Lorsqu'il ouvrit les yeux, Adrien fut tout d'abord surpris de ne pas reconnaître sa chambre, puis une odeur florale lui chatouilla les narines et il baissa la tête. Eowyn était lovée contre lui. Il soupira d'aise et la jeune femme battit des paupières.
— Je ne voulais pas te réveiller, murmura-t-il doucement. Je suis désolé.
— Ne le sois pas, j'aime me réveiller dans tes bras, chuchota-t-elle en réponse.
— Bien dormi ? Répondit-il en souriant.
— Comme un loir ! Et toi ?
— Idem, tu es mon attrape-rêve ! répondit Adrien en l'embrassant.
Soudain, le carillon qui servait de réveil à Eowyn retentit. Elle soupira en se dégageant des bras de son petit ami et stoppa le mouvement de l'objet d'un geste de la main.
— On dirait que c'est l'heure de se lever, dit Adrien en faisant la moue.
— Oui, fit Eowyn avant de le regarder, un peu gênée. Tu … Tu veux prendre ta douche ici ?
Il hésita avant secouer la tête.
— Je n'ai pas d'habits propres avec moi. Il faudrait que je sorte en serviette et je ne suis pas sûr de vouloir croiser Jo dans cette tenue. J'en aurai pour une éternité de vannes.
— Au moins ! Tu as raison. Il faudra que tu laisses un ou deux vêtements ici dans ce cas… lui dit-elle aussi rouge que le pull qu'elle portait.
— Tu es en train de me proposer de dormir ici certains soirs ? Lui demanda Adrien avec un sourire en coin.
— Oui… et c'est pas facile quand tu te moques ouvertement de moi, se plaignit-elle, croisant les bras sur sa poitrine.
— Je ne me moque pas, affirma-t-il en lui décroisant les bras. Je pense juste que l'on va peut-être un peu trop vite.
— C'est non, alors ? murmura-t-elle dans un souffle, l'air déçu.
— Laissons juste les choses se faire naturellement.
Tout en lui répondant, il prit son visage en coupe et lui embrassa le front.
— Je veux pouvoir apprécier chaque nouvelle expérience avec toi. Et… je crois que je ne suis pas prêt à…., finit-il par avouer en se frottant la nuque nerveusement.
— Je comprends, le coupa Eowyn en souriant et en le prenant dans ses bras.
De longues secondes s'écoulèrent dans un silence confortable. Puis Eowyn lui glissa à l'oreille :
— Je pense que tu devrais parler à ta grand-mère.
Adrien se redressa, surpris.
— Je croyais que c'était trop dangereux pour moi !
— Je me suis souvenue d'une pratique de mon maître durant la nuit. Il appelait cela « l'ancrage ». Cela me permettait de me laisser aller à mes visions, mais en les partageant avec lui. Dès qu'il pensait que je commençais à … « m'égarer », il m'en sortait avec un sortilège de déconnexion.
— Tu veux faire la même chose avec moi ?
— Oui, si tu es d'accord.
— Ça consiste en quoi ?
— C'est un partage, temporaire et partiel, de don.
— Tu serais un peu … médium pendant l'expérience… ce qui te permettrait de voir et de communiquer avec ma grand-mère tout en étant moins impliquée que moi, commença Adrien.
— Et donc, il me serait possible de te forcer à arrêter l'expérience en cas de nécessité, compléta Eowyn en acquiesçant.
— Comme un freinage d'urgence dans un train.
— C'est tout à fait cela !
Il réfléchit un instant, en fronçant les sourcils, puis son visage s'éclaira.
— D'accord ! On va essayer ! Je suis heureux, que tu me laisses tenter l'expérience.
— Je suis heureuse d'avoir trouvé un moyen de t'aider en te protégeant.
***
Un sifflet accueilli la sortie d'Adrien de la chambre d'Eowyn. Jonathan était aux aguets, au grand dam du jeune homme, qui se félicita de ne pas être sorti en serviette de la pièce. Il se dépêcha de rejoindre ses pénates et de se rendre sous la douche.
