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Eillana Croford

🇫🇷DaoistujZV9547
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Synopsis
Eillana a son passé. Losvitch a le sien. Et aucun d'entre eux ne souhaite que leurs confidences soient répétées. Eillana Croford a tout d'une parfaite adolescente. Riche, belle et talentueuse, sa vie parait aussi rose que son sac à main. Lorsqu'elle intègre la prestigieuse institution de Notari, elle découvre un monde superficiel et élitiste qui lui redonne un peu le sourire. Entre rivalités, amour et confidences, sa vie est sur le point de basculer dans un tout nouvel univers où chacun a ses secrets et où chacun est prêt à tout pour arriver à ses fins. Merci d'avance à tous mes lecteurs, je publie de nouveaux chapitres tous les jours :)
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Chapter 1 - Chapitre 1

(Avant de commencer la lecture : Je tiens à préciser que mon histoire se déroule dans un monde fictif semblable au nôtre. Les personnages sont le fruit de mon imagination et c'est tout à fait normal si certains prénoms ou termes paraissent étranges. Je ne suis pas une écrivaine professionnelle, il est possible que je fasse des erreurs que je rectifieraient très vite. Je suis ouverte aux critiques constructives mais merci de garder vos insultes pour vous je ne les lirais pas. Bonne lecture :) ! )

Je n'ai jamais aimé les histoires d'amour. Mais j'aime les écrire.

Eillana sait qu'elle touche au but lorsque la voiture commence à tanguer. Les graviers et les crevasses du chemin serpentueux s'enfoncent dans les pneus de la voiture et la font se balancer d'un côté à un autre.

Le site est magnifique. A couper le souffle avec ses collines, son bois et ses terrains d'herbe verte. Le ciel est gris, mais d'un gris apus et lumineux qui vous attaque les yeux. Les arbres s'étirent hauts, les oiseaux sifflent en harmonie sur leurs cimes.

- « Vous pourrez sortir dans quelques minutes mademoiselle. »

- « D'accord. » soupire Eillana.

Elle reporte ses yeux myosotis vers la bâtisse principale qui, immobile, semble pourtant lui sourire. Ses yeux sont de hautes fenêtres, sa façade moderne, sa peau, et ses portes sa bouche. Au-dessus de ses toits, la fine pluie qui s'est mise à tomber roule proprement sur les tuiles pour éviter de gâcher la magie du spectacle de la première impression. Et en gros titre gravé avec de la peinture doré : BIENVENU A NOTARI.

- « Préparez vos sacs mademoiselle, nous y sommes. »

Dans n'importe quel endroit, voir une Rols Royce Phantom se garer sur l'allée d'une route aurait été surprenant. Mais à Notari, cela fait tout simplement parti du quotidien. Eillana se mord la lèvre inférieure en reregardant pour la millième fois la brochure de l'institution.

- « Hm... »

La lumière de l'extérieur l'aveugle lorsque son chauffeur ouvre la portière. Eillana émet un grognement de réticence mais finit par sortir de la voiture.

- « Mes bagages. »

Son employé lui tend avec empressement ses deux énormes valises. La jeune fille lui lance un regard exaspéré qui signifie va-t'en ! ». Et la Rolls Royce disparait. Elle peut enfin se diriger vers la porte d'entrée. Une bouche béante de trois mètres de haut faites d'acier et de fer. Eillana fronce le nez, prend une grande inspiration et franchit les pas qui la séparent de l'intérieur.

- « C'est parti ! »

Les chuchotements indiscrets et les regards braqués sur elle ne sont ni dut à son sac de marque ni à la taille monumentale de ses bagages. Eillana est de taille normale, avec un corps athlétique. Une peau claire et deux yeux bleus, avec une cascade de cheveux fins dont la couleur tire vers le blanc. Ses lèvres sont pulpeuses et rose comme les pivoines. N'importe qui l'ayant croisée dans la rue l'aurait décrite comme belle. Et elle le sait. Mais jusqu'à son arrivée elle n'aurait jamais cru que cela puisse lui servir.

