durant ce dernier, le degré d'alcool dans leurs veines disparaît presque entièrement. A force de postures insistantes, l'apparente solidité d'esprit du concitoyen de Fraya s'effrite jusqu'à totalement s'évaporer.
« Je voulais savoir comment ils parvenaient à réaliser tout ça. C'est tout.
- Faire comme eux ?
- Oui.
- T'as pris deux mauvais modèles.
- Tu les connais trop bien à mon goût.
- Ils ont causés des problèmes à moi et mes amis. Comme je te l'ai dit, ils sont recherchés. Je n'ai pas eu le temps de t'expliquer. En gros, à cause d'eux, il y a un drôle de truc noir qui a pris le contrôle d'une femme qui savait faire pareil que moi. Elle était tellement puissante avec ça que nous avons failli mourir. »
Un truc noir ? Une femme qui aurait le même talent que lui ? Donc deux talents interdits identiques au même endroit ? Sur le moment, Calibak ne sait pas s'il doit le croire. Trop d'invraisemblances pour lui. Cependant, avec ce qu'il a pu observé, l'inimaginable semble de plus en plus probable voir réalisable.
« Je connais quelqu'un qui pourrait t'aider. avoue Rajik.
- Ah oui ?
- Tu attaques avec un objet et pas avec une épée, non ? Donc jamais tu t'amélioreras avec Kenshiro. C'est sur. Mon meilleur ami, lui, t'aidera largement mieux que n'importe qui. Il t'expliquera tout. »
Sentant qu'il est loin de le convaincre de le suivre, désireux de rendre le service que son illustre modèle lui a adressé, Rajik lui tend une main.
« Je vais te dire la vérité. Je sens que t'as l'air d'être quelqu'un de bien. Je ne veux pas que tu vires mal. Je n'ai pas tout compris des gens que j'ai combattu sauf un truc. Quelque chose n'allait pas en eux. Ils étaient tous très forts. J'aurais aimé les combattre à nouveau sans être obligé à ce que notre nature soit menacée. Toi aussi, tu as un niveau incroyable pour quelqu'un qui ne connaît qu'un coup. Soit tu viens avec moi. Soit tu restes ici. Mais si tu viens, je t'y amène. »
La remarque débordante de sincérité déboussole le tireur de foudre. C'est la première fois qu'un autre être lui propose un choix. Concept impensable dans une société uniquement guidée par un représentant d'une philosophie aux nombreuses failles, où légendes, contes et autres transmissions orales font office de règles fondatrices. L'envie de lui délivrer la vérité sur son existence brûle sur ses lèvres. Mais, est-ce une bonne chose ? Est-ce le bon moment ? Après tout, entretenir une fausse vérité peut se révéler être la meilleure solution. Et puis, peut-être qu'il pourra se rapprocher de ce traître de Kenshiro.
« Comment t'appelles-tu ?
- Calibak. Je ne te l'ai jamais dit ?
- Non... Je ne sais plus... Alors ? »
En guise de réponse, le tireur à la fronde lui prend la main. Rajik l'aide à se remettre debout et le tient d'un bras pour l'aider à marcher. Tous les deux sortent de l'auberge.
« T'avais raison pour la digestion. Je me sens plus léger... Et un peu bizarre aussi.
- Ça va passer.
- Ça veut dire quoi '' Yaméfai '' ?
- Eau interdite. Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Je crois avoir déjà entendu quelque chose dans ce genre mais impossible de savoir quoi.
- Où comptes-tu m'emmener ?
- Dans la forêt du Silence. Là-bas, on y trouvera la personne qu'il te faut. Avec lui, tu seras bien. Il sait beaucoup de choses. Largement plus que moi, et, au moins, lui, il sait toujours quoi faire au bon moment.
- Quel élément manipule-t-il ?
- La glace.
- Ce n'est pas un élément ça ! C'est l'eau !
- Si tu veux... N'empêche, il est le vice-conseiller de Kigen. Ça prouve qu'il est fort, très fort. Il vit de temps en temps au milieu des Shirenais. Mais lui, c'est un Zigrik.
- Il le peut sans conséquence ? Étonnant.
- Tu sais des trucs toi ! Tu viens d'où ?
- De l'Ouest. »
L'évocation de ce territoire stupéfie Rajik. C'est le royaume des gens comme lui !
« Mais alors, tu peux m'apprendre des coups !
- Désolé de te décevoir mais non. J'en suis incapable depuis que j'ai ça en moi. »
Espoir envolé, il n'insiste pas. Dommage. Pour Calibak, malgré son écart avec les siens, il ne faut pas qu'il retrouve ses origines. Avec le terrible vénérable en place, vu qu'il n'a toujours pas récupéré sa fille, et la puissance de l'être qui le porte, la cité pourrait voler en éclats. Ainsi, il ne veut pas devenir le responsable d'une catastrophe. Même s'il pourrait redorer son honneur en lui livrant lui-même ce traître, il est absolument obligatoire de se tenir éloigné de Ki-Igno. Par contre, cela ne l'empêche pas de trouver une solution pour l'envoyer là-bas. Les voilà tous les deux en route pour la demeure du vice-conseiller.