L'eau chaude coulait sur sa peau, puis elle devint tout à coup fraîche et la lumière s'éteint. Non, à dire vrai, il faisait nuit et il pleuvait. Qu'est-ce qu'il faisait dehors, en pleine forêt ? Les bruits lugubres de ses habitants nocturnes semblaient se répercuter sur les troncs d'arbres. Il était perdu, le chemin avait disparu sous ses pieds couverts de boue et de mousse. Sa robe était trempée et son collant filé.
Il repoussa une mèche de cheveux de son visage et croisa les bras autour de sa poitrine. Le froid la saisit quand elle entendit des bruits de pas derrière elle. Il l'avait suivie. Elle croyait l'avoir semé en se dirigeant le plus loin possible de toute civilisation, mais il avait réussi à la retrouver. Un éclair vert passa devant ses yeux et elle sursauta. Qu'est-ce que c'était ?! Elle n'avait pas le temps de trouver la réponse à sa question, l'inconnu se rapprochait, elle devait trouver une cachette. Plus loin, elle repéra un gros rocher gravé avec de nombreux symboles. Elle courut dans sa direction et se recroquevilla derrière. Les pas se rapprochaient. Elle serra dans sa main, le retourneur de temps passé autour de son cou.
— Je sais où tu te caches ! cracha une voix rocailleuse. Sors de là !
La panique la reprit. Non, non… Elle ne devait pas céder à la peur.
— Sors de là-dessous Adrien ! Tu ne vas pas t'en tirer comme cela ! J'ai plein de questions à te poser !
La voix était différente, plus amicale que menaçante. À la réflexion, l'eau était à nouveau chaude et la main du jeune homme serrait la pomme de douche. Où était le retourneur de temps ? Sa robe ? Il secoua la tête. Ah oui ! Il ne portait jamais de robe… Il était Adrien… Il était sous la douche… et, vraisemblablement, il venait de vivre un nouveau rêve éveillé !
Cette fois, il avait au moins réussi à ne pas tomber à terre. Jonathan continuait de tambouriner à sa porte. Adrien aurait dû être agacé, mais en vérité, il semblait que l'activité de son ami ait réussi à le faire sortir de son rêve et il lui en était reconnaissant. Attrapant une serviette, il la noua autour de la taille et entrouvrit la porte de sa chambre.
— Jo ! s'exclama Adrien, mi-agacé, mi-amusé.
— Eh ben, tu daignes enfin répondre !
— Arrête de taper la porte où tu devras changer une nouvelle serrure ! Entre, plutôt !
Le grand gaillard fit quelques pas dans la pièce avant de se coucher en travers du lit, bras derrière la tête. Adrien claqua sa langue contre son palais.
— Que veux-tu savoir ?
— À ton avis ?! soupira exagérément Jonathan. Rien de croustillant à me dire sur ta nuit de réconciliation avec ta chérie ?
Il haussa plusieurs fois, dans un geste théâtral ses sourcils de façon suggestive. Malgré lui, Adrien rigola.
— Qu'est-ce que tu vas t'imaginer !? Il ne s'est rien passé, mis à part une succession de câlins tout ce qu'il y a de chastes.
— Pourquoi ? Elle voulait pas ? s'étonna Jonathan.
— Non, ça ne s'est juste pas produit.
— Pourquoi t'en as pas profité ?
— Mais j'en ai profité ! C'était très agréable !
— Il y a d'autres choses tout aussi agréables, voir plus, à faire à deux… suggéra le colosse.
— Tu es impossible… et j'ignore si c'est plus agréable, mais en tout cas, moi ça m'a suffi hier soir.
— Tu es d'un prude ! … Attends ! Tu veux dire que tu ne l'as jamais fait ?!
Adrien passa sa main sur sa nuque. Décidément, ça allait devenir un vrai tic s'il continuait d'accumuler les situations gênantes.
— Non, aucune fille ne m'a jamais intéressée de cette façon.