- « Bonjour, je vous en prie asseyez vous. »

Eillana a, à vrai dire, déjà pris la liberté de se poser sur la chaise -très inconfortable- du bureau de la directrice. Et si Madame Estrasir le remarque, elle n'en dit rien et se contente de s'asseoir de l'autre côté du bureau.

- « Tout d'abord je souhaitais vous remercier pour la contribution de votre père à... »

- « Est-ce qu'on peut aller à l'essentiel ? S'il vous plait. » (Cette demande sonne plus comme un ordre.)

Madame Estrasir pince les lèvres sans se détacher de son expression enjouée.

- « Bien sûr. En ce qui concerne votre année, vous serez en classe B, mais les cours sont différents pour chacun donc en fait c'est simplement une question d'alphabet. »

- « Continuez. »

- « Vous partagerez le studio soixante-quatorze avec des filles qui ont des cours en commun avec vous. Vos valises sont déjà dans votre chambre. L'uniforme peut être personnalisé pour le haut chez les filles et le bas chez les garçons. Les Week ends et les jours de repos il n'est pas obligatoire. Demain il y a la cérémonie de présentation et comme vous êtes notre nouvelle deuxième année dans notre cursus, vous allez devoir parler. Faites un petit discours ou un truc comme ça ! »

C'est bientôt fini ? Pense Eillana en fixant le sol pour échapper à l'enthousiaste débordant de sa nouvelle directrice.

- « Eh bien, nous avons terminé, il n'y a plus qu'à attendre que Aline arrive pour... »

- « Je suis là ! »

La jeune fille se lève de son siège et quitte la pièce sans y être invitée. Une autre adolescente l'attend à la sortie. Une brune avec des lèvres allongées, des yeux auburn, habillée avec un ensemble noir et jaune de haute couture. Elle la toise de haut en bas puis lui sourit, satisfaite de ce qu'elle voit.

- « Je me présente : Aline Bella Stayne. On sera dans le même studio pour les mois à venir donc je te propose de s'épargner les formalités sinon cette année risque d'être longue. »

Eillana lâche un sourire en réponse. Aline l'accroche par le bras et l'entraine dans le long couloir.

- « Bon, laisse moi t'expliquer, ici c'est le hall principal où il y a la salle des professeurs. Si tu tournes là-bas, il y aura la cantine et de l'autre côté il y a des salles de classes. Ne te fie pas à la proviseure pour les dortoirs. Tu dois monter deux étages différents avant de trouver les autres studios. On s'est tous faits avoir l'année dernière. »

Eillana hoche la tête en observant avec admiration l'architecture de l'endroit. C'est à la fois moderne, ancien et fonctionnel.

- « J'imagine que les élèves ici doivent être riches et influents... »

- « Qu'est ce qui t'en donnes l'impression ? »

- « Je n'en sais rien. Tout le monde est bien habillé, la directrice ne disait rien même quand je faisais exprès de montrer mon ennui... Et les locaux sont magnifiques. »

- « C'est normal. Notari a été créé en parti grâce aux dons des parents pour l'établissement. Donc tous les fils des donateurs sont un peu... privilégiés. »

Elle lui adresse un clin d'œil avant de l'entrainer dans des escaliers en pierre. Un large couloir s'ensuit. Eillana et sa nouvelle amie progressent sur la moquette à grandes enjambées.

- « Ici, ce sont tous les labos. Si tu regardes par la fenêtre tu verras le grand gymnase principal et le terrain de football un peu plus loin. »

L'adolescente hoche la tête. Aline la mène dans un escalier en colimaçon dont elles grimpent les marches métalliques jusqu'au deuxième étage.

Le sol y est rose pâle. Les dortoirs sont rangés dans une allée de taille conséquente où la lumière pénètre par une vitre en face de l'entrée du couloir. Eillana note qu'il n'y a que six portes pour un espace de plusieurs centaines de mètres carrés. Les studios promettent d'être grands.

