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Quelque part sur l'île, au travers des bois, une vieille femme était en train de s'enfuir du mieux qu'elle pouvait.
Le sol gorgé d'eau et les nombreux obstacles sur son chemin n'arrêtaient pas de la faire trébucher, pourtant, elle se relevait toujours, continuant sa course de façon désespérée et pathétique.
Elle faisait de son mieux pour aller toujours le plus vite et le plus loin possible, jetant de temps en temps, un regard apeuré derrière elle.
Rien !
Elle ne voyait personne à sa poursuite, pourtant une pression invisible reposait sur elle, comme si peu importe ses efforts et son abnégation, elle ne pourrait pas échapper à ses griffes, s'enfonçant toujours plus dans l'étreinte de la mort qui venait après elle.
Percer !
D'abord, un son aigu parvint à ses oreilles, puis une vive douleur à sa cuisse gauche, la faisant s'effondrer sur le sol boueux.
Portant son regard sur la source de sa douleur, elle vit une lance s'étant fait un chemin à travers sa cuisse.
Elle saignait abondamment et était devenue incapable de se relever.
TAP TAP TAP
C'est alors qu'elle entendit des bruits de pas venant dans son dos, se rapprochant toujours plus… À un rythme régulier.
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<< Ne t'approche pas de moi, démon… Non, je ne veux pas mourir ! »
Son angoisse et sa peur étaient à leur paroxysme…
Elle se débattait, essayant de s'éloigner en rampant, mais elle ne partit pas bien loin quand son bourreau la rattrapa.
Les rayons de soleil passèrent au travers des interstices laisser par les arbres, nous dévoilons les visages des personnes présentes.
D'un côté, l'on avait une vieille femme à bout de souffle, à la respiration saccadée, ayant des yeux noirs tremblant d'effroi devant son bourreau alors que sa mâchoire était serré de rage.
... C'était la prêtresse Koha !
De l'autre, on avait un jeune garçon au tempérament unique et à la beauté invraisemblable, on pourrait même le confondre à une femme magnifique.
… C'était Habel !
Ses yeux d'un violet sombre observant la prêtresse étaient froid et sans aucune chaleur alors qu'il retirait la lance enfoncé dans la cuisse de la prêtresse Koha.
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<< Hahaha, tu es finalement venu pour moi, espèce de démon. Après ton aka, c'est mon tour n'est ce pas ? »
''…''
<< Héhéhé, je suis vraiment malchanceuse. Dire que je n'ai pas réussi à te tuer quand tu étais encore dans le ventre de ta Koma. Tu étais censé mourir avec elle lors de l'accouchement, j'avais tout fait pour que ça se passe ainsi…. Elle n'aurait pas dû mourir seule ! Pourquoi as-tu survécu ? Pourquoi es-tu toujours vivant ?'' cria t'elle de rage.
<< Tout ça c'est de la faute de Maha ! C'est de sa faute ! Cette salope m'a trahie ! Elle m'a volée mon ieruk ! Elle savait que je rêvais d'épouser un ieruk depuis petite, c'était ma meilleure amie, elle le savait ! Quand ce ieruk est arrivé sur Hallguna, elle savait que j'étais amoureuse de lui, alors pourquoi, pourquoi derrière mon dos a-t-elle portée son enfant ? Pourquoi ? Pourquoi ??!! »
''…''
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Vidant complètement son sac, Koha avait dit tous ceux qui l'avait pesé sur le cœur durant toutes ces années.
Habel n'avait pas interrompu son hystérie, se contentant de l'observer.
Quand elle finit, il sortit un poignard et le Jeta à côté d'elle.
<< Même si je n'apprécie pas particulièrement Hayak, lui et moi restons demi-frère et je ne tiens pas à avoir le sang de sa komi sur les mains. Après ce que tu as fait, sacrifiant la vie de tant de gens durant toutes ces années, beaucoup de gens te veulent morte et déshonorée pour l'éternité. C'est pourquoi s'il te reste la plus petite parcelle d'amour pour Hayak et son futur, tu sais ce qu'il te reste à faire.''
Après ces mots, Habel s'en alla, laissant la prêtresse Koha seule dans les bois.
Après avoir hésité un moment, et verser toutes les larmes de son corps asséché…
Elle mit fin à sa vie…
****
Cela faisait deux semaines depuis la révolution…
Une nouvelle ère soufflait sur Hallguna…
Les réparations des cases détruites étaient en train d'être reconstruite en bois, avec tout le monde travaillant main dans la main.
Les règles instaurées par l'Idykachi avaient été aboli.
Faisant disparaître la notion d'argent, ainsi que la division des classes, ramenant les notions d'égalité et d'entraide qui avaient toujours été au cœur des principes des Hall.
Selon les rites et coutumes du village, les enterrements de tous les morts de cette journée tragique avaient aussi été effectués trois jours après.
Les petits des serans avaient également été relâchés, mettant définitivement un terme aux attaques des ces derniers après les avoir longtemps repoussés grâce à la solution nauséabonde.
La vie de Silha et de l'enfant qu'elle portait étaient désormais hors de danger, au grand bonheur de sa Koma.
