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Chapter 3 - Et l'eau fût !

Le bosquet en îlot était baigné du doux rayonnement éthéré de la lune, son éclat argenté se déversant comme un message céleste sur les frondaisons majestueuses.

La lumière descendait gracieusement sur la petite forêt, traversant chaque feuille, chaque brin d'herbe, et transformant le bosquet en un sanctuaire mystique, hors du temps, coupé de toutes les violences absurdes de son monde.

Autour de ce havre de paix, la plaine qui bordait le lac était plongée dans un silence apaisant, tandis que la nuit enveloppait les environs dans une étreinte silencieuse, veillant à ne pas troubler la quiétude de la scène.

Étrangement, bien que la lune fût suspendue au-dessus de la plaine, seule la surface du lac bénéficiait de sa lumière chaleureuse.

Le reste du paysage, bien que tout aussi beau, demeurait plongé dans une pénombre douce et rassurante, presque irréelle, comme si ce coin de nature était en communion secrète avec les dieux.

L'impression de sainteté que dégageait l'endroit était si puissante que même les monstres préféraient habiter les montagnes qui bordaient le paysage lacustre, trouvant refuge dans l'inhospitalité des monts abrupts plutôt que dans la quiétude sereine de la plaine.

Ces montagnes, bien que potentiellement peuplées de créatures redoutables, dégageaient un profond sentiment de révérence et de majesté.

Leurs arêtes tranchantes perçaient l'infinité du ciel, renforçant leur présence imposante en ce bas monde.

Elles se dressaient là, implacables face aux vents violents qui les fouettaient de l'ouest, rappelant à quiconque les regardait la petitesse de la vie face à l'immensité de la nature.

Leurs flancs escarpés et leurs sommets immenses imposaient le respect, évoquant l'éphémérité de l'existence dans cet univers vaste et mystérieux.

Le calme solennel qui imprégnait la scène semblait introublable, comme si rien ni personne n'oserait perturber la paix divine qui régnait en ces lieux.

« AHGGHHHHHHHHHHHHHHHG ! QU'EST-CE QUE JE FAIS MAINTENANT ? JE VAIS MOURIR ICI, J'AI JAMAIS EU UN VERTIGE PAREIL ! »

Pourtant, depuis plusieurs longues minutes, des cris horribles et stridents déchiraient le voile de tranquillité des lieux.

Semblant provenir d'une créature monstrueuse dévorée vivante dans une agonie terrifiante, les hurlements glaçants provenaient en réalité d'Iroze.

Il criait si fort que la surface du lac semblait frémir sous les ondes gutturales.

Sa malchance l'avait fait atterrir sur cette lune, suspendue à peine quelques centaines de mètres au-dessus d'un paysage magnifique, seul, isolé.

Seul ? Peut-être était-ce, en fin de compte, une chance ?

Mais pour l'instant, le jeune garçon ne pouvait penser qu'à sa situation désespérée.

Le sol semblait se dérober sous ses pieds, et le vertige le submergeait, amplifiant son sentiment d'impuissance. Il était face à l'immensité d'un monde inconnu.

Étant apparu en face du sol terrestre, Iroze avait atterri sur la partie basse de la lune.

Tout ce qu'il avait vu jusqu'à maintenant se résumait au lac et à la plaine.

Depuis tout ce temps, il avait en fait la tête à l'envers, bien qu'il n'en ait pas la sensation grâce à la gravité de l'astre qui faisait couler son sang dans le bon sens.

Malgré tout, voir le sol lorsqu'il levait les yeux l'avait profondément troublé.

Je- je crois que je commence à comprendre pourquoi Lyn a tiré une tronche pareille quand elle s'est rendue compte qu'ils avaient la tête en bas. Est-ce que c'est quelque chose de courant ici d'avoir la gravité inversée d'un endroit à l'autre?

Lorsqu'il écoutait les aventures passionnantes de Baek, il pensait s'être découvert une âme d'aventurier, il s'imaginait tout à fait braver l'inconnu à la recherche de cités mystiques ou de lieux inexplorés et mystérieux en tout genre.

Pourtant, en cet instant, il se maudissait d'avoir été aussi naïf, rougissant même de honte en repensant aux élucubrations qui avaient traversé ses pensées.

Mon dieu, mais quel débile. Je me suis vraiment imaginé épée à la main en train de me battre contre le monde ? C'est bien fait pour ma pomme ! Maintenant j'suis coincé tout nu sur la lune. Et sans épée par-dessus le marché !

Le très jeune homme essuya ses larmes, renifla un bon coup et cessa de faire les cents pas en rond.

Reprenant un semblant de calme, Iroze se demanda quelle était la meilleure chose à faire dans sa situation.

Premièrement, je vais arrêter de regarder au-dessus de ma tête, c'est complètement dingue qu'un si petit caillou ait assez de gravité pour me retenir à sa surface. Et puis, qu'est-ce que je raconte ? Comme si c'était le seul truc louche ! Le bordel est en train de flotter à même pas un kilomètre du sol !

Il se pinça le nez et soupira fort.

Deuxièmement, y a rien autour de moi et vu la taille du truc, ça ne me prendra pas longtemps d'en faire le tour. Il- il faut que j'explore, oui.

Simulant une brève poussée de courage, l'adolescent se redressa et bomba le torse. 

Un peu.