- « Nous y sommes. »

Le nombre 74 est gravé en chiffre d'argent sur la porte. Aline sonne. Une petite musique semblable à celle d'un répondeur est jouée.

- « Chu n'avais pas... »

La fille qui leur ouvre se fige sur place.

- « Oh chalut ! »

Elle articule difficilement ses mots, sa brosse à dents coincées entre ses molaires immaculées. Ses cheveux blonds et bouclé bataillent avec les boutons de son haut de pyjama plissé.

- « Che revient. »

La brune entre et referme la porte une fois que sa nouvelle camarade de dortoir a posé son pied à l'intérieur. Eillana passe un coup d'œil furtif sur le studio. Un petit salon coquet est calé près de la fenêtre, une grande télé se trouve à l'opposé, au-dessus d'une cheminée murale et tout à gauche réside une cuisine assez bien équipée.

- « Viens. »

Aline la mène devant la porte de sa chambre. La brune lui tend son jeu de clé avec un sourire innocent et se détourne vers la pièce principale.

Une odeur de musc se dégage près du grand lit aux draps rose. Une coiffeuse est positionnée contre le mur gauche et on devine l'entrée de la salle de bain quelques mètres plus loin. Ses valises attendent sagement sur l'un des longs tapis qui recouvrent le parquet. Cette chambre doit faire quoi... Trente mètres carré ? Cinquante ? Peu importe. Eillana, un sourire nostalgique en coin se demande si, quelques années auparavant, elle aurait pu rêver d'un tel confort.

La petite gorgée de bière qu'elle a ingérée lui monte déjà à la tête.

- « Tu as quel âge ? »

- « Dix sept ans.»

- « Comme moi ! »

Tess balance ses ondulations métisses sur son épaule avec un rire envolé. La lueur du couchant baigne sa peau mate de lumière. Eillana fait discrètement défiler ses yeux sur chacune des filles de la pièce. Aline est occupée à sa manucure, Tess est assise en tailleur sur le canapé en sirotant sa boisson qui doit déjà l'avoir troublé, et Joy rebrosse ses cheveux. Ses filles là ne connaissent rien aux malheurs de la vie.

- « You are so pretty... » s'exclame Tess en s'écrasant dans un coussin.

- « Merci. »

- « Les gars vont t'adorer ! »

Aline empoigne son portable et pianote sur le clavier des messages.

- « Je t'ajoute au groupe. »

Elle lui montre une photo de la bande de garçons dont elle lui parlait une heure plus tôt. La première chose que note l'adolescente c'est qu'ils sont tous beaux. Des joueurs de wildball selon l'image. Elle commence à se demander si les critères de recrutement à Notari ne portent pas un peu sur le physique.

- « Tu viendras aux auditions de la cheerteam ? » demande Joy entre deux bouchées de gâteau.- « Je ne sais pas si... »

Eillana se fige. Son propre téléphone vient juste de vibrer. Elle déverrouille l'écran et tombe nez à nez avec un message. Un message de son père.

Darling,

Je suis parti avec mes collègues pour un voyage d'affaires. Je serais revenu dans un mois ou deux. Appelle la maison si tu as besoin de quelque chose. Ta voiture arrive demain.Je t'ai fait un cadeau. Utilise ce que tu veux et si tu as besoin de plus envoie moi un message !

Bonne soirée, Orlando.

Eillana checke ses notifications. Un versement de cent mille lys vient d'être effectué sur son compte. Elle a envie de jeter son téléphone par terre. Comment ose-t-il se faire pardonner de cette manière!

- « Tout va bien ? »

- « Hm ? »

L'adolescente relève la tête vers Joy qui la fixe de ses grands yeux bruns

.- « Oui, bien sûr. » Eillana ravale sa rage. « Alors, dis-m' en plus à propos de cette cheerteam ? »

* * * 

- « Yo ! Rattrape ! »

Losvitch réceptionne la cannette que Jay lui lance, puis il s'installe à son tour dans le canapé central.