— Un mec ? fit Jonathan en haussant un sourcil.
— Si c'était le cas, tu me ficherais la paix ? souffla Adrien.
— Même pas en rêve !
— Tant pis, j'aurais essayé ! Sérieusement, Jo tu viens de me sauver la mise, j'étais en plein rêve éveillé !
Jonathan le fixa sans répondre, détaillant sa tête, l'air inquiet.
— Je ne suis pas tombé cette fois, mais je crois qu'il devient urgent que l'on résolve cette affaire.
— C'est une certitude ! Qu'as-tu appris de neuf ?
Adrien lui détailla son rêve. Son ami tiqua lorsqu'il lui parla du rocher couvert de symboles. Quand il demanda pourquoi, Jonathan lui expliqua qu'il n'était pas conseillé de s'approcher de trop près de ce genre de structure sans en avoir préalablement traduit les symboles, ce que ne semblait pas avoir fait sa grand-mère. Adrien s'habilla en vitesse et il raconta aux quatre autres colocataires son rêve. Lorsqu'Eowyn lui demanda de décrire les symboles, il en fut incapable et elle fit la moue, un peu déçue.
Ils repoussèrent les meubles du salon et tracèrent un grand cercle à la craie sur le sol. Des bougies blanches furent installées, puis allumée le long du cercle. Eowyn et Adrien s'étaient assis en tailleur à l'intérieur de celui-ci et se tenaient la main, paupières closes. Elle récita dans un murmure :
« Ce qui est à toi est à moi,
Ce que tu prêtes, je le reçois
Sans aucune appréhension.
J'observe avec attention
Et interviens avec raison.
Écoute mes conseils, suis ma voix
Tiens ma main et serre mes doigts.
Si tu t'égares sur la route, cherche-moi
Et je trouverai le chemin jusqu'à toi. »
Une douce énergie se diffusa dans les doigts d'Adrien et il sentit, plus encore qu'auparavant, la présence d'Eowyn à ses côtés. Alors, il récita à son tour l'incantation que la jeune femme lui avait appris juste avant :
« Viens à moi, esprit du passé.
Viens à moi, grand-mère adorée.
Entends mes paroles, écoute ma voix,
Discutons tout comme autrefois. »
Il répéta ainsi une fois, puis deux… Inlassablement, il récitait l'incantation. Il commençait à perdre espoir quand un courant d'air le stoppa dans sa litanie. Lorsqu'il ouvrit les yeux, sa grand-mère, du moins son visage translucide flottant dans l'air, se tenait à un mètre de lui. Il serra la main d'Eowyn qui ouvrit les yeux à son tour.
— Grand-mère ?
Le visage s'inclina sans prononcer une parole.
— Tu ne peux pas parler ?
Le visage secoua la tête.
— Tu te souviens de moi ?
Un sourire lui répondit. Il humecta ses lèvres avant de lui avouer :
— Cela fait peu de temps que je connais Valinor, mais la magie fait partie de ma vie depuis quatre ans. Ça n'a pas été facile tous les jours, je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait.
Le regard de sa grand-mère s'assombrit. La tristesse se lisait sur son visage.
— J'aurais tellement aimé apprendre à te connaître. On aurait pu partager tellement de choses, même si en ce moment, j'ai l'impression de passer de plus en plus de temps dans ta tête.
Sabrina fronça les sourcils, intriguée.
— Tu vois, j'ai trouvé un de tes carnets.
Il le souleva pour lui montrer.
— J'ai réussi à faire apparaître ton écriture, mais je ne parle pas latin. Heureusement, Eowyn m'aide à le traduire. J'espère que tu ne m'en veux pas.
La vieille dame secoua la tête, avec un sourire.
— Le problème, c'est que j'ai commencé à partir de ce moment-là à faire des rêves très étranges. Des rêves où j'étais… Toi. D'abord dans une maison avec une porte secouée, un vase qui tombe, de l'eau qui coule le long d'une fissure. Et puis aujourd'hui, j'ai rêvé que j'étais dans la forêt et que l'on te poursuivait. J'ai dans l'idée que tu sais de quoi il s'agit.
