Noctis était collé contre le mur, retenant même sa respiration ; il avait entendu toute la conversation entre les deux hommes.
Il n'y avait plus qu'une chose à faire : prévenir Artémis. Ensuite, il devrait faire face à Soran.
Reprenant le contrôle de ses membres, il se déplaça furtivement, mais rapidement, jusqu'à la chambre. Il se glissa à l'intérieur et fut immédiatement accueilli par une lame scintillante.
- « Bon sang, Artémis, baisse ton épée, c'est moi ! »
- « Ho ! Désolée... »
Elle ramena son jian à ses côtés.
« Alors, c'était quoi ? »
Le garçon parla d'un ton précipité :
- « Écoute, tu dois faire comme si tu ne savais rien. Ils veulent m'éliminer parce que j'en sais trop... surtout, ne leur fais pas confiance ! Et n'oublie pas, je ne t'ai rien dit, compris ? »
Artémis prit une expression grave. Fort heureusement, elle savait s'adapter aux situations urgentes. Elle comprenait qu'il faudrait attendre pour avoir les détails.
- « D'accord. Mais surtout, ne meurs pas. »
Noctis se tourna vers la porte, un sourire amusé aux lèvres.
- « Je vais essayer. »
Sans but précis, il se lança dans les couloirs, ouvrant des portes au hasard. La plupart des pièces contenaient des choses étranges, rappelant horriblement le dédale infernal. Comme si cela ne suffisait pas, il avait l'impression que les tableaux le suivaient du regard.
Finalement, il arriva dans une pièce singulière, où un escalier en colimaçon en pierre descendait. Sans hésiter, il s'y engagea, cherchant désespérément une cachette pour réfléchir à un plan. Mais, arrivé au bas des marches, il se figea, saisi par l'horreur.
Devant lui se trouvaient des cachots. Le sol, autrefois de pierre, avait viré au rouge, saturé du sang qui y avait coulé. Certaines cellules contenaient des cadavres, d'autres, des squelettes.
Soudain, une voix douce, mais sinistrement amusée, s'éleva :
- « Tiens, Noctis, mon ami... Tu as trouvé notre salle de jeu. »
Noctis fit volte-face, et ses pires craintes se confirmèrent. Soran se tenait là, les mains derrière le dos, comme s'il s'agissait d'une conversation ordinaire.
Malgré la peur, Noctis esquissa un sourire.
- « Toi. Qui es-tu vraiment ? »
Soran lui offrit un sourire carnassier. Ses canines étaient devenues longues et acérées, et ses iris passèrent du noir profond à un rouge sanguin.
Avec un frisson, Noctis se souvint d'une des phrases du journal.
« Le sang de ma famille m'a rendu plus fort...»
Tout à coup, la pâleur de Soran prenait sens, tout comme la longévité de l'auteur du journal. Un seul mot s'échappa des lèvres de Noctis, dans un souffle.
- « Vampire.»
Soran éclata de rire. Un rire froid, inhumain, dénué de toute chaleur.
- « Enfin... Tu as mis du temps. L'autre avait deviné bien plus vite, mais au lieu de fuir, cet imbécile a tenté de nous attaquer. »
Le souffle court, Noctis cacha une main derrière son dos, prêt à invoquer l'épée bâtarde. Il devait gagner du temps.
- « De qui parles-tu ? Qui est cet autre ? »
Mauvaise question. Soran le fixa avec un rictus figé, ses yeux grands ouverts. Il n'avait plus rien du jeune homme séduisant et poli qui les avait accueillis.
- « Ho, ça, tu le sauras bientôt. »
En un éclair, Soran bondit sur lui avec une vitesse inimaginable.
« Merde ! » pensa Noctis, en invoquant l'épée bâtarde pour se défendre, mais le coup ne vint jamais. À la place, Soran s'arrêta juste devant lui, plongeant son regard dans le sien.
Aussitôt, Noctis se sentit étourdi, presque assommé, comme s'il allait sombrer dans l'inconscience. Il détourna précipitamment les yeux et recula d'un bond. L'échange de regards n'avait duré qu'un instant, mais c'était suffisant pour Soran.
Noctis fut alors pris d'une migraine intense, si violente qu'il se plia en deux, posant un genou à terre.
« Une attaque mentale...»
Ces attaques étaient rares, et d'ordinaire faibles, provoquant juste un léger vertige ou une migraine modérée. Mais Soran, avec un simple regard, avait presque neutralisé Noctis.
« C'est de la triche...» Pensa-t-il en relevant difficilement la tête.
Soran s'approcha lentement, saisissant une mèche des cheveux de Noctis, ses yeux étincelants de malice.
- « Fais de beaux rêves, » murmura-t-il, d'une voix atrocement joueuse.
En croisant une nouvelle fois les iris rouges de son adversaire, Noctis sentit son esprit vaciller... avant que l'obscurité n'enveloppe son esprit.
***
Noctis se réveilla en sursaut, allongé sur un sol glacé, un de ses poignets attaché à une lourde chaîne. Il se redressa lentement, frottant sa tête. Les vertiges avaient disparu, tout comme la migraine.
- « Ce salaud... et moi qui pensais avoir un aspect magique puissant. »
C'est alors qu'une voix résonna :
- « Ah, enfin réveillé, le dormeur ? »
Heureusement, ce n'était pas la voix de Soran. Elle était plus rude, teintée d'une moquerie. Noctis ouvrit les yeux, scrutant son environnement à la recherche de la source.
Il se trouvait dans une cellule, sa main entravée par une chaîne fixée au mur. La voix semblait provenir de l'obscurité, car la maigre bougie suspendue à l'entrée n'éclairait que faiblement la geôle. La voix reprit :
- « Je parie que toi aussi, tu t'es fait avoir par le regard de ce bâtard ? Une attaque mentale, et pas des moindres. »
Noctis fixa les ténèbres et répondit :
- « Ouais, mais la prochaine fois, je me battrai les yeux fermés. Il faudra bien le battre, de toute façon. »
La voix s'éleva à nouveau, désinvolte :
- « Dis-moi, tu es venu avec quelqu'un, non ? Je sens sur toi une odeur qui n'appartient ni à Soran ni à Thrór. Cette personne, est-elle puissante ? »
- « Oui, je suis venu avec quelqu'un, et oui, elle est très forte. Pourquoi ? » répondit Noctis.
- « Parce que c'est notre seul espoir, crétin. Il ne nous reste plus qu'à espérer que ta petite amie vienne nous sauver, » rétorqua l'inconnu.
Noctis soupira, puis invoqua son épée bâtarde. L'inconnu ricana sombrement.
- « S'ils ne t'ont mis qu'une chaîne, c'est qu'ils pensent que cela suffira à te maintenir. Ils ont déjà vu ton épée, non ? »
Noctis sourit. « Soran l'a vue, en effet. Mais il y a quelque chose qu'il n'a pas encore vu. »
La forteresse existait depuis des milliers d'années. Les ombres de ces cachots devaient être anciennes, puissantes. C'était le pari de Noctis lorsqu'il activa la
[Bénédiction d'Umbra].
Les ombres restèrent immobiles, résistantes à l'attribut. Puis, lentement, l'une d'elles bougea : celle de la chaîne retenant Noctis. Elle s'enroula autour de l'épée bâtarde, et aussitôt, il sentit une nouvelle puissance traverser la lame.
Il sourit, satisfait. Il était temps de quitter cette geôle.