La nuit n'était plus silencieuse. Des gouttes de pluie tapaient contre les vitres, rêvant de les briser et d'engloutir sous l'eau le grand manoir qu'elles martelaient. Par moments, une foudre timide traversait le ciel nuageux, et le tonnerre grondait, tel le rugissement des cieux capricieux. Entre les murs antiques et chargés d'histoire de la forteresse, tout était à l'abri de la tempête qui faisait rage à l'extérieur. Pourtant, cette nuit-là, l'atmosphère confortable était alourdie par une tension palpable et une menace meurtrière.
Alors que la porte du grand salon s'ouvrait avec un grincement sinistre, Noctis, Loyd, et Artémis pénétrèrent prudemment dans la pièce. L'être assis à l'autre bout de la longue table ne bougea pas. Les coudes posés sur la table, les doigts entrecroisés, une pression presque écrasante émanait de lui. La longue table était toujours vêtue de sa nappe blanche et ornée de ses innombrables plats en argent. Thrór se redressa lentement sur son fauteuil, un sourire glacial aux lèvres.
Alors que le trio levait leurs armes, prêts à se défendre, Thrór attrapa calmement un morceau de viande dégoulinant de sang et le déposa dans son assiette. Il prit ensuite ses couverts et commença à manger, impassible. Artémis, Loyd, et Noctis restaient figés, incapables de bouger. Thrór prit la parole d'une voix froide :
- « Que ce soit clair. J'ai l'intention de vous tuer tous les trois pour obtenir votre sang. C'est mon objectif depuis le début. »
L'air de la salle se glaça subitement. La voix de Thrór résonnait avec l'indifférence froide de l'affection de la mort.
- « Cependant, » reprit-il, « avant cela, je vais vous raconter l'histoire de ma famille. Après tout, le sang est meilleur lorsque la victime meurt à minuit. »
Noctis sentit un frisson glacial parcourir son échine. Ces paroles scellaient le sort du trio : aucun arrangement avec le vampire n'était possible.
Portant un verre de vin, ou plutôt de ce qui ressemblait à un liquide rouge, à ses lèvres, Thrór continua :
« Je suis né il y a environ deux cents ans. Soran, lui, est venu au monde il y a à peine une vingtaine d'années. Cela faisait déjà longtemps que le comte des vampires avait tué son oncle et son majordome, accusant son propre frère du crime afin de s'emparer du trône. Bien sûr, nous, les vampires, sommes un peuple réduit, nous ne sommes plus que quelques centaines, et tous ont suivi le comte à la guerre. Tous, sauf moi. Je suis resté dans ce manoir, dans le plus grand des secrets. Bien entendu, je n'ai aucun pouvoir sur le Pouvoir mystique de la forteresse. Cette autorité appartient toujours au comte Vlad Von Dracula. »
Thrór acheva son monologue en même temps que son repas. Il se leva, s'approchant d'une large fenêtre assiégée par la pluie.
- « Ils se sont soumis à l'Empire, mais pas moi… Les humains ne sont faits que pour être dévorés. »
Il se tourna alors lentement vers eux, se léchant les lèvres. Les canines de Thrór avaient poussé, devenant aussi tranchantes que des lances. Le blanc de ses yeux s'était transformé en une profonde noirceur, identique à celle de ses pupilles et de ses iris. Il ressemblait à une créature impie, corrompue par une force obscure. Soudain, des ailes de chauve-souris, aussi larges qu'un homme, émergèrent de son dos. Elles ne lui permettraient pas de voler dans cet espace confiné, mais leur robustesse et les muscles qui les animaient laissaient présager qu'elles étaient conçues pour le combat.
« Ces ailes… C'est son aspect magique qui les lui procure », pensa Noctis, ébahi.
Les humains n'étaient pas les seuls à posséder la Lettre d'Hérésia et des aspects magiques. Le combat contre Thrór s'annonçait rempli de surprises. De nombreux facteurs restaient encore inconnus...
- « Vous êtes effrayés,» dit Thrór avec une douceur morbide, « et vous avez raison de l'être. Il est minuit. »
Artémis raffermit sa prise sur son épée.
"Nous ne mourrons pas sans nous battre." Sa voix était ferme, mais une lueur d'incertitude se reflétait dans ses yeux noisette. Thrór émit un léger rire, sans joie.
- « Le courage est admirable, mais futile. »
D'un geste brusque, il balaya les chaises devant lui, les envoyant valser à travers la pièce avec une force surnaturelle. Les trois amis firent un bond en arrière, se préparant à riposter. La bataille commença, et la pièce explosa en mouvement.
Artémis se déplaça si rapidement qu'elle semblait se fondre dans l'air. Des arcs électriques bleu marine crépitèrent autour de Loyd, tandis que de la fourrure blanche poussait sur ses mains et que ses griffes s'allongeaient. Noctis, vêtu du Manteau Traître et du Manteau d'Ao Guang, se tenait prêt, son épée bâtarde en main. Il était le meilleur de leur petite cohorte pour encaisser les coups.
Artémis fut la première à atteindre leur ennemi. Elle asséna un coup puissant, mais la lame de son jian fut repoussée par l'une des ailes monstrueuses de Thrór. Loyd, avec une agilité féline et une ferveur bestiale, attaqua l'autre aile, mais malgré la férocité de ses coups, il ne parvint pas à la déchirer. Voyant cela, Noctis s'avança directement vers Thrór, espérant attirer son attention et donner une ouverture à ses compagnons.
Il avait déjà tenté d'invoquer les ombres pour renforcer sa lame, mais celles du grand salon, anciennes et capricieuses, refusaient de répondre, insensibles à son appel pour renforcer sa lame Sanguinaire de niveau deux.
Thrór réagit rapidement. Avec une force et une précision de maître, il frappa Noctis, l'envoyant valser en arrière. Puis, il déploya ses ailes, repoussant Artémis et Loyd d'un seul mouvement. Tout cela ne dura qu'un bref instant.
Thrór avait beau avoir de nombreuses années d'expérience et le physique avantageux d'un vampire, il paraissait infiniment moins redoutable que Maître Roan, probablement à cause de sa longue inactivité. Cependant, cela ne le rendait pas moins dangereux.
Malgré leur parfaite coordination, Artémis, Loyd et Noctis ne parvenaient pas à l'atteindre réellement. Alors qu'ils tentaient une nouvelle attaque simultanée, Thrór fit apparaître une arme. Dans sa main jaillit une claymore à l'allure sacrée. D'un geste fulgurant, il trancha en direction de Noctis. La lame parvint à traverser difficilement son armure, entaillant sa chair. Noctis réussit à reculer à temps pour éviter une blessure mortelle, mais heurta une des ailes de Thrór. Celle-ci s'abattit violemment sur lui, lui brisant une côte et le projetant à l'autre bout de la pièce.
En une fraction de seconde, Thrór s'en prit aux autres. Il frappa Loyd d'un coup de poing dans l'abdomen, lui arrachant un jet de sang. Saisissant sa claymore à deux mains, il se tourna ensuite vers Artémis avec une fureur inouïe. Une tempête d'acier s'ensuivit, et malgré ses efforts, la jeune femme fut transpercée à l'épaule et jetée au sol.
La bataille, cependant, ne faisait que commencer.