D'ailleurs, je fais quoi s'il y a un monstre de l'autre côté de la lune ? Est-ce qu'on sera condamnés à courir en rond jusqu'à ce qu'un de nous soit fatigué ? Jusqu'à ce qu'il m'attrape même. Est-ce que j'aurai le temps de courir si j'en croise un ?! Ou deux ! Ou trois ! Ou quatre même !

Et s'ils sont cinq ?!

Laissant ses peurs prendre complètement le dessus sur son esprit, il poussa son corps en avant, vers l'inconnu de la face cachée de la lune.

Plusieurs dizaines de minutes s'étaient écoulées.

Iroze, d'abord prudent, avait commencé à marcher à reculons, jetant des regards inquiets par-dessus son épaule, comme si une créature tapie dans l'ombre pouvait surgir à tout moment.

Mais peu à peu, le silence environnant le rassura. Le calme du lieu, d'abord pesant, devint presque apaisant, et il se mit à accélérer le pas, se persuadant qu'il était seul sur ce rocher lunaire.

Pourtant, même après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres, il n'y avait toujours pas le moindre signe de vie, ni même quoi que ce soit de notable.

Le paysage restait désespérément vide, une étendue de roches nues et de silence, renforçant son sentiment d'isolement.

Le silence était si absolu qu'il pouvait entendre son propre souffle et le léger frottement de ses pieds nus sur le sol. Chaque pas semblait amplifier ce vide autour de lui, et malgré ses efforts pour rester optimiste, une inquiétude sourde commençait à le gagner.

Toujours rien ?

Je commence à apercevoir le ciel de l'autre côté, se dit-il en apercevant une lueur à l'horizon.

Si je n'y trouve rien, ce sera le moment de pleurer.

Tandis que son visage se vidait peu à peu de ses couleurs à l'idée de faire chou blanc, Iroze maintint son allure, mettant un pied devant l'autre, tout en prenant soin de ne marcher que sur des roches plates pour éviter de se blesser.

Je crois que me trimballer tout nu commence doucement à me peser, songea-t-il.

J'ai l'impression d'être bien trop vulnérable. Même si ce n'est pas un t-shirt et un short qui arrêteraient un coup de griffe monstrueux, je serais certainement plus à l'aise avec au moins un caleçon.

Il essayait de se distraire avec ces pensées légères, mais au fond, il savait que la situation était critique.

Il était seul, sans protection, sur une lune étrange où tout semblait décalé, comme dans un rêve déroutant.

Maudissant silencieusement le Zéphyr de l'avoir privé d'habits, Iroze faillit passer à côté de quelque chose d'incroyable.

À quelques mètres à sa gauche, une petite flaque d'eau attirait son attention, alimentée par quelques gouttelettes qui semblaient apparaître de nulle part, suspendues à environ un mètre du sol.

C'était si inattendu qu'Iroze en resta bouche bée.

Je deviens vraiment fou alors.

Là, sous ses yeux, de l'eau, ressource vitale, indispensable, apparaissait de nulle part. Juste au moment où il commençait à se demander comment il allait survivre.

Alors là, c'est mort, c'est forcément empoisonné. Depuis quand le monde me tend des perches pareilles ?

Malgré ses doutes, la curiosité et surtout la soif prirent le dessus.

Il s'approcha prudemment de la source magique, fixant les gouttelettes avec fascination.

À peine sa main effleura-t-elle l'eau que le flux se coupa brusquement.

Putain ! Qu'est-ce que j'ai fait !

Il recula, le cœur battant, craignant d'avoir fait disparaître la seule source d'eau qu'il avait trouvée.

Mais avant même qu'il ait le temps de paniquer, le filet d'eau reprit son cours, comme si rien ne s'était passé.

O-ouf…

Iroze décida de ne plus toucher à l'eau et de simplement l'observer, essayant de comprendre ce phénomène étrange.

Après plusieurs minutes passées à scruter la petite source, il conclut qu'il n'y avait aucun schéma prévisible dans les arrêts et reprises du flux.

C'était comme si l'eau apparaissait et disparaissait à son bon vouloir, sans raison apparente.

La seule constante qu'il avait remarquée était qu'à chaque fois qu'il entrait en contact avec le liquide, la source se coupait aussitôt, s'évaporant dans les airs, ne laissant derrière elle que la petite flaque au sol.

Ayant grandi sur une île isolée, Iroze savait qu'on ne pouvait jamais prendre l'eau potable pour acquise.

Sans attendre plus longtemps, il forma un bol avec ses mains et les approcha de la flaque pour les remplir, puis porta l'eau à ses lèvres.

C'est bien de l'eau. Sauvé ! Si ce truc apparaît ici tous les jours, ça me fait un souci en moins !

Il ne prit même pas conscience qu'il s'était déjà résigné à passer plusieurs jours ici, sur cette lune étrange.

L'eau fraîche lui procura un réconfort inattendu, un petit moment de soulagement au milieu de cette situation surréaliste.

Ça fait sérieusement du bien. Vive l'eau et les robinets magiques ! pensa-t-il, un sourire involontaire éclairant son visage.

Mais bien que cette découverte ait été une bénédiction, elle ne résolvait qu'une partie de ses problèmes.

Maintenant, il avait de l'eau, mais il lui manquait encore de la nourriture et, surtout, un moyen de quitter cet endroit.