Le visage de Sabrina exprimait désormais l'inquiétude mêlée d'effroi.
— Je vais bien, je suis tombé une fois dans les vapes, mais heureusement, mes amis étaient près de moi. Est-ce que la personne qui te poursuivait en voulait au coffret ?
Sabrina hésita.
— Est-ce qu'il en voulait à la clef et à ce qu'elle ouvre.
Cette fois-ci, elle hocha la tête vigoureusement.
— Est-ce que le retourneur de temps permet de retrouver le coffret ?
Elle secoua la tête.
— Il permet de retrouver l'endroit ouvert par la clef.
Elle lui sourit, l'air satisfait. Adrien sentit Eowyn lui presser les doigts. Il la regarda et s'aperçut qu'il était allongé. Sa tête lui parut très lourde tout à coup et il perçut de très loin une voix, sa voix l'appeler. Il se força à se concentrer sur elle et progressivement l'entendit plus clairement. Il battit des paupières et se redressa en ayant la sensation d'être passé sous un rouleau compresseur.
— Ça va Adrien ? demanda Eowyn, l'air inquiet. Je suis désolée d'être intervenue, mais tu semblais être près de perdre connaissance. Dès que le courant d'air est entré dans la pièce tu as dodeliné de la tête et tu as fini par t'allonger. Au début, tu bougeais beaucoup la tête et j'entendais distinctement tes paroles et puis tes lèvres ont continué à bouger, mais on t'entendait à peine respirer.
— Je ne m'en étais pas rendu compte.
— Tu as pu parler à ta grand-mère ?
— Oui et j'ai dans l'idée que cette histoire est plus compliquée qu'elle n'y paraissait de prime abord.
— Génial ! grommela Jonathan. Encore des pièges et des personnes qui vont en vouloir à notre vie, à tous les coups !
Adrien récapitula tout ce qu'il avait appris. Finalement, Eowyn n'avait pas vu sa grand-mère. L'ancrage n'avait pas aussi bien fonctionné qu'ils ne l'avaient prévu. Eowyn mettait cela sur le compte de son inexpérience. Mais tous étaient rassurés par le fait qu'elle ait pu, malgré tout interrompre à tout moment la communication entre Adrien et l'esprit. Celui-ci avait effectivement semblé amical et la jeune femme fut soulagée d'apprendre que Sabrina n'avait pas cherché à le blesser.
Le fait qu'elle n'ait pas pu parler compliquait la tâche des six amis, mais elle avait au moins répondu à une question primordiale. Ce coffret qu'elle avait caché renfermait une clef. Cette clef ouvrait une cachette et celle-ci ne pouvait être trouvée qu'avec le retourneur de temps. Le voleur avait le retourneur de temps, mais pas forcément le coffret et donc la clef.
Encore fallait-il qu'il sache se servir du retourneur de temps pour retrouver la cachette. Or, c'était un objet rare et peu étudié. Peu de personnes savaient s'en servir. Peut-être que le voleur en savait aussi peu que les auteurs des ouvrages parcourus par Jonathan et Mark quelques heures plus tôt. D'ailleurs, cela donna une idée à Jonathan. Peut-être que le voleur s'était renseigné sur les retourneurs de temps de la même façon qu'eux. Il suffisait de savoir qui avait emprunté les ouvrages en dernier.
Pendant que lui et Mark se renseignaient, Katherine et Yohan repéraient sur une carte l'ancien lieu de travail de Sabrina. Eowyn et Adrien, eux, cherchaient la localisation de la maison de la vieille dame. Cette maison avait été surnommée « Automne House » à cause des arbustes aux feuilles dorées qui poussaient dans son jardin attenant.
Ils décidèrent d'aller faire un tour à l'ancien local des objets trouvés. Il se trouvait au beau milieu du quartier des affaires de la Cité Blanche. La plupart des commerces autour étaient récents, aussi, les commerçants ne purent pas leur apprendre beaucoup d'informations intéressantes pour leur enquête, mis à part peut-être une. Et quelle information !
