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Zéphyr, rends-les moi.

🇫🇷CoolNEET
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Synopsis
Iroze est un jeune homme de 14 ans qui s'est fait dérober son apparence et ses souvenirs par le Zéphyr, une maladie moderne qui chuchote à l'oreille de ses victimes afin de les attirer dans son monde. Si vous lui résistez... il vous prendra tout !
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Chapter 1 - Supplicié, je t'ai trouvé.

Assis en demi-cercle autour d'un feu, trois enfants... ou peut-être quatre, avaient les oreilles grandes ouvertes ainsi que les yeux rivés sur la personne qui se tenait de l'autre côté du brasier.

Un homme qui, au vu du nombre d'histoires passionnantes qu'il leur avait racontées ces derniers jours, devait avoir vécu au moins cent ans !

Pourtant, son apparence lui en donnait bien cinquante de moins. Il avait une carrure athlétique et dégageait quelque chose de sain.

Son teint était lumineux, mettant parfaitement en valeur son bronzage hâlé, identique à celui des enfants et des autres insulaires.

Son visage fin portait malgré tout quelques rides et était surmonté de cheveux gris soignés et parfaitement arrangés en un chignon ridiculement bien plaqué, aucun cheveu n'osait frisotter sur sa tête.

Pour sûr, l'allure flatteuse de l'homme attirait l'œil ; cependant, il y avait chez lui quelque chose qui demandait une attention particulière, quelque chose d'insaisissable... de mystique.

"La vue était RENVERSANTE, littéralement ! À la seconde où nous avions posé le pied sur le pont brisé, le monde s'était inversé, d'un coup ! Puis remis à l'endroit comme pour nous récompenser d'avoir gravi ces montagnes stupides."

Baek soupira puis descendit habilement du rondin de bois qui lui servait de fauteuil pour s'asseoir en tailleur sur le sable, plus proche des enfants, et continua son histoire à voix basse, comme si cette aventure avait été tellement exténuante que s'en rappeler le fatiguait.

"Franchement, faire de l'alpinisme la tête à l'envers fut une vraie épreuve, sous nos pieds la montagne et au-dessus de nos têtes, au loin, la plaine d'où l'on venait ! Vous imaginez ?

Quant à savoir à quel moment la gravité s'était inversée, personne ne le savait ; nous étions tous trop occupés à nous battre contre les abominations qui habitaient les lieux.

Lyn a été la première à le remarquer, je vous raconte pas sa tête quand elle s'en est aperçue, sa mâchoire touchait le sol."

Les trois enfants rirent de bon cœur. Ou plutôt... était-ce les quatre ?

Le vieux jeune homme s'amusa de leur réaction puis reprit :

"M'enfin bref, ce qui vous intéresse sûrement, c'est de savoir si tous nos efforts ont payé, pas vrai ?"

"OUI !! Abrège !" - hurla une jeune fille.

Huh. Flippante.

"Oui, oui pardon, pardon ! J'avance, j'avance... hum... où en étais-je ?"

"Qu'est-ce que vous avez trouvé là-bas !"

Sous la pression des enfants, Baek ne put continuer à gagner du temps.

Son regard devint distant, à l'inverse de ce qu'il était il y a quelques minutes.

Il soupira,

"Ahem... de belles choses, vraiment. Les habitants avaient laissé derrière eux des tonnes de trésors et d'inventions en tout genre. Tenez, ceci par exemple."

L'aventurier sortit de son col un pendentif, et plus précisément, un très joli médaillon ovale de couleur bleu azur avec des ornements orange qui en faisaient le tour.

Un bijou très élégant, celui qui l'avait conçu devait être extrêmement talentueux.

Baek pressa un petit bouton sur le côté du bel objet et celui-ci s'ouvrit pour laisser apparaître une photo de famille sur laquelle ce dernier, sa femme, ainsi que ses deux enfants - un jeune adolescent et une petite fille - prenaient la pose, souriant.

"Wouahhhh, magnifi-"

Coupant le garçon en plein milieu de son exclamation, le monde vacilla subtilement, presque imperceptiblement, autour de la main de l'explorateur.

Soudain, le collier brilla et la photo prit vie ; les enfants aperçurent alors la jeune fille lever la tête vers ses parents, leur dire quelque chose puis la vidéo reprendre sa position initiale, recommençant l'action en boucle. Le pendentif avait stocké un véritable souvenir !

"C'est incroyable, le vieux ! Pourquoi les habitants ont-ils laissé ça derrière eux ?"

Le vieux ? Il m'a appelé le vieux ?

Visiblement touché par l'arrogance du jeune homme, Baek fit la grimace puis lui répondit :

"A vrai dire, Milo... je n'en ai pas la moindre idée. Néanmoins, mes compagnons avaient chacun leurs propres théories : Duren et Sven pensaient que les habitants avaient été chassés et par conséquent n'avaient emporté que le strict nécessaire, tandis qu'Allen et les autres avançaient que, sans trace de batailles dans la ville, il était évident que cela devait être autre chose."