Hajim avait été vengé et depuis, il n'avait cessé de boire et de célébrer en commémoration de son fils perdu.
Désormais, c'était le conseil des anciens qui dirigeait le village en attendant que le futur Kachi soit prêt à prendre le pouvoir.
À la surprise générale, c'était Hayak qui allait devenir le prochain Kachi et non, Habel, comme le pensaient tous les Hall.
Le rituel initiatique avait été suspendu et reporté, faisant en sorte que tout le monde rentre au village.
Hayak avait été inconsolable, sa grand-mère avait été découverte morte dans les bois.
Après sa mère, il perdait alors son dernier soutien émotionnel qu'était sa grand-mère Koha.
Le conseil des anciens infligea une punition sévère à Milkha et Halzir, forcé aux travaux d'intérêt généraux pour les trois prochaines années.
Hamdall, injustement puni, fut gracié…
Il pouvait enfin vivre en paix avec ses filles après l'avoir tant souhaité durant des années de souffrance dans la forêt sombre.
Quelque part dans le village, au fond d'un puits, Hadan, relevé de son rôle d'Idykachi, était désormais prisonnier, attendant son exécution qui allait avoir lieu dans quelques heures.
C'est alors que le couvercle du puits fut retiré, faisant apparaître le visage de Habel.
Voyant de qui il s'agissait, Hadan demanda : << Es-tu venu contempler mes derniers instants ?''
''…''
<< Je plaisantais… Tu n'es pas une personne sentimentale. Tu as des questions n'est ce pas ? Tu peux les poser, je répondrai à tout…''
C'est alors que Habel parla : << Pourquoi avez-vous décidé de faire de moi un sacrifice alors que je ne vous avais jamais montré aucun réel signe d'hostilité ?''
Souriant, Hadan répondit : << C'est parce que nous sommes trop similaires que j'ai demandé ton élimination. Dans ton regard brillait une forte ambition, le même genre que j'avais à ton âge. Quand on se sait exceptionnel, il est impossible que l'on baisse la tête devant qui que ce soit et pour preuve, tu m'as rejeté tant de fois en refusant de venir sous ma tutelle. Je savais qu'un jour, tu viendrais pour ma tête comme je l'avais fait en mon temps… Malheureusement, je ne pensais pas que tu viendrais si tôt.''
Après cette réponse, un long silence plana entre eux.
C'est Habel qui brisa le silence.
<< … Sachez que je ne vous ai jamais détesté et que je n'ai jamais eu l'intention de vous tuer. La seule chose que je voulais, c'est que vous ne soyez plus l'Idykachi… À cause de vos règles, vous étiez devenu une gêne. Malheureusement, les choses ont évolué dans le mauvais sens pour vous. Il est désormais impossible que vous survivez, beaucoup trop de gens veulent votre mort.''
<< Je vois… Tu es encore trop tendre, Habel. Dans le futur, tu ferais mieux d'éliminer tes adversaires pour éviter tout risque que les problèmes ne prennent davantage plus de proportions.'' Conseilla Hadan.
<< Je m'en souviendrai…
<< J'ai une dernière question, avez-vous déjà pleuré la mort d'un proche ? »
<< Hum… C'est une bonne question. Laisse-moi réfléchir… Non… Jamais.
<< Tout ceux que j'ai vu mourir n'ont pas provoquer la moindre larme chez moi. Mais il y a bien une fois que je me suis sentie triste… C'était à la mort de Mirha, ta koma. À sa mort, j'avais le cœur serré et je ne sais pas jusqu'à ce jour la véritable raison pour laquelle j'étais triste… Est-ce parce que j'avais perdu tout lien avec ton aki avec sa mort ? Ou alors tout simplement parce qu'à force de passer du temps avec elle et de voir constamment son sourire chaleureux, j'avais fini par l'aimer ?
<< Peu importe la réponse aujourd'hui, cela n'a plus grande importance. Mais si je pense à un moment où je finirai par pleurer, ce serait juste avant ma mort. Ce moment où je me rendrais compte que je ne pourrai jamais réaliser mes rêves.
<< Malgré ma situation déplorable, je n'ai toujours pas l'impression que tout est fini, ce sera certainement au dernier moment que je vais l'accepter…
<< Après tout, pour toi comme pour moi, ce n'est que quand nos rêves deviendront inaccessibles, que nous pleurerons.''
À cela, Habel répondit alors qu'il refermait le puits : << Dans ce cas, je ne verserai jamais une seule larme… Car je n'échouerai pas dans la quête vers mon rêve… Adieu père.''
Avec un sourire paisible sur les lèvres, Hadan dit : << Je te souhaite de réussir Habel… Adieu fils.''
Quelques heures plus tard, après avoir été jugé et désigné coupable pour de nombreux crimes, il fut condamné à mort par le conseil des anciens.
Ainsi, devant une foule de Hall, Hadan fut exécuté sous les acclamations de l'entièreté du peuple Hall.
Sous le regard attentif de Habel, au moment où la hache s'abattit…
… Hadan pleura.