À peu près à la même époque que la découverte du retourneur de temps, soit le 21 juillet 1961, le patron de Sabrina fut porté disparu. Il ne fut jamais revu et son corps ne fut jamais retrouvé. Sabrina continua à travailler au bureau, jusqu'à ce que, sans nouvelle de son patron, elle demanda à prendre la responsabilité de l'agence, demande qui lui fut accordée. Elle y resta en poste jusqu'à sa retraite quelques années avant sa mort.
Une enquête fut ouverte pour la disparition de son patron, mais fut classée sans suite, faute d'éléments. Lors du déménagement de l'agence des objets trouvés, il n'y eut aucune mention du retourneur de temps. Les six amis en déduisirent qu'elle avait caché le retourneur de temps à peu près au moment de sa découverte, ou, au moins, avant sa retraite.
Les six amis se trouvaient désormais devant Automne House. C'était une grande bâtisse ressemblant à un manoir. Elle semblait en excellent état, grâce à la magie de son concepteur. En effet, comme lui avait révélé Yohan quelques jours plus tôt, les bâtiments sont protégés par divers sortilèges : anti-incendie, anti-moisissure et même anti-douleur et anti-biotique pour les hôpitaux…
Ces deux derniers sortilèges permettaient d'éviter de se faire mal quand on se cognait aux murs et d'éliminer les bactéries du sol sans avoir à passer la serpillière. C'était ultra-pratique et avait le mérite d'expliquer l'absence étonnante de produits ménagers dans la cuisine de leur maison ou dans les salles de bain. La panière à linges était un des objets qu'Adrien trouvait le plus pratique. Il lui suffisait de placer son linge sale dans la panière pour qu'il le retrouve propre le lendemain.
— Personne n'a pénétré ici depuis sa mort, annonça Katherine. Ouvre la porte Adrien.
— Personne ne veut le faire à ma place ? fit le jeune homme avec une petite moue.
Pénétrer chez sa grand-mère sans avoir eu son autorisation le gênait quelque peu.
— C'est surtout que personne ne peut le faire à ta place mon cher, ricana Jonathan. Seul l'héritier peut ouvrir la porte d'une demeure lorsque le précédent occupant n'est plus de ce monde.
— Attends ! Tu veux dire que c'est ma maison, s'exclama Adrien, stupéfait.
— Oui, acquiesça Eowyn, puisque tu es son unique héritier à pratiquer la magie.
L'héritier en question avala une grande goulée d'air et actionna la poignée de la porte d'entrée. Tous les six entrèrent et Katherine referma la porte derrière eux. Ils ouvrirent les volets des pièces inférieures avant de les explorer.
— Que cherche-t-on à trouver à l'intérieur ? demanda Adrien après un moment.
— Un indice sur ce très vieux coffret, répondit Eowyn.
— Tu veux dire, un coffret comme celui-ci ? demanda Jonathan en désignant un coffret métallique très anciens et très ouvragé. Il était en excellent état malgré la patine de l'extérieur, aucune trace de rouille n'était visible et tout laissait supposer qu'il s'ouvrait et se fermait parfaitement.
Adrien prit le coffret dans ses mains et des tambourinements à la porte le firent sursauter. Il regarda autour de lui, pour chercher l'origine du bruit et il s'aperçut en ce faisant que ses amis avaient disparu. Il regarda à nouveau le coffret dans sa main, celui-ci paraissait moins ancien que précédemment. La porte craquait sous les assauts des coups de poing et d'épaules.
Les mains frêles d'Adrien tremblaient et le contenu du coffret faisait du bruit. Elle l'ouvrit, prit la petite clef de cuivre et regarda tout autour d'elle. Un coup plus violent que les autres la fit se retourner brusquement et le vase à proximité se renversa. L'eau coulait sur le parquet, s'infiltrant sous les lattes de chêne.