L'homme couvrit son visage d'une main et rit nerveusement avant de reprendre :

"Et puis, il y avait Lyn ; elle, ne pensait à rien comme à son habitude, mais son estomac lui avait fait nous souffler quelque chose d'intéressant... Même dans les granges de la ville, il n'y avait aucune trace de nourriture ni même de moyen d'obtenir de l'eau potable. La source d'eau la plus proche était un lac dans la prairie que nous avions traversée, alors il était impossible que les habitants s'y approvisionnent car cela nécessiterait de traverser les montagnes afin d'y accéder, et l'aller-retour était bien trop dangereux. Sacré mystère, honnêtement, à l'heure actuelle je ne suis toujours pas sûr de la raison de l'absence d'habitants."

L'imagination des enfants s'emballa, leur cœur battant à tout rompre, semblant pouvoir sortir du lit les parents qu'ils avaient eu tant de mal à ne pas réveiller pour venir.

Baek jeta un œil au ciel, son regard vif et intelligent semblant en avoir déduit quelque chose, son léger froncement de sourcil en témoignant aussi.

Au dodo, les mioches, vous avez été de super appâts.

Mimant le fait de regarder sa montre, Baek fit semblant d'être étonné :

"Déjà ?! Ola ola, faudrait voir à pas tarder dis donc, hé hé, c'est que le temps file. Allez, au lit les morveux, c'est l'heure."

"QUOI ! Mais t'as même pas de montre !"

L'homme s'indigna :

"Et alors ! Tu crois qu'un vrai aventurier a besoin de montre pour connaître l'heure ?!"

"Ah ouais ? Il est quelle heure alors ?" questionna Alice.

"Et surtout, pourquoi t'as fait semblant de regarder une montre au lieu de juste nous dire d'aller dormir ?" surenchérit Den avec une pointe d'exaspération.

Baek fit mine de réfléchir en regardant le ciel et répondit :

"Mmhh d'après la position des étoiles, il est pile 4h48 et 27 secondes. Et Den, comment arrives-tu à me prendre de haut tout en ne faisant qu'un mètre trente ? C'était juste une petite blague !"

Milo regarda sa propre montre, leva la tête vers l'explorateur, puis tendit son bras en direction des deux autres enfants.

Alice rit jaune :

"Il est même pas minuit dix..."

"Oh ça alors ! Eh bien… pas mon problème ! Au lit les microbes. Et plus vite que ça !!"

Ne prenant même pas la peine de cacher leur frustration, les enfants se levèrent et partirent de la plage en direction du village afin de retrouver leur lit.

Après quelques instants, Alice fit demi-tour :

"Ohh, j'oubliais !"

Et envoya un coup de pied dans le sable, droit vers Baek. Elle pouffa de rire en voyant les cheveux de l'homme, auparavant si bien coiffés, pleins de sable.

Les trois enfants s'enfuirent en courant aussi vite qu'ils le purent.

"Quelle bande de sales gosses… Peuh ! J'ai du sable plein la bouche, c'est vraiment dégueulasse !"

Ah enfin…

Désormais seul, du moins en apparence, Baek fixa l'autre côté du feu, droit au niveau des yeux de quelqu'un qui serait assis en face.

Son visage, d'ordinaire décontracté et sa mine, qui semblait toujours joviale et facile à lire, devinrent lourds, fermés, comme s'ils tentaient de dissimuler une tempête d'émotions négatives.

Malheureusement, malgré tous les efforts de l'aventurier, l'atmosphère autour du feu de camp avait changé. Si quelqu'un observait la scène de loin, il n'aurait jamais pu deviner que des enfants y riaient il y a encore quelques minutes.

Baek brisa le terrible silence :

"Désolé, je préfère commencer par là, mais je ne te vois et ne t'entends pas."

Le sable bougea... ou peut-être l'avait-il fait ? Baek n'en était plus sûr, mais ne tomba pas dans le piège et continua de parler, certain de la présence de quelqu'un d'autre en face :

"Tu es atteint du Zéphyr, honnêtement c'est un fléau vraiment cruel… Je te rassure, tu n'y es pour rien, il touche les gens au hasard sur Terre."

Il se gratta la tête, incertain de la manière de continuer cette conversation étrange et délicate.

"Enfin bref, tu es à un stade plutôt avancé de la « maladie ». Un beau jour, il vous choisit et tente de vous attirer à lui avec ses belles paroles. Et si vous résistez..."

Le cœur de Baek se serra. Il était profondément attristé d'avoir à annoncer cela à quelqu'un qui était probablement un enfant. Après tout, ils étaient les cibles préférées de cette calamité.