- « Tu as branché les manettes ? »

- « Ouais c'est bon ! »

Tom lui lance la sienne en balançant sa mèche blonde et frivole sur le côté. Le jeu démarre sur l'écran, les circuits se dessinent déjà et, avant même que Hall avale sa première gorgée, le feu passe au vert.

- « Vas-y je le sens bien ! »

- « Moi aussi ! »

Tom vient de doubler Hall et prend la tête de la course.

- « Dégage de la route ! »

L'adolescent balance un coup d'épaule au blond.

- « Je l'ai ! »

- « Attends je t'envoie une bombe ! »

- « Mais c'est à moi que tu l'as envoyé imbécile ! » s'énerve Losvitch en dégageant Tom d'une manœuvre de pouce.

- « Ah pardon. »

Contre toute attente c'est finalement Jay le gagnant.

- « J'aurais remporté le prix sans ton canon. »

- « Tu étais dernier. Piège ou pas tu ne risquais pas de gagner quoi que ce soit. »Losvitch boit d'une traite le reste de sa canette. La prochaine course commencera bientôt.

- « En parlant de canon, y'a une nouvelle qui a emménagée dans le dortoir des filles. »

- « Quelles filles ? »

- « Aline et tout. »

- « Aurelle est vite partie ! »

Un silence se fait dans la pièce. L'adolescent balance une claque dans la tête de son pote.

- « Eh bien quoi ? »Tom se masse douloureusement le crâne avant de revenir sur son sujet.

- « Je ne l'ai jamais vu mais d'après les gars qui trainaient dans le couloir, elle est vraiment belle. »Son ami lève les yeux aux ciels.

- « Et Joy ? »- « Quoi Joy ? »

- « Vous êtes ensemble non ? »

- « Oui mais ça ne m'empêche pas de me renseigner sur la nouvelle... »

La tête de Losvitch chauffe déjà. Il n'a pas l'intention de se retrouver avec une autre copie ratée d'un personnage de téléréalité qui se croit toute permise. Il regarde sa montre. 23h32. Il est temps de s'éclipser.

- « Bon, allez bonne nuit les gars ! »

- « A demain, je vais me coucher aussi ! »

- « Ouais bonne nuit ! »

Losvitch lance un dernier au revoir à ses amis puis disparait dans sa chambre. Seul lui sait qu'il ne risque pas de dormir.

* * *

Le village de Train se découpait dans les champs. Ses maisons de pierres étaient serrées dans un petit périmètre au sol de graviers et de pavés d'un ancien temps. On n'aurait su dire si la demeure en contrebas était l'église, la mairie ou le bar. Les familles qui vivaient là étaient les même depuis des décennies. Les seuls visiteurs venaient de la ville voisine. C'était le plus souvent des industriels ou des écrivains fortunés qui possédaient des manoirs dans les hauteurs.

Cela signifiait donc que la majeure partie du temps, Leïla et sa fille devaient faire face à une bande de conservateurs renfermés et désagréables. Eillana était haute comme trois pommes en ces temps-là. Elle tenait son panier dans sa main droite et de l'autre replaçait son foulard bleu. Les gens d'ici n'aimaient pas les cheveux blancs.Elle ne retenait pas parfaitement ses leçons mais ce souvenir là était infaillible. Elle se remémorait parfaitement le marché bondé du centre et de ce jour au ciel bleu lorsqu'elle était allée chercher de la viande chez le boucher.

- « Que voulez-vous mam'selle ? » il lui avait demandé.

Pétrifié de parler à un inconnu, elle s'était contentée de lui pointer timidement un morceau de steak. Le boucher lui avait donné et elle s'était précipitée hors de la boutique.