L'une d'entre elle était légèrement surélevée. Sabrina tira sur la latte et libéra un espace suffisamment grand pour y glisser la clef. Elle repoussa ensuite la latte. Tournant la tête vers la fenêtre, elle se précipita pour l'ouvrit, emportant avec elle le coffret. La chute du premier étage fut rude, mais pas autant qu'elle le pensait. L'adrénaline imprégnait son corps et elle ne sentit qu'une vague douleur lorsque ses pieds touchèrent brutalement le sol. Elle se mit alors à courir. Elle entendait des pas lourds derrière elle. Il ne fallait pas ralentir l'allure. Son poursuivant l'appelait.
— Adrien ! Adrien !!! criait une femme affolée.
Brusquement le jeune homme reconnu la voix d'Eowyn et ouvrit les yeux, rencontrant en même temps le regard inquiet de sa petite amie. Il lut une lueur de soulagement lorsqu'elle comprit qu'il avait repris contact avec la réalité.
— Content d'être de retour parmi vous les amis !
— Flippant à ce point ? demanda Mark.
— Pire encore ! Mais j'ai une bonne nouvelle : je crois savoir où se trouve la clef qui était dans ce coffret.
Tous étaient suspendus à ses lèvres.
— Chez un homme qui voulait le coffret, sous une latte du plancher. Elle l'a cachée et a fait diversion en emportant le coffret vide.
— Il y a une faille dans ton raisonnement, intervint Jonathan. Pourquoi aurait-elle été chez une personne qui lui voulait du mal ?
— Pour lui rendre ce qui lui appartenait, murmura Katherine.
— Quoi ? s'étonna Mark.
— Elle se rendait chez les gens pour leur rendre leurs objets, expliqua Katherine. La joie de ne pas avoir de téléphone dans ce monde. Elle aurait pu employer la poste, mais elle aimait voir la joie sur le visage des personnes quand il retrouvait leurs trésors. C'est ce que nous a expliqué la commerçante que l'on a rencontrée avec Yohan.
— Elle se serait rendu chez un homme, pour lui rendre le coffret et le retourneur de temps, mais il s'est passé quelque chose qui l'a fait changer d'avis et l'a convaincue de ne pas rendre ces objets, au risque de la mettre en danger, conclut Yohan.
— Mais pourquoi prendre de tels risques ? s'étonna Adrien.
— Ce qui est caché doit en être la raison, avança Eowyn. Elle ne voulait pas que ce « quelque chose » tombe entre de mauvaises mains.
— Mais l'homme a vu qu'elle avait cet objet, objecta Adrien. Il a dû se passer quelque chose à l'intérieur de la maison du voleur, qui l'a convaincue de ne pas lui remettre et de s'enfuir.
— Je ne vois qu'une façon de s'en assurer, affirma Mark.
— Je sens que je ne vais pas aimer la suite… murmura Jonathan.
— Il faut se rendre chez l'ancien propriétaire du coffret, continua Mark.
— Qu'est-ce que je disais… soupira le colosse.
— À ce propos, voici une photographie de l'homme qu'elle a visité d'après les archives. Il ne vous rappelle pas quelqu'un ?
Yohan tendit alors une photo en sépia à Adrien. Un homme au visage mince et nez aquilin fixait l'objectif d'un regard perçant. Ses joues creusées et son front dégarni lui donnaient un faux air de rapace. Il semblait assez fluet et relativement petit
— Il ressemble à la description du voleur donné par la reine des fées. J'avais raison alors ! C'est bien chez le voleur qu'elle a caché la clef.
— Minute papillon ! fit Jonathan. Vous ne croyez pas que ça va faire un peu suspect si on se rend chez ce type en tant que gardien. Pas sûr qu'il nous laisse entrer sans papier officiel d'enquête, surtout s'il trempe dans quelque chose d'illégal.
— C'est pour cela que l'on va ruser… lui répondit en souriant Mark. Tu m'as déjà dit que tu rêvais d'être comédien… C'est l'occasion de nous montrer tes talents mon cher.