"Si vous résistez, il commence par vous priver de vos connexions avec le monde ; les gens vous oublient petit à petit, chacun leur tour. Il vous montre juste de quoi il est capable, pour vous faire céder. Si vous ne le faites pas... eh bien, il continue de vous dérober, cette fois-ci, c'est votre apparence qu'il récupère, vous empêchant ainsi d'interagir avec vos semblables."

Le brasier s'agita, les flammes ondulant sauvagement comme si elles étaient consternées par ce que Baek racontait. On les aurait presque entendues crier à l'injustice.

Le ciel fut traversé par des centaines d'étoiles filantes, chacune semblant souhaiter que tout s'arrange pour le malheureux.

Les vagues grandirent et avalèrent une plus grande partie de la plage, lentement, elles s'approchèrent du supplicié, tentant de l'enlacer comme un vieil ami en réconforterait un autre.

Le vent, quant à lui, hurlait fort. Son mugissement, en tout point semblable à un rire moqueur, montrait clairement qu'il ne se souciait pas du destin de sa victime.

Arrivant de l'Ouest, c'était peut-être lui qui avait attisé les flammes, agrandit les vagues et dirigé les étoiles filantes. Tout compte fait, pourquoi le monde se soucierait-il d'un inconnu ?

Iroze avait cessé de chercher des signes. Cela faisait plus d'un an qu'il avait été infecté, alors il avait eu le temps de réfléchir à ses actions.

Pas un jour ne passait sans qu'il ne se demande "Pourquoi moi ?". La conclusion semblait claire : le malheur s'était abattu sur lui telle une catastrophe naturelle, sans raison.

Orgueilleux et prêt à se battre contre la volonté divine, il s'était juré de ne jamais céder aux murmures alléchants ; il ne suivrait jamais ce qui lui avait tout pris ! Cependant, il avait oublié cette promesse...

Depuis un mois que Baek était là, personne n'avait jamais vu une mine aussi affligée sur son visage.

"Le plus cruel est très certainement le troisième stade. Si la démonstration de force du Zéphyr n'a pas suffi, alors il vous prendra vos souvenirs, et par conséquent votre raison de résister. Après tout, libéré de toute attache à ce monde, pourquoi résister à son appel ?"

Soudain, deux traces de pas apparurent dans le sable, surprenant le vieil homme. Celui-ci se concentra dessus afin de ne pas les oublier.

Mais... quelques secondes plus tard, il ne se rappelait déjà plus de ce qui avait retenu son attention plus tôt, alors il continua de parler, espérant que la personne soit encore devant lui.

"Si je ne te vois pas, c'est que tu es déjà à la seconde étape. Du moins, j'espère sincèrement qu'il ne t'a pas encore pris tes souvenirs. Je suis venu sur cette île pour te trouver et t'informer de la suite. Malheureusement, le temps presse et je dois faire vite."

Il accéléra :

"J'ai mis plus d'un mois à capter ta volonté, alors je serai bref : tôt ou tard, tu céderas au Zéphyr et il t'emportera en son sein. C'est un monde différent, dangereux… une fois là-bas, si ce n'est pas trop tard, il faudra que tu te dépêches de retrouver la civilisation.

Les humains ont construit des villes plus ou moins stables dans de nombreux endroits. Là-bas, quelqu'un t'aidera à comprendre un peu plus ce qui t'est arrivé.

Cependant, si tu as déjà perdu tes souvenirs, à ton arrivée, le Zéphyr ne te les aura pas rendus. Ta punition pour lui avoir résisté sera de retrouver ce qu'il t'a pris. En priorité, tu dois chercher ton apparence, car elle te permettra d'interagir avec les autres humains. Sans cela, ce n'est même pas la peine de retrouver la civilisation."

Baek accéléra encore plus son discours, comme si son instinct avait deviné que le jeune homme allait disparaître d'un moment à l'autre. Il s'en voulait, car sa panique devait être contagieuse.

"Dans cet autre monde, tout est régi par la Volonté ; elle te possédera, toi ainsi que tout ce qui y exis-"

Merde !!

Soudain, le monde oscilla de la même manière que lorsque Baek avait activé le pendentif, mais à une échelle bien plus grande !

L'homme se leva et hurla de toutes ses forces en direction du portail :

"QUI QUE TU SOIS, JE TE SOUHAITE D'Y ARRIVER, N'ABANDONNE PAS ET SURTOUT FAIS ATTENTION AUX ASTR-"

Coupant de nouveau la parole à l'aventurier, le monde se stabilisa et redevint normal.

"Iroze ? Ton nom était Iroze ? Comment me l'as-tu communiqué ?"

Pensif, Baek tendit la main, pliant le monde à sa Volonté, et disparut. Lui aussi avait décidé de rentrer chez lui.

"Ahhh... Jeune homme, tout commence ici pour toi."

Chapitre Un : "Zéphyr, rends-les-moi." Fin.