- « Œufs, cinq cuars seulement ! »

- « Goutez à mes tomates monsieur, sorties de mon jardin ! »

La petite fille se faufilait entre la foule. Elle murmurait de timides « pardon ! » chaque fois qu'elle frôlait quelqu'un. Une main sur son front l'arrêtait. Eillana levait doucement les yeux sur deux enfants, des jumeaux sûrement. Tous les deux châtains, bien vêtu, ils lui souriaient.

- « Salut, toi, moi c'est Carissa et lui c'est Carter, mon frère. »

- « Je suis Eillana. » avait elle murmurer.

- « Quoi ? »

- « Moi c'est Eillana. »

- « Heureuse de te rencontrer ! » Elle lui avait serrer énergiquement la main. « Tu vis ici ? »

- « Oui mais ma maman est originaire de la ville. »

Carissa avait échangé quelques mots avec son frère. Carter avait lâché un sourire. Eillana avait alors réaliser sa grosse gaffe.

- « Il est beau ton bandeau dis-donc. »

Il approchait des doigts curieux de sa tête que la petite repoussait vivement.

- « Merci. » avait-elle répondu froidement. « Heureuse de vous avoir rencontré mais je dois y aller. »

- « Pas si vite, tu t'en vas déjà ? »

Carissa rattrapait Eillana et tirait son foulard. Celle-ci paniquée, se mit à tâter son crâne.

- « Rends-le-moi ! »

La petite fille se jetait sur Carissa qui esquivait l'attaque et la fit tomber sur le sol. Les villageois tournèrent la tête vers la scène. Eillana se relevait. La première tomate fusait et tombait droit dans sa figure.

- « Sorcière ! »

- « Anomalie ! »

Les légumes lui arrivaient dessus en masse. La huée montait. Elle se mit à pleurer.

- « Eillana ! »

Leïla accourait vers sa fille et posait un châle protecteur sur ses cheveux.

- « Viens, on rentre. »

Le pas de sa mère se fait plus rapide.

- « Sorcière ! »

Un homme armé apparaissait devant elles et pointait son pistolet sur le front de sa mère.

- « Sorcière ! » répétait-il.

Il y eu une violente détonation.

- « Maman ! »

Eillana s'éveille en sursaut.

- « Un rêve. C'était juste un rêve. »

Elle en est consciente car sa mère a déjà rendu l'âme. Mais pas de cette façon.

Il est une heure du matin. Un peu plus même ; et elle sait qu'elle ne risque pas de se rendormir.

L'adolescente se lève de son lit. La lune est haute dans le ciel ; les rayures de son pyjama noir en accrochent la lumière. Elle respire lentement. Il lui faut une distraction, quelque chose qui la sorte de l'état dans lequel ses cauchemars la mettent. Aline lui avait dit qu'il y avait une cuisine au troisième étage des dortoirs. Eillana hésite environ trente secondes avant d'enfiler ses baskets et quitte ses appartements. Ce n'était pas comme si quelqu'un allait être là à cette heure-ci?

L'adolescente progresse silencieusement dans les couloirs. Elle ouvre la porte avec précaution et se retourne pour la refermer. Enfin, elle peut lâcher un soupir de soulagement. Sa chambre est trop étouffante pour qu'elle songe y retourner. Eillana se concocterait un lait chaud au miel comme sa mère lui faisait petite, et tout finirait par rentrer dans l'ordre.

- « Excuse-moi ? »

Elle stoppe tous mouvements. En face d'elle se tient un jeune homme, grand avec des cheveux clairs et des yeux gris. Beau. Se fait elle silencieusement réflexion. Il porte un t-shirt noir et un pantalon large foncé. Ses sourcils se froncent. Elle l'a déjà vu quelque part.

- « Qui es-tu ? »Il esquisse un sourire en coin.

- « Ça fait un an que je suis à Notari et je ne t'ai jamais vu. Ce ne serait pas à moi de poser la question ? »

Elle déglutit.

- « Qu'est-ce que ça peut faire. »

Il hausse les épaules et se met à sortir des fruits d'un placard. La jeune fille l'observe. Ossature musclée, grand de taille, gestes habiles et de légère marque de bronzage. Joueur de wildball pour sûr. Elle voit d'où elle le connait maintenant.

- « Il y a du miel dans cette cuisine ? »

Le garçon se tourne à nouveau dans sa direction et pointe ce qu'il sortait. Entre autre un ananas, des oranges, des pamplemousses, quelques bananes, des raisins, de la mangue, du citron et même des morceaux de noix de coco. Puis il descend un pot jaune de l'étagère.

- « Oui. Fais attention le couvercle est cassé. »

Elle lui adresse un sourire plat avant de verser un grand bol de lait dans la casserole.Le silence est plutôt apaisant. Seul le bruit de couteau de cuisine martelé résonne dans la pièce. L'adolescente regarde les boutons des plaques tour à tour ; les instructions sont écrites dans une langue qu'elle ne connait pas.

- « Premier à droite. »

- « Merci. »

- « Nouvelle, première année ? »

Elle lève sa tête vers le jeune homme, toujours concentré sur son travail.

- « Nouvelle oui, mais deuxième année. »

Il balance ses fruits coupés dans un mixeur.

- « Tu viens du studio 74. » Son regard se fait scrutateur. « C'est drôle, je t'imaginais un peu différente. »

Perturbée par son affirmation, elle attend que le mixeur finisse son travail pour répondre.

- « Différente ? »

- « Tu salis tes ongles pour cuisiner. »

- « Très drôle. »

Elle détache le tupéroire de la machine et se cherche un verre.

- « Sinon qu'est ce qui t'amènes ici ? » demande-t-il, concentré sur le versement de sa mixture.

- « Stress du premier jour. » invente-t-elle. « Et toi ? »

- « Mauvaise nuit. Impossible de m'endormir depuis deux heures. »

Eillana fronce le nez, creusant une ride profonde sur son front. Toutes ces soirées hantées, ces moments à sursauter en criant le nom de ses fantômes du passé, l'ont familiarisé aux sensations des mauvaises nuits : bouche pâteuse, front transpirant, gestes maladroits... Or, ce gars en face d'elle est parfaitement lucide. Il est vrai que ce ne sont pas du tout ses affaires mais sa nature la pousse à la curiosité.

- « Tu étais hors du campus ? »

- « Excuse-moi ? »

- « Je sais que je ne devrais pas m'en mêler mais tout à l'heure tu m'as dit que tu étais ici depuis deux heures parce que tu n'arrivais plus à dormir. Le truc qui me perturbe c'est que tes chaussures sont couvertes de poussières et ton T-shirt est trempé d'eau de pluie bien que la dernière averse date d'il y a une heure. Tu as un énorme sac planté derrière toi, lui aussi mouillé, ce qui me fait revenir à ma question : tu étais hors du campus ? »

Elle lui adresse une moue satisfaite. Il se mord les lèvres, un léger sourire plaqué sur ses commissures.

- « Je ne savais que tu avais un scanner ? Mais si tu veux vraiment jouer au détective... » il s'adosse au mur opposé, « Jouons. »

Eillana s'assois à son tour, indifférente.

- « Tu débarques du jour au lendemain, personne n'a jamais entendu parler de toi. Je n'ai pas eu l'honneur de voir ton entrée très remarquée mais elle circule sur le vlog... »

- « Un vlog ? »

- « Tu verras ça plus tard. Puis-je continuer ? »

- « Bien sûr, je suis curieuse de savoir les informations qu'un inconnu a envie de me soutirer ! »

- « Tes vêtements sont tous de marques. Excessivement cher. Tu es arrivée dans une grosse voiture noire, tu fais partie d'un studio confortable et ton nom est affiché sur la page des donateurs ce qui signifie que tu dois être riche. Mais l'existence de ta famille est inconnue de tous. »

Une goutte de sueur perle sur le front de la jeune fille au fur et à mesure qu'il continue son monologue.

- « Ne t'en fais pas. Les gens ne se poseront pas de question là-dessus. Bon nombre d'élèves ici sont fortunés donc que tu le sois aussi ne choque personne. » il marque une pause et déroule son regard de bas en haut. « Mais, pour avoir eu l'habitude de fréquenter un tas de gens ennuyeux auprès de mes parents, tu es beaucoup plus friqué que la plupart des étudiants d'ici. »

- « Qu'est ce qui te fais dire ça. » se défend-t-elle un peu trop agressivement.

- « Ce que tu portes est une édition limitée d'une marque de haute couture... Même tes baskets valent une petite fortune. Ma question à moi c'est qui est tu ? »

Eillana préfère garder le silence. Elle fixe le sol quelques instants avant de relever la tête.

- « Tu vois, on a tout les deux des choses que l'on ne veut pas dire donc, si tu veux qu'on finisse par cohabiter mieux vaut garder ses secrets pour soi. »

- « Bonne idée. »

Un tintement de la casserole interrompt leur conversation. Eillana s'empresse de verser le lait au miel dans un récipient. Un silence s'installe tandis que chacun boit de son côté. La boisson se déverse dans sa gorge comme un calmant. Une vieille recette de Leïla qui n'a aucune particularité apaisante si ce n'est sentimentale.

- « Sinon, comment est la vie entourée d'Aline et des filles ? »

- « Plutôt bien. Elles sont envahissantes mais mignonnes. Il faudra plutôt que j'use de mes qualités médiocres en sociabilisation auprès des autres... »

Le jeune homme se met à rire.

- « Tu n'auras pas besoin d'user de quelconque qualité avec qui que ce soit ici ! Tu sais, pas besoin de jouer à la nouvelle angélique avec moi, je sais très bien que tu as compris que tu seras apprécié. Du moins des gars. »

Elle le gratifie d'une moue innocente en guise de réponse. Bien sûr qu'elle a noté les regards qui étaient sur elle au moment où ses chaussures ont passés la porte. Mais on lui a toujours dit de ne pas montrer ses atouts mentaux en premier lieux.

- « Je pensais que ça marcherait mais visiblement c'est fichu. »

- « Je t'en prie. Tu as remarqué en moins de trois minutes que je te roulais dans la farine pour pas que tu me dénonces... »

- « J'ai l'air d'une balance ? »

- « Avec quelques larmes sous les yeux tu passerais pour une pauvre étudiante qui veux juste être honnête. »

Eillana soupire.

- « Je le sais mais dénoncer de petites escapades de nuit hors weekend ne m'intéresse pas vraiment. Il faudrait une plus grosse effraction du règlement pour que je débute le chantage... »

- « Les gens intéressés comme toi m'effraient. Si la vie à Notari était un combat je met ma main à couper que tu aurais des chances de survies. »

L'adolescente agrée totalement à cette théorie. Mais quelque chose lui dit que ce garçon serait un adversaire de taille.

- « Dans une arène, le perdant qui est idiot court vers l'arc le plus proche, le stratège qui veut seulement survivre court vers le bouclier et le gagnant qui veut dominer fera cinq pas de plus que les autres pour attraper le pistolet. Mon père m'a toujours dit : alors que les perdants foncent tête baissée, les gagnants réfléchissent. »

Losvitch acquiesce lentement. La salle retrouve son calme, devenu presque habituel. Un sifflement presque imperceptible émane du four à pain sur leur gauche et tient son cerveau occupé. Alors qu'elle continue de boire, le jeune homme lance :

- « Attends, » reprend-il « Tu es la fille d'Orlando Croford ? »

La tasse d'Eillana s'écrase sur le sol dans un fracas cristallin.

Orlando Croford avait pris le soin de rendre l'existence de sa fille plutôt discrète, pour ne pas dire invisible. Bien sûr, lorsqu'il avait ramené dans sa demeure une gamine de six ans, il n'avait pu échapper à quelques médias mais, heureusement pour lui, ses nombreux contacts ont fait taire les agences journalières et les plateaux télés. Alors elle se demande, malgré toute les mesures prises par son paternel, comment ce garçon peut-il connaitre son identité ?

- « Mon père et le tien se connaissent. Ils travaillent ensemble. Orlando est un ami de la famille. Il m'avait parlé de toi . »

Elle inspire profondément.

- « Garde ça pour toi, ok ? »

Il hoche la tête.

- « La tasse cassée aussi ? »

Eillana fixe les débris à ses pieds. Losvitch fait le tour du plan de travail. Il lui tend une pelle et une balayette puis l'aide à ramasser les morceaux.

- « L'école tient pas mal à ces tasses ; elles sont plutôt vieilles alors, évite d'en parler sinon le personnel de la cuisine risque de t'interdire l'accès. »

- « Les règles n'étaient pas censés être épargnés au fils et aux filles à papa ? »

- « Tu comprends vite les choses. » il débusque un débris sous la table centrale. « Je suis Losvitch. »

- « Eillana. » répond-elle. « Je peux te poser une question ? »

- « Dis-moi tout. »

- « Les filles ont évoquées le fait que l'image était très... importante. Mais personne ne m'a vraiment donné de détails. Toi qui es franc jeux, éclaire mon esprit ! » rétorque-t-elle ironiquement.

- « S'il le faut... Notari a un fonctionnement élitiste immuable : si tu fais partie des donateurs, on te respecte, si tu es beau, on t'admire et si tu es célèbre, tu es sure de te trouver un tas de faux amis. » Son regard se tourne à nouveau vers elle. « Les étudiants les plus appréciés sont élus chaque mois par le vlog selon les tendances. Pour être dedans la plupart font des exploits sportifs, mais toi tu auras juste à rester... toi. »

- « C'est-à-dire ? »

- « Jolie et attrayante. »

Eillana hausse ses sourcils avant de mettre une claque sur le crâne de Losvitch.

- « Ce n'est pas un peu machiste ? »

- « Non, pas vraiment puisque c'est la même chose pour garçons et filles. Ceux qui sont beaux le restent et n'ont pas à faire d'efforts, personne ne leur en demandera plus. C'est injuste mais c'est comme ça. »

Si elle n'avait pas eu à étudié ici, Eillana aurait probablement explosé de rire. Mais savoir qu'elle vient de quitter sa cage dorée pour atterrir dans une institution tordue la réjouit moyennement.

- « Après je te rassure, on ne passe pas nos journées à penser à comment on pourrait faire pour monter dans le classement. »

- « Encore heureux, j'étais à deux doigts de me barrer. »

Losvitch donne un coup de poing théâtral dans la table.

- « Dommage. Mais tu peux encore le faire, j'aurais été débarrassé d'une future Aline. »

Qu'il la compare à son amie -si sympathique soit elle- la vexe.

Eillana n'est pas comme eux.

- « Si je partais je n'aurais plus à supporter des clichés comme toi. » lui fait-elle remarquer. « Mais ne t'en fais pas je reste. Juste pour le plaisir d'avoir l'occasion d'admirer un fils à papa supérieur qui a une vie rose dénué de malheurs et de problèmes... »

Son visage se renferme.

- « Tu es bien placée pour le savoir, je pense. »

- « Tu ne sais rien de moi. »

- « Toi non plus. »

Le téléphone d'Eillana vibre. Une notification d'une application sans importance. Mais elle note l'heure. Il est déjà quatre heures du matin. Autant de temps s'était-il écoulé ?

- « Je vais y aller. » déclare la jeune fille en jetant à la poubelle les restes du récipient brisé. « Au plaisir de ne jamais te revoir. »

- « Va te faire voir, princesse. »

Elle sourit froidement et disparait à pas de loup dans le corridor.